My life, My rules
Lun 29 Mar 2021 - 13:49
Combative Optimiste Rusée Décontractée Sûre Déloyale Inconsciente Malpolie Révoltée Impulsive | J’ai un couteau à cran que j’ai récupéré à un de mes cousins quand il est décédé et une matraque de policier rétractable hyper pratique que j’ai volé à des cons. J’range mes trucs dans un vieux sac à dos auquel j’accroche ma planche de skate. Ma dernière acquisition, j’aime bien en faire quand y a des bouts d’bitume pas trop chiés. J’ai l’air d’une gosse de 15 ans. Le visage rond, les cheveux en bataille tout ça. D’ailleurs quand je peux, j’les tiens courts ceux-là. Même avant la fin du monde moderne. Ma mère aurait sans doute préféré que je les aie longs, comme toutes les autres filles, mais moi je voulais pas. Je trouvais ça plus pratique et j’ai toujours été un peu garçon manqué de toute façon. Mes cheveux sont genre brun. L’hiver quand y a moins de soleil, j’perds les reflets plus pâles, alors que l’été ça revient. Pasionnant hein ? J’ai les yeux d’mon père apparemment. J’veux dire oui, ils sont de la même couleur et tout, un brun super foncé, mais ma famille disait qu’ils ressemblaient à ceux de mon père parce qu’ils étaient aussi expressifs que les siens. Deux grandes fenêtres directes sur le fond de ma pensée. Forcément j’suis pas très grande. J’me demande même si toute cette merde de fin du monde va pas m’empêcher d’atteindre la taille que j’aurais dû avoir. Tous ces efforts physiques et le manque de bouffe, me semble que j’ai entendu une mamie raconter ça dans un des camps dans lequel j’ai atterrie une fois. Par curiosité, j’ai trouvé un ruban à mesurer et une balance dans une maison crados une fois. Aux dernières nouvelles j’faisais 1m52 et 40kg. J’sais pas trop si c’est bien ou pas, mais quand j’vois ces grandes gazelles, j’me dis que j’espère que M’dame puberté en a encore un peu dans l’sac pour moi. Faut pas trop me plaindre j’imagine, j’me faufile facilement partout et j’trouve pas mal de fringues qui me font. Y a pas beaucoup de monde qui vont se battre pour ce genre de tailles là faut dire. Tant mieux pour moi. Du coup, j’chope des fringues de mec, des trucs un peu baggy, des jeans, des chemises à carreaux, des sweats à capuches et tout. Facile de cacher mes armes là-dedans que dans des trucs trop moulants. Sauf que j'avoue, je commence a aimer un peu les skinny et les trucs plus... serrés. |
Vous savez avec quoi j’me fais pas chier non plus ? La politesse. Oh, j’sais dire merci et tout et tout, mais autrement… J’ai appris pas mal de trucs sur les routes et j’adore vraiment sortir les pires trucs qui me passent par la tête pour outrer les âmes sensibles. Les gros jurons ou les trucs salaces. Ouais enfin, ce que j’ai entendu parce que j’y connais pas grand-chose autrement. Pis, faut être honnête, y a pas beaucoup de cons qui méritent qu’on se donne la peine de les prendre avec des pincettes de nos jours. Ok, ok, je l’avoue, j’suis assez impulsive en fait. Je réfléchis pas toujours à l’impact de ce que je dis ou fais. Je fonce ou je parle trop vite. C’est pas ma faute, c’est comme si mon cerveau était sur l’autopilote des fois et que j’savais pas où était le bouton off. Oh ! J’ai pas des absences ou quoi hein ! C’est juste… une façon d’parler.
Mais sinon… J’suis décontractée comme fille hein ! Tranquille le matin, doucement l’aprem comme on dit ! J’suis pas du genre anxieuse ou hyper susceptible. Un peu comme tout le monde, mais j’explose pas pour un rien. J’suis cool, relax et avec tout ce que j’ai vécue, j’suis assez calme en situation de crise. On dirait que j’ai perdu tellement de monde qu’en fait… j’suis plus trop en mode panique. J’pense même en fait que j’suis assez sûre de moi. Non, je le sais. Je sais que je suis plus en contrôle de mes émotions que d’autres, je sais ce que je vaux, je l’ai toujours su. On m’a jamais fait chier quand j’étais morveuse, peut-être bien pour ça. Je dégage une espèce d’aura qui vous dit que je vais vous rigoler au nez si vous essayer de m’insulter, ou un truc du genre. Ça m’atteindra pas. Ça m’atteint toujours pas. J’ai pas peur de dire ce que je pense ou de faire ce que je veux, même si j’suis peut-être un peu inconsciente sur les bords parfois. Vous rappelez quand je vous disais que j’étais un poil impulsive, ouais… J’fais pas gaffe du tout à ce que je fais et je pense jamais aux conséquences. J’ai eu des embrouilles à cause de ça, pas mal… J’me suis blessée, j’ai blessé, j’ai foiré, etc… J’réalise pas toujours dans quelle situation je suis. Ouais, j’mesure pas toujours la conséquence de mes actes.
Au moins, j’suis assez rusée pour me sortir de la merde en général. J’suis assez habile pour me faire passer pour une gosse innocente ou désolée. J’suis assez astucieuse même pour trouver des sorties quand semble pas y en avoir ou pour me débrouiller rapidement de ces putains d’infectés quand je suis face à eux, sans trop y mettre d’effort. C’est sans doute un peu pourquoi j’suis toujours là aujourd’hui. Ça et parce que, j’sais pas, j’me suis fait à ce monde ? J’ai toujours été du genre assez optimiste faut dire, ça a pas changé non plus. J’essaie de trouver le positif dans tout, j’essaie de tirer une leçon des épreuves et tout. Mais faut pas déconner, j’suis foutrement révoltée que le monde est tourné aussi mal. J’avais le droit à une enfance normale moi ! Comme tous ceux avant moi ! Puis d’voir comment les adultes foutent la merde partout, franchement c’est juste injuste que ce soit eux qui doivent mener le monde, avant ou maintenant. J’ai beaucoup de mal avec l’autorité qu’on essaie de m’imposer, j’suis toujours la première à la remettre en question, à faire le contraire de c’qu’on me dit d’faire…
Mes parents se sont rencontrés dans les années 90 qu’ils m’ont déjà racontés. Si j’me souviens bien, ma mère était en vacances sur l’île de Vancouver et mon père y trainait aussi. Le coup d’foudre ou machin… Elle est rentrée à Renton dans l’état de Washington après, mais ils ont continué de correspondre pendant longtemps, puis il a décidé de venir la voir, pis vice versa. Se sont mariés, ma mère à migrer au Canada pour aller vivre avec mon père à Vancouver, la ville, ils se sont mariés et bam ! J’suis arrivée dans ce monde.
J’me souviens qu’on était vachement bien les trois ensembles, mes parents étaient géniaux. Super aimants et ils m’encourageaient toujours, même si ce que je voulais faire était pas classique pour une fille. J’aimais beaucoup le sport, j’avais plus de potes garçons que des filles, j’ai jamais aimé jouer à la poupée et assez vite je demandais une coupe garçonne à ma mère. Elle c’était une réceptionniste dans un centre dentaire et mon père il bossait dans une usine, mais j’me souviens plus pour quoi.
J’me souviens que ça allait à l’école. Enfin assez. J’avais pas d’hyper bonnes notes et je me bagarrais des fois, mais sinon, j’avais pas de soucis et pas mal d’ami(e)s. J’ai jamais eu de crush sur mes petits potes d’école par contre, j’étais peut-être en retard ou pas… qui sait.
J’me souviens qu’on allait souvent voir la famille de ma mère aussi. Les weekends, durant les vacances ou les fêtes. Ils étaient pas loin, moins de quatre heures de bagnole aux US, du coup on était souvent là-bas. J’crois qu’on était moins proche de la famille de mon père. J’ai vraiment moins de souvenirs d’eux. J’ai jamais su pourquoi, en même temps j’étais foutrement trop jeune pour qu’on me parle de ce genre de truc. Mais mes meilleurs souvenirs, c’est avec mes cousins franchement. Les conneries qu’on faisait. J’étais la plus jeune et ça m’empêchait pas de faire des mauvais coups aux plus vieux. J’me souviens une fois, pendant que mon oncle regardait pas, on avait foutu de l’huile de poisson dans ses chaussures. J’vous jure l’odeur ! Déjà qu’ils sentaient pas la rose ses putain d’espadrilles, là c’était horrible !
