Zack Robinson
Lun 7 Juin 2021 - 20:08
Débrouillard Curieux Fiable Avenant Tenace Versatile Cynique Fataliste Secret Impatient | Equipé d'une batte de baseball qu'il a ramassé lors d'un de leurs pillages, Zack a rapidement appris à la meilleure façon de défoncer des crânes. Rôdeurs ou humains, nécessité faisant loi. Il a aussi un Beretta 92, que son frère lui avait offert. Avec une poignée de munitions qu'il économise précieusement. Toujours vêtu d'une épaisse veste en cuir, il porte surtout des vêtements pratiques et aussi confortables que possible. Il ne se sépare jamais de son sac de randonnées qui contient tout ce qui fait désormais sa vie : un carnet sur lequel il griffonne dès qu'il en a l'occasion et rempli de vieux schémas de robots qu'il ne regarde même plus, quelques stylos, le bouquin qu'il est en train de lire, des fringues de rechange, un briquet tempête et un paquet de clopes à moitié vide. Il a réussi à garder son vieux téléphone et a chopé un chargeur solaire qui lui permet d'écouter la même musique depuis plus de cinq ans. Et de regarder les quelques photos de sa famille qu'il a encore. Même si c'est plus déprimant qu'autre chose. Accroché à son sac, un sac de couchage qui résiste aux intempéries et qu'il garde précieusement. Et il a gardé la moto qui leur a permis de venir jusqu’à Seattle avec Locklan. Elle est usée par les années et il ne se risquerait plus à faire de longs trajets avec elle, mais il y tient vraiment. Avec son mètre 90 et ses 85 kilos, Zack en impose, parfois malgré lui. Le fait d'être barbu et aux cheveux longs en rajoute une couche. Il n'a jamais réussi à se résigner à tout couper, même si ce serait bien plus pratique au quotidien et qu'il garde tout de même souvent les cheveux attachés. Et sa barbe est plus ou moins taillée selon son humeur et les possibilités qu’il a de prendre soin de lui. Les années passant, sa carrure s'est étoffée et la vie rude qu'il a menée lui a octroyé une musculature bien présente. S'il a été longtemps épargné avant l'apocalypse, son corps est désormais parsemé de cicatrices faites ces dernières années. Que ce soit les coups qu'il a pu recevoir, les résultats des escarmouches avec les autres groupes, le coup de couteau qu'il a reçu il y a deux ans ou la balle qui a laissé un sillon rouge sur son bras. Il ne les cache pas, pas plus qu'il ne s'en vante. Ce ne sont que des informations qui prouvent qu'il a réussi à survivre. Rien de plus. Après des années de refus, malgré l'insistance de son frère, Zack a accepté de se faire tatouer une paire d'ailes d'ange à la naissance de la nuque, pour marquer son appartenance au groupe. Pour autant, il n'aime pas particulièrement l'arborer et il lui rappelle plus de mauvais souvenirs qu'autre chose. |
Eté 2000
Là tout de suite, je suis hyper concentré. Tellement que je tire la langue, alors que je dévisse tant bien que mal le couvercle de la radio. Personne m’a vu la piquer et ça fait deux heures que je suis caché sous la table de la cuisine. Je suis sûr qu’on me trouvera jamais. Du haut de mes 6 ans, je me crois bien plus malin que les autres. Pourtant, avec déjà trois autres garçons encore plus turbulents que moi, maman elle sait grave gérer.
Dans l’ordre, on a Tony. Il va avoir 18 ans demain. Donc forcément, à la maison, c’est le branle-le-bas de combat pour tout préparer. Après, y a Dennis et Riley. Ils ont 16 ans et ils trainent toujours dans les pattes de Tony. Et puis y a moi donc. Du haut de mes 6 ans et demi. Le petit chouchou comme Tony m’appelle tout le temps. Vrai que j’ai le droit de faire un peu ce que je veux et maman ou papa me punissent jamais. Alors qu’ils sont pas vraiment pareil avec les frangins. Tony dit que c’est à cause de Becky. C’était notre sœur. Mais elle est morte quelques jours avant ma naissance. Une balle perdue. J’ai pas trop pigé ce que ça voulait dire mais visiblement, c’est pas terrible de perdre des balles. Et je peux pas vraiment en parler vu que ça rend tout le monde triste.
Papa s’est plongé dans le travail. Il vend des pièces pour les motos. C’est trop cool d’aller le voir, j’ai même le droit de jouer avec les outils et de bricoler les trucs qu’il me donne. Maman reste à la maison, avec autant de gamins, impossible de faire autrement. Et puis, y a tous les copains de papa ou de Tony qui viennent. Ils ont des chouettes blousons en cuir. Ce sont des… comment ils ont dit déjà ? Ah oui, des Hells Angels. En gros, c’est ma famille, c’est tout ce que j’ai à retenir. Ils me protègent, ils veillent sur moi, même quand je suis en dehors de la maison. Je peux aller voir n’importe lequel d’entre eux si j’ai un problème.
Je fais sauter la dernière vis avec un sourire satisfait et je commence à trifouiller l’intérieur de la radio. Je me demande à quoi servent tous ces trucs, mais c’est la meilleure façon d’apprendre non ?
