Thaïs est assis contre un tronc d'arbre, contre le feu. Elle n'a pas spécialement l'habitude de faire la fête avec les autres miliciens. Non, elle est là uniquement pour faire régner l'ordre en temps habituel. Cette invitation pour Halloween lui a pourtant paru séduisante. Les temps sont de plus en plus difficiles. Les New Edens sont de plus en plus présents dans le coin et l'ambiance à la cage est assez tendue. Elle n'est pas contre relâcher la pression pour une soirée.

Elle écoute Cesare. Dans sa main, elle tient une bouteille de liqueur qu'elle compte bien garder pour elle pendant toute la soirée. Au moins, elle est certaine que personne n'y a versé un laxatif quelconque. « Vas-y, je commence ! » annonce-t-elle en se redressant.

Elle prend une grande inspiration. « Quand j'étais petite, on faisait Halloween avec ma famille. C'était ma fête préférée. Au bout de notre rue, il y avait une vieille maison, les gosses du coin disaient qu'elle était hantée. » Thaïs boit une gorgée de liqueur. Elle esquisse une petite grimace quand l'alcool lui brûle la gorge. « Le défi c'était de se rapprocher le plus possible de la maison. A ce qu'on disait, le visage du propriétaire pouvait apparaitre à la fenêtre. Ceux qui osaient aller réclamer des bonbons étaient vus comme des héros par les autres gamins. J'y suis allée. » Déjà petite, elle était un vrai garçon manqué et n'avait pas froid aux yeux. « La maison tombait en ruine, on pouvait entendre le vent qui soufflait par les fenêtres cassées. J'ai frappé à la porte et elle s'est ouverte, alors je suis rentrée. » Thaïs parle à voix basse. « Dans l'entrée, un homme était pendu. Il avait encore les yeux ouverts et il me fixait. Son ventre était ouvert et des asticots en sortaient. J'ai voulu partir mais la porte s'est refermée sur moi. Et c'est alors que... » BAAAAM ! Thaïs a attrapé deux casseroles rouillées à côté d'elle et les a tapé bruyamment l'une contre l'autre. Elle laisse échapper un petit rire. Bon, son histoire était nulle, mais elle espère les avoir au moins fait sursauter...

Spoiler:

J’ai demandé à Anastasia de me foncer les sourcils au crayon et de me dessiner  un début de barbe que je suis encore incapable de faire pousser. Chemise impeccable et manteau épais pour affronter le froid de l'automne, je suis James, ce soir. L'illusion n'est pas loin d'être convaincante, du moins dans le noir.

Je me remets à peine de la première gueule de bois de ma vie après les festivités de la faction. Paraît que c’est plus facile avant vingt-cinq ans, alors j’ose à peine imaginer l’état des autres… Pas question de reproduire cette erreur ce soir : je reste à l’eau et au jus de fruit.

Je suis assis à côté de Thaïs, sur le tronc d’arbre, et lève le nez vers elle pour écouter son… histoire. Je hausse les sourcils, forçant une réaction pour me fondre dans le reste du groupe. Le fracas des deux casseroles me fait juste fermer les yeux une seconde, plus agacé qu’effrayé.

“Ok...” C’était nul, vraiment. Je me penche pour choper une bonne poignée de terre et la jette avec précaution sur ma voisine, faudrait pas lui en mettre dans les yeux. Sourire aimable à la brune, je me lance à mon tour, bien conscient que je n’échapperai pas à l’exercice.

Je sors un briquet de ma poche et commence à jouer avec en le faisant passer entre mes doigts. En imitant mal un accent anglais pour rester dans mon personnage, je commence, “Donc. J’étais un gamin aussi, j’étais invité à l’anniversaire d’un ami de l’école. C’était en hiver, donc il faisait nuit tôt. Il y avait une dizaine d’autres enfants, et un clown… Le genre pas cher payé, avec le maquillage à l’arrache et l’air au bord du burnout, vous voyez. Il gonflait des ballons avec une bouteille de gaz et faisait des formes avec, comme les chiens, ou des chapeaux. Le temps passe, le clown tousse à mort toute la soirée… Le gosse qui fêtait son anniversaire est allé souffler les bougies, avec son ballon sur la tête et…” Je craque le briquet et écarte mes mains couvertes de gaz dans une grande flamme qui claque l’air. Oui, je mise tout cet effet. Et évidemment, tout est faux : quand j'étais petit, je n’avais pas d’amis.

Dés: