Bonjour, New Eden, il est huit heures, les oiseaux chantent, et le temps est doux.

Si elle avait voulu se réveiller un peu plus tard pour son jour de congés, l’habitude ne le lui permettait pas. Habituellement, bien entendu qu’elle aurait été réveillée depuis une bonne heure, elle commençait tôt, et n’appréciait pas l’idée d’être en retard. Aujourd’hui, elle se permet un peu zèle, même s’il serait tout de même révoltant d’estimer que se lever à huit heures pouvait rentrer dans la catégorie de la paresse. Le programme de la jeune fille reste tout de même dense, car lorsqu’elle est de congés, c’est elle qui s’occupe de préparer le petit déjeuner pour toute la maisonnée, un petit tour de ménage... Ah… elle est parfaite Daisy n’est ce pas ?

Elle n’oubliait pas qu’elle rendait visite à Phoebe, pour la féliciter à nouveau de son union avec Noah. Les mariages étaient toujours une raison de se réjouir n’est ce pas ? La jeune métisse se redressa sur son lit, ramenant à sa poitrine ses genoux, avant de bailler longuement avant de regarder par la fenêtre, déjà la vie qui avait commencé pour bon nombre des habitants. Elle ne pouvait s’empêcher de penser à ceux qui dehors ne se réveillait pas dans les même conditions qu’elle et que malgré tout les prix à payer, et la moralité à oublier, elle était reconnaissante. Elle se rafraîchit, avant de descendre, les cheveux coiffés en une lourde tresse qui tombait dans son dos, habillée d’une robe crème, aux manches légèrement bouffante, un col en V discret, le tissu était léger, elle s’enroula dans un châle avant d’enfin descendre, pour s’atteler à la préparation du petit déjeuner.

Tout le monde se réveilla donc à l’odeur des pancakes qu’elle préparait dans la cuisine, en attendant que la pâte à pain qu’elle avait préparer la veille termine de gonfler. Elle comptait apporter une miche de pain à Phoebe, Daisy n’était pas du genre à venir les mains vides. Quelle jeune femme bien accomplie. Son frère pouvait se féliciter d’avoir une soeur, et elle méritait bien l’utilisation de son deuxième prénom, Love quand il se réveillait et n’avait plus qu’à mettre les pieds sous la table. Sa belle-coeur descendit enfin, se tenant à la balustrade pour assurer une descente qui ne mettrait pas en danger son bébé. Daisy l’observait souvent, se contenter de cette vie simple, sans ambition aucune de briller dans leur société. Peut-être devrait-elle suivre cette exemple… sa vie en serait plus simple, et elle trouverait un époux beaucoup plus vite. Sottise, voyons.

C’est aux alentours de dix heures trente qu’elle quitte la maison, avec dans un panier un pain qui sortait du four et quelque financiers qu’elle savait ferait le plaisir du fils de Phoebe. Parfaite, vous dit-on. Sur le chemin, elle salua les quelques habitants, c’était à pied qu’elle faisait beaucoup de ses trajets. Au fur et à mesure des années, elle avait apprit à apprécier le charme de la ville de Walla-Walla, parfois New York lui manquait, quand elle repensait au passé. Ces souvenirs lui semblaient tellement lointain, elle était si jeune que parfois elle se demande si ces souvenirs lui appartenait vraiment.

Daisy toqua à la porte d’entrée, releva son châle, avant de se retourner pour répondre à une salutation d’une collègue qui était elle en chemin pour le travail, elle secoua la main en lui souhaitant une bonne journée. C’était à ce moment que la porte s’ouvrit sur Phoebe, la métisse se reporta son attention sur son hôtesse. « Bonjour Phoebe, j’espère que je ne suis pas trop tôt. J’espère que tu as du café, je n’ai pas pu en boire un avant de quitter la maison. » déclara t-elle avec un sourire proche d’un sourire de publicité. Comme il devait-être éreintant de vivre de cette manière. C’était le prix à payer, vous dira t-elle, et celui qui lui jettera la première terre, ne devrait pas oublier les choix qu’il fait pour s’assurer son confort et la paix.

