La blonde avale sa dose de café puis quitte rapidement le Motel, lieu de débauche qui lui sert plus d'hôtel que d’autre chose pour ses séjours à Seattle. Direction le No Man’s Land, un sac de sport bien rempli sur l’épaule d’où des cliquetis de métal se font entendre à chacun de ses pas. Sa précieuse cargaison d’armes à vendre, un poids conséquent mais qui lui évite de laisser son stand à la merci des uns et des autres quand elle est absente maintenant qu’Idriss est à Olympia, elle n’a plus vraiment le choix. Elle pourrait bien payer une sentinelle pour garder ses vitrines d’armes mais préfère pour l’heure économiser ses ressources.

Arrivée à l’entrepôt, elle ne perd pas une minute pour se mettre au travail et installe ses armes dans les vitrines qui lui servent de présentoir. Les vitrines sont posées sur deux grandes tables recouvertes d’une peau de vache pour la touche d’ambiance. Derrière celles-ci, une grande tente dans laquelle elle s’engouffre pour vite sortir sa bouilloire et mettre l’engin en route. Pas de squatteurs à virer, une bonne nouvelle, ça arrive rarement, merci à sa réputation : les vagabonds savent en général que cette tente n’est pas en libre service. Le temps que l’eau chauffe, elle prépare son mug et y glisse une bonne dose de café soluble, c’est pas terrible mais c’est toujours mieux que rien.

Ressortant de la tente, un client l’attend et vient lui échanger un poignard contre un stock conséquent de nourriture et un petit plus : un sachet de verdure. La forgeronne n’y voit pas grand intérêt premier si ce n’est pour la revente, ce n’est pas tous les jours qu’on arrive à mettre la main sur ce type de ressources, ça peut valoir cher. Elle range la nourriture derrière son stand et le petit sachet vient rejoindre la poche de son pantalon, un treillis militaire assez large mais confortable avec une armada de poches pour y glisser ses trouvailles. À sa ceinture, un fourreau de cuir où repose sa machette, dans ses rangers un push dagger et à ses avants bras deux brassards en cuir avec un peu de fourrure et dont l’un cache une lame secrète. Sa carrure est plus carré que la moyenne des femmes, de même pour ses bras et doublé à son visage fermé où les sentiments se camouflent derrière un masque de neutralité, un tout qui ne donne pas vraiment envie de jouer avec sa patience. La cicatrice qui coupe son arcade et une partie de sa pommette n’est pas des plus discrète et suffit parfois à faire passer un message simple : elle n’a pas peur de l’action.

Elle n’a pas vraiment l’occasion de ranger la nourriture obtenue qu’elle est déjà squattée par deux têtes inconnues, des adolescentes aux yeux bien brillants. ”Qu’est-ce que vous voulez ?” C’est sûr qu’elles veulent quelque chose et Kara ne va pas les envoyer bouler avant de le savoir, elle n’est pas du genre à cracher sur la jeunesse, bien au contraire, ce sont les adultes de demain mais aussi une très bonne main d’oeuvre et une bonne source de renseignements, possible précieuse valeur à l'horizon.

« Il t’a quand même regardé un peu bizarrement... J’dis ça, je dis rien. » Un vieux moustachu, un gros dégueulasse comme Ivy en avait parlé lors de leur cours. De ceux qu'elles doivent éviter.

C’est la première fois que Kassandra met les pieds aux No Man’s Land... et si elle a pu côtoyer la misère et la pauvreté pendant un peu moins de deux mois, elle est certaine de ne rien avoir vu d’aussi triste depuis le début de leur petite aventure à deux... Ce n’est pas tant le manque d’hygiène de certains, ni même les mauvais regards qui la gênent... mais plus l’atmosphère un peu froide qui se dégage de l’entrepôt qui l’interpelle. Le confort de Fort Ward lui manque davantage et lui parait des centaines de fois plus important maintenant qu’elle se rend compte qu’ils sont nombreux à ne rien avoir et à manquer de beaucoup. D’un toit, de nourriture, de chaleur qu’ils trouvent dans l’enceinte d’un entrepôt faiblement chauffé par des bidons enflammés.

