Je fronce les sourcils, observant autour de moi avec attention une nouvelle. Ca fait déjà quelques heures que j’observe le coin. J’ai fait le tour du quartier et, à part quelques rôdeurs qui pourrissent un peu plus loin, c’est hyper calme. Et clairement, le bar où je veux me taper l’incruste est totalement désert. Quand je vois les planches clouées dessus, je me dis qu’il y a des types qui ont dû tenter leur chance il y a quelques années et … se foirer donc. Sinon, y aurait du mouvement. Sont ptet partis ailleurs, j’ai vu quelques magasins et des entrées d’immeubles barricadées de la même façon mais tout aussi vides.

Et je finis par me glisser dans la ruelle, attrapant mon pied de biche pour détacher les planches de la fenêtre sans trop faire de bruit. J’crois que je m’en sors pas si mal et je saute dans la pièce plongée dans une semie-pénombre. Directement, l’odeur de moisi m’assaille et je grimace, remontant mon foulard contre mon nez, avant de me rapprocher pour ouvrir une autre fenêtre, histoire d’y voir quelque chose. La poussière que je soulève me fait tousser, même avec le foulard et je grimace quand, une fois la lumière à l’intérieur du bar, j’vois quelques cadavres au fond de la pièce.

J’hésite un instant avant de me rapprocher doucement, mon pied de biche bien serré entre les mains. Je préfère pas trop utiliser mon flingue. Déjà, parce que ça fait toujours du bordel et ensuite, j’ai plus beaucoup de munitions. Autant m’en servir si j’ai vraiment pas d’autres options. Mais non, ils sont bien morts. En vrai, t’en as un qui a même un flingue entre les mains. Enfin, ce qui reste de ses mains. Ca doit faire des mois qu’ils sont là bordel. Et ils ont des jolies balles dans la tête.

C’est festif tout ça.

Je finis par me laisser tomber sur un des tabourets de bar, soulevant un nouveau nuage de poussière qui me fait voir un peu flou. Je sais que je devrais me mettre à fouiller le coin et me barrer au plus vite, mais, comme d’hab, je commence à me poser trop de questions. Comment ils ont atterri là ? Pourquoi ils ont fini par se flinguer ? Non parce que, selon les réponses, ça peut aussi me mettre dans la merde accessoirement. Mais je finis par secouer la tête et par quitter le tabouret d’un bon, pour me rendre au niveau de la réserve. Les étagères sont presque toutes vides, ça m’étonne pas plus que ça. Mais y a forcément deux ou trois conneries à récupérer, voire à démonter pour que je récupère des trucs.

Sauf que, d’un coup, j’entends du bruit dans la salle principale. J’attrape la bouteille de… je sais pas trop quoi… on dirait de l’alcool, mais j’ai un vieux doute là-dessus. Un truc maison ? Possible, faudrait que je prenne le temps de l’ouvrir pour confirmer. Mais là, j’aimerais savoir si je me suis fait avoir comme un bleu ou pas. Et je me plaque contre le mur, pour jeter juste un coup d’œil en essayant de pas me faire remarquer. Ouais, y a bien une silhouette. Bon, j’fais quoi maintenant ?

Samhain flaire les alentours, alors qu'elle avance dans la ruelle délabrée en fronçant le nez. La dernière fois qu'elle était passée par ici, le lycée était encore debout. Le coin avait été ratissé par ses soins, et ceux de Roza à l'époque, si elle avait bonne mémoire. Mais aujourd'hui ... Ca ne ressemblait plus à grand chose. Le temps avait pris le dessus sur les ruines, et les rares coins qui à l'époque avaient fourmillés de survivants semblaient désormais tous désertés. Avisant le mot griffonné sur l'une des fenêtres délabrées qui longeaient la ruelle, dont l'encre avait commencé à baver.

Tous morts. N'entrez pas.

