Elle s'était levée avec difficulté en entendant frapper à la porte. Encore nauséeuse du matin, malgré l'après midi bien entamée alors qu'elle hélait qu'elle arrivait, soupirant. Si à tout juste quatre mois, elle souffrait autant de se déplacer, elle n'osait pas imaginer un terme dans ces conditions. Elle était néanmoins venue jusqu'à la porte d'entrée, l'ouvrant pour tomber nez à nez avec May.
Lui offrant un regard surpris, au vu de l'heure assez tardive, avant de croiser son regard. Plus sombre que d'ordinaire, presque... Boudeur.
Fronçant les sourcils en observant sans mot dire la jeune femme, avant de s'effacer pour lui laisser la possibilité de rejoindre l'intérieur de la batisse.

Laisse moi deviner. Aodhan ? S'était-elle enquise en guise de bonjour, laissant la grande blonde s'installer dans le salon ou trônait déjà l'eau citronnée qu'elle buvait en continu pour faire passer les nausées, lui indiquant.

Il y à du thé si tu préfères ? Ou du café.

Et malgré l'air contrarié de May, la brune ne put s'empêcher de lui sourire. Les journées étaient parfois franchement longues, et voir son amie ici, loin des discussions du dispensaire ou des remarques silencieuses quand à son état de fatigue latent étaient franchement reposantes.

Venant l'observer avec douceur, reprenant.

Alors, on commence par quoi. Mes envies de vomir récurrentes, ou ce qu'à fait le prof pour t'énerver ? Parce que ça se voyait. Si May n'avait aucun problème à venir prendre de ses nouvelles toujours avec une gentillesse rare, il n'empêchait qu'elles savaient toujours se trouver pour discuter de leurs problèmes. En l'occurence, le sien semblait tenir en un seul prénom qui semblait avoir le pouvoir magique de l'énerver en moins de temps qu'il n'en fallait pour le prononcer...

Elle avait eu envie de pleurer. Pleurer de rage, oui. Tout briser, défoncer les murs et le mobilier, faire éclater la vaisselle, déchirer chaque morceau de vêtements dans son placard. Mais elle n'avait rien fait de tout ça - enfin, à moindre échelle. C'était déjà mieux que ce qu'elle faisait avant, sûrement. Quelle maturité, May. Elle méritait un putain de diplôme. Et quand Indie avait enfin ouvert la porte de sa piaule, elle n'avait pas perdu de temps avant de parler. « J'avais le choix entre tout détruire chez moi ou atterrir ici. » affirma-t-elle en hochant la tête comme seule réponse à sa première question. Visiblement, elle avait fait le bon choix, se tenant bien droite devant sa copine, immobile. Elle avait préféré cette petite visite à la violence dont elle faisait habituellement les frais, pour une fois. Cendrillon avait besoin de décompresser, et vite.

Elle se faufila à l'intérieur, posant les yeux sur le canapé, puis sur l'eau citronnée qui trônait pas loin. Son regard vogua jusqu'à son amie, qui justement, proposait autre chose. Sans se faire prier, elle se dirigea vers le comptoir de la cuisine pour faire du café. Elle n'avait plus besoin de demander, depuis le temps. Liv n'arrivait pas à sourire comme Indiana le faisait, mais elle appréciait l'effort.

La miss se retourna ensuite pour faire face à la brune lorsqu'elle lui adressa à nouveau la parole, respirant un grand coup dans une tentative plutôt ratée pour se calmer. Si la plupart de leurs discussions étaient vachement plaisantes, celle-ci ne le serait pas. May appréciait les répliques d'Indie - souvent aussi acides que les siennes, sinon plus - mais ce soir, ce n'était pas ce qui l'intéressait. Elle avait besoin de réponses, même si Crawford n'avait probablement pas d'explications à lui offrir. Le simple fait de déverser son surplus de venin serait suffisant, si? Elle l'espérait.

Mais ce qu'Indiana disait avait le mérite de refroidir le feu qui brûlait en elle. « C'est encore la galère, sérieux? » demanda-t-elle sans cacher sa surprise, à la fois désolée et irritée pour la future maman. Enfin, la princesse n'avait pas l'impression d'avoir été malade à ce point, lors de sa seule grossesse. Elles étaient toutes différentes, bien sûr, mais c'était à se demander si quelque chose clochait. « T'as pas perdu de poids, au moins? » C'était plus fort qu'elle, elle n'y pouvait rien. La miss s'inquiétait pour son amie, dispensaire ou pas. N'empêche, le café était prêt, maintenant. Elle en versa une bonne quantité dans une tasse, profitant de la chaleur du liquide pour se calmer encore un peu plus. C'était plutôt pathétique, mais les problèmes d'Indie avaient au moins le mérite de la distraire des siens.

