Tommy Schibetta
Mar 19 Avr 2022 - 10:14
Lazzaro |
Malin Éloquent Brave Fidèle Adroit Paranoïaque Violent Cruel Insensible Bagarreur | Ses quelques grigris de romano mis à part, Tommy ne possédait pas grand chose hormis le monde en partage pour lui et pour tous les Hommes libres. Et quel monde. Il avait conservé le bouquin « Pour qui sonne le glas » d’E. Hemingway, c’est vrai, mais après l’avoir lu dix fois l’avait refilé à son frangin en espérant trouver autre chose à bouquiner. Les revues porno trouvées dans un ancien magasin X exclues, il n’avait encore pas mis la main sur quoi que ce soit de bien intéressant. De la foire, il avait quand même ramené son KA-BAR USMC 1217 et un des deux fusils de papa : un Benelli superposé calibre 20, dont les cartouches manquaient cruellement. Le blond approche le mètre quatre-vingt et, même si la sous-alimentation semble être passée par là, conserve une silhouette assez athlétique. Les traits de son visage ont été marqués par la rudesse du quotidien des Travelers mais sembleraient tout à fait sympathiques si, bien sûr, on regardait au delà de la barbe mal rasée et de l’air d’assassin du manouche. Ses yeux bleus pastel ne renvoient plus systématiquement à son ancienne malice innocente mais portent en tribut le prix des pertes accumulées et de leurs conséquences. Sur son bras gauche, un tatouage représentant Sara e Kali, et autour de son cou une Vierge Noire qui pendouille au bout d’une chaîne en argent. Une fente diagonale traverse son torse de la clavicule droite au sternum, cadeau d’un pillard qu’il avait eu à envoyer dans l’au-delà. |
Et pourtant, l’intelligence sociale était un terrain propice au développement de la méfiance. S’il savait se servir des autres, deviner leurs jeux et leurs désirs, qu’en était-il de ceux qui pouvaient eux aussi voir en lui ? Vampire, il se cachait du soleil, naturellement méfiant de la lumière qui aurait pu le découvrir. C’était le revers de sa médaille à lui. Se confier trop, montrer ses faiblesses, c’était donner son flanc à l’ennemi de demain. Alors il préférait toujours donner l’image du garçon, puis de l’homme, qui contrôlait la situation, qui avait pour lui la sérénité et les certitudes justes. Un autre mensonge, que c’était. Mais ce défaut n’avait que peu d’importance dans le monde d’hier. Après l’effondrement, la méfiance devenait vite paranoïa. Homo homini lupus est. Il serait donc un loup ou ne serait. Pas seulement pour lui, mais aussi pour ce qu’il lui restait. L’Apocalypse avait fait resurgir les réels vices que l’Homme avait enfoui sous le masque vénitien de la sociabilité. Il n’y avait désormais plus que la logique de la survie, qu’elle soit individuelle ou tribale, et en cela il devait s’adapter. Qu’importe le prix.
En bon commerçant, Tommy savait convaincre et par dessus tout aimait parler. Son éloquence naturelle ne lui avait jamais fait défaut et l’avait parfois sorti des situations les plus épineuses. Il aurait fait un bon politicien, lui disait-on. Mais la chose politique ne l’avait jamais réellement intéressé en dehors des livres qu’il aimait à dévorer pour satisfaire sa curiosité. C’était sans doute de là que lui venait sa verve. Nourri de lectures, il avait le don du mot juste et de la belle phrase. Pour autant, son côté diplomate prompt à arrondir les angles et faire baisser les armes ne lui enlevait pas sa propension à la violence. Verbale surtout, dans une société civilisée, physique depuis que les chaînes étaient brisées. Le forain n’avait jamais eu peur de défendre ses intérêts, et ceux des siens. Honneur compris comme intérêt. Enfant, un « sale romano » ne restait pas impuni par le garçon. Son père lui avait un jour dit qu’il fallait frapper le premier. Un credo qu’il avait fait sien.
