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Did we cross paths at the wrong time | ft. Elijah

Dim 17 Oct 2021 - 14:37



Did we cross paths at the wrong time



New Eden - Octobre 2020 | Elijah & Hoani





Un soupir m'échappe alors que je procède à la mise en rayon de certains ouvrages, généreusement autorisés à l'emprunt par les hautes sphères de la communauté. J'ai beau être habituée à ce travail, en ayant été seulement séparée lors de mes dernières grossesses, je ne me fais toujours pas à ce système qui nous dicte ce que l'on a le droit de lire ou non. Nous sommes dans une putain de bibliothèque publique, et pourtant, les livres sont dûment triés et vérifiés par nos dictateurs avant toute mise à disposition à la population. C'est marrant quand même, comme nos leçons d'histoires ont été très vite oubliées. Mais à priori, on ne va pas lire les ignominies commises lors des grands conflits ayant marqué l’humanité ici. Il ne faudrait pas raviver de mauvais souvenirs, encore moins les refléter aux valeurs actuelles de New Eden. Je ne doute pas que la patriarchie dominant les environs ne se gênerait certainement pas pour mettre au pilon des œuvres de grande qualité, probablement trop poussées pour les femmes que nous sommes. Néanmoins, comme toujours depuis que j'ai pris ce poste, je ravale mon mécontentement. J'essaie de me tourner sur le côté positif de la chose : j'ai un travail, et ne suis pas uniquement condamnée à rester à la maison à m'occuper de mes enfants. Ce qui, soyons honnête, est malheureusement le cas pour la majorité des femmes de l'endroit. Je m'attèle donc très sérieusement à ma tâche, saluant les visiteurs, habituels ou occasionnels, des lieux. Ainsi, je range consciencieusement les livres retournés la veille par les lecteurs, m'assurant de respecter le classement des ouvrages sur les étagères, tout en gardant un œil ouvert. Ne sait-on jamais, que je croise une figure sortante du lot, partageant miraculeusement mes idéaux. Je maintiens également un état d'alerte constant, essayant d'écouter ici et là les conversations qui peuvent avoir lieu parmi les personnes présentes. Les trois quarts du temps, toutefois, il n'y a rien de bien intéressant à sauver. La majorité des lecteurs admis ici sont de véritables agneaux, ou moutons, c'est selon, grands suiveurs des règles de New Eden.

La fin de journée approche, et je reviens vers le comptoir d'accueil de la bibliothèque. Des lecteurs se lèvent et quittent les lieux, la majorité sans rien retirer, ce qui me convient très bien. Je dénote une figure régulière qui est encore assise, et un léger sourire plie mes traits. Depuis que j'ai récupéré mon travail, je vois régulièrement cette jeune fille terminer ses journées dans le coin. Je ne sais pourquoi, j'ai pris l'habitude de la couvrir plus souvent du regard que les autres usagers, allant jusqu'à échanger quelques mots avec elle. Nos discussions ne reflètent rien de particulier, je prends simplement la peine de prendre de ses nouvelles chaque jour, voire de lui conseiller quelques ouvrages en rayon. J'ai rapidement pris conscience que la demoiselle, Mia de son prénom, préférait rentrer dans le moule plutôt que de chercher à confronter les autorités des lieux. Je ne peux lui en tenir rigueur. Aussi réfractaire que je puisse être, je ne souhaite absolument pas mettre en danger des innocents comme elle, ni les pousser à agir contre leurs grés. Alors on se contente de papoter, tranquillement. En outre, en dehors de son air délicat, la demoiselle me paraît familière. J'ai le sentiment de l'avoir déjà croisé auparavant, peut-être bien brièvement, mais je n'ai pas osé en discuter avec elle. Peut-être que je me fais des idées. Et puis, si je l'ai véritablement abordé à une époque, cela doit désormais dater de plusieurs années ; de fait, au vu de son jeune âge, il y a peu de chances qu'elle se souvienne de moi. En silence donc, je continue de la dévisager. Bientôt, Mia est la dernière usagère présente, et j’attends après elle pour fermer boutique. Mais la gamine a l’air si prise dans la lecture que je n’ai pas le cœur de l’en arracher. De toute façon, je n’ai pas grand-chose qui m’attend à la maison. Je sais que je peux compter sur Louisa, qui m’aide à garder les enfants. Elle ne connaît que trop bien mon incapacité à affronter ces deux êtres sortis de mon ventre. Je ne sais pas ce que je ferais sans elle. La militaire s’est habituée à New Eden plus facilement que moi. Et même si je sais qu’elle ne supporte pas cette dictature, elle joue son rôle à la perfection. Un peu trop, peut-être. Autant dire qu’elle est un roc pour moi. Sans elle, je ne suis pas sûre de ce qu’il serait advenu de moi.

