tonight is the night i die (egon)
Mar 15 Mar 2022 - 17:07
opportuniste déterminé prudent réaliste méticuleux calculateur distant rancunier irascible impitoyable | Son service militaire a au moins eu l'avantage de lui apprendre de sérieuses bases de combat au corps à corps, mais aussi à se servir d'une arme à feu. Une compétence qu'il a eu l'occasion d'entretenir pendant des années avec son beau-père, amateur de chasse et fin connaisseur en la matière. Ce n'est donc pas surprenant qu'Egon ai emporté avec lui le Colt M1911 dont l'homme lui avait fait cadeau, ainsi que la petite presse manuelle portable qui lui permet de recharger ses munitions. Trouver les éléments nécessaires à la production de poudre n'est jamais aisé et il se révèle particulièrement économe dans l'usage de son arme. C'est pour cela qu'il privilégie toujours, lorsqu'il a le choix, le cran d'arrêt italien habituellement dissimulé dans sa poche. Moins discrète mais tout aussi utile, une barre à mine complètement efficacement son équipement, et lui a déjà permis plusieurs fois de se sortir de situations difficiles. Entassées dans une Ford Gran Torino de 1972, ses affaires, ainsi que celles de Jodie et Lukas, récupérées dans leur ancien refuge près du no man's land, leur ont permis de survivre jusque-là. On y trouve l'essentiel : des vêtements chauds, un kit de premiers secours qui aurait besoin d'être réapprovisionné, une tente rapiécée, des sacs de couchage dont le rembourrage fait des paquets, quelques lampes torches. Moins essentiels, les manuels de chimie d'Egon ont survécu, de même qu'une infime partie de son matériel, soigneusement conservé dans une valise. Il y a longtemps qu'Egon n'a pas eu l'occasion de se voir dans un miroir, et en vérité, la vanité ne fait pas partie de son caractère. Pour autant, il est à peu près sûr que, quelques années auparavant, son corps n'était pas vraiment différent de celui qu'il trimballe aujourd'hui. Une taille moyenne, une ossature moyenne, une musculature développée, mais pas trop... Egon est un homme classique, à tous les points de vue. Seuls peuvent marquer ses yeux perçants, froids et sans âme. A l'aube de la cinquantaine, il commence à accuser le poids des ans, et surtout, celui de la survie. Celle-ci ne l'a pas épargné, loin de là, et il présente quelques cicatrices ça et là, vestiges d'échauffourées, de pièges qu'il n'a pas vu venir, de coups qu'il n'a pas pu esquiver. Il n'est plus aussi agile qu'il ne l'était à vingt ans, et ses réflexes se sont quelque peu émoussés, le laissant parfois plus exposé aux armes de ses adversaires. |
Malgré tout, Egon a le sens des réalités. Il connait ses capacités, ses limites, et ne cherche pas spécialement à les dépasser, ou à prétendre être plus fort ou plus intelligent qu'il ne l'est. De la même façon, il sait reconnaître lorsqu'il a perdu et préférera toujours la solution de facilité - ou la moins dangereuse - pour se sortir d'une situation compliquée. Il n'est pas bravache, pas non plus une tête brûlée. Pas lâche non plus, seulement prudent, circonspect. Dans cette logique, Egon aime prévoir et si possible, avoir quelques coups d'avance. Être pris par surprise ne lui plaît pas, et il fait ce qu'il peut pour éviter que cela n'arrive. Sa survie en dépend, et plus important encore, celle de son égo. En ce sens, il est méticuleux, ne laisse rien - ou peu de choses - au hasard. Cela implique d'abandonner ses émotions au placard, et il le fait sans difficulté. Egon ne s'attache pas, ou rarement, et souvent par intérêt.