Avec l’adolescence, le garçon s’était fait bagarreur. Son père le voulait boxeur mais commencer la cigarette dès ses treize ans ne l’aida guère dans cette tâche. Et il préférait de toutes manières la sincérité d’un vrai combat au spectacle du ring. Sa vie en était déjà un, de spectacle. Alors il aimait ça, comme tout bon forain diraient les mauvaises langues. Mais Piu prenait garde à ne pas se battre pour les mauvaises raisons. Il n’avait pas mauvais fond, au final. Généralement, quelques coups, même s’ils avaient été précédés d’une grande colère, apaisaient les mœurs belliqueux et s’achevaient sur le respect mutuel, « viril », pourrait-on penser. En outre, il avait le défaut de n’avoir pas peur de grand chose. Brave, il montait au front la fleur au fusil lorsqu’il considérait que la cause était juste. Et surtout, Tommy ne faisait pas dans l’excès de zèle. Mais ça, c’était quand la civilisation tenait encore. Les circonstances et les peines changeaient les hommes. Il devint cruel à force de cruautés vécues, sans y prendre goût toutefois mais se targuant de pragmatisme en pensant que s’il devait faire mal désormais, il fallait qu’il fasse vraiment très mal.
On lui avait toujours reproché une certaine insensibilité. Tommy n’était pas l’ami que l’on venait voir pour du réconfort émotionnel. Non. Lui, il écoutait les préceptes des stoïciens. Les affects dispersaient les gens et leur faisaient prendre de mauvaises décisions. Le franc-parler et le franc-agir l’avaient de tout temps caractérisé. Si bien qu’il blessait parfois sans le vouloir ni le comprendre. Un fardeau qu’il portait sans arriver à s’en défaire. Les siens l’acceptaient ainsi et ceux qui ne l’acceptaient pas, eh bien il ne s’y attardait pas. Tommy était entier, mais ce caractère un brin dur pouvait prendre des proportions funestes dans les temps troubles qui venaient. Il essayait de se convaincre qu’il devait parfois aller contre sa morale, et gardait son nez de clown en prétendant l’antipathie. Autrefois sociable, bon vivant amateur de festins, d’alcool et de femmes, le monde l’avait fait choisir une armure toute différente. Mais c’était ainsi. Un enculé de plus dans la masse barbare de chiens errants qu’était devenue l’humanité.
Ce que la fin de ce monde ne lui avait pas enlevé cependant, c’était son côté chien fidèle. En amour, en amitié et surtout en famille, Tommy ne s’était jamais permis aucun écart. Il portait au pinacle la valeur de fidélité aux siens et à ceux qui comptaient. Dieu savait qu’aujourd’hui ils étaient bien peu. Alors il se devait plus encore de ne jamais les perdre de vue. C’était un jeune homme plein d’amour quand on s’y penchait. Quand il considérait qu’on le méritait, surtout. Mais qui était incapable de haïr ne saurait jamais vraiment aimer. S’il devait brûler ce qu’il restait du vieux monde, il le ferait avant que ce gueux ne violente les siens. Mais il était aussi fidèle à certains principes, même s’ils s’effaçaient parfois pour les impératifs du nécessaire. Son âme, Tommy refusait de la troquer par peur du lendemain. Ainsi, il était tout à fait convenable avec tout le monde, pourvu qu’il ne perçoive aucun danger qu’il aurait identifié comme réel.
Tommy était aussi assez adroit. Surtout en société. Ça ne servait plus beaucoup. Même s’il n’avait jamais été artiste, il savait jouer comme le font les manouches et savait parler par dessus tout. Et réparer les machines à la foire était sa principale occupation. Depuis qu’ils avaient été jetés sur les routes par l’Apocalypse, le jeune homme avait trimballé sa guitare et du papier toujours près de lui. Il notait tout. Ses impressions, ses journées, afin que leur histoire jamais ne disparaisse. Et quand ils s’asseyaient près d’un feu, Tommy pouvait timidement gratter quelques accords de jazz sur son instrument, prenant toujours garde à ce que les Morts ne puisse l’entendre. Il avait en tête que la vie devait continuer de s’exprimer et, plus encore, qu’elle reprendrait ses droits. Mais pour cela fallait-il encore que les Hommes sauvent leurs âmes et entretiennent cette petite flamme qu’était l’humanité. Un bien long périple.