Je tapote par automatisme sur mon comptoir, mes songes me faisant perdre le fil du temps à mon tour. Je peux sentir que Mia n’a pas bougé, et il ne me vient pas à l’esprit que quelqu’un pourrait s’inquiéter de son éventuelle absence. Après tout, elle est toujours à la bibliothèque, ce n’est pas difficile de savoir où elle se trouve si vraiment elle est supposée rejoindre qui que ce soit. Aussi j’accepte sans mal ce délai supplémentaire, et reste sagement à ma place. Je dresse toutefois l’oreille lorsque j’entends une porte qui claque au loin, et fronce les sourcils. Une dernière visite, à cette heure ? Je jette un regard à la demoiselle, qui se contente de tourner une page de son livre, complètement absorbée par celui-ci. Bon. Au moins, elle se sent suffisamment en sécurité ici pour ne pas se poser de questions sur les sons alentours. Je doute qu’elle en ait conscience, et pendant un bref instant, je me demande comment elle a survécu à l’extérieur, remerciant presque qu’elle soit à l’abri aujourd’hui. Avant de grimacer, me rappelant qu’elle est à Walla Walla, qui n’est pas un refuge recommandable à mon goût. Je finis par me lever et entame le tour de mon bureau pour me rapprocher de l’entrée, quand je décèle une ombre mouvante au sol. Bientôt, une silhouette débarque dans les lieux, légèrement agitée.

Des mots sont prononcés d’une voix grave, un homme entrant dans mon champ de vision. Il appelle Mia par son prénom, et je comprends qu’il s’agit probablement de son père. L’homme étant de profil, je ne peux définir pleinement les traits de son visage, mais sa carrure et sa voix réveillent quelque chose en moi. Cette sensation de déjà-vu me traverse à nouveau, et je toussote pour capter l’attention du nouvel arrivant : « Hum, bonsoir. Excusez-moi, c’est de ma faute, Mia était si prise par sa lecture que j’ai voulu lui laisser profiter de quelques minutes supplémentaires à la bibliothèque. » L’inconnu se tourne enfin vers moi, et je me fige, le dévisageant avec intensité. J’aimerais dire quelque chose, mais ma bouche reste entre-ouverte, sans qu’aucun mot n’en sorte. Cette figure m’est plus que familière. Elle sort de mon passé, de cette existence menée avant que je ne finisse prisonnière des murs de New Eden. Et si je ne l’ai pas connu très longtemps, la rencontre avec cet homme, et sa famille, m’a marqué. Ses traits fatigués et endeuillés sont restés gravés à jamais en moi, la culpabilité m’ayant étreinte à l’époque, lorsque mon groupe a croisé le sien, au pire moment de sa vie. L’entente a été houleuse, de plusieurs étrangers à d’autres, mais jadis, nous n'avions pas l'occasion de nous apitoyer sur nos sorts respectifs. Je comprends soudainement mieux pourquoi la sensation d’être proche de Mia m’a toujours traversé. Quelque part, je l’ai été. Très éphémèrement, car elle était plutôt couvée à l’époque, mais je sais désormais avec certitude que nous avons navigué sur le même navire. Avec elle, et avec son père. « El.. Elijah ? » Je balbutie, un serrement nouant mon palpitant. En dehors de Louisa et des quelques personnes de mon groupe de la Ferme, je n’ai jamais eu l’occasion de retrouver des visages connus à New Eden. Depuis donc… près de trois ans, plus même. Mon cœur rate un battement et j’ai un léger mouvement de recul, mes hanches cognant le bureau derrière moi. L’homme a changé. Comme moi, je suppose, mais c’est plus marqué pour lui. Sa blessure cicatrisée à l’œil gauche m’interpelle immédiatement, et je me demande ce qu’il a pu vivre, pour finir ici et ainsi. Je pourrai être tout bonnement heureuse d’être enfin en présence d’une personne d’avant New Eden, mais une pointe d’appréhension m’envahie tout du long. Je finis par souffler, quelque peu déroutée : « Euh je-je ne sais pas si tu me remets, c’est Hoani. On… » On quoi, on s’est amusé comme des petits fous à une époque ? Pas vraiment, non. « Merde, alors ça, je ne m’attendais pas à te trouver ici. » Ni lui, ni sa fille, ni qui que ce soit d’autre. Mais qu’est-ce que j’ai pu louper pendant tout ce temps écoulé ? Mais plus encore, qu’est-ce qu’on a fini par devenir, lui et moi, après tant d’années ?