« ZACK ! »
Je sursaute, écarquillant les yeux alors que ma mère vient de soulever la nappe et tape du pied en attendant que je sorte. Ce que je fais, la mine basse, ma radio démontée entre les doigts. « Mais c’est pas possible, qu’est-ce que t’as démonté cette fois ? Tu vas me rendre chèvre Zack, tu le sas ça ? » Je bafouille deux trois mots, avant de sortir une arme imparable. Un grand sourire alors que je lui saute dans les bras. Ça marche toujours. Elle essaie encore d’avoir l’air fâchée, mais ça dure pas. « Va te débarbouiller, on passe à table. »
Printemps 2006
« AAaaaAAaaaah je vais mouriiiir ! » Je ferme les yeux et je me cramponne partout où je peux. Les bras de papa, son manteau. N’IMPORTE QUOI ! Ça va vite, ça va beaucoup trop vite et je suis terrorisé. Il a décidé de m’emmener faire de la moto et, même si maman a trouvé que 9 ans, c’était trop jeune, il a pas écouté. Il m’a planté devant lui, m’a posé les mains sur ses propres avant-bras, un casque sur la tête et PAF c’était parti. J’ai même eu droit à un petit blouson en cuir offert par un ami de papa. Même s’il est plus officiellement dans le groupe, il a toujours sa place il parait. Et puis, Tony a commencé à prendre du galon, tout le monde est trop fier de lui.
Je continue de hurler comme pas permis alors que papa roule encore. Et il finit par se garer, pour me lâcher, avec un grand sourire. « Alors bonhomme, t’en penses quoi ? » Je bats des cils alors que j’enlève mon casque. J’ai le cœur qui bat trop vite et j’ai jamais eu aussi peur de ma vie. « C’était TROP COOL ! On recommence ? Hein dis ! » Et il éclate de rire avant de m’enfoncer de nouveau le casque sur la tête.
Maman l’engueule plus pour la forme qu’autre chose quand il rentre, alors que moi, je file dans la chambre des jumeaux pour leur raconter. Ils se marrent et me traitent de chochotte quand je leur dis que j’ai eu peur, mais au final, ils sont carrément cools. Et j’en profite pour leur montrer mon nouveau projet de robot. « Celui-là, il pourra faire le lit à notre place. Ce serait hyper pratique et on gagnerait plein de temps le matin. » Faut dire que ouais, j’ai un carnet avec toutes mes idées de robots. Et j’en ai un paquet. Tout le monde se fout de moi, mais je suis sûr que je pourrais en construire un plus tard.
Automne 2010
« Zack, comment tu as pu faire ça ! Tu devrais avoir honte de toi ! » Je pique du nez, le visage fermé, alors que mes deux parents se sont passé le mot. Quand le premier reprend son souffle, c’est l’autre qui enchaine. Ca commence à faire blablablabla dans ma tête et je me contente d’acquiescer de temps à autre, juste histoire de dire que je les écoute. La semaine avait pourtant tellement bien commencé. J’avais gagné un putain de prix de sciences. Le truc qui a rendu mes parents tellement fiers que mon père s’est pavané avec ma médaille au boulot quoi.
J’étais plutôt content de mon coup, faut dire que j’y avais passé un sacré paquet d’heures avec Glenn et Marisol, mes deux meilleurs amis. Notre trio de petits génies bricoleurs passait pas inaperçu dans le quartier mais on s’en sortait plutôt bien. Surtout grâce à Tony qui veillait sur moi de loin. Tant que j’allais en cours, que je ramenais des bonnes notes – dans les matières qui m’intéressaient – et que je faisais pas de grosse connerie, tout roulait.
Et puis là, c’était le jackpot. J’ai même eu de l’argent pour ça. Un robot avec un bras articulé qui écrase une cannette de bière. La méga-classe quoi.
Mais forcément, faut toujours que ça dérape. Et j’ai décliné l’invitation de Marisol pour aller trainer avec les petits frères des caïds du coin. Leurs ainés trainaient avec Tony et si en temps normal, je préférais pas trop les fréquenter, je sais pas trop pourquoi, j’ai fini par craquer. Première fois de ma vie que j’ai bu de la bière. C’était dégueu, mais vu que tout le monde trouvait ça cool, j’ai fait comme si j’aimais ça. Et de fil en aiguille, je me suis retrouvé à cracher mes poumons, une clope au bec, en train de taguer des insultes sur le mur de l’église du coin.
… avant de me faire choper par les flics. Ouais, d’un coup, ça fait un peu tâche. Mais j’avoue, je me dis que le côté bad-boy plairait plus aux filles que le côté petit nerd. Suffisait de voir mes frangins pour voir que ça marchait pas mal. Tony était toujours célibataire mais, en étant le chef du groupe des Hells Angels du coin, autant dire qu’il avait qu’à claquer des doigts pour avoir qui il voulait.
La blague, c’est que je me suis retrouvé comme un con devant le juge. Les autres se sont tirés sans demander leur reste. Et j’ai eu du bol, je m’en suis tiré avec 30 heures de travaux d’intérêt général, notamment le nettoyage de l’église. J’ai fait le dos rond, parce que c’était carrément moins pire que ce qui m’attendait à la maison. Mon père a jamais levé la main sur moi. Il a toujours été à l’écoute. Mais là, je crois qu’il a pas supporté. Et j’ai pris la seule rouste de ma vie. Je vous garantis que ça, ça a été vachement plus efficace que les TIG.
Pourtant, quelque part, le mal était fait. Même s’ils m’avaient lâché, je continuais de voir Dizzle et son petit groupe de temps à autre. Je me suis mis à fumer pour de bon. Ça faisait cool. Et, vu que je continuais quand même à gérer en cours, j’ai eu droit à ma première moto. Je savais toujours pas si j’aimais ça ou pas en vrai, mais vu que les frangins m’ont attendu au tournant pour voir si je me vautrais ou pas, j’ai pris sur moi. D’autant que les filles – et surtout Marisol – trouvaient ça cool.
