polaroid nights. (RYAEL)
Sam 7 Aoû 2021 - 16:04
Le mois de Juin s’étirait lentement, et pour une fois, Ryan savourait cette langueur somme toute estivale. C’était le moment qui ressemblait le plus à des vacances, même pour le camp. Certains projets avançaient, notamment la mise en place de l’eau courante, et les récoltes étaient au stade de pousse, ce qui ne nécessitait qu’un entretien sommaire, bien que régulier. Les récoltes n’étaient pas pour tout de suite, ce qui permettait aux gens de communiquer leur énergie ailleurs. Pour sa part, elle avait recommencé à s’enfermer dans la station radio. Elle espérait que d’ici le cœur de la saison, elle aurait (enfin) trouvé un moyen de faire fonctionner leurs communications à longue portée. Ils étaient actuellement capables d’entretenir des conversations claires grâce aux talkies de la base, mais dès qu’ils s’éloignaient, la friture devenait insupportable. Elle avait eu l’idée de se servir des antennes-relais déjà en place, néanmoins depuis le fort, il semblait presque impossible d’atteindre celles de la ville encore en état. Peut-être qu’ils devraient en installer de nouvelles…
D’ici quelques semaines, pourtant, tout irait comme sur des roulettes – ou presque. Mais pour l’instant, elle n’avait parlé à personne de ce projet et cherchait encore des solutions toute seule.
Le soleil était déjà couché lorsqu’elle quitta son repaire, prenant la direction des bungalow-douches pour chasser la fatigue et la sueur de la journée. Il ne lui fallu qu’une poignée de minutes pour faire sa toilette, une habitude qu’elle avait prise pour économiser leurs réserves. Une serviette posée sur son épaule pour essuyer de temps à autres ses cheveux trempés, Ryan traversa à contresens le coin des habitations. Ici et là, des groupes s’étaient déjà formés. Les repas terminés, les habitants de l’enclave se retrouvaient pour terminer la journée. Elle remarqua quelques attroupements familiers, mais évita de s’y mêler. L’effort de la discussion et des formules de politesse lui paraissaient insurmontables actuellement. Elle avait juste besoin de calme, à dire vrai. D’un peu de…
Musique ?
Prête à s’enfoncer sous le couvert des arbres pour rejoindre sa cabane, elle s’immobilisa en percevant un filet de notes harmonieuses, dispersées sur les cordes d’une guitare acoustique. Elle chercha du regard la source de ce son, ne percevant au loin que les lueurs dansantes d’un feu de camp, et hésita avant de modifier sa trajectoire sur un coup de tête. Pourquoi pas, après tout ? Si la personne jouait en extérieur, c’était pour en faire profiter les autres. Et lorsqu’elle se rapprocha suffisamment, elle découvrit au détour d’un mobil-home une scène devenue coutumière. Rafaël était là, avec trois ou quatre spectateurs qu’elle ne reconnaissait pas, et si une paire d’yeux se tourna vers elle, l’attention revint rapidement sur le musicien. Sa mélodie captivait l’audience improvisée, ce dont Ryan profita pour s’installer un peu à l’écart, sur une souche décapitée l’été dernier.
Elle resta là de longues minutes, à se baigner dans cette musique authentique, plein d’émotions en tous genres. Quelque part au milieu d’une mélodie, elle sortit son carnet pour improviser quelques croquis. Rien de bien structuré, en soit. Ici, une poignée de notes, là des flammes dansantes… et puis, lentement, posément, les prémices d’une œuvre plus poussée. La courbe d’une guitare, une épaule, une chevelure un peu ébouriffée. Perdue dans son dessin, elle ne réalisa pas tout de suite que le reste de l’audience était partie se coucher. Depuis combien de temps étaient-ils là ? Une heure ? Plus ? Elle aurait été incapable d’y répondre. Et tant que Rafaël jouait, elle demeurait perdue dans ses traits redessinés à graphite. Un moyen comme un autre de graver ce genre de soirée dans sa mémoire…
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Re: polaroid nights. (RYAEL)
Mer 18 Aoû 2021 - 21:26
Avant tout ça, le gitan était plutôt serein, pas du genre à se prendre la tête ou à stresser pour rien – pas plus que nécessaire, en tout cas. Et si ce n’était plus le cas depuis quelques mois, années peut-être, il avait toujours un calmant naturel à disposition. Autre que les cigarettes ou les plantes que Cassidy testait sur lui, du moins. C’est pourquoi il jouait de plus en plus souvent, le soir, dans le camp : toujours en retrait des lieux très fréquentés, pour ne s’imposer à personne. Mais ceux qui appréciaient ses airs savaient et revenaient. Il était d’ailleurs plutôt flatté que certains reviennent et apprécient de l’écouter. Cette fois-ci, il était non loin des mobile-homes : juste assez éloigné pour ne pas importuner qui que ce soit désireux de se reposer après une longue journée de dur labeur.