C’est d’ailleurs lorsqu’on allait les visiter parce que mon grand-père maternel allait pas bien que tout allait vraiment partir en couilles. Si j’avais su, j’aurais emporté plus de mes trucs dans mes valises, mais bon, impossible à 10 ans de savoir qu’on reviendra jamais chez soi.
The End of my Chilhood
J’me souviens pas de grand-chose du tout début. Faut dire que c’est pas à la gamine de 10 ans qu’on va raconter que les gens se bouffaient dans la rue. Que l’armée prenait le contrôle parce que plus personne savait gérer la crise. Qu’aucun adulte dormait tranquille parce que tout ça c’était un truc dingue qui sortait tout droit de films d’horreur. J’me souviens juste que mes cousins et moi on pouvait pas trop trainer avec les adultes, qu’ils préféraient qu’on joue juste à l’intérieur et que mon cousin le plus âgé avait beaucoup changé. J’pense que lui, on l’avait mis au courant. Il avait quoi… 15 ans à l’époque ?
Les jours passaient super lentement, on avait plus de cartoons à la télé, on pouvait plus faire de mauvais coups, on pouvait plus aller dehors… On parlait de gens malades, de soldats et j’ai fait beaucoup de cauchemars quand un de mes cousins s’est mis à dire que les gens morts revenaient à la vie. J’ai dormi avec mes parents à partir de là, j’me souviens que c’était la seule façon pour que je m’endorme. Les semaines ont passé et mes parents on prit la décision de m’expliquer un peu ce qui se passait. Un virus… une maladie. Il fallait pas tomber malade. Il fallait faire gaffe et rester ensemble. L’armée allait réussir à nous sauver. Sauf que les semaines passèrent et on a été transporté dans un camp. On s’est fait vacciner, y manquait d’électricité par moment, j’étais morte de trouille, mais au moins on était en famille ; ma tante et mon oncle, mes deux cousins, mon grand-papa, puis ma mère et mon père. On était dans un Ikea et nous on avait été placé dans l’entrepôt. J’ai quelques souvenirs sympas des mois passés là, on grimpait partout avec mes cousins et on a fait nos meilleures parties de cache-cache, même si nos parents nous ont tellement engueulés après qu’on a plus eu le droit d’en refaire.
Life sucks
J’savais que mon grand-père était super malade, c’est pour ça qu’on était venu aux États-Unis au départ, mais j’pense qu’a 10 ans, on s’imagine pas encore que les gens peuvent mourir. On peut pas trop s'imaginer la vie sans électricité non plus...
Y a eu une épidémie ce printemps-là, beaucoup ont chopé la crève. Mon grand-père étant déjà faible, bah il a été dans le premier à mourir. C’est le premier infecté que j’ai vu aussi. On a eu le temps de pleurer, puis mon père et mon oncle sont allés chercher les soldats. Ça pas été long j’crois, mais mon vieux papy a dû crever pendant la nuit vu la rapidité à laquelle il a rouvert les yeux juste avant que les soldats arrivent. Il s’est jeté sur ma tante et moi j’ai rien compris. Jusqu’à ce que je vois le sang sur son bras et un bout de chair manquant. En état de choc, c’est ma mère qui nous a tirés plus loin mes cousins et moi. Puis les soldats sont arrivés et BAM. Mon grand-père était au sol, la cervelle toute explosée.
Si j’ai peu de souvenirs de cette époque, ça… cette scène, c’est méchamment gravé dans mon crâne et avec beaucoup trop de détails. Ils ont amené ma tante après ça. On l’a plus revu. J’avais pas compris à l’époque, mais je sais trop bien ce qu’ils ont dû faire… aujourd’hui.