Printemps 2012
Mes lèvres effleurent son épaule alors qu’elle laisse filer un rire un peu gêné. Notre première fois à tous les deux, avec Marisol. Je saurais pas dire à quel point c’était pourri ou pas, mais en vrai, avec elle, c’était plutôt cool. Comme tous les moments qu’on passe ensemble. Mais il y a quand même un silence gêné alors qu’on se regarde. Et qu’on finit par éclater de rire. « J’pense qu’on peut dire qu’on est ensemble là, tu crois pas ? » Elle m’assène un coup sur l’épaule avant que je l’entraine de nouveau sous la couverture. Je confirme qu’elle a bien aimé la moto. Et les balades. On a même séché un peu les cours mais, vu qu’on gère tous les deux en cours, ça s’est pas ressenti sur nos notes. Et on a pas vraiment fait de conneries. A part quelques bières, quelques pétards en douce. Je la dévergonde un peu. Bon… beaucoup quand on voit où on en est tous les deux.
Et c’est probablement pour ça que ses parents, hyper catholiques, débarquent à la maison pour dire à mes parents que je dois plus la voir. Forcément, ça m’incite encore plus à le faire et, si moi j’arrive à me maintenir à flot, c’est pas vraiment son cas. Le pire ? C’est que je finis par la mettre enceinte. Et c’est la dernière fois que je la vois. Avant que ses parents la fassent avorter dans une clinique privée et qu’elle soit changé de lycée. Je me fais pourrir par mes parents, mais je crois qu’ils sont soulagés que Marisol ait disparu de l’équation. Et moi ? J’en sais trop rien. Je l’aimais bien, on se marrait bien tous les deux. De là à dire que j’étais vraiment amoureux ? Bof.
Finalement, je sors diplômé du lycée et avec d’assez bonnes notes pour avoir une bourse pour le North Seattle College. Section électronique. Ils ont un labo de DINGUE. Je vise un diplôme en automatisation industrielle et contrôles électroniques. Si je me débrouille bien, je pourrais vraiment le construire mon robot. Je sais pas quand, je sais pas comment. Mais ça a l’air trop cool. Et puis là, personne trouve bizarre que je passe aussi des heures à naviguer sur Internet pour trouver des anecdotes sur tout et n’importe quoi, au contraire, on s’encourage mutuellement à trouver les trucs les plus improbables. Que ce soit les vidéos, les articles et j’en passe. C’est fun et ça arrive à assouvir un peu ma curiosité. En plus de me faire raconter un paquet de conneries dans les diners familiaux.
Eté 2015
Et le temps passe. Je vis toujours chez mes parents et, le weekend, je vais toujours trainer avec Dizzle. Il a pas fini le lycée lui et il suit les traces de son frère. Comme la plupart des mecs de mon âge. Je fais un peu figure d’extra-terrestre, mais vu que mon frère est influent et que je suis plutôt sympa comme type, ça pose pas de problèmes. J’évite de me la péter en parlant de l’Université et je suis pas le dernier pour les plans picole ou fumette. Même si je préfère m’esquiver quand ils font des conneries. Parce que je sais ce qui m’attend à la maison si je fais ça. Et que ouais, ptet que j’ai pas envie de foutre ma vie en l’air. Je me laisse pousser les cheveux, ça fait un effet bœuf aux filles. J’ai pas trop à me plaindre de côté-là, même si maintenant, je fais hyper gaffe à éviter d’en mettre une deuxième en cloque. Ça ferait vraiment désordre.
Et je crois que mes parents sont vraiment fiers de moi. Même Tony, malgré son air bourru. Il parle souvent du petit chouchou avec un sourire en coin. Et il aime bien parler des prix que j’ai pu remporter ou de mes cours super chelou. Sans compter toutes les anecdotes qu’il lâche dès qu’il peut sur mes conneries gamin. Ouais, ouais, quand j’avais 10 ans, j’ai démonté le téléviseur. Et j’ai bricolé le grille-pain à 14 ans pour essayer de l’améliorer. Du coup, ça faisait voler les tranches assez brusquement. Ça me fait marrer et je lui dis qu’il commence à radoter. Mais ouais, je suis plutôt content de moi. Et de ma vie.
Automne 2015
« Prends-ça. Tu restes là et tu tires sur le premier qui essaie d’entrer. Vous restez enfermés. J’reviens ce soir. Pigé ? » Je hoche la tête, les yeux écarquillés, alors que Tony me met un fusil à pompe entre les mains. J’ai jamais utilisé d’armes de ma vie. Je sais vaguement me battre parce que les frangins me chahutaient un peu et m’ont montré comment me défendre au cas où, mais ça va pas plus loin.
Sauf que là, c’est… l’apocalypse. Ou je saurais même pas comment qualifier ça. Les premiers jours, j’y ai pas cru, comme à peu près tout le monde. Je regardais Internet avec Dinah, ma copine du moment, et on se marrait bien, persuadé que toutes ces vidéos, c’était du fake. Et puis, les autorités ont commencé à nous dire de plus sortir le soir pour des… C’était quoi déjà ? Ah ouais « des troubles temporaires ». Tu parles de putains de troubles temporaires. Tony m’a dit qu’il gérait la situation mais que je reste à la maison. C’était pas négociable. Alors, je suis resté. De toute façon, les cours étaient suspendus.