« T’es vraiment sûre qu’on a quelque chose à faire ici... ? » qu’elle demande à l’australienne alors qu’elles déambulent hésitantes entre les stands de différents commerces, vêtues de vêtements troués, salis et recouverts d’odeurs qu’elles ont fini par oublier. Elles ont perdu du poids, beaucoup de poids. Et même dans un état pareil, elle ne les pense pas à plaindre comparé au semblant de situation de certains qui n’ont visiblement pas autant de chance qu’elles... « Moi, j’te le dis... ça m’fout les jetons. » Elle n’est pas dupe. Elle a bien remarqué qu’on les regardait, et parfois pas de la meilleure des façons. Peut-être que c’est parce qu’elles sont jeunes, que ce sont des gamines et qu’elles s’éloignent pas mal de l’âge d’une grande partie des visiteurs de ces lieux... mais c’est loin d’être rassurant aux yeux de l’adolescente qui ne se pense pas en sécurité, et ce même aux côtés de sa meilleure amie.

On l’entend s’excuser faiblement à un inconnu. « Pardon. » Elle essuie un énième mauvais regard en manquant de donner un coup d’épaule à un autre survivant qu’elle frôle au détour d’un stand de vente de nourriture. La chaleur de l’entrepôt, l’odeur de nourriture qui se dissipe à l’intérieur lui rappelle Fort Ward et les facilités à se nourrir. Elles y seront bientôt, elle y croit dur comme fer... C’est pas après avoir marché autant de kilomètres qu’elles se feront zigouiller.

« J’commence vraiment à crever la dalle, là... » Elle pose délicatement une main sur son estomac par-dessus son t-shirt. Il ne grouille plus, ça fait bien longtemps que son corps a arrêté de lui envoyer des signaux pour lui affirmer qu’elle manque de nourriture : elle le sait. Elle lâche un énième soupir avant de tourner la tête au milieu des voix, son regard se posant sur un homme en train de faire un achat auprès d’un stand d’armes. Ce n’est pas tant ce qui l’achète qui les interpelle mais bel et bien ce qu’il leur échange contre la jolie lame... « Eh, r’garde. » Kassy donne un léger coup de coude à l’australienne pour attirer son attention et indiquer les deux survivants d’un simple mouvement de menton. Elles ont beau s’extasier toutes les deux depuis chacun des stands qu’elles voient depuis tout à l’heure, c’est peut-être ce sachet d’herbe et le stock conséquent de nourriture qui attire leur attention... Pas besoin de dire quoi que ce soit, elles prennent la décision de s’approcher du stand d’un simple regard qu’elles savent toutes les deux interpréter correctement.

L’homme s’en va, la femme reste. Quand la blonde se retourne après avoir conclu sa vente, les deux gamines se tiennent derrière l’une des vitrines, émerveillées par ce qu’elles voient... Doit bien y avoir moyen de marchander, nan ? Kassandra bave sur l’une des dagues qu’elle s’imagine bien offrir à Clayton en rentrant. Lorsque la marchande s’intéresse à elle, elle reste silencieuse, persuadée que Zelda s’en occupera... mais l’adolescente a visiblement jeté son dévolu sur un article qui l’empêche de parler. « Bonjour. » commence-t-elle d’abord en levant doucement la main pour timidement faire signe à celle qui lui fait face. « On a pas pu s’empêcher d’voir ce que vous venez de récupérer... la bouffe et l’herbe. » C’est peut-être indiscret, pas correct. Mais c’est pas comme si Zelda lui avait de toute façon filé le mode d’emploi du No Man’s Land... « Vous vendez que des armes, ou y a peut-être moyen de marchander pour récupérer un peu d’quoi manger... et l’sachet d’herbe, avec ? »

C’est... osé. Elles n’ont pas grand-chose à lui filer, elles n’ont quasiment rien, en fait...