Les semaines, puis les mois ont passés, comme toujours. Je détestais cet endroit de merde de plus en plus. On a commencé à manquer de vivres vers l’été. J’avais tout le temps faim, tout le temps soif. On manquait de trucs stupides aussi, genre des aspirines, des pansements, des vêtements. J’ai surpris mes parents et mon oncle un soir qui parlaient à voix basse. Ils disaient vouloir partir et que d’autres étaient d’accord. Que les soldats parlaient d’une horde, peu importe ce que c’était, qui s’approchait d’où on était. Que c’était arrivé à d’autres camps avant nous. J’avais vraiment peur.
They're here and they're hungry ! !
J’ai appris beaucoup de jurons ce jour-là. Le jour où notre camp est tombé… enfin peut-être qu’il est encore là aujourd’hui, j'en aie aucune idée. Nous on avait pris la fuite en tout cas, comme bien d’autres tandis que les soldats aidés de certains autres survivants eux, sont restés pour défendre l'endroit. C'était le chaos.
La horde. J’ai appris ce que c’était. Le bruit. L’odeur. La peur. Leur nombre. Gravé dans ma chair et mon esprit. On s’est enfui avec deux autres familles en volant des voitures aux militaires. Je sais pas comment on a fait. Bon j’ai rien foutu moi on va être honnête. À part serrer la main de ma mère et pleurer. Je pense que quelqu’un a dû se battre avec un soldat pour qu’on puisse prendre les deux voitures, j’me souviens qu’on parlait de ses blessures dans notre bagnole.
On a roulé, puis roulé et encore roulé. J’avais pas vraiment conscience du temps, je faisais que trembler et essuyer mes yeux pleins de larmes. On a eu du mal à sortir de la ville, avec tous les bouchons et les tas de gens infectés, mais on a réussi je suppose, puisqu’on s’est rendu jusqu’à Riverbend, avant que les véhicules nous lâchent puisqu’on avait plus d’essence. Les parents nous on dit de rester dans les voitures, le temps qu’ils aillent voir si l’endroit était sûr. J’me souviens, mon cousin le plus âgé arrêtait pas de répéter qu’ils allaient revenir, tandis que l’autre lui disait que non. J’me suis fâchée à un moment et je leur ai crié de la boucler, puis on a attendu en silence que nos parents reviennent.
J’ai jamais su ce qui s’était passé, mais ils sont revenus avec quelques armes improvisées et un petit groupe prêt à tous nous prendre pour qu’on soit en sécurité. On s’est donc installé dans une église avec tous ces inconnus, au moins ils avaient l’air gentils. On a pu manger ce jour-là et dormir plus confortablement qu’à l’intérieur des bagnoles dans lesquelles on était venu.
One after the other
J’me souviens qu’on a commencé à manquer de bouffe et d’eau au bout de quelques mois. Tout le monde avait beau aller faire des razzias dans la ville… La bouffe pourrissait et s’il pleuvait pas, on avait pas grand-chose à boire. Y a bien un vieux qui avait commencé à vérifier comment construire un truc pour rendre l’eau buvable, mais j’pense que personne ne s’y connaissait assez pour ça. Dans ma tête de gosse, j’pense que je commençais vraiment à réaliser que les adultes savaient pas tout faire… Qui pouvaient pas tout faire. Même les vieux avaient aucune putain d’idée de ce qu’ils foutaient.
Mon cousin le plus vieux devait aider les adultes dans la fouille, dans la récupération. Le plus jeune était coincé avec moi. Quoique c’était plutôt l’inverse. Il avait beau être plus âgé que moi, c’était la pire des poules mouillées. On se faisait tellement chier dans cette église en plus, l’une des mamies nous faisait des cours de catéchisme et c’était chiant à mort. Ce que je préférais, c’était quand on pouvait aller jouer dans le cimetière dehors. C’était beau. Y avait plein d’herbe et de fleurs. On pouvait jouer à cache-cache derrière les pierres tombales. Bon on était toujours super surveillé hein, mais pas grave, on s’amusait bien.