Mais en quoi 10 jours ? Un truc du genre, tout a basculé. L’inquiétude, l’angoisse, a pris la place de l’incrédulité. Et j’avoue que j’ai été heureux de voir Tony prendre les choses en main. Nous, on était surtout plantés devant la télé, à voir les infos de plus en plus improbables. Au bout d’un moment, j’ai commencé à plus vraiment avoir de réseau avec mon téléphone, mais c’était pas si grave. Les gens importants étaient là avec moi. Tony m’embarquait de temps à autre pour aller récupérer des stocks de bouffe. Je posais pas de question sur le fait qu’il paie ou pas pour tout ça, tant qu’on repartait avec des caddies plein. On était de plus en plus souvent avec son groupe de motards mais au moins, je me sentais en sécurité. Autant que possible en tout cas.
Jusqu’au 19 octobre. Si je devais fixer une date, je dirais que c’est là que tout a basculé. Que tout est devenu réel. Tony nous a dit qu’on devait quitter la ville, qu’il allait chercher son pote Locklan pour récupérer du matos et qu’on allait se tirer. A Redmond ou ailleurs, je m’en foutais.
C’est là qu’il m’a filé le fusil à pompe. Je devais garder la maison en attendant son retour. Quelle idée à la con.
Je soupire alors que je sens mes mains qui se font moites sur l’arme. Le temps a l’air de pas s’écouler et le tic-tac de l’horloge commence à me porter sur les nerfs. Papa et Riley sont partis avec Tony. Et nous, avec maman, on… attend. Que ça passe. Elle me fait un sourire et me tapote la joue, en me disant que ça va aller. Et j’essaie de la croire.
Jusqu’à ce qu’on frappe à la porte. J’ai un temps d’arrêt, sans trop savoir quoi faire. « HEY ! C’est Dennis ! Ouvrez-moi putain ! » Deux jours qu’on avait plus de nouvelles. Mais Tony m’a dit d’ouvrir à personne. Forcément, maman me laisse pas le temps de réagir qu’elle lui a déjà ouvert. Il est blessé visiblement. Un taré l’a mordu dans la rue. Elle l’allonge sur le canapé et les heures passent. La fièvre montre. Impossible d’avoir les urgences, les lignes sont saturées. Et Dennis finit par mourir au bout de quelques heures. Je fixe son cadavre, alors que j’entends maman sangloter en bruit de fond. Et j’ai l’impression d’être dans un cauchemar, que ça pourrait pas être pire. Sauf qu’à la nuit tombée, j’entends un grognement. Je vois Dennis qui se relève et maman qui se précipite dans ses bras en criant au miracle. J’ai pas le temps de piger ce qui se passe qu’il la mord et lui arrache presque la gorge d’un coup. Je l’entends juste hurler et j’essaie de braquer mon arme sur lui. Mais je fais tomber le fusil une fois. Puis deux. Et j’arrive même plus à me rappeler comment on l’enclenche.
Finalement, quand j’y arrive, maman est par terre. Et je tire sur Dennis. Dans son estomac. Mais il continue d’avancer. Je recharge et je tire encore. Et encore. Jusqu’à toucher la tête alors qu’il est à un mètre de moi à peine. Elle explose et je le vois s’écrouler. Je tremble, alors que je vise le corps de maman par réflexe. Et je garde mon arme braquée sur elle, incapable de faire quoi que ce soit, couvert du sang de mon propre frère.
Jusqu’à ce que Tony arrive. Juste à temps pour lui tirer dessus alors qu’elle s’est relevée. On est au milieu de la nuit je crois. Je saurais même pas dire. Mon frère se contente de me serrer l’épaule et me dit de préparer mes affaires. On quitte cet endroit. Je me contente de hocher la tête, incapable d’une autre réaction. Et je le suis sans un mot.
Hiver 2016
J’avoue que les jours qui suivent sont un peu flous. Je me laisse porter par Tony qui prend tout en main avec son groupe. Je bricole quelques trucs qui peuvent les aider, des talkies dont j’augmente la portée, des trucs du genre. Rien de bien sorcier mais au moins, je me rends utile. Parce que, si je suis à l’ouest durant un temps, je me rends vite compte de ça. Etre le petit frère de Tony ne suffira pas à m’assurer la sécurité ici. Chacun doit servir à quelque chose. Je passe du temps à bidouiller une radio qu’on a trouvée, espérant vaguement finir par capter quelque chose. Une ou deux fois, je tombe sur des vieux messages qui tournent en boucle, qui nous disent que tout est sous contrôle et de rester chez nous. Je capte aussi quelques grésillements et, je crois, des discussions, sans arriver à tout piger. Mais ça finit par gonfler un des lieutenants de Tony qui chope la radio et l’explose contre le mur. La tension grimpe d’un cran avec mon frère qui me souffle d’arrêter de jouer au petit génie, de bosser et de la fermer. Surtout de la fermer.
Parce que, ce qu’on avait pas de base avec nous, ils commencent à le prendre par la force. Et si j’adhère pas vraiment, je me dis qu’il y a pas vraiment d’autres options. Et qu’il vaut mieux être de ce côté-là que de l’autre. Alors je ferme les yeux et je passe un peu plus de temps avec la famille de Locke. C’est con, mais au moins, les gamins et sa femme sont … gentils ? Ouais, ça peut paraitre débile, on a dépassé ce genre de conneries depuis longtemps.