Il perdit toutefois bien vite conscience des gens qui l’entouraient. Quand il jouait, il finissait par ne faire qu’un avec sa guitare, totalement absorbé par ses accords, qu’il accompagnait parfois de chant. Il aurait apprécié trouver une voix féminine avec laquelle chanter, pour accompagner sa propre voix plus rauque, mais ce n’était plus d’actualité : il n’était plus le gamin qui jouait pour le plaisir dans les rues, et qui espérait attirer quelques passants, récolter quelques sous dont il n’avait pas forcément besoin. Il avait depuis longtemps mis ce rêve de côté, celui d’être plus connu. La musique était une passion pour lui, mais elle n’atteignait pas celle qu’il ressentait pour l’escalade, et il avait fait son choix.
Pourtant, si le sport lui vidait la tête et l’épuisait, ayant raison de ses pensées les plus noires et de ses terreurs nocturnes, la musique l’apaisait réellement. Il ne se sentait jamais aussi serein qu’après ces soirées à jouer improvisées – qui ne l’étaient plus vraiment du coup, maintenant qu’il jouait quasiment tous les soirs. Il ne chantait pas toujours – plutôt rarement même – bien moins confiant en sa voix qu’en ses talents de guitariste, mais allez savoir pourquoi il le faisait ce soir-là. Peut-être la nuit étoilée l’inspirait-il. Déjà enfant, il aimait dormir à la belle étoile, et se sentait inspiré – plutôt pour faire des bêtises que pour jouer de la guitare, auraient dit ses parents.
Mais tout cela ne lui venait pas à l’esprit pour le moment. Bien au contraire. Il était totalement perdu dans sa chanson, son corps se mouvant légèrement alors qu’il jouait et chantait. Il levait régulièrement le regard, dans l’espoir d’apercevoir une étoile filante – même s’il ne savait pas bien ce qu’il pourrait souhaiter. Combien de temps passa, alors qu’il jouait, et que petit à petit, les gens s’éclipsaient ? Il devait être sacrément tard, et tous seraient probablement réveillés par le soleil, lui y compris. Il n’avait jamais été un lève-tard, et cela ne changerait probablement pas, mais il se disait parfois qu’il piquerait bien un masque destiné à dissimuler la lumière, quelque part – même si, à dormir avec les portes et les fenêtres du camping-car grandes ouvertes, il le cherchait.
Finissant par se retrouver à deux, il observait son public, tout aussi absorbée que lui, à la dérobée. Il n’avait pas pour habitude d’être la cible de l’attention comme ça, et il avait été un peu gêné de la voir aussi concentrée sur son dessin. Il envisageait qu’elle dessine autre chose, mais les regards fréquents qu’elle posait sur lui – sans même remarquer que leurs yeux se croisaient – l’incitaient à penser le contraire. Après quelques minutes encore, peut-être une demie-heure, il finit par poser sa guitare et par se lever pour s’approcher, curieux de voir ce qu’elle dessinait. Ou plutôt comment elle le dépeignait. Peut-être était-ce une caricature, après tout. Mais il ne se serait pas permis de regarder sans qu’elle ne l’y autorise : il savait à quel point l’art pouvait, parfois, être personnel. « Je peux regarder… ? » Attendant son assentiment, il finit par s’asseoir non loin d’elle et, une fois autorisé à le faire, par regarder ce qu’elle avait dessiné. « Si j’avais su que tu étais si douée, je t’aurai demandé de dessiner mon frère, pour les avis de recherche que j’ai faits... » Bon, le portrait déposé au No Man’s Land était plutôt réussi, mais là, c’était un niveau au-dessus.
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Re: polaroid nights. (RYAEL)
Lun 27 Sep 2021 - 1:59
Le temps s’écoulait différemment lorsque la jeune femme dessinait. Comme c’était souvent le cas, prendre goût à une activité donnait le sentiment que les minutes passaient plus vite, qu’elles se transformaient en demi-heure, en heures complètes parfois, en l’espace d’un souffle. Ryan avait cessé de regarder son modèle vers la fin, se concentrant plutôt sur les traits de son esquisse, de manière à les rendre plus réalistes, aussi ne réalisa-t-elle pas que la musique s’était arrêtée. Focalisée sur son œuvre, elle sursauta légèrement lorsqu’il se manifesta à ses côtés, lui demandant poliment l’autorisation de jeter un œil à ce qu’elle gribouillait. Croisant consciemment son regard pour la première fois de la soirée, l’artiste acquiesça silencieusement, laissant le crayon glisser au milieu de la page pour maintenir le carnet ouvert et le lui tendant. Elle resta là, toujours muette, à l’observer détailler son dessin, cherchant dans les ombres de son visage une expression qui pourrait lui indiquer ce qu’il en pensait. Elle n’était pas du genre à se déprécier, elle savait qu’elle avait un coup de crayon plus que correct, mais l’art était subjectif. En tout cas, Rafaël semblait aimer ce qu’il voyait. Et étrangement, cela la soulagea plus qu’elle ne s’y attendait. Il s’était assis auprès d’elle après s’être rapproché, aussi eut-elle le loisir de le détailler d’un peu plus près – ce qui, dit comme ça, faisait très voyeur, cependant il n’y avait aucune mauvaise intention derrière cette contemplation fortuite. La curiosité de l’artiste, tout simplement. Oui, c’était uniquement ça.
Il releva enfin le museau de ses pages noircies par le graphite, la complimentant d’un ton léger, mentionnant au passage les avis de recherche à propos de son frère. A cet instant, Ryan se rappela qu’ils souffraient de la même perte… enfin, contrairement à elle, le musicien semblait avoir reconnecté avec sa famille. Il l’avait mentionné, elle se souvenait, lorsqu’elle était venue les aider à installer les conduites d’eau aux bungalows. « Merci », répondit-elle doucement, esquissant un demi-sourire un brin gêné, détournant finalement le regard du sien. « Au fait, je voulais te poser une question, Rafaël… comment tu as réussi à retrouver ton frère ? » Est-ce qu’il était au courant, pour Milow et elle ? Parfois, Ryan avait le sentiment que son histoire avait fait le tour de l’enclave. Et d’autres fois, que certains n’avaient même pas remarqué la présence de l’adolescent et qu’ils ne réalisaient donc pas qu’il était parti du jour au lendemain. Peut-être que ceux-là se disaient qu’il avait fini par être tué à l’Extérieur. C’était malheureusement plus commun de nos jours que de fuguer. Dans le doute, Ryan cru bon de rajouter : « Je suis arrivée ici avec mon frère, Milow. Il… hum, il est parti l’année dernière. Il est allé former son propre groupe, avec Connor. Des prénoms qu’elle balançait par habitude, peut-être qu’ils ne diraient absolument rien au jeune homme. Je n’ai pas eu de nouvelles depuis. J’essaie de retaper notre radio, depuis plusieurs mois maintenant, j’me dis que ça doit être le seul moyen actuellement de pouvoir le contacter. »
L’artiste remue sur son assise, lâchant un petit rire sans joie. « Ce n’est pas comme si on pouvait encore se téléphoner. » Plantant ses talons dans le sol meuble, elle releva le menton pour balayer leur endroit d’un regard. Le public avait fini par partir, ils étaient seuls. Ce n’était pas plus mal. Elle n’était pas à l’aise en trop grand comité. « Je sais que tu avais fait des affiches à l’époque, mais c’est grâce à ça que tu l’as retrouvé ? » L’attention de Ryan revint vers lui à la fin de sa question, ses prunelles avides d’une réponse, même maigre, s’accrochant aux siennes. Un filet d’espoir. C’était tout ce dont elle avait besoin pour continuer. Elle n’abandonnerait pas Milow aussi facilement. Elle avait fait une promesse à Jesse, avant qu’ils ne soient séparés. Elle lui avait promis de veiller sur leur jeune frère. Et même si ce dernier ruait dans les brancards, elle ne baisserait pas les bras. Quel genre de sœur serait-elle, si elle déposait les armes à la première contrariété venue ?