Jusqu’au jour où on a perdu plusieurs personnes lors d’une sortie. Un bête accident avait dit certains adultes, mais ma mère elle… C’était pas comme ça qu’elle prenait les choses. Elle faisait que pleurer. Jour et nuit. Moi aussi quand même, chaque fois que je pensais à mon père. Mes cousins faisaient les dures, mais je savais qu’ils pleurnichaient comme moi la nuit aussi, en pensant à leur père. Y a un truc qui a explosé en ville. Je sais pas quoi, j’ai jamais eu les détails, mais… on a perdu 10 personnes dans cette explosion.
On était plus beaucoup à l’église et comme on manquait de vivres, certains ont décidé de bouger pour tenter leur chance ailleurs. C’est ce qu’on a fait avec quelques adultes. J’avais l’impression par contre que ma mère arrivait juste plus à fonctionner et qu’on l’avait embarqué dans toute cette histoire. J’imagine qu’elle s’était fait des amis parmi les gens de l’église et qu’ils ne voulaient pas nous laisser derrière. Comme personne était assez futé pour comprendre comme réparer une bagnole, on a marché. Longtemps…
Puis on a rejoint Kangley où les adultes ont encore une fois réussi à nous intégrer à un plus grand groupe, au bout de quelques semaines. Moi, j’me souviens plutôt de ma mère qui arrêtait pas de pleurer et de mon ventre qui criait famine. J’en pouvais plus de cette faim.
How could you do this to me ?!
Comment elle a pu me faire ça... Comment elle a pu nous faire ça ?! Nous laisser seuls. Partir comme ça. Abandonner des enfants qui comptaient sur elle ! Je la hais. C’est une lâche. Comme tous les autres adultes. Ils nous disaient de pas aller la voir, de la laisser tranquille. Peut-être que si j’étais restée avec elle, elle se serait pas ouvert les poignets justement ! Mais on s’en fout… elle était plus là. Moi si par contre, seule avec mes cousins, seule avec ma colère et ma peine, avec ma révolte contre ces pauvres cons qui avaient laissé mourir mon grand-père, mon père, mon oncle et maintenant ma mère. Ils savaient rien gérer les adultes, pourtant c’était eux qui étaient aux commandes de tout.
J’étais vraiment mal. Pis un soir, mes cousins aussi ont décidé qu’ils en avaient assez. Jeunes et cons, c’est ce que je dirais aujourd’hui. On aurait pu les utilisé ces gens, mais à l’époque on décidait de s’enfuir une nuit. De survivre tout seul parce qu’on pouvait pas faire pire qu’avec eux. On a donc ramassé quelques cannes de conserve, mon cousin le plus vieux a volé un pistolet à un papy qui dormait, moi un bâton de policier à une fille aux toilettes et mon autre cousin plus âgé que moi s’était trouvé un couteau à cran. On est partie en douce en leur faisant des fuck et sans plus jamais regarder derrière nous.
On en a chié, mais grave. On mangeait pas beaucoup, on faisait fondre la neige pour boire un peu. On se trouvait des planques ici et là pour se mettre à l’abri du froid, mais c’était l’enfer sur les routes. Au moins, on avait pas d’adulte pour nous dire quoi faire…
Could you just... stay alive ?! For fuck sake !
Amaigris, amochés et désespérés. Voilà pourquoi on a choisi de revenir vers un groupe d’adultes avec nos bouilles d’épagneuls tristes. On les avait observés pendant quelques semaines, avant de se décider à aller chercher refuge chez eux. On voulait pas tomber sur de sales types non plus. Moi j’avais pas peur, j’avais tué un rôdeur le mois dernier pour la première fois. Bon, il lui manquait les deux jambes, mais je lui avais explosé le crâne à coup de matraque et j’me sentais vachement forte. Capable de tout accomplir depuis. Il y avait d’autres enfants et c’est ce qui nous avait convaincues qu’on serait probablement accepté si on leur demandait de l’aide. Ça fonctionna bien évidemment. On retrouvait un semblant de sécurité, de la nourriture parce que ces gens-là étaient un peu plus organisés, parce qu’ils chassaient et cultivaient un peu aussi. Alors on s’est ramollis. On a profité. On nous demandait rien parce qu’on était encore des enfants, moi et l’un de mes deux cousins, mais le plus vieux lui devait participer aux tâches.
