Est-ce que tu veux qu'on se voie après ? Lui demande Beverly avec un sourire en coin, prompte à vouloir la revoir plus régulièrement. Et Neela ne s'en cache pas, la proximité de la jeune femme lui fait du bien, lui permet de se changer les idées. Tu penses qu'on pourrait s'organiser un repas aussi ? Mon mari adore le tien, ça lui ferait vraiment plaisir de le voir plus souvent. Et je pensais convier Jena, notre belle-fille, ainsi qu'un ami de mon mari, qui est dans votre voisinage direct : Dave Taylor, explique-t-elle dans la foulée.

Elle a un sourire. Pourquoi pas ! En tout cas, ça ne peut pas faire de mal. Evidemment, Neela a encore des stratégies en place pour survivre à un repas du genre mais si son mari y est, c'est un moindre mal. Min-Oh a encore beaucoup de travail pour son remplacement mais je te dirais quand il aura son jour de repos, ajoute-t-elle rapidement. Super, c'est vraiment une bonne chose ! La conversation entre les deux femmes continue, jusqu'à ce que des éclats de voix à l'extérieur de chez les Cox ne viennent troubler la situation.

Saisissant son sac, sa veste, son écharpe, Neela salut Beverly rapidement : Je vais voir, elles se laissent là-dessus alors que l'indienne rejoint le devant de la maison sans attendre. Là, elle reconnait Sloan, un ami de Grace qu'elle a déjà vu, visiblement bien entouré de deux hommes qui essaient de le faire suivre sans grand ménagement. Je peux vous aider ? Demande-t-elle alors de but en blanc, sans faiblir ou trembler. La confrontation ne lui a jamais fait peur.

Veuillez rester en dehors de ça, nous devons embarquer ce jeune homme en interrogatoire, rétorque sèchement l'un d'eux, avec un mépris assumé pour son genre. Neela esquisse un sourire. Ne pas s'énerver. Plus elle restera calme, mieux ça sera. Mais... Vous savez de qui il s'agit ? Demande-t-elle alors en désignant le garçon qu'ils essaient d'incriminer. Tous deux se regardent, près à lui rétorquer quelque chose avec aplomb. D'un signe de la main, elle les interrompt : C'est le fils de Grant Gybson, il fait partie de votre armée, ajoute-t-elle. Vous devriez convier son père à son interrogatoire. Un sourire de circonstances, elle attend une réaction.

Sloan fait son footing, laissant s’échapper les tensions de ces derniers jours. La sueur qui coule le long de son visage lui fait du bien et chaque bouffée d’air brûlante est rafraîchissante. Alors qu’il commence à prendre un réel plaisir une voix crie derrière lui « Sloan Gybson ! Arrête-toi, mon grand ! » Il sursaute, se retourne et observe deux hommes s’approcher de lui. Il ne les connaît pas. Massifs, ils n’ont pas l’air de rigoler et le jeune homme comprend très vite que ça ne sent pas bon. Ce sont deux soldats. « Je peux vous aider ? » demande-t-il d’une voix incertaine, tout en réfléchissant à ce qu’il aurait pu faire et qui lui aurait attiré des ennuis. « Peter Lewis… Ce nom te dit quelque chose ? » demande le plus petit des deux – qui dépasse tout de même Sloan d’une tête. Le visage de Peter, un rouquin au menton fuyant et au regard sympathique se dessine dans l’esprit de Sloan. Il préfère garder le silence et comprendre de quoi il en retourne avant de se compromettre inutilement. Voyant qu’il ne compte pas répondre, l’homme ajoute « Il semble être impliqué dans la Rébellion et il a cité ton nom plusieurs fois. » Merde. L’étreinte de la peur se referme sur lui et un frisson lui parcourt l’échine.

