Elle suit les deux femmes de près, avisant un instant derrière elle avant de se concentrer. Lorsqu'elles parviennent au niveau de l'imprimerie, Neela esquisse une grimace de circonstances. Evidemment, la tension semble monter d'un cran. Elle se tourne vers Hoani et Grace. La première parce qu'elle a l'aplomb qu'il faut pour organiser quelque chose comme ça et le mener au bout. La seconde parce que c'est son idée, et elle a envie de s'impliquer.

Une entrée, une sortie à l'arrière, une de secours à partir du premier. Les machines sont placées justement à l'étage, il y a un sous-sol, explique-t-elle rapidement en tâchant de se baser sur ses souvenirs. Des bureaux aussi mais pour surveiller le rendu de la production, pour les managers quoi, bref, des gens qui n'en branlent pas une. En sous-sol, ils stockent les papiers, c'est le plus inflammable, certaines cartouches d'encre peuvent l'être aussi...

C'est tout ce qu'elle a.

Du coup, c'est quoi notre excuse pour venir ? Demande-t-elle aux deux autres.

Spoiler:

En arrivant, Grace sent sa nervosité monter d’un cran. C’est une chose de dire, confortablement assise dans un fauteuil, qu’on va faire exploser un bâtiment. C’en est une autre de sentir battre les explosifs contre sa cuisse, soigneusement cachés dans son sac. Le trio s’arrête dans une ruelle adjacente, le bâtiment en vue mais invisibles pour qui regarderait dans leur direction depuis l’une des fenêtres. Ecoutant attentivement les explications de Neela, Grace se met à réfléchir. Une excuse… une excuse…

Le plus simple, ça serait de réussir à faire sortir tout le monde pour pouvoir entrer sans croiser personne… L’une de nous pourrait essayer d’entrer par derrière et actionner une alarme incendie, ou n’importe quoi. De quoi faire fuir les employés à l’intérieur. Elle ignore si ce plan est réalisable, ou même s’il peut atteindre son objectif, mais dans l’immédiat, c’est tout ce qu’elle a.

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Ralentissant à l'approche de l'imprimerie, je sonde les deux femmes à côté de moi. Le battement de mon palpitant s'accélère, mais je n'en montre aucun signe, écoutant attentivement les précisions apportées par Neela. Les exits sont bon à connaître, et j'apprécie toutes ces différentes informations. Les questions s'enchaînent ensuite, et je suggère en fronçant les sourcils : « Hum, ne serait-il pas mieux de déclencher l'alarme incendie lorsque l'on voudra tout faire péter ? Si on la sonne trop tôt et que les gens réalisent qu'il s'agit d'une fausse alerte, ils reviendront ici et nous risquerons d'avoir dû mal à faire évacuer tout le bâtiment par la suite. » Et autant éviter les dommages collatéraux.

J'ironise ensuite : « On ne peut pas prétendre qu'on vient déposer des petites annonces ? "Femme cherche mari", ça devrait plaire non ? » Avant de recouvrer, plus sérieuse : « Puisqu'il y a une manifestation dehors, on peut toujours dire que nous sommes venues leur filer l'info, pour qu'ils couvrent l'événement, ou qu'on aimerait prêcher la bonne parole avec leur torchon. Comme de bonnes petites femmes converties par le système. » Peu convaincue, une nouvelle idée me parvient. « Autrement, on peut tenter de passer incognito. Et si on se fait avoir, on a qu'à jouer sur ce qu'il se passe en ce moment. On alpague, de manière civilisée, ainsi les gens présents sur l'absence de communiqués sur l'épidémie, les ressources, et tout le reste. Bref, on attire l'attention pour couvrir la pose de la bombe en parallèle. »

Le front plissé, j'observe les deux femmes avec moi. La tension grimpe d'un cran à mesure que le plan se finalise dans ces derniers instants : « Ce n'est pas idéal comme excuses, mais Grace ayant les explosifs, il faut qu'on la couvre avant tout. On peut toujours tenter de rentrer ensemble, mais s'il y a besoin de distraction, il faudra sûrement se séparer. On ne peut pas se permettre de louper notre objectif aujourd'hui. » Après tout, un autre groupe dépend complètement de notre réussite.