Quand les choses vont trop bien, c’est qu’une merde vous attend au détour. C’est du moins ce que j’ai fini par comprendre avec les années. Le monde comme on l’avait connu, celui où on manquait de rien, s’était fini ça. Ce nouveau monde était cruel, dur et on manquait de tout tout le temps. Ma poule mouillée est tombée malade. Y avait plus d’hôpitaux. Y avait plus de médecins. Y avait plus de médicaments. Y avait plus d’espoir… Pourquoi moi je suis pas tombée malade, hein ?! À toujours trainer avec lui. Pourquoi ?!
Ça, la vie aura jamais la gentillesse de me répondre, cette connasse. Non, à la place, elle préféra m’enlever encore un membre de ma famille.
The fucking bastard
On a fini par bouger. Je crois que c’est le groupe avec lequel j’suis restée le plus longtemps. Les bonnes têtes pensantes de ce groupe ont décidé que ce serait plus malin de se rapprocher de plus grandes métropoles, ça nous donnerait plus de chance d’échanger avec d’autres groupes. Que si on l’avait fait avant, on aurait peut-être eux des médocs pour tous ces gens qui sont morts l’année dernière.
Alors… même si tout me révoltait, mon cousin et moi on a décidé de leur faire confiance. J’ai toujours été assez optimiste et pas du genre à baisser les bras, j’étais pas du genre à me laisser abattre. J’avais juste plus de respect pour les gens plus âgés que moi. Ils savaient pas plus que moi ce qu’ils faisaient quoi. Pis, j'avais 14 ans… j’savais me débrouiller maintenant. J’étais un peu moins dans les pattes des gens et je faisais mes trucs dans mon coin. Mon cousin lui, c’était sans doute le seul ‘’adulte’’ en qui j’avais confiance. Il avait 19 ans c’était pas un vieux, mais bon…
J’me souviens que quand on s’est installé a Auburn, notre groupe a été sollicité pour rejoindre une super grosse communauté. Ça avait l’air bien en vrai. Certains par contre étaient super méfiants. On les a qualifiés de paranos ou de sauvages, de gens qui ne souhaitaient pas retrouver le monde civilisé. C’est vrai que, quand on y pensait, c’était un peu con non ? Moi, je savais pas trop ce que je voulais. De ce que j’avais compris par contre, faudrait que je retourne à l’école et tout ça. Pour moi ça revenait à mettre un tigre en cage. J’étais pas intéressée par tout ça. Une ado qui préférait s'imaginer invincible, qui préférait conserver ce qu'elle s'imaginait être de l'indépendance. Pas l'idée la plus brillante que j'ai eu, on va pas ce l'cacher et tout ça pour pas retourner à l'école...
Alors, quand quelques membres de notre groupe ont décidé qu’eux ne se joindraient pas à ces nouveaux venus, j’me suis dit que je pourrais les suivre, garder ma liberté… tout ça. Alors on est parti avant le petit rendez-vous entre nos deux groupes. J’pense que ceux que j’ai suivis se sont dit que ce serait juste plus simple de pas trainer dans le coin, vu comment on se faisait juger, comment les autres essayaient encore de nous convaincre de rester. Puis, ça nous permettrait de littéralement aller rejoindre une grande ville. Tant qu’à perdre les ¾ de notre groupe, aussi bien en profiter pour déménager! On a donc attrapé les trucs qui nous appartenaient et on se préparait à leur dire au revoir, quand j’ai remarqué que mon cousin avait pas fait ses bagages.
Le connard.
Lui… il voulait rejoindre l’autre communauté. Lui, il en avait marre d’être libre. Voilà comment moi, j’ai pris les choses. Après tout ce qu’on avait vécu ensemble… Le sang ça vaut rien. J’pouvais compter que sur moi-même. Avec du recul, j’aurais peut-être pu faire preuve de moins d’impulsivité. J’aurais pu le suivre et pas faire ma tête forte… Sauf que ce qui est fait est fait. Je suis partie sans même un regard par-dessus mon épaule. Moi, j’avançais.