Tu m'en diras tant. soupire t-elle en laissant le mot à sa place sans chercher à en savoir plus, avant que Samhain ne cesse d'avancer. Fronçant les sourcils en rejoignant le berger allemand, posant un regard sur lui alors que l'animal semblait avoir flairé quelque chose. Et au vu de sa réaction, il ne s'agissait pas d'un cadavre ambulant. Venant glisser sa main dans la fourrure du chien avant de le suivre en direction d'un vieux bar qui semblait sur le point de s'écrouler sous son propre poids, y entrant la première après avoir ordonné au chien d'attendre dehors. Il était hors de question qu'il puisse se retrouver coincé avec des morts sans pouvoir s'en tirer. Une fois la voie libérée, la brune s'espaça pour laisser le chien prendre le relais alors qu'elle rejoignait les escaliers descendant de l'habitacle. Babines retroussés et crocs dehors alors qu'un grondement s'échappait de sa gorge, l'air de confirmer ce qui avait été supposé.

Ils n'étaient pas seuls dans ce bar.

Elle s'était avancée en silence, protégée par le mur pour venir y cogner deux fois. Reprenant d'une voix ferme pour le survivant qui devait donc être en bas.

Je sais qu't'es la. Sors, je cherche pas les embrouilles. Samhain par contre ... C'était une toute autre histoire. Son regard vint se poser sur le comptoir, duquel elle espérait bien récupérer un peu de choses utiles à ramener au motel. Mais d'abord, elle devait se concentrer sur l'inconnu.

Il te bouffera pas. Promet-elle en se doutant qu'il doit entendre d'en bas les grondements menaçants de l'animal. Avisant l'animal avec un sourire attendri, attendant que quelques secondes ne s'écoulent avant de reprendre à l'attention de l'inconnu.

Tu crèches dans le coin ? Sans vouloir te vexer, t'as des goûts spéciaux en matière de déco. Suffisait d'observer les cadavres en semi décomposition à même le sol.

Je manque quand même de bol quoi. Suffit que je vienne ici, que je me décide enfin pour que quelqu’un ait la même idée que moi. Du coup, j’me demande s’il y a vraiment quelque chose d’intéressant dans ce bar que j’aurais raté. Ca mériterait de refaire un tour. Enfin, une fois ce problème d’intrus réglé quoi. Sauf que, j’ai beau me planquer, je me fais griller en genre une demi-seconde. Sérieusement ? Je jure entre mes dents et je penche la tête, juste un peu, histoire de voir à qui j’ai à faire.

…. Ah ouais d’accord. Un clébard. Gé-nial. J’ai rien contre les chiens fondamentalement hein, mais se planquer devient un peu mission impossible avec une bête à poils dans le coin. Ca m’emmerde un peu et je suis vaguement tenté par l’idée de rester planqué. Peut-être que ça la dissuadera. Enfin, j’entends le chien grogner d’ici. « T’es sûre de ton coup ? » J’ai pas envie de me faire bouffer les mollets perso. Ou qu’il me saute à la gorge.

Je finis par soupirer et par sortir de ma cachette avec une grimace, les deux mains levées en signe d’apaisement. Ou pour dire que je vais pas la flinguer direct quoi. De toute façon, avec mes deux balles qui se courent après, je suis pas convaincu que j’aurais maitrisé la situation. Je fais quelques pas vers elle, plissant des yeux dans sa direction pour voir si je la connais. Je sais qu’on commence à être nombreux à Seattle, mais sur un malentendu, on sait jamais. « On s’est déjà croisés ? » Sa tête me dit vaguement quelque chose, mais j’arrive pas à la remettre par contre. J’ai un rire avant d’ajouter, sourcil levé. « Okay, balancé comme ça, on dirait le pire plan drague pour aborder une fille. Mais j’te jure, ta tête me dit un truc. Tu traines du côté du NML ? » Et je désigne le chien d’un mouvement du menton. « Il est vraiment cool ? » Histoire que je sache si je peux bouger sans me faire bouffer donc, quoi qu’elle en dise.

A sa remarque, je regarde autour de moi et je grimace. « T’as vu le coin ? Faudrait être malade pour vivre ici. Rien que l’odeur, c’est une horreur. » Je me rapproche doucement, gardant toujours les deux mains en l’air, attendant qu’elle me confirme qu’on est ok, que tout roule. « Je fouinais un peu. Et si le coin a été vidé d’un paquet de trucs, il reste toujours quelques miettes intéressantes. » Je finis par m’adosser contre le bar avant de me dire que c’était ptet pas une idée de génie. « Tu fous quoi dans le coin toi ? » Voilà, des petites politesses pour dire que je suis pas un monstre qui va tenter de l’agresser. Ou un truc du genre.