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Re: polaroid nights. (RYAEL)
Lun 11 Oct 2021 - 0:10
Il souriait en observant ses dessins, lui en pointant parfois du doigt l’un d’eux qu’il appréciait particulièrement – pas que les autres n’aient pas été réussis, mais chacun avait sa sensibilité et cela jouait beaucoup. Un dessin qui pouvait taper dans l’œil de quelqu’un pouvait moins plaire à quelqu’un d’autre, selon leurs goûts personnels. Il hocha la tête quand elle le remerciait, sans surenchérir. Il ne disait que ce qu’il pensait, après tout. Plissant légèrement les yeux, la sentant hésitante, il attendit qu’elle se lance enfin, se demandant bien ce qui pouvait la freiner. Pourtant, il n’était ni du genre à ignorer les gens, ni à se montrer particulièrement froid ou distant. Et, principalement pour ça peut-être, il attendit, sans rien dire, qu’elle se sente suffisamment à l’aise pour lui dire ce à quoi elle pensait. Même si, en toute honnêteté, il ne s’attendait pas à ça. Ce n’était un secret pour personne, qu’il voulait à tout prix retrouver son frère – après tout, il avait probablement déliré là-dessus pendant qu’il était soigné, à son arrivée, et il avait demandé à plusieurs personnes qui sortaient du camp s’ils en avaient entendu parler.
S’il l’avait laissée parler jusqu’au bout, tant parce qu’il sentait qu’elle avait besoin de se confier et qu’elle ne demandait pas au sujet de son frère par curiosité uniquement, il était un peu perplexe malgré tout. «J’ai fait poser un avis de recherche, oui, au NML, disant de s’adresser à l’un des nôtres, si les gens avaient des infos. J’avais pas vraiment l’opportunité de sortir, à ce moment-là, alors… Mais il me cherchait aussi. Avec Ruby, la leader des S.T.A.R.S. On avait fait un bout de chemin, il y a quelques années, tous les trois. J’ai eu de la chance que l’avais ne soit pas détruit ou remplacé par un autre, et qu’ils soient tombés dessus. Dans un sens, on peut dire que c’est grâce à moi s’ils se sont lancés dans le renseignement. En toute modestie, évidemment ! » Il lui adressa un petit clin d’œil, ne pensant en vérité rien de tout ça – il n’était pour rien dans leur choix de ‘carrière’ dans ce monde, si l’on pouvait dire ça comme ça.
Il s’arrêta un bref instant, réfléchissant à ce qu’elle lui disait. «C’est plutôt ingénieux pour les radios, et ça pourra toujours nous servir, mais… tu as envisagé d’autres options ? Transmettre un de tes dessins aux gens qui sortent ? Leur demander, s’ils en ont l’opportunité, de questionner les gens qu’ils pourraient croiser ? Déposer une affiche, comme j’ai pu le faire ? » Parce que, bien qu’il ne soit pas pessimiste, c’était partir sur un gros coup de chance, pour les radios. «Les radios pourraient marcher mais… C’est partir du principe qu’ils sont à portée, qu’ils ont de quoi capter le signal. Tu devrais continuer, évidemment. » Ce fut à son tour de la regarder d’un air hésitant. «Tu vas sûrement me trouver bizarre, mais j’ai toujours cru au destin, et à la bonne étoile. Et je suis persuadé que l’un comme l’autre vont t’aider à retrouver ton frère. Parce qu’il était comme ça, un éternel optimiste.Mais tu devrais mettre toutes les chances de ton côté, tu ne crois pas ? » Juste au cas où. «Qui est Connor au fait ? Et ça fait combien de temps que vous êtes arrivés ici, avec ton frère ? » Bien avant son arrivée à lui, de toute évidence, si son frère était parti l’année dernière. Rafaël n’était là que depuis quelques mois, après tout, même pas un an.
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Re: polaroid nights. (RYAEL)
Mar 12 Oct 2021 - 1:04
Ryan appréciait la patience de l’américain, cette façon qu’il avait de montrer qu’il était attentif sans la presser de questions ou de regards insistants. Il lui fallu toutefois quelques minutes pour parvenir à lui expliquer clairement les raisons de sa demande. Ce n’était jamais facile de parler de Milow : parce qu’il était parti, en faisant le choix de la laisser derrière. Parce qu’elle se sentait coupable qu’il ait eu à prendre cette décision sans lui en parler avant. Parce qu’il lui manquait, et que mélangée à la tendresse se trouvait une colère sourde, violente, une peine enragée provoquée par l’abandon volontaire du dernier membre de sa famille. Leur famille avait d’ailleurs commencé à s’effriter suite à un « abandon volontaire », lorsque leur mère avait décidé qu’elle n’avait plus la force de jouer à la parfaite petite famille. Lorsqu’il était devenu évident qu’elle ne retrouverait pas la mémoire, et que, se sentant perpétuellement examinée, jugée, elle avait fini par déclarer forfait. Leur père était mort. Jesse était mort. Mais Milow avait fait le choix de partir, tout comme Elle. C’était probablement cela qui blessait le plus la jeune femme. Elle en avait douloureusement conscience, sans savoir comment s’empêcher de ressentir ce maelström d’émotions négatives. C’était plus fort qu’elle. Ça l’avait toujours été. Chaque Lewis avait ses démons – certains plus évidents que d’autres.
Se pliant à l’exercice, Rafaël lui dévoila ses propres techniques… qui finalement, n’étaient pas totalement la raison de sa réussite. Certes, les avis avaient aidé, mais c’était parce que son frère le recherchait lui aussi qu’ils étaient parvenus à se retrouver. Une nuance importante. Ryan secoua doucement la tête, lèvres pincées, lorsqu’il lui demanda si elle avait fait passer officiellement le mot aux éclaireurs et autres corps expéditionnaires. Elle n’avait jamais osé. A force de ne devoir compter que sur elle-même pendant des années, l’artiste en avait gardé de vilaines habitudes. Coriaces, avec ça. « Non… je… elle roula des yeux au ciel, reniflant avec un air désabusé. Elle savait que ce qu’elle allait dire était idiot, elle s’en rendait compte maintenant qu’elle devait l’énoncer de vive voix. Ceci dit, sur le moment, cela lui paraissait logique. La vie dans le NML laissait des traces. Je pensais pouvoir y arriver toute seule. » Rafaël la félicita toutefois d’avoir eu l’idée de retaper leurs radios, remarquant que cela pourrait se révéler utile pour la suite, mais soulignant également le fait que leur portée les rendait difficile à utiliser. Elle l’écouta en fronçant les sourcils, un pli barrant son joli front, et ramena finalement un genou contre sa poitrine pour y poser le menton en ravalant un soupir. Il avait raison, bien entendu. C’était pour ça qu’elle avait voulu lui demander comment il avait fait. C’était juste dur d’entendre ce qu’elle savait déjà. Elle n’avait pratiquement aucune chance d’y arriver si elle continuait sur cet angle.
