Min-Oh n’est pas rentré de la nuit et, au matin, l’angoisse me tord les tripes. Un inconfort digestif qui n’est pas arrangé par la nourriture qu’on nous fournit ici depuis notre arrivée. Je me cramponne le ventre en passant des sanitaires au dortoir, chopant un cachet dans la pharmacie au passage. Merde, et s’il ne revenait jamais ? S’il s’était fait prendre par un rôdeur, par une groupe ennemi ? Et qui était censé l’escorter ?

Je m’assois péniblement sur le lit de camp, un regard planté sur celui d’à côté, toujours vide. Un soupir, et je me penche pour nouer mes chaussures. Le départ pour le dispensaire ne va pas tarder, à moins qu'on me demande de rester au camp pour le remplacer. Une perspective qui ne m'enchante pas plus que ça...

Un sursaut me secoue au son de sa voix. Je tourne les yeux pour découvrir l’air blafard et épuisé du médecin, qui, au premier coup d'oeil du moins, ne semble pas blessé. “Min-Oh. Où étais-tu passé, bon sang ?” Inquiet, et presque dans un reproche mais sans lever le ton, car je ne veux pas attirer l’attention. “Tu vas bien ?”

En mission diplomatique ? Sérieusement… Mes crampes d’estomac repartent de plus belle sous la main qui presse vainement mon pauvre abdomen. Min-Oh se met en quête de ses foutues électrolyses comme si de rien n’était, et l’énervement combiné à la douleur et au manque de sommeil lève tous mes filtres alors que j’articule rapidement, “Dans ton cul, avec ta putain de tête de connard.” Regard qui s’arrondit alors que je me pince les lèvres, un peu trop tard pour retenir les insultes.

Et puis merde. Je me redresse pour me mettre à sa hauteur et le regarder droit dans les yeux alors qu’il se débat encore avec son gilet pare-balles, qui heureusement semble encore intact. “Je me suis fait un sang d’encre pour toi, tu pourrais au moins être honnête, tu ne penses pas ?”

L’expression désemparée de Min-Oh me ferait presque regretter mes mots. Mais au moins, ils semblent avoir eu assez d’effet pour lui délier la langue. Ses hésitations m’énervent autant qu’elles me peinent, mais je finis par comprendre que si c’est si dur à dire, c’est qu’il s’est peut-être passé quelque chose de grave.

Alors, mes traits et ma voix se radoucissent. “Bien sûr.” N’en parler à personne. Je me redresse pour fermer la porte, avant de revenir vers lui, m’asseyant sur l’un des lits de camp. “Je suis désolé.” Pour ce que je viens de lui dire. “Je suis… stressé.” En glissant une main sous le couchage pour en sortir une gourde encore à moitié pleine, que je lui tends. “Qu’est-ce qu’il s’est passé ?”