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Faisons d'abord un tour du lieu, ok ? Suggère-t-elle en fixant tour à tour les deux femmes. Un soupir lui échappe, elle hoche la tête : Si on trouve un accès par lequel se glisser pour atteindre le sous-sol, deux d'entre nous font distraction pendant que la dernière installe ce qu'il faut, évidemment, le risque est grand pour celle qui sera seule... Dès que c'est fait, elle nous fait signe et on trouve comment faire évacuer le bâtiment...

Là encore, il faudra trouver comment faire. Une alarme incendie peut-être la solution effectivement mais... Comment la déclencher sans que ça devienne étrange ?

Il en faudra une dedans pour déclencher l'alarme quand ça sera bon, d'une manière ou d'une autre. Si l'une de vous à des tendances pyromaniaques, c'est le moment de l'admettre, j'ai des allumettes avec moi... Son regard passe de l'une à l'autre. On a un peu de temps, de toute façon... Neela avise la hauteur du soleil, c'est à peine le début de l'après-midi, la manifestation doit encore se former, elle n'est pas à son plein potentiel. Elle le sera quand elles pourront l'entendre. Ils attendent qu'on soit prêtes, normalement ils sont déjà installés là-bas, souffle-t-elle.

C'est en tout cas ce qu'ils ont prévu.

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Hochant la tête, Grace a immédiatement des fourmis dans les jambes, impatiente de se remettre en marche. Bien sûr, elle est partagée entre la peur d’être capturée, torturée, exécutée, et l’excitation. Elle ignore si la révolution à laquelle elles participent suffira pour renverser véritablement la vapeur, faire de cet endroit le paradis qu’il prétend être. Mais la seule idée de faire quelque chose, de ne pas rester sagement à la maison en attendant le jour de son mariage, lui suffit.

La jeune femme est globalement d’accord avec les suggestions de ses compagnes. On ne pourra rien établir comme plan tant qu’on ne saura pas par où entrer. Il faut faire le tour, répète-t-elle, appuyant la proposition de Neela. Sans attendre de réponse, la jeune femme se dirige vers le bâtiment, et commence à en faire le tour, à la recherche d’une fenêtre ouverte. Mais rien, pour l’instant.

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J'approuve les réparties de chacune. Il y a aura forcément un moment où nous devrons nous séparer, pour couvrir les unes et les autres. Le danger étant omniprésent, nous n'avons pas d'autres choix que de nous faire à l'idée. Un sourire creuse mes joues à la mention de nos tendances pyromanes : « Je pense que nous répondons toutes les trois à ce critère, non ? » Si ce n'est pas le cas, je veux bien me dévouer à la cause. Tout faire brûler, cela devient une passion, dans les environs.

Sans rien dire de plus, nous nous mettons ensuite à faire le tour des lieux, le plus discrètement et innocemment possible. Rien d'extraordinaire à voir traîner trois femmes derrière l'imprimerie, hein ? Le début de notre observation ne semble pas mener à grand chose. Jusqu'à ce que je repère, en partie basse de façade, une fenêtre. La désignant  du menton à mes camarades, je m'en rapproche subtilement, souhaitant m'assurer qu'elle soit ouverte, et donc potentiellement utilisable par nos soins. Ce point confirmé, l'infiltration pourrait donc débuter. Mais avant de m'y précipiter, je me dresse auprès des filles; murmurant : « Bon, vous voyez comme moi ? On a peut-être trouvé notre porte d'entrée. D'après ce que tu nous as dis, Neela, cela nous emmènerait directement au sous-sol, là où on pourrait poser nos affaires. Est-ce que... est-ce que vous êtes prêtes ? » Parce que si l'une veut reculer, c'est maintenant ou jamais.

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