Vu la galère pour trouver des trucs en état, mieux valait que tu atterrisse ici. Assura t-elle à la blonde qui fonça en direction de la cuisine à l'instar d'une tempête tropicale, la brune la suivant sans mot dire. May avait cette capacité assez exceptionnelle à savoir exploser en temps et en heure, mettant des mots sur ses émotions, la ou elle même essayait tant bien que mal de rester plus mesurée par instants. Et pourtant, ça ne l'empêchait pas de l'adorer. Fronçant les sourcils alors que d'office, May se souciait de cette grossesse, baissant un bref instant les yeux vers son ventre. Un arrondi assez ridicule, pour une personne enceinte de presque cinq mois...

Ca va. Assura t-elle à May fermement, bien qu'elle doutait que son amie ne la croit. Tirant sur son t-shirt pour lui montrer le léger renflement de son ventre, grimaçant à la nouvelle question que venait de lui poser la jeune femme. Je ... J'ai perdu presque cinq kilos. Ivy et Quinn ont menacés de me foutre une perfusion si je n'arrivais pas à manger, mais ça y est, ça commence à aller mieux ! Levi à tenté des recettes, et j'arrive à garder dans le ventre les aliments en questions. D'ici peu, je me remplume. assura t-elle précipitamment pour éviter qu'elle n'implose à nouveau, lui mettant dans les mains une tasse de café chaud en l'invitant à s'asseoir sur une des chaises, venant prendre place face à elle après avoir ramené son verre d'eau citronné.

Et de toute manière, on est pas au dispensaire. On est là pour toi. assura t-elle en venant poser une main sur celle de sa comparse, reprenant avec douceur.

On aura toute la soirée pour parler de mes nausées promis. relevant les yeux vers elle pour s'assurer qu'elle la croyait, et qu'elle était partante pour partir sur un autre sujet, avant de reprendre.

Bon... Il à foutu quoi encore Aodhan ? A croire qu'il avait passé un diplôme spécifique pour l'emmerder, parfois. Et si elle appréciait le professeur, voir l'état dans lequel se mettait May ce soir laissait à penser qu'il avait largement dépassé certaines limites.

Allez, racontes moi tout. J'passe des journées seules à attendre que ça passe, je mérite de t'entendre tout me dire dans le détail tu crois pas ?

Et ensuite, faire en sorte de l'apaiser un minimum. Histoire de ne pas prendre le risque qu'elle ne jette Aodhan par la fenêtre sur un coup de sang...

Elle pouvait bien dire ce qu'elle voulait, prétendre qu'elle allait bien, mais la blonde n'était pas si sotte. Elle hocha la tête en ne la croyant pas une seconde, le regard planté sur elle. Indie savait parfaitement que May se rendait compte de son petit jeu. La petite n'ajouta donc pas un seul mot de plus. Il n'était probablement pas nécessaire d'enfoncer le couteau dans la plaie, après tout. Elle se justifiait, de toute façon, affirmant qu'elle arrivait enfin à manger grâce aux recettes de Levi et qu'elle allait bien vite reprendre du poids.  « J'te préviens, si ça s'améliore pas, je vais t'enfoncer un gavage dans la gorge - et pas juste une jolie petite perfusion, tu m'entends? » Si c'était un peu rude? Tout à fait. Mais c'était Liv, et c'était sa façon à elle de lui montrer qu'elle s'inquiétait pour sa copine, et pour la crevette. Si la sienne n'avait pas eu la chance de faire partie du monde des vivants bien longtemps, celle d'Indie, elle, devait absolument s'en tirer.

Sauf que Crawford lui répétait qu'elle n'était pas ici pour se soucier de sa grossesse. Elle lui mettait sa tasse de café entre les doigts - se doutant sûrement qu'autrement, les petites mains de la princesse allaient s'enfoncer dans un mur. Mieux que ça même, la brune l'invita à s'asseoir - et à se calmer - en posant la main sur la sienne, lui assurant qu'elles pourraient parler de tout ce dont elles voulaient si May prenait le temps de relâcher la pression, avant tout.

Son regard croisa le sien, et elle abandonna toute résistance à cet instant précis. « Okay, okay! J'ai compris. » Elle n'allait quand même pas attiser la colère d'une femme enceinte, enfin. Cendrillon posa donc les fesses sur la chaise de la cuisine, face à sa copine. Sa copine qui, de toute évidence - et même avec les hormones dans le tapis - était vraiment trop patiente avec elle. May ne la méritait pas. Elle avala une gorgée de café, entendant sa question par rapport au prof mais ne répondant pas immédiatement.

La miss ramena les genoux sur sa poitrine, encerclant ses jambes de ses bras avant de soupirer légèrement. Devant cette hésitation, visiblement, Indie insista - prétextant qu'elle passait ses journées à s'emmerder royalement, qu'elle avait bien le droit à un petit bout des histoires de Goldenberg. Et c'était la vérité, Liv n'hésitait pas vraiment à se confier ; elle ne savait tout simplement pas comment expliquer ce qu'elle ressentait, ni par où commencer. « Ça devait être l'année passée, j'crois. » Aussi bien commencer par le début, mais le temps avait la fâcheuse habitude de ne plus s'écouler comme avant, depuis l'épidémie. « Il a avoué qu'il était amoureux de moi - je, depuis tout ce temps, t'vois. » La future maman avait probablement capté, à la longue, mais jamais ne l'avait-elle vraiment expliqué à quelqu'un d'autre que Nate ou Adam. « Je lui ai dit que je l'aimais aussi, que je l'aimais tellement - mais pas comme ça. » ajouta-t-elle calmement - ou tristement, plutôt. Elle ne demeura pas calme bien longtemps, pourtant.

« Et je fais tellement d'efforts pour ne pas le blesser encore plus, tellement d'efforts pour le préserver, pour lui éviter de, je - PUTAIN! » Elle tapa sur la table, se levant d'un bond en marchant de long en large dans la pièce. « Il est incapable d'entendre raison, le con! C'est pire qu'un gosse! Il voulait pas que je lui invente des sentiments, mais il ne voulait pas la vérité non plus! » précisa-t-elle en venant se poser à nouveau, se rendant bien compte qu'elle devait se freiner ses envies de violence. « J'reviens de chez lui, là. Je l'ai confronté. » Elle sentait que les larmes allaient se pointer si elle ne s'arrêtait pas. Tant pis. Sa voix se brisait, maintenant. « Il prétend tout savoir, il pense comprendre ce que moi je dois vivre depuis ses aveux. Sauf qu'il est complètement aveugle. Un moment il me tire vers lui, l'autre il me repousse. Je - J'sais vachement plus quoi faire, Indie. »

May pouvait se montrer effrayante, souvent. D'avantage encore, quand elle menaçait de la gaver comme une oie alors qu'une perfusion aurait amplement faire l'affaire, lui arrachant une grimace. Je mange un peu plus en ce moment. Promis. qu'elle maintient à la blonde en soutenant son regard, reprenant avec un doute dans la voix. C'est juste que ... Les nausées sont difficiles à gérer au quotidien.

Et son quotidien n'aidait en rien à soulager les nausées par ailleurs. Pas avec Levi qui refusait d'entendre parler du bébé, ou les gens qui ne savaient pas trop comment aborder le sujet avec elle. Ecouter May parler de ses propres problèmes lui évitait d'une certaine manière, de penser aux siens. Lui libérant la tête pour quelques minutes, ce qui avait quelque chose de salvateur. Hochant la tête alors qu'elle mettait des mots sur la relation chaotique qui la liait à Aodhan, jusqu'à la faire sursauter quand son poing vint taper sur la table et que ses émotions débordèrent un peu trop . La brune pinçant les lèvres, ne doutant pas une seule seconde d'a quel point ça devait être compliqué à gérer. Pas pour rien qu'Aodhan et Levi s'entendaient bien. Ils avaient tous deux un handicap certain sur le concept des sentiments, et la capacité émotionnelle d'une lentille de contact.

May... Souffla t-elle avec douceur, venant saisir la main de son amie dans la sienne dans l'espoir de la calmer quelque peu. Ou au moins, d'apaiser un peu ces nerfs à vif. Je ne te demande pas comment s'est passé la confrontation, n'est-ce pas ? Sa voix brisée en disait suffisamment. Lui offrant un regard désolé alors qu'elle annonçait être perdue, et qu'elle la comprenait sans doute mieux que personne en cet instant.

C'est normal que tu sois perdue. La situation est compliquée, encore plus avec vos antécédents. Vous pouvez pas être capable d'être à l'aise l'un en face de l'autre... Essayant de trouver les mots juste pour apaiser cette colère qu'elle devinait dans les yeux de la jeune femme, reprenant à son égard.

Laisse-le revenir. Et à ce moment là, essayez de discuter. Calmement. Sans tenter de vous tuer à coup de chaise. Aodhan ne semblait pas plus savoir qu'elle ce qu'il voulait finalement. Pas en jouant au jeu de l'élastique à être distant et revenir la chercher.

Toi, de quoi tu as envie ? demande t-elle finalement de but en blanc.

Autant commencer par ça, non ?