Ⓒslytbitch.





You pushed me to the edge and I slipped,
And then I fell, like a villain.


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Re: Did we cross paths at the wrong time | ft. Elijah

Lun 1 Nov 2021 - 0:11

Enfin, la journée est terminée. Un soupir s’échappe des lèvres d’Elijah, tandis qu’il dépose son équipement de travail: cette journée a été particulièrement chargée, et la fatigue commence à se faire ressentir. Depuis quelques jours, les tensions se font de plus en plus ressentir parmi la population, obligeant les miliciens à rester plus longtemps en poste: et les choses ne semblent pas s’arranger au fil du temps, au contraire. Certains parlent même de possibles manifestations… De son côté, le cinquantenaire ne préfère même pas y penser: si les choses dégénèrent, il sait qu’il va encore falloir employer la force, le tout contre des personnes non-armées. Chose qui ne lui plaît pas vraiment.

Après avoir vaguement salué ses collègues, il rentre enfin chez lui: la marche n’est pas bien longue, et après une dizaine de minutes, il arrive au niveau de sa maison. Même s’il n’en profite pas beaucoup, il apprécie y retourner le soir pour se reposer: et surtout, il en profite pour passer du temps avec sa fille. Et alors qu’il pense la retrouver en entrant, l’intérieur de leur lieu de vie est silencieux, plongé dans la pénombre: étrange, car à cette heure-ci, elle est toujours présente à la maison, à se précipiter vers lui pour l’accueillir… Mia, tu es là ? Pas de réponse. Mais où est-ce qu’elle est passée… ?

En fait, la concernée se trouve tout simplement dans la bibliothèque de la ville, l’un des rares endroits où elle se sent réellement bien: elle y passe régulièrement, et reste souvent un long moment à lire des livres, avant de rentrer à toute vitesse à la maison, juste avant que son père ne fasse de même. Mais cette fois-ci, l’adolescente n’a aucunement fait attention à l’heure: elle est trop absorbée dans sa lecture, si bien qu’elle ne remarque même pas les départs des autres personnes présentes. Elle a bien fait d’écouter Hoani, qui lui avait conseillé ce livre la dernière fois qu’elle est venue: le temps d’un instant, elle se demande ce que cette dernière fait. Elles n’ont pas spécialement eu le temps de parler aujourd’hui, et l’adolescente a bien vu qu’elle était plutôt occupée, lorsqu’elle arriva un peu plus tôt dans la journée. Sans plus y penser, elle continue de lire, complètement absorbée par cette activité qu’elle chérit tant.

Mais oui, la bibliothèque ! Elijah se demande pourquoi il n’y a pas pensé plus tôt. Mia adore lire, et ce depuis qu’elle est capable de tenir un livre dans ses mains. S’il y a bien un endroit où elle peut être, c’est là-bas… Du moins, il l’espère. Cela fait depuis une bonne trentaine de minutes qu’il la recherche, alors si elle n’y est pas… Il ne se le pardonnera pas. Cela voudrait dire qu’encore une fois, il n’a pas été capable de protéger l’un de ses enfants, et qui sait ce qu’il pouvait arriver à sa fille, seule dans la rue en début de soirée… S’il le faut, il retournera toute la ville pour la retrouver.