« On a... quelques trucs, j’sais pas si ça pourrait vous intéresser. »  Elle hoche instinctivement la tête, comme pour se rassurer quant au fait qu’elle n’est pas en train de faire une connerie. La blonde fait glisser son sac de son épaule et l’ouvre, dévoilant quelques peluches neuves juste sous le nez de la forgeronne. Est-ce qu’elle se sent conne de vouloir lui échanger des peluches contre de la bouffe et de l’herbe ? Complètement. Est-ce que ça se tente ? Carrément. « Elles sont neuves... et c’est des vraies. Pas les contrefaçons chinoises qui ressemblent jamais aux persos d’origine. » Il y a un Bob L’Eponge, un Schtroumpf, une Dora l’Exploratrice, un genre de Furby, un Evoli et même un « Totoro » que Kassandra s’est juré de garder. « Il vaut bien un sachet d’herbe lui, nan ? » qu’elle demande dans un excès de confiance en agitant la peluche Bob L’Eponge juste derrière la vitrine, avant de baisser le regard sur sa meilleure amie qu’elle supplie indirectement de l’aider... Faut qu’elles avalent un truc, et qu’elles se roulent un joint !

« Ah ouais ? »

L'adolescente se retourne et observe ce fameux moustachu qui, selon sa meilleure amie, l'a observée étrangement. Lorsque leurs regards se croisent, elle détourne le sien et finit par hausser les épaules en reprenant sa marche. « Bah ! C'est un gueux ! » fait-elle remarquer à sa camarade. « On n'sait jamais vraiment c'qu'il leur passe par la tête, à ces gens-là ! » Même si pour le coup l'une et l'autre semblent avoir une idée plutôt précise sur ce qui motive cet intérêt. « Si ça s'trouve j'lui rappelle juste quelqu'un... » Dans tous les cas elle préfère quand même s'éloigner suffisamment pour ne plus avoir à imaginer ce regard qui glisse sur elle.

Et cet étrange épisode est vite oublié tandis qu'elles découvrent les allées et les différents objets qui jonchent les étales. Zelda fait de son mieux pour éviter les contacts mais aussi pour effacer cet air dégoûté de son visage et ne plus plisser le nez quand une odeur désagréable lui parvient. Les gueux, elle les imagine susceptibles.

Quant à K', elle semble douter de la raison qui les poussent à arpenter les lieux. « Il doit bien y avoir des trucs intéressants... » De la nourriture, par exemple. Elle espère simplement qu'elles possèdent quelque chose qui pourrait intéresser les vendeurs. « T'as qu'à voir ça comme un... heu... » À quoi peut-elle comparer leur flânerie dans l'entrepôt ? « Une visite au zoo ? » Comparer tous ces survivants à des animaux lui semble plutôt pertinent. Même si elle a tout de même l'impression d'y aller un peu fort. Ils sont quand même vaguement humains... « Ou mieux : une expérience sociale ! » Oui, ça c'est bien ! « On s'immerge dans la culture locale, tu vois ? Un peu comme les mecs qui allaient vivre avec des tribus pendant des semaines pour faire des... trucs ! » Franchement ? Elle ne se trouve pas très convaincante...

« R'garde-les pas dans les yeux et tout ira bien ! T'inquiètes pas ! » rassure-t-elle son amie quand elle lui avoue avoir un peu peur. Elle comprend ce sentiment. C'est assez dur de rester stoïque au milieu d'une bande de sauvages. Mais là encore, elles n'ont pas vraiment le choix. Car comme le fait si bien remarquer K' après s'être excusée auprès d'un gueux, elles ont faim. Et la faim justifie les moyens, non ?

Un coup de coude dans les côtes attire son attention. « Quoi ? » Elle suit le regard de sa petite amie et le pose sur une blonde et un type qui doit sûrement être son client. Et puis ses yeux glissent sur ce qui semble être de la nourriture. Et un sachet d'herbe. « Oh putain ! » s'exclame-t-elle. Si K' ne se dirigeait pas déjà vers le stand, elle aurait sûrement déjà ouvert la marche. Le duo se retrouve bien vite face à la vendeuse et cette dernière a au moins le mérite de remarquer leur présence. L'intéressée va droit au but en leur demandant ce qu'elles veulent. Et c'est bien naturellement la plus diplomate des deux qui prend la parole. Histoire de ne pas réduire leurs chances à néant dès le début. Un bon calcul puisque l'australienne était à deux doigts de lâcher une remarque sur le manque de courtoisie de cette femme bardée d'armes. Elle a un bon style, cette femme. Une allure sauvage. Un peu comme les héroïnes des films d'aventures ! Celles qui se battent, pas celles qui se font sauver par le premier crétin un peu mignon qu'elles croisent !