C’est facile de fermer les yeux quand on est pas du côté des victimes. Et d’imiter les autres. J’ai appris à savoir faire, avec le temps. Pour pas me faire remarquer. Je commence à m’entrainer un peu, histoire de gagner en carrure. Ça vaut clairement pas les gros bras du groupe mais, avec ma taille, j’arrive à en imposer un peu. Et je continue de bricoler, quand j’ai vraiment rien d’autre à faire. J’arrive même à remonter un petit robot pour le gamin de Locke. Un semblant de normalité au milieu d’un tourbillon de violence qui finit par devenir… acceptable. Normal même. Des gens se joignent à nous de temps à autre. Quelques femmes qui sont ramassées, parfois volontairement, parfois non, et elles tentent de survivre dans tout ce merdier comme elles peuvent. Certaines essaient d’avoir ma protection, vu que je suis le petit frère du chef et qu’elles s’imaginent que ça va les aider. Sauf que je peux pas, c’est pas vraiment mon délire. Et que les tensions dans le groupe se font de plus en plus grandes.
Parce que ouais, suffit de pas grand-chose pour que ça dérape. Je sais plus trop comment ça a démarré. Une histoire de merde, forcément. Locke et Tony étaient partis en expédition. Riley s’est fritté avec un des nouveaux venus. Ils voulaient la même fille je crois. J’ai pas tout suivi et je m’en foutais un peu sur le moment. Jusqu’à ce que je vois le crâne de mon frère exploser d’une balle. Ce qui m’a le plus marqué ? C’est le silence qui a suivi. Et ce mec, je sais même plus son nom, a chopé la fille par les cheveux pour l’entrainer plus loin en se foutant de ses hurlements. Je me suis contenté de ramasser le cadavre de mon frère, sous les yeux des autres, pour aller l’enterrer dans la cour.
2017
Je hoche la tête quand Tony m’assigne une nouvelle fois à la défense de notre camp pendant qu’il part en vadrouille avec le reste du groupe. Je suis avec Locke et ça me va bien. On se démerde plutôt bien tous les deux et il a pas l’air de me prendre de haut parce que je suis juste le petit frère de Tony. Je me suis calmé avec mes idées à la con, mais ils ont quand même écouté mes propositions pour renforcer nos défenses. Probablement parce que Locke les a appuyées. Surement même. Enfin, tant que ça marche. On est loin de mes envies de construire un robot intelligent hein, mais ça fait longtemps que j’ai rangé ça dans un coin de mon esprit. Je l’oublie pas vraiment, mais je me rends bien compte que je peux plus rien en faire pour le moment.
Et, à mesure que passe le temps, je réalise que je peux pas me raccrocher à mes principes d’avant tout ce merdier. La pitié, la compassion, ce genre de trucs… ça n’existe plus. Je le vois quand certains reviennent blessés… ou ne reviennent pas du tout. La loi du plus fort a fini par s’instaurer. Alors, quand Locke demande à s’entrainer au tir avec Tony, je m’incruste. Et je m’en sors pas si mal que ça. Je crois. En tout cas, j’ai l’impression que d’autres me regardent un peu moins de travers.
Perso, je suis admiratif quand je vois Locke détourner les rôdeurs avec sa moto. Je finis par prendre sur moi et par demander à faire les sorties, avant qu’on me désigne à une autre tâche. Je gagne en assurance au fil des mois et je me rends compte que je suis capable de tuer. Des rôdeurs. Mais aussi des humains. J’aime pas ça et j’ai toujours un goût de bile dans la bouche quand ça m’arrive. Sauf qu’ils ont raison. C’est eux ou nous. Alors, à choisir… Sauf qu’on aurait dû faire plus attention. Nous montrer plus humains ou plus extrêmes. L’entre-deux ça fout toujours la merde. Parce qu’on a fini par semer, sans le savoir, les graines de la vengeance là où on le soupçonnait même pas.
Printemps 2018
Je soupire longuement, alors que mon regard reste perdu dans le vide. Comme à chaque fois qu’il pleut, la cicatrice que j’ai au côté gauche me fait mal. Pour un peu, je pourrais faire miss météo. Le truc super utile. J’ai aussi les côtes qui continuent de me lancer. Ça fait combien de temps que c’est arrivé déjà ? Trois mois ? Quatre ? Bah quand je respire trop fort ou que je me marre, ça fait mal aussi. Enfin, remarquez, je me suis pas marré depuis des lustres.
Je sors une des petites voitures d’Ewen de ma poche et j’ai une grimace. Comment les choses ont pu partir en couille à ce point-là ? J’ai beau essayer, j’ai toujours du mal à remettre les choses dans l’ordre. Il y a des mecs qui sont venus se venger. Quand la plupart des gros bras étaient partis dans une grosse opération de pillage. Ils avaient bien choisi leur moment. Je revois encore mon père se prendre une balle dans la tête, Jena se faire rouer de coups et le gamin hurler pendant qu’ils l’embarquaient. Après, c’est le flou artistique. Je me suis fait déboiter la gueule. C’est tout ce dont je me rappelle vraiment. Et la douleur quand j’ai senti un couteau se planter dans mon flanc. J’ai rouvert les yeux pour voir le regard brûlant de rage de Locke.
J’ai fait ce que j’ai pu pour les protéger, mais c’était pas assez. Parce que j’étais pas assez fort. Pas assez violent. Alors, quand je propose à Locke de le suivre dans sa quête de vengeance, c’est pas pour faire l’enfant de chœur. Je couvre ses arrières quand il le faut et je m’assois sur mes états d’âme. Ils n’ont pas sauvé mon père. Et ces fils de pute ont pris un gamin.
On finit par retrouver le petit quelques mois plus tard.
Mort.