Leur histoire américaine commence en 1925. Date à laquelle le clan Schibetta quitte son Italie d’accueil pour une nouvelle terre promise : les États Unis d’Amérique. La montée du fascisme force une bonne partie des romanis, qu’ils soient Manouches ou Sinté, à quitter le pays ou prendre la direction des collines lointaines à la civilisation d’un nouveau genre que le futur Duce comptait mettre en place. Déjà en Italie, les Schibetta étaient connus comme des hommes de foire, des ferrailleurs et des commerçants. Au Nouveau Monde, passant Elis Island, puis New York, la famille conserve ses traditions et ses rites obscurs aux Hommes des Amériques plus encore qu’à ceux de la vieille Europe. Se joignant à d’autres clans romanis et marginaux de tous les horizons, ils écument le pays de ville en ville pour y distiller leurs prestations de spectacles, leur magie et leurs petites rapines.
Tommy est héritier de cette histoire d’exil et de terre promise. Pour la plupart des locaux, ils ne sont que des « Ritals » comme les autres, mais pour les Italiens non plus ils ne sont pas de leur espèce. Ils vivent à la marge, fuient les lieux quand on les en chasse, et tentent de prospérer tant bien que mal. Né par hasard à Salem, dans le Massachusetts, Tommy est le second et dernier fils de Francis et Maria Schibetta. Il est élevé par deux parents aimants, entouré d’une flopée de cousins qui ne partagent pas toujours de son sang. L’école, c’est avec papa. Il apprend la vie à ses deux fils. Et puis quand ils ne sont pas sur la route, Tommy va quand même étudier comme les autres dans des établissements classiques. Tout ça ne l’aide pas à se faire de bons amis, mais au contraire lui apprend à vite cerner les gens et facilement s’intégrer. Exit de la même manière l’inscription dans un quelconque club de sport, les amourettes d’écoliers etc…
Ça n’empêche pas Tommy d’avoir une enfance heureuse. Son père le prend avec lui et lui apprend tout ce qu’il sait, et il est très proche de son frère. Il apprend vite à gratter du jazz sur sa guitare en observant les anciens et rapporte de l’école l’envie de lire et de se cultiver. Ses cousins le mettent à l’épreuve et tous se chamaillent souvent, jusqu’à ce que l’un des plus vieux ne vienne trancher et leur botte le cul à tous. Mais ce sont de bons moments, des moments d’innocence. Tommy passe beaucoup de temps seul, à bouquiner, ou à observer les anciens. Il les imite vite et se fait ses premiers dollars en vendant de faux tickets de loterie à l’entrée de la foire, jouant de son vocabulaire alambiqué, amusant pour un gamin de son âge. Parfois, ce sont de meilleures arnaques qui lui font gagner quelques dollars pour aller faire des conneries « en ville » avec ses cousins.
L’adolescence vient et Tommy continue à parcourir les routes avec le reste de sa famille. Il organise des paris sur des combats de coqs volés à ses oncles à l’aide de son « associé » Michael, un autre garçon de son âge. Manny s’amuse des bêtises de son gamin de frère, et le fait que tout ça le fasse rire ne fait que motiver Tommy à prouver à quel point il fallait le prendre au sérieux. À l’école, il est toujours studieux et réussit plutôt bien mais ne se fait pas d’illusions : sa vie était déjà tracée. Il fait les quatre cent coups avec Michael, emmène sa première copine au cinéma - elle s’appelait Charlene, se met à fumer… Bref, le garçon veut devenir indépendant et fait son chemin. C’est cette crise d’ado qui manque de le faire tuer quand il entre dans la cage du lion de l’oncle Arthur pour impressionner une copine de l’école, et que le lion qu’il croyait endormi manque de lui arracher le bras. Après cette histoire on ne l’attrapa jamais plus à déconner avec les bêtes, même pas celles du cirque. Surtout pas celles du cirque.
