June venait de réintégrer ses quartiers. Encore. Cette dernière année, elle voyait beaucoup trop le dispensaire à son goût, et ça ne pouvait qu’être symptomatique du danger qui planait de plus en plus proche de leur île. Il avait d’ailleurs plané littéralement, jusqu’à il y avait peu…

Le pas léger de Madisson précéda son irruption dans la pièce. L’avocate l’attendait, un dossier sur son bureau impeccablement rangé.

- Est-ce que vous vous sentez d’attaque ? J’ai une mission pour vous.

Question plus ou moins rhétorique : elle n’attendait pas une autre réponse que « oui », en dépit des circonstances.

Depuis quelques jours, Fort Ward est en effervescence. Depuis cette attaque menée par les New Eden contre notre camp, il a fallu reprendre les rênes et agir sans attendre. Avec l’absence momentanée de June, j’ai été submergé par un flot de demandes, de questions, de mécontentement aussi ; sans compter les dossiers qui s’empilent à présent quotidiennement sur mon bureau.

Ce matin, j’ai justement rendez-vous avec Madame Phelbs pour parler de tout ça, il est encore tôt quand je frappe à la porte de son bureau. « Bien sûr. A quoi pensez-vous ? » Je croise les yeux de l’avocate, affichant une mine assurée, intriguée par ce qu’elle compte me demander.

June désigne le siège de l’autre côté du bureau et ne perdit pas plus de temps.

- Il faut contacter nos partenaires du ranch pour les prévenir que nous rencontrons un « contretemps », le choix des mots étaient important, même s’ils ne sortaient pas de ce bureau, on doit continuer nos échanges commerciaux et diplomatiques, pour nos intérêts mutuels. Simplement, on ne pourra plus se rencontrer à Seattle. Il faudrait convenir d’un autre endroit. Je peux vous en charger ?

Ses prunelles jaugèrent là Madisson, attendant son approbation et/ou ses questions avant de poursuivre.

Une fois assise, j’écoute l’avocate avec attention pour ne perdre aucune information. L’idée de pouvoir participer aux échanges diplomatiques me plaît évidemment. Pour l’instant, j’ai été en retrait de tout ça, bien trop occupée par mon travail auprès de la population et par ma grossesse… Mais ce n’est pas pour cela que je ne suis pas au courant de nos accords avec le groupe du ranch. « Je peux me charger de les prévenir, effectivement. » Je sais à quel point cette entente nous est indispensable, nécessaire pour l’avenir de notre groupe. « Quel secteur conviendrait d’après-vous ? Faut-il convenir d’un rendez-vous rapidement ? » J’observe Madame Phelbs d’une mine sérieuse, prête à poser de nouvelles questions…

- Je pense que leur proposer de vous rencontrer prochainement peut être utile, oui, approuva-t-elle, la radio que Cole devait les aider à fabriquer est terminée normalement, vous devriez pouvoir joindre quelqu’un comme ça dans un premier temps.

Ce mécanisme leur facilitait très largement la tâche, ils n’auraient plus à se débrouiller avec les messages placardés au No man’s land, c’était parfait.

- Il faudra surtout les informer de l’offensive, mais évitons pour l’instant d’évoquer nos plus grosses pertes, elle songeait notamment à Stanley, supposé mener leur « armée », il faut les rassurer : les échanges peuvent continuer pour les médicaments et la coopération anti-New Eden. Pour les vaccins contre le virus H1R1, ils auront leurs prochaines doses dans les temps, quand le projet de l’avant-poste aura avancé.

Madame Phelbs me fait comprendre qu’il est urgent de contacter nos alliés au plus vite. J’approuve d’un hochement de la tête, ouvrant finalement un carnet pour y griffonner les quelques informations précieuses que la rousse d’apprête à me donner. Attentive, je note les détails qu’elle me donne, non pas par peur d’oublier… Mais surtout pour pouvoir transmettre le plus fidèlement, les paroles de l’avocate.

Les informer de l’offensive, les rassurer à propos du vaccin, l’avant-poste… Cela fait beaucoup de chose mais je me sens capable de jouer les intermédiaires. « Pouvez-vous me rappeler l’identité de la personne à contacter ? » Je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer les décisionnaires de ce groupe, ni d’échanger avec eux. Cette idée me plaît, pourtant ; et j’ai hâte de me mettre au travail. « Voulez-vous que je convienne d’une date pour une future rencontre ? Pour la livraison des vaccins ? »

- J’ai le plus souvent rencontré une femme qui s’appelle Andrea, elle représente leur… « conseil », c’est comme ça qu’ils fonctionnent, elle ne fera aucun commentaire, tant mieux pour eux s’ils avaient choisi un mode de commandement collégial, la dernière fois, Indiana et Cole ont rencontré d’autres personnes. Vous verrez qui répond, ça n’était pas le plus important, notamment pour la suite : convenez d’un rendez-vous en direct, oui, notre système de communication direct est fonctionnel, ce ne sera pas difficile. Ne discutez de rien d’important ou de sensible par radio, ni stratégie, ni localisation, ni vaccin, ce genre de chose ; ils pouvaient être écoutés, est-ce que ça ira pour vous ?