J’ai l’impression qu’un truc s’est cassé pour de bon chez Locke ce jour-là. Chez Jena aussi. Tony ? J’ai même plus les mots. Je me souviens qu’il a hurlé de rage, de douleur et j’en passe devant le corps de papa. Il a même frappé un des mecs de notre groupe qui a essayé de le calmer parait-il. Moi j’étais trop HS pour réaliser quoi que ce soit.
Le pire ? C’est que la vie continue. Si on peut appeler ça une vie. On avait fini par rencontrer du monde sur la route, grâce à cette merveilleuse famille que sont les motards. Faut dire qu’on avait perdu pas mal de monde dans cette vendetta et, à bien y regarder, de nos têtes pensantes il restait plus que Tony et Locke. Alors notre groupe, ou plutôt ce qu’il en restait, s’est mêlé aux motards de l’Idaho. Et la violence est montée encore d’un cran si tant est que c’était possible. Et le peu de règles qui subsistait encore semble avoir totalement disparu. Tony a vite pigé que c’était la meilleure façon de survivre et il a pas le moindre état d’âme de toute façon. S’il a perdu son statut de chef de groupe, c’est pas si grave, il gravite toujours au sommet. Et puis, comme il arrête pas de me le dire, faut rester dans le rang si on veut pas crever. Alors, je baisse la tête et j’essaie de pas me faire remarquer. Ça marche pas trop mal. Enfin, ça dépend des jours. Mais, à mesure que les jours et les semaines se succèdent, impossible de pas voir qu’il commence à y avoir un putain de clivage entre les plus violents et ceux qui essaient encore d’être un peu modérés.
2019
« Déconnez pas les mecs, ça m’intéresse pas. » Je me relève, reniflant dédaigneusement alors que j’ai deux armoires à glace plantées devant moi. Je fais la même taille qu’eux mais niveau muscles, on dirait qu’ils ont chopé des cachetons ou qu’ils font de la gonflette. Allez savoir. En tout cas, dès que Tony et Locke ont quitté le hangar, ils ont foncé sur moi. J’ai pas pigé au début. Enfin, j’ai cru que j’allais me faire tabasser, histoire qu’ils fassent un peu plus flipper Tony. En ce moment, j’ai l’impression qu’il y a des petits conflits pour avoir la tête du groupe. Si Tony tombe, je tombe. Sauf qu’ils ont pas pigé que l’inverse était pas vrai. Forcément, ça me fait marrer intérieurement. Mais je vais pas leur faire une leçon de vie. Ce serait pas le moment le plus approprié. Et c’est pas comme si ça allait m’aider.
Je pousse doucement l’épaule de l’un des deux mecs. James ? Jordan ? J’en sais foutrement rien. « T’es pas mon genre, alors laisse-moi respirer. » Je vois Jena au loin qui grimace mais qui ne bouge pas. Personne ne bouge de toute façon. C’est la base ici. On pense à sa gueule et je sais que Jena galère déjà assez de son côté quand Locke est pas là pour se mettre dans la merde toute seule juste pour ma gueule. « T’es sûr que j’suis pas ton genre ? Tu serais pas un peu pédé sur les bords ? » Rires gras. Evidemment. J’ai touché à aucune des filles qu’ils ont ramenées. Pas mon délire le viol, allez savoir pourquoi. Je lève les yeux au ciel. « Nope. T’es rassuré ? » Et là, il sort son flingue pour l’appuyer sur mon torse. « Bah tu vas nous le prouver. » Là, je commence à sentir une vraie appréhension. « J’crois pas non. » Je garde la tête haute mais je me rends bien compte que ça pue. Surtout quand un troisième type débarque en tirant une pauvre fille par le bras. Elle doit avoir mon âge et je suis sûr qu’en temps normal, je la trouverais super mignonne. Mais pas quand elle est en larmes et qu’elle a déjà été rouée de coups. « Les mecs, on est pas obligés de faire ça. J’veux dire, y a pas… » J’entends le déclic quand il défait la sécurité et je louche quand le flingue est braqué sur ma tempe. « Tu la fermes. Et tu la baises. Sinon, on la flingue. Et tu devras quand même le faire. Et si tu refuses toujours, c’est toi qu’on flingue. Ca arrangera pas les affaires de Tony si son frère est qu’un petit pédé qui sait pas profiter de ce qu’on ramasse. Tu crois pas ? » Je lâche un « pas vraiment » que j’aurais mieux fait de garder pour moi. Parce que le coup que je prends dans les côtes est tellement violent que je me retrouve à genoux. Mon regard croise celui de la petite brune. J’ai envie de lui dire que je suis désolé et de croire qu’elle m’en veut pas vraiment. Parce que ouais, je finis par faire ce qu’ils me demandent.
Après ça ? J’ai droit à une bière et à des tapes dans le dos. Voilà, quand je veux, je fais les choses bien visiblement. Je profite dès que j’en ai l’occasion pour aller vomir dans un coin. Je la croise en revenant et elle me pose une main sur le bras en soufflant, le regard rougi de larmes qu’elle s’appelle Ashley.
Quelle merde putain.
Je finis par retourner m’assoir auprès de Jena et Maelys. J’ai droit à une grimace compatissante de la mère et je soupire, en me demandant comment on a pu en arriver là. Je réalise vaguement que la gamine parle plus vraiment mais là de suite, ça m’arrange. Laisser le silence essayer de réparer les choses. Ça marche pas terrible, mais c’est mieux que des mots creux.