En grandissant, Tommy participe un peu plus sérieusement aux activités de la foire. Il bosse sur les stands et aide à la maintenance des machines pour gagner quatre sous mais continue ce qu’il préfère faire : rameuter les foules et pousser à l’achat, arnaquer gentiment le client de sorte à ce qu’il parte les poches vides mais le cœur plein. La majorité vient rapidement et la famille Lafertin rejoint la troupe au détour d’un voyage en Louisiane, après que la foire se soit faite un fric monstre grâce au carnaval de la Nouvelle Orléans. Tommy poursuit son apprentissage en autodidacte, pas intéressé par la perspective d’obtenir un « diplôme à la con ». Il s’intéresse à la philosophie et à la politique, à l’histoire, aux religions, bref à toutes sortes de choses qu’il n’approfondit pas mais qui lui confèrent une culture générale - et donc une conversation - étendue. Puis enfin, un soir qu’il jouait avec son frère Manny, lui à la guitare et ce dernier à l’harmonica, et après avoir un peu trop tiré sur la bouteille de whisky, il rencontra par hasard la fille Lafertin. Celle avec qui il se fiancerait quelques mois plus tard.
Nous sommes en septembre 2015 et Tommy vient de fêter ses vingt-deux ans. Le mariage est prévu pour un mois plus tard seulement, à Seattle. Son frère Manny vient d’avoir un enfant et la famille se prépare à la prochaine bonne nouvelle. Quant à lui, Tommy commence à travailler sur un numéro de mentalisme avec son associé de toujours. L’avenir semble radieux.
1er Novembre 2015
J’ai décidé de commencer à écrire un journal. Avec tout ce qu’il se passe, on sait pas où ça mène et putain qu’est-ce que je fous Ça devient dangereux d’être à Seattle, les gens perdent la tête.
Ça fait des jours qu’on a plus de nouvelles de personne. Maman et ma femme étaient à la foire avec le gamin de Manny et les autres. On avait prévu de se mettre en route après être allés chercher du ravitaillement. Michael est mort pendant les émeutes. Je sais pas quoi faire putain.
Elle a disparu, avec sa famille et les autres. On devait se marier. Vaste blague.
3 Novembre 2015
Toujours à la foire aux abords de la ville. J’ai oublié d’écrire hier.
J’ai vu Michael debout dans le champ près des caravanes, le matin. Je l’avais enterré près de la tente de l’oncle Arthur. Enterré, comme un gadjo.
Manny lui a mis une balle dans la tête. Moi j’avais pas la force. On a grandi ensemble putain.
Aujourd’hui le téléphone marche plus. Juste du bruit blanc. Stations radios proches pareil. Ou alors je sais pas me servir de la CB. J’essaie de le convaincre qu’on doit bouger. Y’a ma femme et le gosse de Manny là dehors.
On est seuls. Tout le monde est parti. Manny et moi avons dû abattre les animaux de l’oncle Arthur. Les bêtes ont une mort affreuse. Y’aura plus de spectacle pour lui de toutes façons. Il a tiré sa révérence. Avant, on disait que les tsiganes étaient maudit. Maintenant je crois que la vérité c’est que c’est nous, c’est l’Homme la malédiction.
Finalement on a décidé de laisser partir Michael comme il se doit. C’était plus lui. C’était son corps, mais dans ses yeux, il n’y avait plus que la mort. Mais même, c’est mieux comme ça. Il méritait de vraies funérailles. Manny l’a foutu dans sa caravane et on l’a brûlé. On le veillera comme il se doit. Son assiette est dressée à côté des nôtres. J’ai attendu que Manny dorme pour chialer et me saouler la gueule. Tant pis si quelqu’un a vu le brasier, on restera pas ici de toutes façons.
Latcho drom pral, angle dikhas.
On doit reprendre la route. Les autres peuvent pas être très loin. Ils disaient toujours que notre prochaine destination serait l’Idaho, avant que ça parte en couilles. Si on les trouve pas par ici, c’est là bas qu’on ira.
3 Janvier 2016
Rebonjour de l’Idaho.
On a eu beau fouiller, chercher les signes, je crois qu’on ne les retrouvera pas.