« Je t’ai apporté du pain ! Il est de ce matin! »

Ses matinées avaient désormais une étrange sensation de déjà vu, qui pourtant lui enlevait un poids. L'angoisse de voir Luke rentrer dans un état de colère excessif, n'existait plus. Et si elle s'organisait toujours pour tout terminer dans les délais, Noah n'avait que faire de son insistance et l'aidait à chaque fois. Pour tout ce qu'il pouvait.
Elle l'avait donc laissé prendre sa journée en direction du travail ce matin, se contentant de préparer le café en prévision de la suite. Norman douché et préparé qui jouait dans son parc, pendant qu'elle s'était activée à laisser la maison dans un état impeccable, alors que les repas du midi et du soir mijotaient déjà. Si elle ne prenait pas de plaisir à le faire, il n'empêchait. Elle s'y était accommodé. Et la présence de son nouvel époux soulageait grandement sa tâche, il fallait bien l'admettre.

Terminant tout juste de se préparer d'une robe cintrée à la taille à laquelle elle vint agrémenter une ceinture dorée, terminant de brosser ses cheveux sans passer par la case maquillage, quand la porte annonça une arrivée. Ramenant ses cheveux libre sur ses épaules pour ouvrir la porte, son sourire naissant au coin de ses lèvres en reconnaissant la visiteuse.

Daisy.

Daisy, et son apparence toujours parfaite, digne de ces femmes des années 50 que New Eden aimait à voir au bras d'un mari.

Au contraire, j'allais m'en préparer un. Tu es donc pile à l'heure.Souffla t-elle avec douceur à sa cadette, s'effaçant pour la laisser entrer dans l'habitation impeccablement nettoyée. Tu n'aurai pas dû ! S'exclama t-elle en récupérant les victuailles pour la débarrasser, venant les poser proprement sur le plan de travail, récupérant deux tasses dans le même mouvement.

Installe toi, j'arrive tout de suite. Promit-elle à Daisy alors qu'elle remplissait du liquide brûlant les tasses de porcelaine, déposant le tout sur un plateau auquel elle rajouta après un bref instant de réflexion les muffins aux myrtilles qui sortaient tout juste du four.
Venant en direction du salon en déposant le plateau sur la petite table basse du salon, tendant sa tasse et son assiette à Daisy avec un sourire.

J'ai testé une nouvelle recette, tu vas pouvoir me dire ce que tu en pense. lança t-elle en souriant avec douceur à Daisy, reprenant après avoir bu une gorgée de son propre café.

Que me vaut le plaisir de ta venue ? Serais tu tombée du lit ?

Après tout, il était encore tôt. La ville se réveillait à peine, pour certains.

Daisy était une parfaite représentation de ce qu’était la jeune femme espérée par New Eden, serviable, douce, attentionnée, le sourire jeune, coquette, élégante avec un charme qui elle l’espérait ne laisserait pas indifférent trop longtemps une grande ponte de la ville. Assez ambitieuse pour ne pas chercher à mettre un pied en dehors du chemin qu'on lui avait déjà tout tracé. Daisy essuya machinalement ses chaussures sur le paillasson avant d’entrer, retirant son trench et avant de le pendre sur l’un des des portes manteaux de l’entrée. Elle reporta son attention sur Phoebe qui lui annonça qu’elle était pile à l’heure, Daisy en était rassurée. Il n’était vraiment pas poli de se présenter en avance, c’était ce que sa mère lui avait toujours dit, le mieux était d’arriver même quelques minutes en retard, pour éviter l’embarras à l’hôtesse qui aurait pu prendre du retard dans ses préparatifs. Daisy avouait qu’elle trouvait profondément pertinent, seulement, elle aurait certainement eu du retard si elle n’avait été en congés. Voilà déjà quelques jours que son patron était parti en vadrouille vers Seattle, et qu’elle ne le reverrait pas avant deux mois, selon les dires celui-ci. La jeune fille en profiterait pour faire les visites qu’elle avait du repousser, et aider sa belle-soeur dans ses premiers mois de grossesse.