Enfant unique d'un couple est-berlinois, Egon Schäfer naît au printemps de l'année 1973, en pleine guerre froide. Les premières années de sa vie, bien que marquées par son appartenance à une Allemagne divisée, sont, somme toute, similaires à celles de nombreux petits garçons avant lui. Gamin aimé, il grandit normalement, sans s'inquiéter du toit au-dessus de sa tête, ou de la nourriture dans son assiette. Convaincus par le régime en place, ses parents ne font pas de vagues, vivent l'existence qu'on a tracée pour eux. Sagement, ils attendent pendant des années la Trabant 601 pour laquelle ils ont travaillé si dur. Lorsqu'elle arrive enfin, la petite berline est pour eux le début des départs en vacances - toujours au même endroit, dans le chalet au bord d'un lac, à l'Est de Berlin. Il n'y a aucune fantaisie dans leur vie réglée au millimètre, mais Egon s'en moque bien. Il est comme les autres, et c'est ce qui importe le plus. Il ne se démarque pas, et par conséquent, ne subit pas les brimades que certains camarades connaissent au quotidien, pour des raisons parfois futiles. Toujours dans un coin de la cour de récréation, occupé à lire plutôt qu'à jouer au foot, il grandit avec quelques rares amis, qui partagent les mêmes centres d'intérêts. Très tôt, le petit groupe se passionne pour la science, lit avidement le récit des grandes découvertures du siècle. Marie Curie le fascine, Albert Einstein le terrifie. Mais très vite, le sentiment de malaise que lui procure ce visage fou aux cheveux ébouriffé se transforme en admiration.
Les années passent, l'enfant devient un pré-adolescent, et il est maintenant évident qu'il se consacrera à la science. Son entrée au Gymnasium a lieu à la fin de l'été 1985. Comme les autres, il gagne progressivement en maturité, mais ne se fait pas beaucoup plus sociable. Il y aurait presque un peu de dédain dans le regard qu'il pose sur ses comparses, tout occupés qu'ils sont à vivre les années 80. Pour lui, comme pour des millions d'autres, l'année 1989 marque un tournant décisif. C'est une toute nouvelle existence qui s'ouvre à eux, et l'arrivée massive des produits d'importation américains font tourner les têtes. Ses parents, eux, restent résolument tournés vers le passé, accrochés à un mode de vie qui s'efface peu à peu. De son côté, Egon découvre tout avec une curiosité presque enfantine. L'ouverture du mur et la réunification sont pour lui les signaux annonciateurs d'une nouvelle ère.
Cependant certaines choses restent les mêmes, et, comme prévu, il entame son service militaire en 1994. Abaissé à 10 mois quelques années auparavant, son père déplore le manque de préparation dont bénéficie son fils, en cas de nouvelle guerre. Egon, lui, apprend, engrange les connaissances. Il s'étoffe, devient, inconsciemment, charismatique. Ses yeux bleus sont une aide précieuse en cela, et il suffit qu'il pose le regard sur quelqu'un pour imposer le silence et le respect. Pour l'heure, c'est surtout les filles qu'il charme, pendant les permissions, profitant de cette parenthèse avant son entrée à l'université.
1995, Allemagne, Berlin, quartier de Berlin-Adlershof, district de Treptow.
Comme son père avant lui, Egon foule le sol d'Umboldt, fréquentant quant à lui les laboratoires de chimie. Étudiant consciencieux, il n'abandonne pas pour autant les habitudes du service militaire et ses petites amies sont nombreuses. S'il n'est pas réellement devenu plus sociable, il sait cependant quoi dire et quoi faire pour attirer l'attention de celles qui l'intéressent. Une seule lui échappe cependant, semblant résolument décidée à l'ignorer malgré ses efforts.
Silke.
Silke est blonde, jolie sans effort, mais pas exagérément belle. Elle est simple, et mature. Elle paraît survoler la masse des étudiants parfois plus âgés qu'elle, paraît elle-même sans âge, empreinte d'une sagesse millénaire. Très vite, Egon tente de l'approcher, de lui parler. Et pourtant, Silke ne le regarde pas. Ne paraît même pas le voir, occupée qu'elle est par ses propres études d'aéronautique. Alors Egon décidé d'abandonner, de retourner à ses vieilles habitudes. Peut-être qu'au fond, il espère que son manège finira par intriguer la jeune femme. Mais rien. Pendant plus d'un an, il est transparent. Et il enrage.
Finalement, à la fin de l'automne 1996, Silke consent à lui accorder son attention. C'est d'abord un verre, qu'elle accepte de partager avec lui, puis un dîner. Peu à peu, l'étudiant apprivoise la jeune femme, jusqu'à ce baiser, le soir du Nouvel An. Dès lors, Silke et Egon paraissent filer le parfait amour. Autour d'eux, parmi leurs amis, les couples se font et se défont, tandis qu'eux restent immuables.