Il se force au calme. Sloan est innocent. Il n’a jamais été directement en contact avec la Rébellion. Il a passé quelques soirées sympas avec Peter, mais jamais ils n’avaient évoqué de telles questions. Ils s’étaient contentés de plaisanter, de se raconter des anecdotes sur leurs vies avant la pandémie et c’est tout. « Je n’ai rien avoir avec ça » répond Sloan avec lenteur. « Je n’ai passé que quelques soirées avec Lewis et je ne suis au courant de rien. » Si Peter ne se fait pas exécuté par New Eden, le jeune homme se jure de lui mettre une raclée. Quelle idée a-t-il de parler de lui alors qu’il se fait interroger au sujet des Rebelles ? « Oui, mais tu vas nous suivre bien gentiment pour qu’on éclaircisse la situation, d’accord ? » Sloan n’aime pas le ton paternaliste du type, et il n’a aucune intention de le suivre. Les interrogatoires ne rigolent pas et s’il commence à se retrouver impliquer dans ce genre d’affaire, ça va mal aller pour lui. « Écoutez, je suis vraiment content de ce que vous faîtes pour nous protéger mais ce n’est pas nécessaire dans le cas présent. Vous n’êtes même pas sûr que Lewis fasse partie de la Rébellion… Si vous tenez vraiment à m’interroger, trouvez au moins un truc concret pour le justifier. » Ce n’était pas la chose à dire car l’homme rougit de colère. Il lui attrape le bras et gronde « Ne fais pas d’histoire, garçon. » Sloan se dégage brusquement et crache en haussant le ton « Lâchez-moi. Je ne vais pas vous suivre ! » Le deuxième homme l’attrape sans ménagement et Sloan se tortille pour échapper à la prise. Son cœur s’accélère.

Soudain, une voix les interrompt et Sloan jette un regard reconnaissant à la jeune femme qu’il reconnaît immédiatement. C’est Neela, une amie de Grace. L’homme resserre sa prise autour de son bras et il grimace de douleur. L’autre répond avec mépris à la question de Neela et le sang du jeune homme ne fait qu’un tour. Visiblement, ces deux hommes des cavernes ne témoignent pas de beaucoup de respect pour la gent féminine. Pourtant, sa sauveuse reste parfaitement calme et évoque calmement son père. Sloan ferme les yeux, agacé contre lui-même. Il aurait pu y penser. « Oui, elle a raison ! » ajoute-t-il. « Laissez-moi aller le chercher, et je vous suis bien sagement. » La poigne du soldat se relâche quelque peu et il en profite pour se dégager en se massant le bras. « Nous n’avons pas besoin de l’autorisation de Gybson. » Pourtant, il a l’air moins sûr de lui. Sloan retient un soupir de soulagement. « Bien sûr que non. » Il ose un sourire. « Mais il m’attend pour manger. Je ne veux pas l’inquiéter et il va se demander où je suis passé. Il est du genre papa poule. »

Est-ce que ça va ? Demande-t-elle à Sloan, par soucis. Elle n'est pas à l'aise à l'idée qu'il puisse le tenir, mais le jeune homme parvient à se défaire d'une prise un peu trop ferme sur lui, et elle relâche un soupir rassuré. Avec les dénonciations à la pelle et les descentes, elle n'est pas encore au bout de ses peines d'assister à ce qu'il se passe. D'autant qu'on l'accuse d'être pris dans un engrenage où elle ne l'a jamais vu y mettre un doigt. C'est ça oui, on va aller lui demander l'autorisation alors que tu joues les rebelles, soupire le milicien, moins confiant néanmoins.

Vous êtes sûrs que vous connaissez son père ? Demande-t-elle alors en fronçant les sourcils. Quitte à aller sur ce terrain. L'idée qu'il soit "papa poule" la dépasse, elle n'y croit pas mais elle plaidera ça si le suspect en a besoin. Le Colonel Gybson est intransigeant et très proche de son fils, il ne le laisserait certainement pas traîner avec des rebelles, et encore moins s'adonner à des activités répréhensibles, souffle-t-elle fermement. Un pieu mensonge, mais Sloan la suivra très probablement s'il comprend où elle veut aller. Dans tous les cas, le but est de lui éviter des problèmes.

Et ça ne l'empêche pas d'être proche de Mademoiselle Osborne, rétorque l'homme en face, loin de se laisser raconter des salades. Bien. Elle fronce les sourcils et esquisse un sourire presque trop doux : Madame Ross, vous voulez dire, précise-t-elle alors fermement. Vous êtes au courant que cette dernière est en thérapie ? Demande-t-elle finalement, en appuyant bien sur ces termes. Au mieux, elle est assommée par son traitement, au pire, elle est simplement folle, elle se dégoûte de devoir le dire en ces mots, mais au moins s'ils la pensent folle, Grace n'aura pas davantage de problèmes. Vous la pensez vraiment suffisamment maline pour conduire un jeune homme aussi intelligent et de bonne famille dans des basses affaires ? Questionne-t-elle.

Allons bon, la voilà qui relève toute l'absurdité du propos. Et ça semble marcher. Au minimum, elle entend à ce qu'ils puissent rejoindre l'endroit où se trouve Grant. Même si elle ne porte pas le militaire dans son cœur, elle ne laissera pas son fils se faire malmener sous ses yeux.