Il était tard lorsqu’Isaac regagna sa caravane. La journée avait été éprouvante. Depuis qu’il avait quitté le conseil, il passait la majeure partie de son temps à gérer les cours d’équitation. Il avait aussi reçu la visite des enfants de l’école ; la classe venait régulièrement pour apprendre à s’occuper des chevaux. Ce n’était pas de tout repos mais le vieux Greene appréciait ces moments d’échange et de partage. Il était important d’éduquer la future génération à tout ça, pour qu’ils poursuivent tout ce qu’ils avaient bâti ici.

Avant de quitter l’écurie, il avait passé un dernier coup de balai. Puis il avait rendu une petite visite à Snowflake pour vérifier l’état de son antérieur. La jument s’était fait mal quelques jours plus tôt, rien de bien méchant mais le cavalier était vigilant. Une légère boiterie allait certainement persister dans les jours à venir, il allait devoir surveiller ça de près. Accordant une dernière caresse à l’animal, il quitta les lieux à la nuit tombante, bien plus tard qu’il ne l’aurait souhaité.

En approchant de la caravane, il aperçut la lumière percer à travers les rideaux. Raina devait l’attendre. Sa compagne était rentrée d’expédition depuis quelques jours. En rentrant, il fut accueilli par Nyx qu’il vint flatter de plusieurs caresses. La chienne était heureuse de le retrouver et il ne put s’empêcher de rire doucement en la voyant aussi collante avec lui. Elle était contente d’avoir retrouvé sa maîtresse mais elle était très proche d’Isaac aussi. Relevant les yeux, il capta ceux de Raina à qui il accorda un sourire. « Ta journée s’est bien passée ? »

C’est vrai qu’elle devait un peu lever le pied. La transhumance approchait plus vite qu’il n’y paraissait, mais l’amazone ne lésinait pas sur les programmes de ses journées. Même si cela signifiait qu’elle était moins souvent à la caravane, moins souvent présente. Si cela perturbait Isaac, elle ne l’avait pas vraiment remarqué. Sans doute parce que malgré ses absences répétées, Raina était vraie et spontanée dans ses retrouvailles avec le cavalier.

Elle n’était pas rentrée depuis très longtemps de sa mission aux entrepôts avec Violet et Johanna et elle était d’ailleurs encore un peu courbaturée de cette journée. Nyx l’avait accueilli avec chaleur, mais elle se montra directement plus démonstrative quand Isaac finit par franchir le seuil de la caravane. Ce qui étira un sourire aux lèvres de la métisse alors que le cavalier s’avançait vers elle. « Je n’ai pas arrêté. » Dit-elle, comme à l’accoutumé. « Mais je t’ai écouté, j’ai fait en sorte d’arrêter plus tôt aujourd’hui. J’ai mal partout » Entre l’âge et la rigueur qu’elle s’imposait, c’était normal, n’est-ce pas ?

Elle s’approche ensuite d’Isaac, glisse ses mains à sa taille pour venir l’embrasser tendrement, avant de s’écarter un peu. « On devrait peut-être manger quelque chose, non ? » Suggère-t-elle, ensuite.

Retrouver Raina était toujours un soulagement pour le cavalier. Profiter de ces moments à deux, pouvoir passer du temps ensemble, c'était des instants précieux à ses yeux. Même partager un simple repas était important pour lui, l'avenir était trop incertain pour ne pas profiter de chaque instant. D'ailleurs, il n'avait pas pu s'empêcher de sourire à ses remarques, lui accordant un signe de tête reconnaissant. Il appréciait sa démarche, évidemment. Il était conscient que sa compagne avait sacrifié beaucoup de chose pour lui, en s'installant ici. Et si ses absences étaient régulières, le fait qu'elle soit raisonnable et qu'elle écoute ses conseils sans broncher leur permettait de passer des moments agréables ensemble. De toute façon, il n'y avait pas de faux semblant entre eux, pas de secrets ; ils faisaient l'effort de discuter, même des sujets douloureux... C'était leur force et il n'y avait aucune raison que cela change.

Souriant, Isaac accueillit Raina dans ses bras, la serrant doucement contre lui. Ils échangèrent un baiser avant que l'amazone ne lui demande s'il voulait manger. « Oui, tu veux manger quelque chose en particulier ? » Demanda-t-il avant de s'écarter d'elle pour aller fouiller dans les placards de la petite cuisine.

Il y avait des relations compliquées, des rapports aux gens parfois compliqués aussi. Mais aussi complexe que soit ses propres relations aux autres ; sa relation avec Isaac coulait de source pour elle. Il n’y avait aucun sacrifice qu’elle ne regrettait réellement. Sa famille lui manquait… Mais bien moins que si elle avait dû renoncer au cavalier. Dans ses bras, elle se sentait entière.

« Peu importe, du moment que ça se mange. » Répond-elle avec un petit sourire qui signifiait clairement qu’elle n’hésiterait pas à s’attaquer à lui, s’ils ne se mettaient pas d’accord. Puis une fois le repas choisi, elle se place à ses côtés pour l’aider à préparer de quoi manger. « Tu savais que c’était des explosifs que nous sommes partis chercher avec Violet et Johanna ? Je n’comprends pas trop pourquoi on nous a rien dit avant de se mettre en route. » Souffle-t-elle, machinalement.

« Il nous reste un peu de viande séchée, avec une conserve de légumes ? » Isaac n'avait jamais été un très bon cuisinier mais il se débrouillait. Il avait dû apprendre à préparer ses repas tout seul, après son divorce. Jamais rien de bien élaboré, de trop sophistiqué... C'était toujours le cas aujourd'hui. De toute façon, ils faisaient avec les moyens du bord.

A la question de Raina, le cavalier arqua un sourcil. « Des explosifs ? » Le cavalier prit le temps de réfléchir, avait-il eu l'information ? Avec la transhumance qui approchait, le travail auprès des chevaux, les cours avec les cavaliers de Sanctuary Point, son esprit était bien plus préoccupé par tout ça. Cela lui prenait un temps fou et il était moins au fait de ce qui se tramait au camp. Même s'il veillait à rester informé. Depuis peu, il avait laissé sa place de membre du conseil, même s'il donnait toujours son avis de temps en temps. Ou était-ce simplement sa mémoire qui commençait à lui faire défaut ?

« Ce s’ra parfait » Dit-elle, avec un sourire et en prenant ce qu’il faut dans les placards du bas. « Ouaip, des explosifs. On l’a compris que quand on s’est retrouvé dans un entrepôt avec les autres… C’est là qu’on a rencontré la dame et les ado qu’on a ramené. » Souffle-t-elle, un peu dure peut-être. Ca l’avait profondément agacée de ne pas avoir été mieux préparée que ça à cette mission.

« C’était avant… ça » Dit-elle, en haussant son épaule droite pour désigner le bandage et la profonde griffure qui y avait été faite. « T’en fais pas, je l’ai remontrée à Juliet avant de rentrer. Pas d’infection, pas d’saute d’humeur, pas de signe de transformation. » Qu’elle lui explique, en essayant de se montrer rassurante un peu - ce qui n’était pas une mince affaire avec elle.

« Cela dit, ça aurait presque été bien de se faire mordre pour tester leur vaccin… Tu n’penses pas ? Après tout, on n’peut faire que les croire sur parole pour le moment… » Lâche-t-elle, avant de dresser la table pour manger.