Elle souffle. Le moindre effort lui coute encore après l'empoisonnement, et surtout ce mois à ne pas pouvoir bouger comme elle le souhaite. Le fait d'être restreinte à son lit seulement n'a pas aidé à travailler son endurance. C'est simple : Neela a l'impression d'avoir juste perdu. Tout ça va lui revenir, mais tous ses mouvements sont couteux en énergie. D'ici quelques jours, ça ira mieux, elle se raccroche à cette idée. Ce qui la travaille le plus, ce sont évidemment les quelques absences qu'elle a, ou sa mémoire défaillante. Un problème dans ce qu'elle fait au quotidien, et ça n'est pas anodin qu'elle oublie certaines choses, ou abandonne des taches en plein milieu sans y revenir ensuite.

Heureusement, Min-Oh n'est pas là pour voir ça. Elle fait toujours en sorte que tout soit impeccable lorsqu'il rentre, il est toujours plus difficile de maintenir l'illusion quand il doit rester une journée entière pour son congé. Aujourd'hui est une journée sans lui, aussi laisse-t-elle sa tête divaguer à des pensées qu'elle ne suit pas toujours, de s'étouffer dans des impressions douloureuses au passage. Que fait-elle ici ? Elle n'en aucune idée. Cette inutilité la hante, comme l'impuissance qu'elle subit au quotidien. Les conversations avec Jena ont au moins l'avantage de l'aider, de la stimuler un peu mais... tout ça n'enlève pas ce sentiment de n'être qu'en sursis.

On frappe à la porte. Happée hors de ses pensées, Neela se redresse et va pour ouvrir. Sur le palier, ni son époux, ni les Wentworth venus lui rendre visite. Justement, il s'agit des Ortiz, et la brune a un bref sourire. Hey, les salut-elle avant d'encaisser les regards sérieux des deux personnes en face. Angel et Jenna, donc, qu'elle connait. L'une plus que l'autre, il va sans le préciser. C'est là qu'elle saisit de toute façon la gravité dans les yeux de ses vis-à-vis. Ah. Evidemment. Rentrez, leur demande-t-elle simplement en laissant place, avant de refermer la porte derrière eux. Sa première question va pour Jenna : Qu'est-ce que tu lui as dit ? Elle a besoin de savoir.

Il n'est au courant de rien. L'indienne sent sa mâchoire se serrer néanmoins en fermant les yeux un instant. Il ne sait rien, et elle va devoir le lui expliquer. Alors que l'homme s'impatiente, elle se sent contrainte de faire ce qui doit être fait pourtant, et contrariée d'avoir à parler quand elle voudrait pourtant continuer à garder ce secret. Après tout, que sait-elle de la réaction qu'il pourrait avoir en découvrant ce qu'elle a confié à Jenna ? Et s'il le prend mal, d'ailleurs ? Mieux vaut ne pas s'en faire tout de suite, laisser une chance au militaire d'apprendre et de poser ses questions.

De toute façon, il est là et il veut comprendre... Elle se tourne pleinement vers lui pour le coup, prend une grande inspiration pour poser sa réflexion. Difficile avec sa tête qui recommence à lui faire mal rien qu'en essayant de se concentrer. Désolée Angel, j'ai demandé à Jenna de garder un oeil sur Soeur Mary ces derniers mois, explique-t-elle dans un premier temps, avant d'entrer dans le vif du sujet et la raison de leurs présences ici : Nous avons découvert il y a quelques temps que des hauts placés commandités l'euthanasie de certains patients, des personnes âgées ou des malades, des mutilés, couteux en soin ou en prise en charge, ajoute-t-elle.

L'indienne fait en sorte de laisser un temps passer, pour qu'il prenne l'enjeu de cette information très au sérieux. Ce n'est pas tant qu'elle veut jouer du suspens, c'est qu'il n'y a pas de doute quant au fait que c'est trop grave pour être pris pour une blague. Ni Jenna, ni Neela, ne sont en train de rire. Ou de préparer une chute à cette blague de mauvais goût. L'indienne est toujours horrifiée par cette découverte, encore plus avec le temps passé à devoir l'encaisser. Elle réalise mal qu'il s'agisse désormais d'un... fait.

Peu de gens sont au courant, admet-elle enfin pour que l'homme ne se formalise pas de ne pas savoir. New Eden fait en sorte de le cacher, après tout, n'est-ce pas ? Sans la mort de Diana, Neela ne l'aurait jamais su après tout. Peut-être que Soeur Mary serait aujourd'hui enterrée, sans qu'elle ne comprenne jamais pourquoi. Soeur Mary commence à être... Vieille, et je craignais que ça arrive, qu'ils viennent voir pour abréger sa vie... poursuit-elle. Ils sont venus, c'est ça ? Demande-t-elle à Jenna, avec une vive inquiétude. Voilà qui va l'obliger à en parler à Min-Oh.

Ce qu'on risque à dénoncer des pratiques douteuses de la part de médecins de New Eden ? Demande-t-elle en fronçant les sourcils. Angel a toutes les raisons du monde d'être en colère, mais Neela a la fâcheuse tendance à monter en pression en même temps que ses interlocuteurs quand ça arrive. Par mimétisme peut-être. Oui, nous en avons plutôt bien consciences, mais que sommes-nous censés faire ? Les laisser continuer leur sélection de ce qui peuvent vivre ou mourir ? Rétorque-t-elle dans la foulée, avec une pointe de sarcasme dans la voix et dans l'attitude. Rien pour la rendre très agréable.

Mais en même temps, le sujet n'est pas agréable non plus. Elle devrait se montrer patiente à l'égard d'Angel cependant : il découvre. Quand Jenna et elle ont eu le temps de se familiariser avec la nouvelle. Voilà qui serait injuste de lui en tenir rigueur. Non, il ne l'est pas. Et en fait, je ne sais même pas s'il a déjà eu des prérogatives à ce sujet, répond-t-elle à propos de son mari. Min-Oh n'en sait rien. Il ne sait pas qu'on a attenté à la vie de Soeur Mary. Mais elle ne va plus avoir le choix de le lui dire de toute façon, même si ça la contrarie franchement. Si c'était le cas, il ne m'en parlerait pas, ajoute-t-elle.

Il est doué pour garder les secrets, ou alors pour se plonger dans un profond déni. C'est une bataille qu'elle doit reconduire à plus tard, parce qu'elle ne la gagnera pas en l'état. Mason Wentworth est au courant, mais nous avons récupéré ces informations... Pas tout à fait légalement, plaide-t-elle en détournant les yeux un instant, un peu honteuse peut-être. La mère d'une amie est morte récemment, et elle nous a demandé de chercher pourquoi. Elle était très malade, déjà en fin de vie. Il a suffi de la visite d'un médecin, qui lui a paru suspect, pour attirer ses doutes, et nous avons creusé, ils n'ont pas vraiment trouvé un trésor malheureusement. Si tu as besoin, nous avons ces preuves mais... Il y avait une note avec, aussi...

Elle hausse les épaules. Sa contrariété vient se marquer sur ses traits déjà fatigués. Celle indiquant que c'était demandé plus haut, que ça n'est pas l'initiative d'un médecin seulement ici, ajoute-t-elle en scrutant Angel. Elle attend sa réaction, entre colère, horreur, déni. Un savant mélange des trois peut-être.