Alors pendant que K' essaie de communiquer avec la faune locale, Zelda garde son regard rivé sur cette poche de pantalon qui renferme l'objet de sa convoitise. Elle commence à réagir quand sa conjointe exhibe les peluches récupérées dans l'une des machines à grappin de cette foire ambulante qu'elles ont visité deux semaines plus tôt. Elle est presque tentée de faire un pas de côté, là, l'adolescente. Histoire de ne pas être associée à ce cirque. Mais l'amitié et l'amour lui ordonnent de ne pas bouger. Alors elle reste sur place en espérant simplement qu'un minimum de gens les verront négocier à coups de peluches...

Gênée, elle se passe néanmoins une main sur le visage et fait de son mieux pour rester stoïque. Du moins jusqu'à ce que les yeux de l'américaine l'encouragent à dire quelque chose. « Vous voulez bien l'excuser ? » glisse-t-elle en jetant un regard désolé à sa camarade. « Elle vient d'Redmond ! » L'australienne lâche un petit rire mais reste consciente que ce justificatif n'est sans doute pas suffisant pour expliquer l'enthousiasme de son amie. « Bon ! Ouais, on veut d'la bouffe et le packs d'herbe dans votre poche ! » résume-t-elle sur un ton qui se veut assuré. Peut-être trop assuré. Aussi se sent-elle obligée de lever ses deux paumes pour rassurer la blonde : « Après c''est pas un braquage, hein ! Rassurez-vous ! » Il vaut mieux éviter un incident diplomatique !

Quant au prix... Si l'autre est disposée à négocier, elle ne devrait pas trop tarder à poser ses conditions. Inutile de proposer trop - ou n'importe quoi - avant de savoir si elles ont au moins une chance d'obtenir ce qu'elles souhaitent...

La blonde n’a pas vraiment besoin de souffler le moindre mot, son air comme son sourcil dressé suffisent à refléter au duo son non-intérêt évident pour les peluches présentées. Aussi, quand on lui présente Bob l’éponge, son faciès reste tel qu’il était précédemment, froid et inintéressé au possible. ”Non.” Non il ne vaut pas le sachet d’herbe et définitivement non Bob ne fera l’affaire pour aucun deal à son stand. La seconde jeune tente rapidement de rattraper le coup mais ne trouve pas de meilleure proposition à formuler. Cette dernière se contente simplement de reformuler la demande et l'intérêt porté sur le petit sachet de verdure et un peu de nourriture. Quant à la précision soufflée sur le braquage, celle-ci lui arrache un léger sourire en coin, y a de quoi être amusé pour le coup. ”Encore heureux.” Rien de plus.

On avance, la forgeronne sait enfin à quoi s’en tenir, reste encore à trouver ce que ces jeunes peuvent lui apporter. Bras toujours croisés sous sa poitrine, elle penche la tête pour inspecter de haut en bas les deux nouvelles têtes du No Man’s Land, méditant silencieusement quant à une possible mission à leur confier. L’exercice n’est pas facile et malheureusement rien ne lui vient immédiatement en tête, elle manque encore d’informations pour se décider.

