- Mamamamama.

Je souris doucement, ça doit bien faire 5 minutes que Micah répète ce « son ». Ça semble lui plaire et ça me fait plaisir que ce soit parce que c’est mon nom, enfin pour lui.

- Mamamamamama. Que je répète à mon tour avant de sourire et de lui poser un gros baiser sur la joue.
- Nonnn. Il me repousse, avant de pouffer de rire. Petite crapule va.

Non, nouveau mot qui ne semble plus quitter sa bouche depuis ses deux ans. J’ai lu quelques livres bien sûr, afin de lui offrir la meilleure éducation possible. Mon fils sera quelqu’un de reconnu ici et je veux lui donner toutes les chances du monde d’être parfait. Le Terrible Twos comme ils appellent. Il commence à comprendre qu’il peut dire non, qu’il peut refuser et qu’il a le choix. C’est parfois irritant, mais j’ai un petit garçon bien sage comparativement à d’autres enfants. J’en suis consciente.

Je remonte un peu sa petite écharpe pour qu’il ne prenne pas froid et nous passons devant une boutique décorée pour les fêtes. De jolies guirlandes de lumières colorées attirent forcément l’attention de mon petit garçon.

- Mumière, maman, Mumière.
- Lumières. Je le corrige immédiatement, avec un sourire. Lu-mi-ère. Répète après moi Micah.
- Mumière ! Lance-t-il joyeusement, tout en essayant de toucher.

Je ne m’approche pas trop, parce que c’est sans doute chaud. Je le serre un peu plus fort dans mes bras, attendrit de le voir si excité et captivé par les ampoules de couleurs. Un petit baume sur mon cœur après la perte d’Oliver. Je dois me raccrocher à ces petits moments pour me remettre sur pieds. Micah me demande parfois où est son père, mais il ne semble pas trop comprendre ou être affecté. Trop jeune heureusement, c’est au moins ça.

Je me retourne pour continuer notre petite balade et je me rends compte que je n’avais pas remarquer la personne qui s’approchait. Je m’arrête avant de le bousculer sans le vouloir, avant de relever mes grands yeux sur lui.

- Mes excuses Monsieur.

Je n’en pense rien, il n’avait qu’à ne pas s’approcher comme ça et à mieux me contourner, mais il vaut mieux jouer mon rôle pour l’instant, tant que je n’aurai pas de mari pour m’assurer une certaine sécurité.

Au moins il prend la faute qui lui revient. Très bien. Je remarque avec retard que l’écharpe de Micah glisse de son cou et c’est cet inconnu qui la rattrape avant de la lui remettre. Je réprime une grimace et un pas vers l’arrière, ce ne serait pas des plus polis, mais je déteste que l’on touche mon garçon ou ma personne sans permission. Je me contente donc de forcer un sourire des plus charmants.

- On dit merci, Micah. Que je dis à mon fils, mais celui-ci cache son visage contre le mien, visiblement un peu timide. Ce qui m’arrache un doux petit rire.

Il finit par se retourner et pointer les lumières à nouveau, mais à l’inconnu cette fois.

- Mumières ! Regarde, mumières ! Lance-t-il joyeusement.

J’ai une petite grimace désolée pour l’homme alors que mon fils répète à nouveau pour les jolies lumières de Noël.

- Ne vous en faites pas, nous étions également quelque peu discrets. L’humilité, c’est toujours une carte intéressante à jouer, cela met rapidement les gens en confiance. Chaque année, de revoir ce genre de décoration est un peu étrange. Nostalgique et réconfortant, mais étrange tout de même. Du moins pour nous les adultes. N’est-ce pas ? Je serre un peu plus mon petit garçon en disant cela.

Je ne vais pas immédiatement reprendre ma route, il s’agit là d’une opportunité. Je ne sais trop qui est cet homme et je veux voir s’il a le potentiel de servir à quelque chose avant de le quitter. Mon délai s’amenuit et je joue mon rôle à la perfection. Les contacts, voilà comment j’arriverai à mes fins. Cela passe également par les rencontres impromptues du genre. Le but n’est évidemment pas de le retenir, mais de susciter un certain intérêt pour une rapide conversation.