C’est donc un peu en trombe qu’il entre dans la bibliothèque, qui est presque vide à cette heure-ci: ses yeux se posent un peu partout autour de lui, sans qu’il ne voit sa fille ni même personne d’autre. Son inquiétude le rend un peu moins observateur, et encore plus inattentif. Mia ? L’adolescente est arrachée de sa lecture, à l’entente de son prénom: elle reconnaît la voix de son père sans problème, et se rend soudainement compte de l’heure avancée. Mince. Mais avant qu’elle ne puisse dire quoique ce soit, Hoani s’adresse à son père…

Quand Elijah entend une voix non loin de lui, il est un peu surpris: il ne s’est pas rendu compte qu’il y avait une personne présente dans le bâtiment. Bien sûr il l’écoute, mais il continue de chercher du regard sa fille, sans se retourner vers la femme. Ce n’est que lorsqu’elle prononce son prénom que finalement, il se calme: alors elle est bien ici. Il commençait sérieusement à se faire un sang d’encre, mais la savoir ici le rassure: au moins, elle est en sécurité. Plus que dans la rue. Il se retourne donc vers la femme, s’apprêtant à lui répondre puis à la remercier… Et il se fige.

Ce visage, il l’a déjà vu. Et maintenant qu’il y pense, il a aussi déjà entendu cette voix, qu’il n’a pas de suite reconnue. Elle le fait revenir dans un lointain passé, bien en dehors des murs de New Eden: à cette époque, le reste de sa famille et lui logeaient dans une église, où ils avaient été rejoint par d’autres personnes. Ce fut l’un des moments les plus difficiles de sa vie: quelques mois auparavant, il avait perdu sa sœur aînée qui souffrait d’un cancer du pancréas. Son beau-frère l’avait supplié de le laisser achever ses souffrances, chose qu’il ne pouvait pas refuser. Cependant, il ne s’attendait pas à ce qu’il se suicide ensuite, le laissant seuls avec ses enfants et son neveu.

En bref, il était au plus bas lorsque sa route croisa celle d’Hoani. L’entente entre leur deux groupes avait été plutôt tendue, et ils n’étaient pas restés en contact très longtemps. De toute façon à cette époque, la priorité était de penser avant tout aux siens, si bien que le reste passait au second plan. Hoani ?! C’est la seule réponse qui lui vient à l’esprit, tant il est surpris de la revoir. Depuis son arrivée à New Eden, il n’a pas retrouvé le moindre visage connu, hormis celui de son frère jumeau. Tout son groupe avait péri sur la route, si bien que Mia et lui étaient les derniers survivants. Les seuls. Oui, oui… Je me souviens…

Les souvenirs douloureux refont un peu trop surface à son goût, et il ne tient pas à perdre plus le contrôle de lui même: alors après un long instant de silence, il se redresse et regarde de nouveau la femme face à lui, avant de reprendre la parole. Moi non plus. Encore moins ici... De toute façon, il s’attendait à retrouver personne en arrivant à Walla Walla, même pas son frère, dont il avait perdu toute trace depuis le début de l’épidémie. Pendant ce temps, Mia assiste à toute la scène, comprenant désormais pourquoi elle a souvent eu l’impression de déjà connaître Hoani… et pourquoi elle lui a toujours parue rassurante. Elle vient à côté de son père, venant dans ses bras.

Papa, ça va ? Il la serre brièvement contre elle: merde, il a oublié que sa fille est particulièrement douée pour savoir quand il ne va pas très bien. Tout va bien, lui répond-il en esquissant un sourire. Il refuse que quiconque le voit déstabilisé, troublé. Chamboulé. Rentre à la maison, s'il te plait. Je dois… parler avec Hoani. Ne m’attends pas pour le repas. Et sois prudente. Mia se contente d’hocher de la tête: elle n’est pas du genre à discuter les demandes de son père. Elle dit au revoir à Hoani et file, non sans leur jeter un dernier coup d’œil. Elijah la suit un instant du regard, avant de se reconcentrer sur la jeune femme face à lui.

Elle a l’air… changée. Il ne sait pas ce qu’il lui est arrivé, depuis la dernière fois qu’ils se sont vus: mais une chose est sûre, elle n’a pas dû être épargnée par la survie à l’extérieur… Ou même en étant à New Eden. Il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte du traitement réservé aux femmes, et soudainement, il se demande comment elle a pu atterrir ici. Du peu dont il se souvient… Elle a un caractère fort. Difficile donc de croire qu’elle soit venue de son plein gré. Que… Beaucoup de questions lui viennent en tête, mais il est incapable d’en poser la moindre.
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