Je crois que le pire, c’est quand Tony revient. Et qu’il apprend ce qui s’est passé. Je m’attends à ce qu’il soit furieux, qu’il dévisse des têtes. Mais non, il éclate de rire et m’ébouriffe les cheveux. Il. M’ébouriffe. Les. Cheveux. En me disant qu’il est rassuré, parce qu’il pensait aussi qu’à force, je virais pédé. Et je le regarde dans les yeux sans rien dire. Sans comprendre. En fait, je crois que mon frère est mort. Mais en vrai, il s’est juste… adapté.
Printemps 2020
Je sursaute alors que je me rends compte que je pique encore une fois du nez. Depuis combien d’heures j’ai pas dormi ? Ouais bon, j’crois qu’on peut compter ça en jours en fait. Locke est dans les vapes à côté de moi. Je peux pas dormir. Si je le fais, je verrais pas s’ils nous retrouvent et s’ils décident de nous flinguer. Parce qu’ils le feront, j’ai aucun doute là-dessus. Je sais pas pourquoi Tony a décidé de ça. Ce qui lui est passé par la tête.
Il m’a juste dit de la fermer, de faire profil bas. Parce qu’ils allaient flinguer Locke pendant notre petite virée dans l’Idaho. Probablement parce qu’il courbait pas l’échine comme les autres, qu’il ouvrait trop sa gueule et qu’il hésiterait pas à flinguer le premier qui toucherait un cheveu de sa femme. Allez savoir. Je devais juste ne rien faire. Sauf que je pouvais pas. Locke a été mon seul point de repère avec sa famille depuis le début de tout ce merdier. Alors, quand ils ont commencé à tirer sur lui de loin, j’ai allumé ma moto. J’ai ignoré le cri de Tony qui m’a dit de pas bouger. Et j’ai évité les balles tant bien que mal alors que je prenais de la distance pour rejoindre Locke. L’idée ? C’était d’éloigner les rôdeurs pour qu’il se remette en selle. Ça a plus ou moins bien marché. En tout cas, je l’ai récupéré vivant. Blessé, mais vivant.
J’ai quand même bien cru qu’il allait crever en cours de route. J’avais pratiquement rien dans mon sac à dos. Pas assez pour soigner sa blessure en tout cas. Ou la mienne. Je sais pas lequel de ces cons m’avait tiré dessus, mais ça m’avait fait une sale éraflure au bras. Alors j’ai commencé à fouiller les baraques alentours. Histoire de trouver quoi survivre. Autant dire qu’en plein hiver, c’était bien une idée de merde de lui venir en aide. Mais j’suis tombé sur un petit groupe qui avait laissé des affaires en plan. Pas de bol pour eux je me suis servi. Et ça nous a permis de tenir.
La fièvre de Locke finit par baisser. Sa blessure commence à guérie. Et, quand il ouvre les yeux, je souffle, avec un sourire en coin. « Tu reviens de loin, on dirait. » Mais il revient. Il lui faut encore quelques jours, quelques semaines même, pour se remettre totalement. Et j’avoue que j’suis pas particulièrement pressé à l’idée de repartir. Encore moins de retrouver mon frère. Sauf que je peux piger que Locke ait envie de revoir sa femme et sa môme.
Pourtant, hors de question de le lâcher. Je me rends à quel point il est devenu un vrai frère pour moi alors que les jours passent. Encore plus quand Tony a perdu les pédales. Monter à deux sur notre moto est un peu merdique, mais on s’en sort tant bien que mal. Et on finit par rentrer à bon port. J’avoue, j’ai l’estomac qui se noue rien qu’à voir le garage. « Y a pas de gardes… » Un simple regard à Locke et on pige tous les deux ce que ça veut dire. Et quand on rentre à l’intérieur, j’suis assailli par l’odeur de morts. Et par les grognements des rôdeurs. Finalement, ils se sont mis sur la gueule et j’imagine que l’exécution de Locke était juste le début du ménage qu’ils comptaient faire. Je me dis vaguement que je me serais probablement fait flinguer en cours de route, petit frère de Tony ou pas. Et, à voir les cadavres par terre ou ceux qu’on se charge d’éliminer avec Locke, ce sont ceux de l’Idaho qui ont gagné. Évidemment, pas de traces du frangin. Mais il avait déjà choisi son camp de toute façon.
Automne 2020
Alors, autant le dire tout de suite, je me doutais bien que Locke allait pas se contenter de ça. Perso, ne plus jamais voir son frère ou un de ses potes me posait pas vraiment de problème. Mais vu que je savais pas trop quoi faire de moi, je l’ai suivi à Seattle. Au no man’s land. Il a commencé à chercher sa fille, on a commencé à faire notre vie ici. Je retape des trucs à la demande, je file des coups de main où je peux. Entre ça et ce que ramasse Locke, on s’en sort pas trop mal. Et, au final, s’il cherche sa famille, perso, je me passe bien de chercher Tony. J’ai quand même gardé mon blouson des Hells Angels, comme pour me souvenir à quel point tout peut partir en couilles.
On commence à entendre parler de ces New Eden, ces espèces de sauveurs de l’humanité, surtout après les épidémies auxquelles ont a échappé de justesse. J’avoue, je suis sceptique et visiblement Locke aussi. Mais visiblement, sa femme et sa fille sont là-bas. Alors ouais, je peux piger qu’il ait envie de les retrouver. Pourtant, il saute pas le pas. On recroise son frangin et, si je suis content pour lui, perso, j’ai pas vraiment envie de me rapprocher de nouveau de qui que ce soit. Encore moins de me retrouver dans un nouveau groupe. Rien que d’y penser, ça me hérisse le poil. Je crois que j’ai besoin de souffler un peu, me de forger mon identité loin de ma fratrie qui a été dans mon ombre toute ma vie. Et avec Locke, tout parait plus simple, même si je lui porte de temps à autre sur les nerfs avec mes bricolages.
