L’adrénaline redescend doucement alors que la troupe au sol quitte enfin définitivement son champ de vision. La militaire opine doucement vers Jason tout en attrapant sa gourde qu’elle ouvre en vitesse. “Oui… On peut enfin souffler.” Souffler et prier pour que la Française tienne parole et revienne bien les rechercher. Ça fait maintenant sept ans qu’elle n’a pas été extraite en hélicoptère et elle n’a qu’une hâte : recommencer. S’abreuvant rapidement, elle laisse la gourde à ses pieds avant de s’installer sur le rebord du toit pour reporter son attention sur son compagnon d’infortune.

L'intérêt que le jeune homme porte soudainement à son fusil vient immédiatement lui soutirer un sourire. “Deux kilomètres, c’est une belle bête." Et elle vient doucement tapoter la crosse de celui-ci avant de reprendre : “C’est un artefact de ma nouvelle vie plutôt.” Et non pas un vestige du passé donc. “Je l’ai récupéré au tout début de l'apocalypse dans la base militaire Canadienne où j’étais coincée.” À chacun ses débuts, le sien était bien loin de cette ville, loin de sa famille, perdu au fin fond du Canada dans le chaos le plus total. “Ce n’est pas indiscret du tout rassure-toi, je n’ai aucun mal pour parler de cette période." Elle tient à le rassurer sur ce point, elle ne fait pas partie de ces gens qui peinent à parler de leurs prémices de l’apocalypse. Elle, c’est plutôt l’avant tout ça qui la gêne un peu, la famille perdue de vue, les amies, la vie passée, beaucoup de pertes et d'incertitudes douloureuses.

Quand à la suite, un petit rire qu’elle ne contrôle pas quitte rapidement ses lèvres. “Non, rassure toi… Elle ne fait pas pâle figure, elle est surtout conçue pour la chasse. On ne peut pas comparer l’incomparable." Et elle vient lui glisser un petit clin d'œil avant de sortir deux pommes de son sac et de lui en lancer une, une fois assurée qu’il la regarde toutefois, ce serait dommage de le dégommer avec. “Pourquoi pas ouais !" Elle n’a rien contre un peu de compétition et admire le courage du jeune chasseur qui n’a pas froid aux yeux. “Je pense aussi. J’ai pu parler un peu avec elle, c’est une femme de parole et surtout d’honneur.” Aucun raison qu’elle ne le souille donc, elle tiendra sa promesse, Sarah en est presque persuadée. “Et dans tous les cas, on devrait pouvoir rentrer par nos propres moyens.” Cinq ans sur les routes à traverser tout le canada, partir en duo est alors clairement dans ses cordes surtout que Jason n’a rien d’un boulet au pied à première vue. “Plus long et plus dangereux, mais c'est dans nos cordes, on y arrivera.” Il a la sienne de parole là-dessus, Sarah s’y donnerait corps et âme à la tâche si l’occasion s’y prête.

Après un croc dans la pomme et une nouvelle lichette d’eau, elle reprend sur un ton qui porte plus à la confidence : “Quelqu’un t’attend au camp ?” Peut-être une famille, une femme, un homme, un enfant ? Qui sait…

Le brouhaha des rôdeurs en contrebas offre une petite ambiance tout sauf rassurante, heureusement, ce n’est pas la première fois que la tireuse se retrouve dans ce genre de situation. Elle ne panique donc pas et se concentre plutôt sur Jason et sa pomme en faisant abstraction au maximum abstraction des trop nombreux râles qui les entourent. “Ah ah, ouais, je n’ai pas crié ça sur tous les toits.” Sa fâcheuse position au Canada n’était pas très enviable. “J’étais en formation inter-armée sur place avec celle du Canada. C'était à la base une belle opportunité pour monter en expérience...” Et mine de rien, ça l’a été, se retrouver à traverser tout le pays jusqu’à Vancouver lui a certes pris des années mais elle a pu ainsi apprendre la survie à la dure, dans tous les sens du terme.

Quant à l’arme de Jason, elle vient doucement opiner devant elle, c’est sûr que celle-ci ne pourra jamais abattre une cible à deux kilomètres mais comme il dit, elle est fiable et robuste, la qualité répond présente. Pour chasser du rôdeur ou de l’humain à courte distance, c’est un idéal. Pour le concours, là aussi elle hoche doucement la tête devant elle non sans une petite montée en pression, ce serait assez humiliant pour une tireuse d’élite de se faire aligner par un passionné qui pratiquait en loisir.