Très vite, il leur paraît logique de se marier. La date est arrêtée au 12 juillet 1998, après la fin de leur premier cycle d'études. Les parents d'Egon ne sont pas ravis. Il faut dire que Silke est pour moitié américaine, éduquée durant la majeure partie de sa vie chez l'ennemi. Egon, lui, ignore les avertissements de son père. Elle est sa première véritable relation, tout va trop vite, il doit se donner le temps de la réflexion, être sûr de son choix... Mais Egon est certain. Il aime Silke, elle l'aime en retour, et rien ne pourra les séparer.
C'est donc mariés qu'ils entament tous les deux leur maîtrise respective, s'installant ensemble après leur union. Pour l'heure, on ne parle pas encore d'enfants, et s'il doit être honnête, cela ne fâche pas l'homme. Il aime avoir Silke pour lui seul, profiter de leur vie à deux. Si possible, Egon ne serait pas triste si les choses restaient ainsi pendant plusieurs années... Peut-être même jusqu'à la fin.
2000, Seattle, Magnolia
Après deux années supplémentaires d'études, Silke et Egon achèvent enfin leur cursus. Avec le diplôme, vient aussi le temps des bouleversements. En effet, après des années de bons et loyaux services au sein de l'ambassade américaine, le père de Silke, Frank Meadows, prend une retraite bien méritée. Profitant de cette occasion, Silke propose à Egon de suivre ses parents à Seattle. Après des semaines à tergiverser, à s'interroger, à s'opposer, il cède enfin, et accepte. La perspective de quitter le pays qui l'a vu naître lui laisse un goût amer en bouche, plus encore lorsqu'il doit annoncer leur décision à ses propres parents. Eux n'ont toujours pas digéré le mariage de leur fils et ne s'attendaient certainement pas à le voir partir à l'autre bout du monde. Ils n'ont cependant pas le choix, et durant l'été 2000, Silke et Egon s'envolent pour les Etats-Unis.
Là-bas, la vie est différente. Plus libérée. Très vite, il faut trouver un travail, et en cela, son beau-père lui est d'une aide précieuse. Tirant quelques ficelles, Frank lui organise un entretien dans les laboratoires de la Washington State Patrol. Le poste ne lui plaît que moyennement, mais Egon refuse de se montrer désobligeant et il fait son possible pour décrocher ce premier emploi. Silke, elle, est recrutée au sein de l'usine Boeing à Everett. Même si son lieu de travail n'est pas très éloigné de leur domicile, les horaires de la jeune femme la contraignent parfois à rester plusieurs jours d'affilée sur place, laissant Egon seul chez eux. S'il s'en accommode au départ, la situation lui pèse et peu à peu, les premières tensions apparaissent. Les disputes ne sont pas fréquentes, mais elles sont souvent explosives. Les réconciliations le sont tout autant, mais malgré l'insistance de sa belle-famille, il n'est toujours pas question d'enfant.
Mais après deux ans à Seattle, et quatre années de mariage, les sentiments d'Egon pour Silke s'étiolent progressivement. Ce sont d'abord de petites attentions qui lui paraissent soudainement insupportables, de petits gestes du quotidien qui le font enrager silencieusement. Avec le temps, il reste de plus en plus tard au travail, prétextant des dossiers en cours. Et un soir, alors qu'il s'apprête à quitter son bureau, il décide brusquement de ne pas rentrer. De rejoindre le centre, pour aller boire un verre. Le prénom de la fille qu'il rencontre cette nuit-là est perdu dans les limbes de l'alcool, mais elle marque sa première infidélité.
2004, Seattle, Magnolia
Wendy est jolie, avec ses grands yeux noisettes qu'elle promène sur le monde, mêlant un air de parfaite indifférence et une pointe de dédain. Elle n'est que la dernière en date d'une liste de jeunes femmes dont il a usé les draps. Comme à chaque fois, Egon ne s'attache pas, et n'en fait pas mystère. Non, il ne quittera pas son épouse pour elles, non, il ne compte pas les épouser, non, il ne s'imagine pas père. Paradoxalement, ses liaisons ont redonné un second souffle à son mariage, et lui offrent une soupape de décompression. Peut-être que Silke sait, peut-être pas. Si c'est le cas, elle ne le montre pas, ne le dit pas. L'arrangement est tacite, ou en tout cas, seul Egon en est conscient.