Puis… il parla avec plus d’hésitation, et l’intérêt de la jeune femme fut piquée par le changement dans son débit de paroles. Ryan tourna les yeux vers lui, les ombres qui dévoraient ses joues, l’étincelle dans ses yeux. Malgré elle, elle se retrouva à sourire doucement. Le destin, qu’il disait. Le destin et la bonne étoile. C’était utopiste, parfaitement idéaliste, et pourtant lorsqu’il en parlait, elle avait envie de le croire. C’était presque suffisant pour qu’elle le fasse… mais le naturel revenait rapidement au galop. La joue de la brunette se creusa d’un sourire plus appuyé. « Je ne pense pas que ma famille ait une bonne étoile. Ou alors, elle est sacrément vache et ironique. Mais c’est… rafraîchissant, de voir des gens encore optimistes. Autre que Soo, je veux dire, » rajouta-t-elle avec un léger rire, détournant les yeux pour réfléchir à ce qu’il lui avait dit. Les questions de Rafaël ramenèrent d’autres souvenirs et elle se laissa emporter par eux, lui répondant d’une voix un peu absente – celle que l’on a lorsque l’on se perd dans le passé, un pied ancré dans la réalité. « On est arrivés en Septembre, en 2019. C’était… Elle prend une inspiration. Frissonne de tout son corps replié sur lui-même. L’espace d’un court instant, elle ressemble davantage à une adolescente qu’à la jeune femme qu’elle est. Notre frère vivait ici. On était trois à la base, on survivait comme on pouvait depuis… Depuis que les morts ont commencé à se relever, j’allais dire, mais c’est pas vraiment ça. C’avait toujours été nous trois, dans le fond. C’est une longue histoire, peut-être que je te la raconterai un autre jour… »
Ryan lui jeta un regard qui se voulait amical, et surtout sincère. Elle ne lui mentait pas. Elle ne voulait pas garder ses squelettes dans un placard, finir empoisonnée par ses secrets et ses stigmates. Elle voulait que ses blessures prennent l’air, qu’elles aient une chance de guérir, plutôt que de les dissimuler dans un pansement jusqu’à ce qu’elles s’infectent et se gangrènent. « Mais il faudra me ramener quelque chose en échange. » Son sourire prit des reflets malicieux et quelque chose, une lueur amusée, dansa dans ses prunelles sombres. La jeune femme finit par reprendre, d’un ton plus calme – le visage plus triste, aussi : « On ne savait pas ce qu’était devenu Jesse, on l’avait perdu de vue après une avalanche et ça faisait si longtemps… On est tombé, avec Milow, sur des gens. Tout est allé très vite. On y voyait rien. Milow et le type se sont battus. Y’a un coup de feu qui est parti. Nerveusement, Ryan s’humecta les lèvres. Jesse est mort dans ses bras. Il s’est jamais pardonné… et je pense que la communauté ne lui a jamais pardonné non plus. C’est en partie pour ça qu’il est parti. Connor, c’était un gars qu’on avait rencontré sur la route une fois. Je pense qu’ils s’entendaient bien, parce qu’ils avaient tous les deux besoin d’être ailleurs qu’ici. Je sais qu’ils savent se débrouiller. Je sais qu’ils sont encore en vie, mais… »
Cette fois, la brune se redressa, faisant rouler ses épaules et prenant une profonde inspiration. A s’en gonfler si fort les poumons que ça faisait mal. Elle relâcha l’air avec un long soupir, puis pencha la tête en direction du musicien. Les commissures de ses lèvres se relevèrent, de ce sourire triste qu’elle avait si souvent depuis le départ de Milow. « La différence, c’est que mon frère ne veut pas que je le retrouve. Il est parti sans me prévenir, et le mot qu’il m’a laissé n’avait pas vraiment d’adresse. Il ne me cherche pas. Il n’a… pas besoin de moi, » conclu-t-elle avec hésitation, sa voix se morcelant sur les derniers mots. C’était sans doute vrai. Elle n’était même pas capable de mettre le pied dehors depuis plusieurs mois. Elle n’aurait été qu’un poids.