Je commence à me faire des liens au no man’s land, tout comme lui. Et s’il va se paumer dans les combats à la Cage, perso, je me contente de l’observer. Et de proposer mes services quand c’est possible. Des fois ça passe, des fois non. Mais c’est suffisant pour pas crever totalement la dalle. Ça change un peu de ma vie d’avant et je perds un peu de poids. Mais on survit. Même si je finis par oublier ce que ça fait d’avoir le ventre plein.
2021
Je me pince l’arête du nez alors que je soupire de plus belle quand Locke me demande de répéter. « Oui. Je sûr et certain d’avoir reconnu Tony. Il a pris un coup de vieux, mais c’est bien lui. Et il a une belle brochette de potes. » Certains qu’on connaissait déjà, d’autres, encore moins sympathiques, qu’il a dû se faire en cours de route. J’avoue que ça me donne plus trop envie de trainer dans le coin. J’ai entendu dire que des motards allaient régulièrement au motel, alors forcément, j’suis allé jeter un coup d’œil. De loin. De très loin. Et quand j’ai vu la silhouette de mon ainé, autant dire que je me suis carapaté aussi vite que j’ai pu. Heureusement, je réussis à les esquiver, même si ça commence à devenir un exercice un peu hasardeux vu que je passe tout mon temps ou presque au niveau du no man’s land. Sans compter les rumeurs qui commencent à courir sur eux. Comme toujours, j’ai préféré pas trop me focaliser dessus, les gens ayant tendance à exagérer. Pourtant avec toutes les merdes qu’on a pu traverser, on aurait pu croire que ça suffisait, mais visiblement non.
Et, après quelques semaines, ça s’agite de plus belle dans le coin.
« C’est quoi cette histoire ? » Je me tourne vers une des têtes que j’ai l’habitude de voir trainer au no man’s land et il hausse les épaules, indécis. Les gens sont agités et je finis par aller vers ce qui semble être l’origine de leur état. Je me fige quand je vois des scalps plantés sur des piques. Forcément, je fais le lien directement, même s’il faudra que j’aille confirmer le tout dès que j’en aurais l’occasion. Et je sais pas quoi penser. Je reste là, à fixer ces scalps pendant des heures. Je sursaute quand je sens une main sur mon épaule. « Ah. Salut Locke. » Il me fixe sans rien dire alors que je souffle, en désignant un des scalps. « … c’est lui. J’en suis persuadé. » Je finis par tourner la tête vers celui avec qui je fais route depuis plus d’un an maintenant. « Et ça te fait quoi ? » J’ai un rire nerveux. « J’en ai pas la moindre idée. » Mais alors, pas du tout.
C’est ridicule, je sais bien, mais je me dis que maintenant, toute ma famille peut reposer en paix. Et que moi, je peux enfin souffler. « J’aurais pu finir là moi aussi. » Il hausse une épaule, visiblement pas convaincu. Mais on sait rien au final. Et j’ai encore besoin de digérer tout ça. C’est d’ailleurs la raison qui pousse à refuser de le suivre quand Locke me dit qu’il va rejoindre un groupe. « Tu sais où me trouver de toute façon. » Plus tard peut-être. Maintenant, j’ai le choix.
J’suis pas sûr qu’on puisse vraiment qualifier de routine ce que je peux vivre au quotidien au no man’s land. Déjà, trouver un endroit où crécher relève du parcours du combattant. J’arrive à rester quelques jours au même endroit, c’est déjà pas mal. Et j’ai encore jamais vraiment eu d’emmerdes même si, avec le départ de Locke, j’ai dû revoir un peu ma façon de fonctionner. On dort jamais vraiment, on est jamais vraiment détendu en fait.
Et, dès qu’il commence à faire jour, j’suis dans les premiers sur place. J’essaie de négocier mes services, peu importe ce qui est demandé. Que ce soit transporter des trucs, aller dégommer du rôdeur à un endroit précis, retaper un objet pété. Je me débrouille pour trouver toujours un truc à faire. Y a des jours où ça marche mieux que d’autres et ça fait des mois que je me suis pas endormi l’estomac plein. Mais je fais avec. Pas comme si j’avais vraiment le choix de toute façon.
Depuis la mort de mon frère, j’ose un peu plus montrer ma tête tous les jours. Faut se faire connaitre de toute façon, si on veut arriver à survivre. Et j’essaie d’être au bon endroit, au bon moment, pour choper des opportunités. Après avoir passé des années à suivre des gens, c’est un peu plus compliqué que je le croyais. Et si j’ai apprécié de me retrouver seul les premières semaines, j’ai comme l’impression que je vais pas tarder à aller trainer de nouveau dans les pattes de Locke à ce rythme-là. Si on se retrouve quoi.
En attendant, je navigue. Des entrepôts à la Cage. Du tableau d’affichage aux immeubles abandonnés. Je cherche un coin safe où passer une nuit de plus. Je discute avec les gens, histoire d’être informé s’il se passe des trucs importants.
En bref, j’essaie de tenir le coup.
Mais rappelez-moi de plus jamais dire à Locke que je suis grand, indépendant et que je peux me débrouiller sans lui.
... ouais, ça craint.
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Re: Zack Robinson
Lun 7 Juin 2021 - 21:01
R'bienvenue par ici !!
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