Mais un soir d'août 2004, Wendy lui annonce sa grossesse. Aussitôt, Egon fait trois pas en arrière, se dégage de toute responsabilité et insiste même pour qu'elle se débarrasse du parasite. Wendy, elle, n'en démord pas : elle a la ferme intention de donner naissance à cet enfant, que cela lui plaise ou non. D'ailleurs, il n'a pas véritablement le choix, puisqu'elle menace même de tout révéler à Silke, s'il refuse de la supporter financièrement pendant sa grossesse, et après. À cet instant, Egon hésite. C'est une porte de sortie idéale, après tout, même si le divorce promet d'être catastrophique. Finalement il se ravise et accepte de céder au chantage de la jeune femme.
La naissance de son fils, au mois de mai de l'année suivante, le laisse froid. Il a accédé aux exigences de sa mère, mais rien ne le force à aimer ce bébé, à qui il ne donne même pas son nom. Durant les premières années de sa vie, Egon se contente d'envoyer régulièrement de l'argent, comme il l'a promis, et pour l'heure, Wendy se satisfait de cela. Mais dès que Lukas est en âge de se souvenir, elle insiste et menace, le contraignant à visiter l'enfant pour son anniversaire. Le rendez-vous, annuel, ne dure jamais plus de quelques heures, et ils se parlent à peine, étrangers l'un à l'autre.
2012, Seattle, First Hill
Les assiettes volent, les cris fusent. Silke est au courant. Silke sait tout. Comment ? Depuis combien de temps ? Difficile de le savoir, de le comprendre, au milieu de la bordée d'injures qu'elle lui lance au visage. Egon ne fait même pas mine de nier, ou de tenter de la récupérer. Depuis des années déjà, même ses nombreuses liaisons ne parviennent plus à lui rendre supportable son mariage. C'est l'occasion rêvée de rompre ses liens avec elle, et surtout, avec sa parentèle. Qui aurait cru qu'une famille américaine accorderait tant d'importance au cérémonial et au décorum européen ? Chasse le week-end, dîners en smoking, gros cigares et whiskey pour les hommes, porte-cigarette et cocktails pour les femmes. Toutes ces années, Egon a eu le sentiment de vivre dans un épisode de Downton Abbey.
Se retrouver seul dans un nouvel appartement est un choc, finalement vite surmonté. Au bureau, on le plaint, et quelques collègues féminines se risquent même à lui offrir des plats maisons, qu'il accepte avec un sourire faux. Il doit bien l'avouer, la complaisance générale à l'égard des hommes, même infidèles, arrange drôlement ses affaires. Pendant des semaines, il se nourrit exclusivement des repas préparés pour lui par d'autres, au seul prix d'une œillade adressée à Maureen, du labo, ou de Gwendolyn, de la compta.
Du côté de Lukas, rien ne change. Egon s'en tient toujours à sa visite annuelle, et au versement d'une confortable pension. Peut-être que c'est cela, après tout, qui a alerté Silke. Qu'importe, désormais. S'il ne fait pas plus grand cas de son fils, Egon a au moins la liberté d'aller où bon lui semble, avec qui bon lui semble. Mais, comme toujours, les sentiments sont inexistants. Seule la facilité compte.
2015, Seattle, First Hill
Quelques jours après Noël, Egon reçoit un appel. Sans doute le plus terrible de sa vie. La voix de l'autre côté du combiné, désincarnée et intangible, lui apprend la mort de Wendy, dans l'incendie de son appartement. Et les enfants, demande-t-il dans un souffle. Grièvement blessés, mais vivants, lui assure-t-on. Très vite, les choses se mettent en place. Les grands-parents maternels, l'un décédé, l'autre démente, ne sont pas en mesure de prendre en charge les petits. Jodie échoit à son père, tandis que Lukas lui revient.
Les mois qui suivent sont laborieux, pénibles, pour tous les deux. Les blessures de Lukas requièrent des soins constants, mais plus encore, c'est son âme qui a besoin d'être pansée. Malheureusement, Egon est bien incapable d'avoir le moindre geste tendre à l'égard de ce garçon qu'on lui a imposé, dès sa conception. Il n'en veut pas à Lukas, le sait totalement innocent des crimes que ruminent l'aîné. Non, c'est à lui qu'il en veut, ainsi qu'à Wendy. Au fond, Egon ne lui pardonne pas de l'avoir fait père.
Progressivement, Jodie et Lukas de remettent de leurs blessures physiques. Entre les deux géniteurs, un arrangement est trouvé, pour s'assurer que le frère et la sœur pourront toujours se voir. Prendre cette gamine sous sa responsabilité, même quelques jours, ne l'arrange pas, et il ne se montre pas plus paternel envers elle qu'il ne l'est avec son fils. Mais pour leur bien à tous les deux, il ne bronche pas, continuant sa vie comme si de rien n'était.
Les rumeurs qui circulent dans le laboratoire, rapportées par les agents de terrain, n'ont rien de rassurant. Pour l'heure, Egon reste circonspect, peinant à croire à la véracité des faits. Mais très vite, comme tout le monde, il est contraint d'admettre qu'il a eu tort de douter. Les événements s'accélèrent brutalement après l'application de la loi martiale, le forçant à prendre une décision immédiate. D'abord déterminé à quitter la ville le plus vite possible, Egon accepte finalement, sous l'insistance de Jodie, d'aller chercher le père de cette dernière. Mais en arrivant, force est de constater que Manuel n'est pas au meilleur de sa forme. L'homme a une vilaine plaie, et il est déjà dévoré de fièvre. Décision est prise de l'emmener à l'hôpital, mais les portes de celui-ci leur restent closes. Nouveau revirement, et le quatuor prend la direction de son appartement, où Egon s'efforce de traiter Manuel comme il peut.
Il ignore précisément combien d'heures s'écoulent ainsi, silencieuses, uniquement troublées par les frissons et les faibles râles de douleur du blessé. Ce n'est qu'en se réveillant en sursaut, au milieu de la nuit, qu'Egon réalise qu'il s'est endormi. Il lui faut un instant supplémentaire pour comprendre ce qui l'a tiré du sommeil et découvre Manuel, ses dents claquant à quelques centimètres du visage de sa fille. Sans réfléchir, il attrape une lampe et la fracasse sur le crâne du forcené, faisant s'écrouler celui-ci. Egon croit l'avoir assommé, mais il est surpris de voir le corps se relever, comme si de rien n'était. Cette fois, il attrape son fusil et assène un violent coup de crosse contre la tempe du mort - puisqu'il paraît évident, maintenant, qu'il ne s'agit plus de Manuel. Il lui faut s'y reprendre à plusieurs fois, et il est maculé de sang et de cervelle lorsqu'enfin, le cadavre s'immobilise pour de bon.
Sans s'attarder sur les sanglots qui agitent Jodie, Egon attrape un torchon et essuie son visage, prenant soin de ne rien avaler. Rassemblez vos affaires. Ne prenez que le strict minimum. On part, tranche-t-il, avant de se diriger vers la salle de bain. Face au miroir et à la lumière blafarde du néon, Egon croise son propre regard. Soudain creusé, cerné de sang. Vide. Mort. Un haut-le-coeur le prend brutalement, et il vomit le maigre contenu de son estomac dans le lavabo. Il lui faut quelques minutes pour se sentir - vaguement - mieux, et il essuie la bile au coin de ses lèvres. C'est donc à cela que ça ressemble, la mort...
Après une douche rapide, Egon suit son propre ordre, et fourre quelques affaires dans un sac de sport. Quand il quitte sa chambre, il trouve les enfants prêts à partir, à sage distance du cadavre. Jodie a les yeux rouges et Lukas a passé un bras autour d'elle. Sans un geste pour elle, Egon leur indique de le suivre, et ils quittent l'appartement sans se retourner. Il a entendu parler du camp militaire installé dans un lycée, non loin d'ici, et entend s'en remettre à eux pour les protéger.