”Et mise à part récupérer des peluches, qu’est-ce que vous savez faire d’utile ?” Certains sont doués pour faire les poches, d’autres pour la pêche, d’autres encore pour tendre l’oreille, d’autres pour se faufiler entre les mots etc…, la liste est longue, reste maintenant à savoir quelle est leur spécialité, enfin, si elles en ont une. Voyant alors que les jeunes peinent à répondre, elle enchérit aussitôt avec la mission bonus qu'elle se gardait de côté : ”Si vous n’avez pas peur des rôdeurs, j’ai du matériel à récupérer dans un entrepôt à quelques kilomètres au sud d’ici." Seul hic, l’entrepot Metal Shorts est infesté de quelques rôdeurs depuis le dernier passage de la blonde et elle n’a pas le temps aujourd’hui ni demain pour s’y rendre et faire le ménage afin de récupérer ce qu’elle souhaite. ”Ce n’est pas encombrant comme matériel, il me faut juste des disques à tronçonneuse.” Reconnaitre un disque de métal de 180mm de diamètre est à la portée de n’importe quel abruti, esquiver les gloutons en revanche, ça, ça demande un peu de challenge. "Si vous partez là dessus, ça vaudra le sachet d'herbe et de la nourriture." Voila pour la première propositon, place à la seconde :  "Ou sinon, j'ai une collègue qui a besoin d'un lot de feuilles et de quoi dessiner... Mais pas juste un paquet de feutres, la total, du vrai matériel. Bâtonnets de graphite, crayons pastel, fusains, Sépia, tout le kit." Et là en revanche, elle n'a pas d'adresse à leur donner, à elles de se débrouiller avec ça. ”Vous préférez quoi ? L'entrepôt avec une adresse fixe mais des rôdeurs ou l'expédition pour le matériel à dessin à l'aveugle ? Les deux se valent en terme de paiement me concernant." Yolo or not yolo quoi.

Kassandra tire un peu la gueule... Même s’il faut avouer que penser pouvoir troquer des peluches contre un sachet d’herbe et un peu de nourriture tire soit du génie, soit de la folie pure... Il faut dire qu’elle y croyait, Kassy, quand elle a dégainé l’une des quelques peluches qu’elles ont eu le temps de ramasser en chemin en pensant peut-être pouvoir en faire quelque chose. Si elles finiront par s’avérer utiles, ce ne sera pas autour d’un troc, et ça, ça lui troue un peu l’cul.

Ce qui a le même effet, c’est aussi d’observer Zelda essayer de rattraper le coup en essayant de la faire passer pour une folle... C’était vraiment une mauvaise idée, franchement ? N’importe quel fou aurait aussi tenté le coup, et c’est peut-être bien ça le problème... S’il manque une case à certains habitués du No Man’s Land, ce n’est pas forcément le cas de ses nombreux marchands...

La seule chose que répond l’adolescente à ces mots qu’elle voit comme une provocation et interprète peut-être un peu trop au pied de la lettre, elle le fait en posant son pied par-dessus celui de l’australienne avec un sourire mi-amusé, mi-vexé, pas vraiment sûre de ce qu’elle est censée penser de cette mini-humiliation dont elle se rappellera pendant un long moment !

« Nan, nan... on veut pas vous braquer, absolument pas. »

Sa voix se fait plus calme. Elle n’veut plus se faire remarquer, c’est d’ailleurs pour ça qu’elle dissimule plutôt rapidement le Bob L’éponge qu’elle a sorti en le remettant dans son sac. Quelques regards se sont tournés en leur direction, c’est peut-être parce que c’est pas commun, du troc de peluches...

La blonde paraît froide aux premiers abords, ce qui a de quoi légèrement décourager la plus âgée des deux adolescentes qui se demande si elles finiront par s’en aller avec leur précieux ou si elles perdent simplement leur temps... du temps précieux qu’elles pourraient passer sur la route. Une chose est sûre, c’est qu’elles seront prêtes à tout pour tâter un peu de nourriture et un joint qui risque d’être le meilleur qu’elles auront eu la chance de consommer ces dernières semaines...

Les deux gamines attendent silencieusement que la quarantenaire finisse par ouvrir la bouche... et Kassandra est la première à lui répondre. Elle saute sur l’occasion pour se rattraper et se racheter une crédibilité qu’elle pense avoir perdue. « On saura faire... c’que vous voudrez. On essayera, en tout cas. » Ou presque. Elle s’avance beaucoup sans être sûre de pouvoir réaliser les moindres désirs de la marchande. Suffirait qu’elle leur demande l’irréalisable pour qu’elles repartent bredouille. La vérité, c’est qu’elles ont fait beaucoup de choses qu’elles n’auraient jamais pensé faire durant ces dernières semaines pour oser ne serait-ce que refuser un défi qui pourrait finalement ne leur être qu’un jeu d’enfants.