Daisy suivit Phoebe, jusqu’au salon, où elle s’assit sur un des canapés, prenant soin de ne pas s’asseoir de façon à ne pas froisser sa robe. Daisy appréciait la compagnie de Phoebe, qui revenait d’ailleurs avec des tasses de café fumant, ainsi que des muffins aux myrtilles, Daisy se laissera sûrement tentée, se promettant de faire un petit plus de sport demain matin. Après tout, elle avait du temps devant elle ces derniers temps, elle pouvait bien faire un petit écart, surtout face à des gâteaux qui sortaient tout juste du four.

Daisy tendit la main, brisant le muffin en deux avant d’en porter une partie à sa bouche, mettant sa main en dessous de son visage pour rattraper les possibles miettes qui tomberaient, elle eut un sourire. « C’est réellement délicieux Phoebe, je te remercie. » répondit-elle, en faisant tomber les miettes qu’elle avait dans le creux de la paume sur son assiette.

« Le docteur Minh-Oh est parti en expédition vers Seattle, je suis en congés jusqu’à son retour. Je me suis dis que j’en profiterais pour faire quelques visites auprès de mes amies. Je voulais aussi se re-féliciter pour ton mariage, Phoebe ! » expliqua t-ell, en se tournant vers Phoebe, la tasse entre les mains. Elle devait avouer qu’elle avait parfois un peu de mal à remplir ses journées, alors elle préférait prendre l’air et voir quelques personnes plutôt que de ne rester à rien faire. Elle avait déjà fait le tour de ses partitions de piano, elle profiterait à l’occasion de son retour chez elle pour passer voir si elle pouvait en trouver en ville. « Et puis, il m’est difficile de me lever après une certaine heure, les habitudes restent.. » continua t-elle en souriant doucement.

« Je vais devoir suivre le chemin du mariage plus tôt que tard à mon avis. »

Elle offre un sourire humble à Daisie qui la complimente sur sa nourriture. Ce n'est pas comme si elle n'avait pas eu le temps d'apprendre à cuisiner, en étant mère au foyer ... Et Luke aussi horrible puisse t-il être, avait au moins servi à lui apprendre à faire des plats parfaits pour s'éviter des disputes inutiles à base d'un rien.
Elle avait eu vent de cette expédition. Son coeur se serrant en s'interdisant d'y penser, se contentant à nouveau de sourire l'air de dire qu'elle est au courant.

Au moins ça te laisse un peu de temps pour profiter de tes proches également. Qu'elle souffle avec sa douceur habituelle, rougissant légèrement à ses nouvelles félicitations.

Merci beaucoup... J'espère que la maison te plaît d'ailleurs ? demande t-elle en désignant d'un vaste mouvement du bras sa nouvelle demeure, ainsi qu'à Noah. Les fleurs sont fraîches du matin, issus de la boutique de Nell, permettant au moins une senteur fleurie, à défaut de posséder de l'encens ou tout autre parfum de synthèse. Je n'ai pas encore eu le temps de finir la décoration, mais au moins tout est fonctionnel.
Et à dire vrai, elle apprécie la décoration simple qu'ils ont mis en place de manière temporaire. Elle s'y est faite, Noah aussi. C'est le plus important.

Mais quand sa cadette évoque le mariage, elle ne peut s'empêcher de se tendre silencieusement. Déjà ? Ca, elle ne peut pas le lui demander à voix haute. C'est impossible. Ca laisserait entendre qu'elle est totalement contre cette possibilité, alors qu'elle lui jette un regard soucieux, au même titre qu'une soeur aînée.

Vraiment ? Tu... Tu as eu des propositions ? qu'elle bafouille un peu, glissant une mèche blonde derrière son oreille. Et surtout, tu as rencontré quelqu'un ?