20 février 2016, Seattle, Central District
Ce matin-là, l'air est électrique. Prévue depuis des jours, l'attaque menée par O'Connell et Preston est un carnage. Malgré toute la préparation dont ils ont pu bénéficier, la majorité des civils qui ont pris les armes contre les militaires ne sont que cela, des civils. La lutte est acharnée, et d'un côté comme de l'autre, les pertes sont importantes. Egon, lui, s'occupe avant tout de mettre les enfants à l'abri, cachés dans un placard.
À la fin de la journée, le bilan est lourd. Dans le gymnase, les civils ont été massacrés, et il s'agit de brûler les corps avant qu'ils ne se relèvent. Durant des jours, l'air empeste la chair carbonisée et le chagrin. Peu à peu, la vie au lycée se réorganise et Egon y prend part sans protester, trouvant sans mal son compte dans ce nouveau mode de fonctionnement. S'il n'y a pas une place importante, cela ne le dérange pas, préférant de toute façon œuvrer dans l'ombre de ceux qui dirigent. Cependant, il n'hésite pas, déjà, à tisser des liens et à étendre sa toile, au sein du camp comme à l'extérieur. Après tout, qui sait quand ses amis se révéleront utiles...
Avril 2017, Bellevue
Après l'épidémie qui a ravagé le lycée, Egon est perplexe. Il croyait avoir trouvé un refuge sûr pour les enfants et lui, mais les nombreux morts le font réfléchir. Bien sûr, on n'est véritablement en sécurité nul part. Mais pour la première fois depuis la révolte, il se souvient que les bâtiments peuvent se transformer en cimetière à ciel ouvert en un éclair. Ici, les virus se propagent d'autant plus rapidement que l'hygiène est rudimentaire et la proximité, immédiate. Après des semaines à peser le pour et le contre, il prend finalement sa décision et ordonne à nouveau à Jodie et Lukas de rassembler leurs affaires. Heureusement, Preston et O'Connell ne font pas d'histoires et les laissent partir sans animosité.
Dehors, c'est une autre aventure qui commence. Après plus qu'un an et demi passés derrière les barricades du lycée, Egon apprend brutalement à survenir à leurs besoins. Du mieux qu'il peut, il enseigne aux enfants ce qu'il sait, ce qu'il a retenu des survivants avec qui ils ont vécu et qui, parfois, ont connu l'extérieur, la vie en solitaire. Il s'agit avant tout de trouver un refuge dans la ville, et c'est assez naturellement qu'il reprend le chemin de la maison des Meadows, en bordure de Bellevue.
Là, ils trouvent une réserve de boîtes de conserves, de quoi se réchauffer, mais aussi de quoi se défendre. Dans le garage, Egon exhume de sous sa couverture la Ford Gran Torino de son ex-beau-père, réservoir plein. Le véhicule est une aubaine pour eux, même si le quarantenaire s'étonne de le trouver encore là. S'il sait que le carburant deviendra, à un moment ou à un autre, une denrée rare, il décide néanmoins de repartir avec. Au moins, la voiture leur fournira un abri et un moyen de fuite, en cas de besoin.
Désireux de rester mobile, Egon et les enfants ne demeurent jamais plus de quelques jours au même endroit. Dans le courant du mois de juin, un bruit de moteur, en plein après-midi, attire leur attention. Le petit groupe qui approche ne se montre pas hostile, ayant visiblement repéré la présence du trio depuis un moment. Leur leader, Dan, accepte de les intégrer aux siens, à condition qu'ils emportent avec eux la réserve de conserves, et la voiture. Le groupe est comme eux, nomade et soucieux de ne pas devenir une cible trop facile.
Eté 2018, Seattle, Briarcliff
Comme il l'a fait pour eux, Dan accepte sans rechigner les survivants que leur solitude risquerait d'emporter. Après presque un an au sein de ce petit groupe itinérant, la vie s'organise pour Egon et les enfants. Ils grandissent - enfin, Lukas -, s'étoffent, deviennent peu à peu indépendants. Le groupe évolue lui aussi, décidant de se fixer aux abords de Briarcliff. Installés dans une ancienne maison de retraite, chacun a la place d'investir une chambre. Jodie insiste pour avoir la sienne, et Lukas est exilé dans celle d'Egon. Pourtant, peu après l'arrivée de Mitchell et Rufus, l'adolescent transporte son matelas dans la chambre de son ainée. Interrogé par son père, il lui fait alors part de ses doutes concernant les deux nouvelles recrues de leur petit groupe. S'il reste silencieux, Egon n'en oublie pas pour autant d'être attentif.
Quelques nuits plus tard, le quarantenaire s'éveille en sursaut. Dans l'obscurité de sa chambre, les souvenirs se mêlent et il est renvoyé au soir de la mort de Manuel. Cette fois, c'est un fracas dans la pièce attenante qui l'a tiré du sommeil, et l'attire hors de son lit. A peine éclairé par la Lune, il distingue une silhouette massive, masculine, qui surplombe un corps frêle et gesticulant. Mu par une force invisible, Egon agrippe l'homme, le soulève de terre et le fracasse contre le mur. Violemment. Une fois. Deux fois. Trois fois. Son crâne nu laisse un trou dans le placo, aux bords teintés de carmin. L'homme retombe comme un pantin, pendu par le col de son t-shirt dans la poigne d'Egon.
Le reste n'est qu'un trou noir.
Lorsqu'il retrouve ses esprits, l'allemand a l'impression d'être entouré de coton. Sa propre voix lui parait écorchée, mais assourdie. En quelques mots, il donne le signal du départ. Leurs affaires sont prêtes, et ils filent avant le lever du jour, leurs deux corps tassés l'un contre l'autre sur la banquette arrière de la voiture.
Renommée Black Betty, la Gran Torino les emmènent loin de Briarcliff. Chaque soir, ils campent à l'écart de tout, dans un silence lourd. Chaque soir, Egon reste immobile, à fixer sans les voir les jointures écorchées de ses mains. Jodie et Lukas n'osent pas le déranger, se déplaçant sans un bruit, chuchotant pour se parler. Après plus d'une semaine, l'homme se secoue enfin. Leur fuite les a ramenés, involontairement, aux abords de Central District, non loin du lycée. Ils ont entendu parler de l'attaque violente qui a vidé le bâtiment de ses occupants l'été précédent, mais peinent à en croire leurs yeux. Abandonné, l'établissement n'est plus que l'ombre de ce qu'il a été.
Après quelques jours de squat dans l'ancienne infirmerie, ils reprennent la route, attirés cette fois vers Industrial District. Au cours de leur vagabondage, ils ont appris l'existence d'un point d'échange encore informe, encore sans nom, où les solitaires se retrouvent, se croisent. Pendant plusieurs semaines, c'est autour de ce quartier qu'ils gravitent, échangeant leurs services contre des ressources. Régulièrement, d'autres petits groupes vont et viennent, s'émouvant parfois de voir Egon accompagné de deux adolescents efflanqués.
Confirmant ce qu'il savait déjà, Egon n'hésite plus, alors, à se servir de cette carte à son avantage. Et ça marche. Au début de l'automne, Dina, Khadija, Ellie-May, Jonas et les membres d'Orchardside les accueillent dans leurs rangs, acceptant sans rechigner ces bouches supplémentaires.
Eté 2020, Seattle, Industrial District
Depuis plus d'un an maintenant, le troc a pris forme, se cristallisant petit à petit autour d'un entrepôt abandonné. La plupart des survivants y échangent ressources et services, font circuler les informations. Egon y développe lui aussi son propre commerce, vendant ses compétences au plus offrant. Si elle a servi jusqu'à maintenant pour son propre usage et celui de leur petit groupe, la presse manuelle récupérée dans le matériel de chasse de Frank s'avère aujourd'hui particulièrement utile. Produit rare et précieux, les munitions s'échangent à prix d'or et circulent au compte-goutte.
Durant l’été, leur petit groupe perd Ellie-May, assassinée en marge les négociations qui devaient lier durablement les différentes factions qui gravitent autour du no man’s land. Les accords commerciaux sont fragiles mais tiennent le choc. On ne peut pas en dire autant de Khadija, qui peine à surmonter la mort de sa meilleure amie. D’autres prennent la relève, le temps pour elle de se remettre. Egon, lui, se tient éloigné des responsabilités, peu désireux de se charger de ce fardeau. En revanche, il se montre particulièrement intéressé par le commerce avec les émissaires de New Eden, tissant des liens pour l’avenir.
Au début du mois de septembre, des pluies torrentielles s’abattent sur l’état, inondant la ville, faisant vomir des flots d’eaux sales par les égouts. Très vite, les maladies véhiculées par les rats se propagent et Egon contracte la leptospirose. Il lui faut quelques semaines pour se remettre totalement et retrouver ses capacités. Dès qu’il le peut, l’allemand entreprend d’explorer le réseau souterrain de la ville, sans but précis. Pour l’heure, il tente avant tout de cartographier ce dédale, d’en repérer les issues, les croisements, les culs-de-sac créés par l’effondrement des rues, au-dessus. Qui sait quand ces informations pourront se révéler utiles...
Novembre 2021, Seattle, Industrial District
L'attaque est brutale, inattendue. Fondant sur la ville comme un rapace sur sa proie, New Eden s'empare du no man's land en un rien de temps, exécutant sans sommation ceux qui tentent de se défendre. Beaucoup sont capturés et emmenés on ne sait où. Dans la panique, dans le chaos, Dina disparaît sans laisser de traces, de même que Jonas. Séparés de Lukas, mais aussi du reste du groupe, Egon et Jodie sont contraints de se cacher pendant des heures, en attendant que la tempête passe.
Finalement, ils profitent de l'obscurité de la nuit pour quitter leur cachette et parcourir les quelques pâtés de maisons qui les séparent de leur ancien refuge. De toute évidence, personne, à part eux, n'y est repassé, et ils embarquent sans hésiter tout ce qu'ils peuvent trouver et transporter. Black Betty est chargée, son réservoir complété, les derniers bidons de carburant emportés, et le duo s'enfonce dans la nuit, vers le Sud.
Février 2022, Federal Way
Si elles ne se déroulent jamais exactement de la même façon, ses journées finissent immanquablement par se ressembler, et se confondre. C'est du moins le sentiment qu'il a depuis la chute de Seattle. La prise de la ville par New Eden a largement bouleversé son quotidien, de plus d'une manière. Depuis des mois, Egon tend l'oreille, guette le moindre indice qui pourrait le mener sur la piste de Lukas. Un peu plus de quatre mois se sont écoulés depuis et malgré tout, l'homme n'arrive pas à abandonner. À perdre espoir.
À défaut de son fils, Egon a au moins retrouvé la trace de vieux amis. Exilés, comme eux, loin de leur foyer, les Gentle Bastards ont trouvé refuge plus au Sud, entre Tacoma et Olympia. Traînant Jodie avec lui, Egon prend la direction de Thornewood Castle, emplacement indiqué par d'autres solitaires. Ils épuisent leurs dernières réserves de carburant, mais ils sont au moins soulagés de retrouver des visages connus - même si certains d'entre eux, dont Bill, ont disparu quelques semaines plus tôt.
Échangeant ses services contre le gîte et le couvert, Egon s'assure au moins qu'ils ne mourront pas de faim avant d'avoir retrouvé Lukas. Et qui sait, quelqu'un aura peut-être entendu parler de lui...
Installés dans un refuge entre Tacoma et le Sud de Seattle, Egon et Jodie vivent au jour le jour, s'efforçant de trouver de quoi se nourrir, et de quoi se chauffer. Heureusement pour eux, l'hiver commence à s'éloigner peu à peu et avec lui, la peur de mourir de froid. Ils ne sont pas pour autant hors de danger et les nuits sont pour le quarantenaire une source d'inquiétude. Il n'a pas pu faire autrement que de remarquer, dès les premiers week-ends passés chez lui, que la jeune fille souffre de terreurs nocturnes, qui risquent d'attirer à eux toutes les menaces alentours, mortes ou vivantes.
De fait, Egon ne dort que d'un oeil, prêt à bondir pour la réveiller et étouffer ses cris au moindre signe. Mais la fatigue s'accumule et il commence à atteindre ses limites. Bientôt, il faudra envisager d'intégrer un groupe, s'il veut pouvoir récupérer un peu. Le nouvel accord avec les Bastards, à défaut de leur assurer un abri permanent, leur donne un semblant de sécurité bienvenue.
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Re: tonight is the night i die (egon)
Mar 15 Mar 2022 - 18:08
- - you're such a bitch sometimes. Well.. i mean yeah. more like all the time.
- Daisy L. Trevi-Donaldson
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