Au fil du voyage qu’on avait entrepris, y a un couple qui avait décidé de ''m’adopter''. Ils m’avait offert un skate pour mon anniversaire approximatif et essayaient de m’apprendre les bonnes manières, de m’éduquer aussi. J’étais pas franchement intéressée, mais j’allais pas les empêcher de me filer des parts de bouffe ou des trucs sympas pour autant. C’était un couple de personnes âgés, Duke et Martha, les gens les plus patients du monde. Enfin j’trouvais en tout cas. Y avait longtemps qu’ils avaient plus leurs enfants et qu’ils avaient pas vu leurs petits-enfants. C’est peut-être pour ça qu’ils ont décidé de m’aider. Moi j’avais pas besoin d’eux, j’pense même que c’était l’inverse. J’avais pas trop l’choix de les supporter, on faisait quand même pas mal de route ensemble et là… fallait que je me réorganise grave si je voulais partir toute seule. Alors je les ai supportés. La p’tite mamy avec ces cheveux tout blancs là et le papy avec sa couronne grise. Martha faisait un peu d’arthrose ou d’arthrite, j’ai jamais trop su la différence et Duke faisait son possible pour l’aider. À force de me faire donner à bouffer, j’ai fini par les aider un peu en fait… Ils m’ont amadoué faut croire.
Saving my ass
On a longtemps erré sur les routes. À pied, on pouvait pas faire de miracles, surtout quand fallait éviter des rassemblements de pourris, d’autres groupes qui avaient l’air problématiques ou encore quand les routes étaient impraticables. Inutile de dire qu’on a vachement fait de détour avant d’arriver aux abords de Tacoma. Par contre, on avait eu de la chance dans les dernières semaines, on avait trouvé des bagnoles ! On dormait un peu mieux à l’abri, on était moins fatigués aussi et on avait plus d’énergie pour trouver de la bouffe et de l’eau. J’avais repris un peu de poids pour le coup et je commençais à me dire qu’il faudrait que je laisse une chance à ces gens qui m’avaient pris sous leur aile.
Durant tous ces mois, ils avaient été patients avec moi et avaient lâché prise concernant ma politesse très relative. Ils avaient compris qu’il fallait choisir ses combats. Je m’étais un peu plus appliqué aussi dans les cours improvisés qu’ils me donnaient. J’crois que la vieille c’était une ancienne prof ou je sais pas quoi, peut-être une travailleuse sociale je sais plus, mais… elle savait comment s’y prendre avec moi. J’pense que c’était la première adulte qui me traitait un peu mieux que les autres. Pas que j’avais été maltraitée hein, juste… j’pense qu’elle comprenait d’où je venais, ce que j’avais traversé. J’ai vu tellement de gens crevés, j’ai perdu trop de mes proches, alors elle forçait pas les choses.
Franchement, j’aurais pu m’y faire à cette vie, si je les avais pas abandonnés lâchement pour sauver ma peau.
Moi je sais pas trop ce qui s’est passé, mais je savais que le papy avait le pied pesant. Je roupillai sur la banquette arrière quand le cri de la mamy m’a réveillé en sursaut. J’ai pas eu le temps de capter ce qui se passait que ma tête frappait la fenêtre à côté de moi, puis que je perdais connaissance. Quand je rouvrais les yeux, je découvrais ce qui c’était passé. L’horreur. Le vieux avait la tronche encastré dans le volant. Y avait du sang partout. La vieille bougeait pas et elle saignait aussi. Personne était passé par la vitre du pare-brise heureusement, car on avait tous nos ceintures de sécu… Par contre, ça bougeait grave à l’extérieur. Y avait plein de ces infectés de merde. J’crois qu’il y avait aussi des gens de notre groupe qui avait tenté de s’arrête pour nous aider, mais tout ce que j’entendais, c’était des cris.