- Vous faisiez les boutiques pour votre famille Monsieur ? Je suis curieuse, j’ai bien vu l’alliance à son doigt. Peut-être, peut-être pas, mais je crois que sa réaction pourrait en dire plus que ses mots. Oups, je ne suis pas très polie, Rebekah Ben Ami, enchantée. Tout est bien sûr calculé. Je fais mine de mieux repositionner mon fils dans mes bras, mettant en valeur ma main gauche sans alliance, tout en tendant la droite pour mieux me présenter.

Pas que je convoite cet homme, mais peut-être ses connaissances. Il est donc primordial de lui offrir certaine information et de laisser bonne impression, non ?

J’ai un sourire un peu plus sincère quand il complimente le nom de mon fils. Effectivement, c’est un joli prénom puisque c’est moi qui l’ai choisi. J’ai bon goût et j’en suis tout à fait consciente, mais il est toujours agréable de l’entendre de la bouche des autres.

Il me parle de ses enfants et je feins l’intérêt, c’est après tout ce qui est attendu de moi dans cette ville de par mon statut de femme. Je n’ai jamais eu la fibre maternelle avant Micah. Les autres enfants ne m’intéressent pas, mais mon fils c’est différent. Je ne suis pas mièvre et écervelée en sa présence, il faut croire que je ne suis pas victime de mes hormones comme bien d’autres, mais je l’aime. Sincèrement. Je veux le meilleur pour lui.

- Oh, bientôt la graduation. C’est une chose horrible à mes yeux, mais à Rome, nous devons faire tels les Romains comme le dit l’adage.

Seize ans et l’éducation et terminé. C’est aberrant à mes yeux. Pire encore est sans doute l’éducation reçue. Je ne sais pas comment l’homme prend les choses, je l’observe donc avec attention pour y déceler ne serait-ce qu’un indice sur ses ressentis face à cette inévitabilité. Quatre années seulement et on lui volera sa fille pour la marier à un autre. Avec un peu de chance un jeune homme de son âge, avec moins, l’un des vieux pervers considérés comme riche et puissant.

Bref, je n’ai pas particulièrement d’empathie, mais cette ville est réellement menée par des misogynes.

Micah babille dans mes bras, parlant des lumières, du père Noël, prononçant des mots maladroitement et jouant avec mes cheveux. Pour ma part, je conserve un sourire poli tout en écoutant l’inconnu. C’est que celui-ci m’offre beaucoup d’information à son sujet et je suis ravie de voir que j’ai eu un peu d’instinct. Militaire. Excellent.

- Oui, il est plus doux de profiter des lumières de Noël que de devoir affronter l’extérieur. Merci de nous protéger, sincèrement. Je pousse un peu la reconnaissance, certains doivent faire la salle besogne et tant mieux si ce n’est pas moi. Oh, on m’a accueilli en 2018, je suis donc citoyenne depuis quelques années déjà. Je pose un regard affectueux sur mon fils, avant de lui voler un petit baiser sur sa joue dodue d’enfant. Et vous ?

Je me demande si Oliver et moi l’avons déjà croisé. Peut-être bien que si, ou du moins, lui a peut-être connu feu mon mari.

- Enchantée M. Ortiz. Que je souffle en retour d’un ton avenant. Nous sortions prendre un peu l’air et faire un peu de lèche-vitrine. Et vous ? Une petite balade avant de rentrer à la maison ?

Il s’agissait sans doute de cela. Pour ma part, j’espérais surtout trouver un joli cadeau pour mon fils, mais à bas prix. Je déteste cela. Devoir rationner, me priver de certains repas, avoir peur de devoir emménager chez les crasseux. Ne pas pouvoir offrir ce que mon fils mérite…