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Re: polaroid nights. (RYAEL)
Mar 19 Oct 2021 - 23:34
Il hocha doucement la tête, comme pour l’encourager à dire ce qu’elle retenait et qui semblait lui peser sur le cœur, alors qu’ils parlaient d’un sujet similaire mais aux circonstances bien différentes. Il grimaça, alors qu’elle lui avouait avoir souhaité se débrouiller seule pour ça. Il comprenait, même s’il n’avait pas conscience des relations des gens du Fort avec Milow qui pouvaient avoir un impact sur tout ça, mais ne pas se lancer seule là-dedans, c’était aussi se permettre d’espérer et d’avoir quelqu’un qui pouvait limiter les dégâts derrière. La préparer à une éventualité qu’elle pouvait refuser ou la mettre face aux limites de son plan… Rafaël n’y avait pas échappé, en demandant leur aide aux autres. Il avait été forcé de comprendre que son frère était peut-être mort et qu’il ne le retrouverait jamais, aussi difficile que ce soit. Inspirant longuement, il chercha brièvement les mots les moins durs pour s’exprimer. «Même si tu peux le faire, ça ne signifie pas que tu doives le faire. L’un des points forts de cette vie en communauté, ici, protégée autant que possible, n’est-il pas de pouvoir s’entraider et se soutenir mutuellement ? J’imagine qu’il est parfois difficile de la saisir, mais elle peut être salutaire… » Pour lui, en tout cas, être amené ici et soigné l’avait été. Sur bien des aspects. Même s’il avait aussi payé cette appartenance.
Il ne put retenir un sourire amusé, à la mention de l’optimisme de Soo – elle était encore jeune, et très enfantine quoi qu’il en soit, même si elle débordait en parallèle d’énergie et de bonne volonté. Rafaël était quand même plus terre-à-terre, malgré ses croyances. «Je pense que tout le monde en a un, mais qu’elle ne se révèle qu’au moment opportun. Même si certains ont plus de chance que d’autres. A part mon frère et moi, toute ma famille a succombé. Je me demande souvent pourquoi. Malgré notre bonne étoile, malgré le destin… Je pense que ce dernier est parfois cruel. Mais tu as survécu jusque là, et c’est déjà signe qu’il ne t’a pas tourné le dos. » Il n’était pas sûr de la convaincre avec ça, mais ça ne coûtait rien d’essayer.
S’asseyant à côté d’elle, lui rendant son carnet, il croisa ses bras pour l’écouter, alors qu’elle se faisait plus sérieuse et semblait laisser les barrières qu’elle érigeait, d’un coup. Sans rien dire pour ne pas la brusquer, pour ne pas l’interrompre, ou freiner son envie de se confier. «Je serai une oreille attentive si tu as besoin d’en parler. » Et si elle ne le faisait jamais… Il ne serait pas vexé pour autant. Après tout, chacun avait le droit à son jardin secret. Il ne put retenir un sourire, en l’entendant. «Ah oui, quoi donc ? Je ne peux pas te promettre de traîner ton frère ici par la peau du cou… » Une plaisanterie, ni plus ni moins. Mais il pourrait lui ramener quelque chose. Une lettre, même, peut-être, de son frère ? Alors qu’elle continuait, il posa sa main sur son épaule, la pressant légèrement, sentant à quel point c’était complexe pour elle.
Il garda un moment le silence, préférant ne pas se précipiter, ne pas présumer de choses qu’il ne savait pas. Préférant ne pas heurter l’artiste à ses côtés, non plus. «Tu ne crois pas que c’était juste un poids trop dur à porter pour lui ? La mort de votre frère ? Même si c’était un accident, même si c’était involontaire… Peut-être qu’il lisait sa douleur dans tes yeux, et qu’il n’a pas supporté sa peine, ni la tienne ? Et ne te méprends pas : tu n’es pas coupable de son départ, même si c’était vrai. Mais est-ce que ce serait si absurde de supposer qu’il voulait t’épargner, à sa manière ? Ou qu’il voulait souffler, et que tout ici lui rappelait votre frère ? Ou peut-être les deux ? Les possibilités sont infinies, mais quelles que soient les raisons, ça ne veut pas dire qu’il ne pense pas à toi ou qu’il ne veut pas de toi. Il n’a pas besoin d’avoir besoin de toi, pour ça. Mon frère n’a pas besoin de moi, et je n’ai peut-être pas besoin de lui. Ça ne nous a pas empêchés de nous retrouver. Peut-être que ton frère a besoin de temps… Ou qu’il a besoin que tu le retrouves et que tu lui remettes les idées en place, mais on peut t’y aider, si nécessaire. »
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