“Ouais, espérons qu’on n’ait pas à en arriver là. Je pense qu’on peut donner 24 heures max à Adrienne avant de penser à filer d’ici par notre propre moyen” Fort Ward n’est pas si loin, la française n’a pas besoin d’autant de temps pour revenir les chercher mais autant voir large, au cas où. “Et je suis contente d’entendre ta motivation, ça me rassure !” C’est toujours rassurant de l’entendre, on ne va pas se mentir, au moins, elle sait qu’il assurait sans trembler si le pire des scénarios devait arriver.

“Oh, tu es papa ! Je ne savais pas, mes félicitations.” Et le sourire de Jason ne vient que confirmer à la militaire que cette situation lui convient parfaitement. “Un an, c’est vraiment tout petiot… comment elle s’appelle ?” Ce serait vraiment dommage de priver cette petite de son père. “Ivy, oui, je vois ! Elle n’a pas l’air d’avoir froid aux yeux elle aussi... Vous n’avez pas peur de partir tous les deux ensembles sur le terrain ?” Elle pense à l’enfant, ça peut être une lourde perte de de se séparer de ces deux parents d’un coup d’un seul.

Son regard s’assombrit un peu quand il est question de son passé et elle se détourne un instant du jeune homme pour aviser le tas de mort bien agité en contre-bas. “Lakewood, au sud de Tacoma” Ce n’est pas loin, pas loin du tout et elle compte bien s’y rendre dans l’espoir d’obtenir des informations sur sa famille quand on lui en laissera l’occasion. “Je n’ai pas pu y retourner encore.” Question de temps, elle espère, sans quoi, elle risque de forcer les choses.

Jason a tout à fait raison, les formations inter-armée en particulier avec celle du Canada ont su se révéler comme de véritables bénédictions. Les canadiens sont tout sauf mauvais dans l’enseignement des armées et les américains le savent, même les SEALs sont également conviés à ce genre d’aventure auprès d’eux. Aussi, elle hoche donc simplement la tête pour confirmer les propos soufflés par son compagnon d’infortune.

Sa franchise au sujet de sa crainte des rôdeurs ne la laisse pas de marbre et elle vient une nouvelle hocher de la caboche. “Yep, tu fais bien, ne pas les craindre reviendrait à se tirer une balle dans le pied, ce serait même la meilleure chose à faire pour finir croquer.” Et c’est généralement ce qu’on apprend à l’armée concernant l’ennemi, qu’importe son entraînement, sa corpulence, son sexe, sa taille et son âge, toute personne possédant une arme sur le champ de bataille se doit d’être crainte. C’est ainsi qu’on apprend aux militaires à toujours tirer en premier et à ne pas hésiter…

Joy, c’est un joli prénom qui en dit long finalement, la jeune fille n’a pas intérêt à devenir une boudeuse de première en grandissant, ce serait fort dommage. “Je comprends, les liens du sang ne font pas tout, il n’y a que l’amour que tu lui porteras qui comptera.” Surtout à leur époque, désormais combien d’enfants peuvent se targuer d’avoir encore leurs deux géniteurs sous le coude ? Trop peu, vraiment trop peu.

Concernant le fait que sa douce lui ait sauvé la vie, la nouvelle arrache un petit sourire en coin à la militaire qui vient à nouveau croquer dans sa pomme. Pour l’adrénaline dont il parle ensuite, la phrase soufflée vient alors agrandir son sourire déjà présent, là dessus, ils ont un gros point commun. “Pareil, c’est un peu le seul moment où je me sens vivante quand l’adrénaline prend le contrôle.” Sa pomme enfin terminée, elle se penche vers les rôdeurs en contrebas et relâche le tronc du fruit sur eux. Seul retour qu’elle obtient : quelques nouveaux râles, rien de plus. Pour le reste, elle prend le jeune homme au mot concernant son passé qu’elle préfère encore gardée sous silence, ça ira mieux quand elle se sera enfin rendue à Tacoma pour mener son enquête sur sa famille.

“Je vois. Ça a dû être sympa de grandir dans un ranch. Et non je n’ai pas eu la chance de monter sur un cheval, j’aurai bien aimé.” Spokane, Logan lui en a parlé, c’est là qu'il a été convié avec les SEALs pour aider la police locale et quelques réservistes. De ce qu’il a pu lui apprendre, les hordes ont rapidement pris le dessus là-bas aussi. “Du coup, tu as terminé à Seattle à la chute de Spokane c'est ça ? Comment as- tu rejoint Fort Ward après ça ?” Peut-être que ce sera la même histoire que Logan ? Elle en doute un peu mais ça l’intéresse tout de même, les épreuves passées, c'est bien qui définit ce qu'ils sont aujourd'hui.