La première proposition fuse. Du matériel à aller chercher dans un entrepôt à quelques kilomètres... le seul hic, des rôdeurs occupent le gigantesque local. Kassandra continue d’écouter la blonde d’un air impassible. Elle y songe surtout, se demande si elles veulent réellement continuer de marcher sur des kilomètres avant de pouvoir avaler quelque chose... puis vider un entrepôt de rôdeurs, c’est pas rien non plus. La seconde proposition lui parait plus abordable... mais pas forcément plus simple. Puisqu’il parait plus simple de se rendre à une adresse fixe que de fouiller des dizaines de magazins ou d’autres bâtiments à la recherche d’objets qu’elles ne sont même pas sûres de pouvoir dénicher... surtout des objets aussi aléatoires.

Kassy ne s’avance pas, se tourne vers sa meilleure amie pour lui demander son avis du regard. Parce qu’elles vont devoir en décider, mais aussi s’en occuper toutes les deux. Si Kassandra s’écoute, elle partirait sur l’histoire des feutres, des crayons pastel et de toutes les autres babioles pour la simple et bonne raison qu’elle commence à développer une allergie aux rôdeurs. Mais même en détestant ces monstres qu’elle en a marre de voir quotidiennement, il faut avouer que l’entrepôt paraît être une mine d’or à côté de l’autre histoire à laquelle elle préfère ne pas réfléchir.

« On est d’accord que l’truc de l’entrepôt... ça parait être le plus simple, hein ? » qu’elle demande à sa partenaire d’un ton indécis, les bras croisés derrière le comptoir. Si Kassandra a su prendre ses habitudes à l’extérieur, elle se repose toujours sur Zelda qu’elle continue d’imaginer comme la plus forte des survivantes qu’elle connait. Elle lui laissera donc choisir entre ces deux corvées qu’on leur propose... L’herbe a intérêt à être bonne !

« Plein d'trucs ! »

Elle fait ce qu'elle peut, Zelda, pour que le duo qu'elle forme avec K' retrouve un semblant de crédibilité aux yeux de cette inconnue. Sortir ces peluches, ce n'était pas vraiment l'idée du siècle. C'est le genre d'acte qui doit les faire passer pour des petites filles aux yeux de leur interlocutrice. La voici bien obligée d'arguer que leurs capacités ne se résument pas à la récolte de doudous. « On peut péter des gueules, des genoux et des doigts ! Et même des culs, s'il le faut ! » L'australienne espère qu'elles auront ainsi l'air de dures, qu'elles retrouveront une crédibilité un peu mise à mal par Bob l'éponge et ses camarades.

Son doigt prospecte l'espace qui sépare sa main de celle de K'. Elle la caresse doucement pour lui signifier que cette défiance qu'elle exprime au nom de leur plausibilité ne remet rien en doute, qu'elle joue elle aussi un jeu et que la dernière chose qu'elle souhaite, c'est encore qu'elle se sente trahie. Et puis en parallèle elle tente de retirer sa chaussure écrasée, un brin malmenée, par le pied de sa petite amie. « La satisfaction de nos clients est notre principale préoccupation ! » précise-t-elle encore sur un ton commercial, esquissant tout de même l'ombre d'un petit sourire. L'adolescente adresse un signe de la tête à sa voisine et confirme ainsi ses propos et le fait, donc, qu'elles sont disposées à faire tout ce que cette forgeronne souhaiterait. Ou presque.

Et les tractations commencent enfin. Si les deux jeunes veulent récupérer de la nourriture et ce sachet d'herbe que l'australienne cherche toujours du regard, elles ont le choix entre deux options. L'une se résume à aller récupérer des disques de tronçonneuses dans un entrepôt infesté de rôdeurs. L'autre, à crapahuter dans la cité d'émeraude à la recherche de matériel de dessin. « Donc soit on prend le temps, soit on prend le risque... » résume la cadette du duo tout en interrogeant son aînée du regard. Est-ce qu'elle a une préférence ?