L’instinct a pris le dessus. J’ai attrapé mon sac à dos et ma planche avec l’intention de déguerpir d’ici, de pas finir bouffer. Je pensais plus rationnellement, ou peu importe le mot qu’il fallait employer. Non, là, j’voulais dégager loin de tout ça. J’ai essayé d’ouvrir la portière à côté de moi, mais j’crois que vu l’accident dans lequel on était, un truc la bloquait. C’est sans doute ce qui ma sauvée la vie parce qu’au même instant, deux rôdeurs se jetaient contre la portière en essayant de me bouffer au travers de la fenêtre fermée. J’ai lâché un cri hein ! Puis j’ai reculé machinalement sur la banquette pour m’éloigner, jusqu’à ce que je me cogne contre l’autre portière arrière. J’avais le cœur qui menaçait de faire un arrêt tellement il se débattait dans ma poitrine. J’pense que si j’avais pas eu autant d’adrénaline dans le corps, je tournais à nouveau de l’œil là, de suite. J’ai accroché mon sac sur mes épaules, pis sans réfléchir j’ai ouvert la portière et j’ai pris mes jambes à mon cou. J’ai couru le plus longtemps que j’ai pu, puis j’ai utilisé mon skate pour encore aller plus loin. Sans me retourner. Par peur de voir un de ces monstres derrière moi, par peur de voir les vieux morts, de voir les autres membres du groupe morts. Third Six Time's the Charm
J’ai passé les deux derniers mois à survivre toute seule dans cette ville. Y reste pas grand-chose et j’me dis que je ferais peut-être mieux de rejoindre à nouveau un groupe, même si ça me fait chier d’y penser. C’est juste plus facile que d’être toute seule en fait… J’ai faim, j’ai froid et j’en aie marre.
On est tombé l’un sur l’autre un peu par hasard. J’ai pas fait gaffe et j’ai manqué de prudence, mais… J’suis tombée d’une fenêtre. Me demandez pas comment j’ai fait, j’ai pas envie de me ressasser ma connerie. La bonne nouvelle ? C’est que le mort à mes trousses m’a pas croqué. La mauvaise ? J’suis tombé sur un mec un peu plus bas. La re-bonne nouvelle ? Il a amorti ma chute. La re-mauvaise ? J’me suis fait passer un savon. La re-re-bonne ? C’était la fenêtre du rez-de-chaussée. La re-re-mauvaise ? Les rôdeurs étaient en train d’en sortir.
Bref, il a fallait se mettre à courir et le type, Tomas de son petit nom que j’apprendrais un peu plus tard, m’a suivi. J’lui ai dit de foutre le camp, de me laisser tranquille. Je l’ai même menacé de crier au violeur, mais finalement, il a fallu qu’on s’arrête de courir tous les deux à bout de souffle. Pendant que j'essayais de reprendre mon souffle, un autre mec est arrivé en courant en demandant à son pote si tout allait bien. C’est là que j’appris le nom de mon coussin de secours et du mec qui s’inquiétait, Nolan.
Pour faire une histoire courte, j'me suis pas enfui en me disant que c'était peut-être l'opportunité que je cherchais depuis les derniers mois. Un groupe à rejoindre. Alors quand ils ont fini par faire attention à moi de nouveau, je leur ai demandé s'ils faisaient partie d'une communauté. À voir ma tête et mon allure amaigrie, j'pense qu'ils ont rapidement fait 1+1 et ont devinés que moi, j'étais seule. J’ai pas hésité super longtemps avant d’accepter de les suivre, juste ce qu'il faut pour pas montrer que j'espérais trop qu'ils me l'offrent quoi. C’était peut-être un peu inconscient de ma part de suivre des étrangers comme ça, mais la promesse d’un repas chaud et d’un endroit pour dormir était plus forte que tout. Le coup de chance que j'ai eu sérieux. Même si j'ai vécu des trucs de merde depuis les dernières années, y a toujours un truc positif quelque part.
J’ai du mal à m’y faire, mais je devrais pas me plaindre. J’ai de la bouffe, de l’eau, des vêtements… C’est sécuritaire et y a des médocs si j’tombe malade. Les autres sont pas si mal non plus, mais bon… l’école quoi, j’m’en passerais à mort. J’ai encore du mal avec l’autorité, j’ai pas trop de respect pour les adultes et je fais souvent à ma tête, mais je sais aussi qu’il faut que je fasse des efforts pour me rendre utile de temps à autre. Dès que j’le peux par contre, j’vais faire du skate sur l’un des bouts de bitumes par trop crados du coin. Faut pas trop m’en demander hein ! J’prends les choses comme elles viennent et j’suis assez contente d’où j’suis aujourd’hui en fait.
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