La perte de mes deux armes était difficile à devoir accepter. Je ruminai depuis mon retour de l'enfer de Portland, ces ordures avaient osé me prendre mon Glock de service et le fusil dont je me servais depuis que la police avait été dûment militarisée pour faire face aux goules, pour le résultat que l'on connait. Pour ce dernier, la perte avait été moins dure à encaisser, je n'avais pas le même vécu avec et ce fusil avait surtout servi à tuer des infectés. En revanche, mon Glock 22 me suivait depuis longtemps, je l'avais même déjà lorsque j'étais devenue adjointe du chef et que je dirigeai mon propre bureau d'enquête. Ce Glock représentait une partie de ma vie, il résumait ma carrière d'agente fédérale, il était devenu une part de moi même aussi bien salvatrice que dangereuse, je n'avais toujours pas oublié le regard qu'il me faisait avant que je n'aille retrouver Daniella dans ce vieux parc.

Remplacer ce M4 allait être difficile, l'armurerie ne comportait que trop peu d'armes de ce genre et de toute façon, elle ne serait de sortie que lorsque cela serait nécessaire. Devoir faire usage d'une autre arme que Glock 22 allait être encore plus difficile. J'avais opté pour un Glock 17 mais je devais réapprendre entièrement à me fier et à me servir correctement de cette arme. Chaque passage à l'armurerie se ponctuait d'un démontage, remontage et nettoyage en règle du pistolet. De toute manière, chaque fois que je passais à l'armurerie, c'était surtout pour l'entretien et puis nous étions bien peu nombreux à savoir nous servir correctement des armes à feu. Les munitions devant être absolument utilisées à bon escient, les entraînements au tir étaient espacés et le nombre de personnes amenées à tirer réduites et triées. Nous ne pouvions hélas pas faire autrement.

Néanmoins, un détail me chiffonnait à chaque passage à l'armurerie. Pas le fait que j'étais pratiquement seule à chaque fois mais plutôt que j'avais la sensation d'être épiée. Cela arrivait déjà depuis quelques temps. Au départ, j'étais en train de me demander si ce n'était pas Andrea ou Duncan qui m'avaient collé un chien de garde car si je savais manier correctement des armes, je n'étais pas dans le meilleur état psychologique, ou bien si c'était cette cinglée de Selene qui s'est donnée pour mission de me pourrir à nouveau l'existence. J'étais pourtant sûre que quelqu'un m'espionnait... On n'apprenait pas à une vieillasse comme moi comment faire pour voir sans être vu. Ce fut au bout de la 3e fois que je vis qui était la voyeuse, en l'occurrence le voyeur. Un jeune homme qui me rappelait étrangement quelqu'un... Si je me rappelai bien il s'appelait Brian. Qu'est ce qu'il me voulait le gamin ? Il me matait ? Il aimait les vieilles femmes ? Ou... préparait-il un mauvais coup contre l'armurerie ?

Méfiante envers lui, je voulais en avoir le cœur net. Je n'allais pas lui faire un scandale en public, ne jamais éventer un coup fourré devant tout le monde. Je ne le voyais pratiquement jamais autour de mon lieu de vie malgré les lieux potentiels de cachette et je ne me sentais pas observée lorsque j'étais dans mon mobil-home donc j'éliminai dans un premier temps le jeune voyeur qui se sentirait attiré. Il poursuivait donc un autre but mais lequel ? J'allais le confronter. Lorsque je passai à l'armurerie le jour suivant, je préparai mon coup pour aller le surprendre. Je prenais délibérément mon temps en nettoyant le fusil que j'avais en main, de biais par rapport à la fenêtre de l'armurerie et je voyais bien du coin de l'œil qu'il était là. Je guettai le moment idéal... Deux personnes passèrent non loin de là, dans une discussion assez plate mais suffisamment sonore pour que je m'éclipse de là. Je fis le tour de l'armurerie, l'AR-15 en bandoulière déchargé mais prenant soin de tout de même refermer la porte du bâtiment.

Il n'avait pas bougé... Il était bien trop naïf, c'était un jeu d'enfant de pouvoir le surprendre. J'eus même tout le loisir de me caler de l'épaule contre le mur, un pied posé contre l'autre et les bras croisés, le fusil en évidence. Quelques secondes défilèrent avant que je ne signale ma présence de manière peu discrète.


Ma sévère expression s'accentua en voyant le jeune homme complètement pris au dépourvu. Il bafouilla une piètre réponse.


L'accusation était lancée mais étrangement, sa réponse était plus assurée. Toutefois, je ne m'en laissai pas plus conter et mon expression ne changea pas mais je fis deux pas vers lui. Je ne dis rien sur le moment et par réflexe, je fis un mouvement de la tête pour chasser une mèche blonde sur mon front. Je repris ensuite.


Je clouai le jeune homme sur place, le dominant de ma hauteur, le ton tranchant et sec. Je l'obligeai à se tasser contre le mur, une main contre le mur à côté de sa tête dans une posture intimidante pour qu'il me vide son sac quitte à se chier dessus. Je me moquai bien de savoir ce que j'allais provoquer chez lui tant qu'il m'avoue ce que je voulais savoir et j'attendais de lui toute son honnêteté.