C'est le cas. Et comme souvent, elles sont du même avis. Zelda hoche la tête lorsque K' évoque l'entrepôt. Elles n'ont pas vraiment le luxe de perdre des heures - voir des jours - à crapahuter dans la cité. « Va pour l'entrepôt ! » approuve-t-elle à son tour avant de pivoter pour faire face à leur cliente improvisée. Parce qu'elle compte bien marchander un peu, l'australienne. Et tirer le maximum de cet accord. Il faut s'adapter aux coutumes locales. Et depuis qu'elle est ici, dans les travées du No Man's Land, elle a entendu moults personnes qui tentaient de négocier les prix avec les différents vendeurs.

Aussi s'éclaircit-elle la voix tout en se redressant un peu pour se tenir bien droite et paraître un peu plus imposante. Ou peut-être, plus crédible. « On veut la moitié maintenant et le reste quand on vous aura ramené l'matos ! » annonce-t-elle sans véritable préambule, prenant appui sur le bord de l'une des tables où sont exposées toutes les armes. « Nous sommes des professionnelles, ma petite dame. Les meilleures sur le marché. Et ça, forcément, ça à un prix ! » Un sachet d'herbe et de la nourriture, donc. Dans le fond ce n'est pas si cher payé même si leurs estomacs sont déjà séduits par l'offre de la forgeronne. « Considérant ces faits, je propose que vous rajoutiez ce couteau-là dans le marché ! » propose-t-elle en désignant de l'index une lame bien affutée et sa poignée finement ciselée qui a attiré son attention. « Et ma camarade en aimerait bien un elle aussi, je suppose ? » Zelda tourne la tête en direction de K'. C'est quelle arme qui lui plaît, à elle ?

Pas de pétage de gueule ou de genoux, comme elle dit. La proposition est tombée, à elle de faire leur choix maintenant. L’une d’elle demande beaucoup de recherche alors que l’autre seulement un peu de cerveaux pour esquiver un tas de rôdeurs. Alors que la blonde opine doucement vers Kassandra dont la balance semble peser vers l’entrepôt, son amie finit par suivre avant de se lancer dans des négociations mal-venues aux yeux de la forgeronne. Cependant, cette dernière esquisse en premier retour un sourire amusé, drôlement amusé même. C’est une certitude maintenant, ces deux là ne savent pas à qui elles parlent, c’est presque amusant à ce stade.

”Les meilleures du marché hein…” Répète-t-elle à mi-voix, feintant un instant de réflexion qui n’a pas lieu d’être. ”J’ai fondé et géré ce marché.” Et au cas où ce ne soit pas bien claire, elle ajoute : “Si vous étiez toutes deux dans le troc et qui plus est… “les meilleures”, je le saurais.” Rien de plus qu’une petite invitation à ne pas tenter de l’entuber à nouveau, elle ne marche pas. Ça tente quand même de négocier deux couteaux derrière, un prix bien trop élevé pour leur petite mission. Mission qui peut se passer sans encombres si elles utilisent ce qui leur sert de cerveau.

”Non” Après une grande inspiration, ses prunelles passent d’un visage à l’autre et elle se lance dans son explication : Il faut du temps et du savoir-faire pour forger un couteau de cette qualité. Il faut également des ressources qui ont elles aussi un coût, le métal de la lame et le bois du manche ne tombent pas des arbres. Si avec ça elles ne comprennent pas, tant pis pour elles, Kara n’est pas du genre à user bêtement de sa salive et sur ce sujet, elle en a déjà dit assez pour éclairer leur lanterne.

”Si vous voulez un paiement en avance et du rab, il faudra le mériter.” C’est comme ça que ça marche ici, tout au mérite. ”La confiance se gagne jeune fille. Réalisez déjà cette mission, faites-vous un nom par la suite et là on pourra négocier.” C’est à prendre ou à laisser. ”Pas avant.” Et c’est encore une fois sans appel possible. Kara n’est pas idiote, ces deux jeunes adolescentes ont plus besoin d’elle que l’inverse pour l’heure, inutile donc de se plier en quatre pour leur désir, ça aussi c’est la dure loi du marché.

Elle vient attraper une carte de son sac et entoure à la suite l’adresse du fameux entrepôt et ne manque pas de faire une grosse croix où se trouve le No Man’s Land, au cas où. ”Des questions ?” Demande la coutelière tout en commençant à dessiner un disque métal dans un coin de la carte.