Elle savait bien, qu'on ne leur demandait pas trop de prendre le temps de connaître leur futur époux. Et elle avait eu la chance exceptionnelle de tomber sur Noah, et en remerciait dieu chaque jour. Mais pour Daisie ? Elle ne méritait pas de tomber sur un monstre comme Luke... Ce serait trop injuste. Venant boire une gorgée de café pour masquer sa tristesse à cette évocation qui paraissait si simple pourtant pour Daisie, attendant ses réponses avec autant d'impatience que d'appréhension..

Daisy est gentille, Daisy est jolie, Daisy est appréciée de tout le monde. Qu’est ce qu’il y aurait à ne pas aimer ? Serviable, charmante, souriante, loyale à sa famille et sa communauté, convaincue et éduquée par New Eden, ses défauts avaient été gommé au profit d’une personnalité agréable et serviable. Pourtant, les défauts étaient bien présents. La jeune femme aimait sa vie ici, elle voulait qu’elle continue aussi longtemps que faire se peut, aussi longtemps que nécessaire. Daisy aimait le confort, les choses rangées, propres, les jardins entretenus, les maisons fleuries, les feux de cheminées, et les piques-niques quand les jours le permettaient. Elle n’aimait pas le désordre, l’idée de devoir perdre sa vie à New Eden lui était profondément insupportable, à tels point qu’elle pourrait se dresser en vilaine de l’histoire. Redoutable était l’enfant qui n’avait connu que luxe, calme et volupté.

Daisy était gentille, jolie, appréciée et serviable, jusqu’à ce que l’on se mette sur le chemin de son confort et de son ambition. Le regard de la métisse se posa sur la décoration de la maison alors que Phoebe lui demandait son avis. La maison était décorée simplement, les fleurs apportaient une touche un peu plus féminine, qui apportait un décalage bienvenue avec le reste de la maison. Daisy hocha la tête, avant de se replacer correctement sur le canapé, le dos bien droit. « C’est très agréable. Tu auras bien le temps de t’apporter les touches que tu juges nécessaire. Pour l’instant, il faut profiter des premiers mois de jeunes mariés, n’est ce pas ? » affirma t-elle avec un sourire, avant de lever la tasse de café à ses lèvres pour en boire une gorgée.

« Des sollicitations, pas de propositions. » affirma t-elle en reposant sa tasse dans la soucoupe. De toute manière, ce n’était pas le premier venu qui pourrait convaincre Daisy, ni même son frère, plus réticent à l’idée de la laisser partir tout de suite. Elle offrit un sourire à Phoebe, avant de boire une gorgée à nouveau. Elle eut un soupir satisfait de pouvoir boire un café, il faut dire que c’était bien une chose qu’elle devait avoir en commun avec les gens de l’ancien monde, c’était bien son amour pour le café. Et puis ses origines italiennes sans l’ombre d’un doute. Le café italien est un art après tout, même si elle n’avait eu l’occasion de n’y aller que deux fois pendant son enfance, et qu’elle doutait qu’elle puisse y remettre les pieds de sitôt.

« Mon frère est encore un peu réticent à l’idée de me voir partir. » reprit-elle, pensive, distraite par un pétale qui tomba sur la table, elle releva son visage vers Phoebe.

« Je n’ai ’rencontré’ personne, mais ce n’est pas pour cela que je ne dois pas y penser sérieusement.  » conclut-elle. Ce n’était pas tant qu’elle avait rencontré personne, c’était que personne n’avait trouvé grâce à ses yeux. Daisy pose sa tasse, avant de reprendre une bouchée du muffin. « Ils sont vraiment délicieux. Il faudra me donner la recette, Phoebe. » Elle reposa sur le muffin sur l’assiette.

La mariage n’était pas quelque chose auquel elle pourrait échapper, prendre les devants n’étaient qu’une formalité, et d’ailleurs une chose qui était plutôt encouragé. Daisy n’avait pas l’intention de faire un choix par dépit, si elle n’avait pas le droit à l’amour et aux amourettes bien souvent lié à son âge, elle aurait au moins le statut qui irait avec l’anneau. « Je n’ai pas vraiment le luxe d’attendre, Phoebe. Mieux vaut faire un choix, plutôt que devoir subir par dépit ou pressée par l'urgence. Tu ne penses pas ? »