Les anciens savaient laisser des indications sur la route pour que les leurs les retrouvent à leur nouveau camp. Mais on dirait bien que cette fois ils ne l’ont pas fait.
Maman est morte, maintenant je le sais. Elle m’est apparue en rêve. « Aňi e prajťori pes na čalavela, te o Del na kamela. » C’est ce qu’elle me répétait. « Même la plus petite feuille ne bougerait pas si ce n’était pas la volonté de Dieu. » J’essaie de comprendre ce que ça veut dire, mais ça m’échappe.
Peut-être qu’en la cherchant encore je vais contre la volonté de Dieu ? Elle n’est pas morte. Je le saurais. J’en suis sûr. Mais on a croisé tellement de mulé (Litt. : morts) que je ne sais plus si je dois croire mon coeur ou bien ma raison.
Manny et moi sommes fatigués. On a risqué gros à les chercher tout ce temps. Mais quel homme peut bien abandonner sa femme ou son enfant ?
Les morts ont failli nous avoir sur la route. Au réveil, la caravane était encerclée. J’ai cru que c’était la fin. Mais on a réussi à les avoir un par un avant qu’ils ne passent à travers les cloisons. La caravane pue encore le sang de mort malgré tous nos efforts. Ou alors c’est mon nez qui a gardé l’odeur. Elle me suit partout. Pas de mort pour nous. Pas de non-vie non plus. Pas de repos. La mort, c’est nous qui la faisons peser désormais. The man o Del marďa sar korkoro kamľa. Dieu m’a puni ainsi qu’il l’a lui-même souhaité.
J’ai voulu abandonner, partir à ma manière. Manny m’en a empêché. Je crois qu’il a eu raison. J’espère. J’arrête pas de les entendre grogner, les damnés. Je ne dors plus.
Ça ne sert plus à rien. On rentre à Seattle.
19 Septembre 2016
Joyeux anniversaire à moi-même. Le premier depuis la fin du monde.
C’est foutu. Même Manny veut abandonner les recherches. On a convenu qu’on les considérerait comme morts maintenant. Et nous avec.
Le carnet commence à s’étoffer. Je pourrais peut-être vendre mes écrits si la civilisation se reconstruit un jour.On a dû tuer un type qui venait nous voler aujourd’hui. C’est que plus tard qu’on s’est rendus compte qu’il voulait simplement à bouffer pour sa gosse.
Il a tiré en premier.
Après ce jour, plus rien ne sera jamais comme avant. C’était en plein Seattle, au nord de la ville, sur Stone Avenue. Le type a débarqué et a braqué Manny, j’étais sorti pour pisser un coup.
Je les ai entendus gueuler.
Je suis passé par l’entrée qui se situait sur le côté de la planque, un vieux resto asiat. Le gars pointait son flingue sur mon frangin. Qu’est-ce que j’aurais pu faire d’autre ?
Quand il m’a vu, il s’est tourné pour me tirer dessus mais Manny l’a désarmé. Je lui ai tiré en pleine poire, « pan ». J’en ai vomi dans la seconde. J’arrête pas d’entendre ce « pan » depuis.
Sa gamine entrait avant qu’on ait pu fouiller le corps du pillard. J’ai pas pu la regarder dans les yeux. Manny dit que c’est pas de ma faute, qu’il nous avait attaqués, que c’était nous ou lui.
Elle s’est enfuie. Il a essayé de l’attraper mais n’a pas réussi. Elle doit être morte, déjà.
Y’aura plus de salut pour Tommy Schibetta.
Joyeux putain d’anniversaire à moi.
8 Janvier 2018
J’écris sans plus y penser depuis le temps. Manny est toujours là avec ses « Tu devrais me parler au lieu de griffonner ton cahier » je l’EMMERDE.
J’ai réussi à le convaincre de continuer d’écrire si j’y passais.
La journée a été belle. On a pu troquer quelques rations contre de l’essence pour la bagnole au groupe habituel. Ils avaient des cordes pour ma guitare. Un de leur gars est venu nous trouver pour nous dire qu’ils nous donnaient rendez-vous à Tacoma pour le prochain échange. Ça peut se comprendre, on parle de marchandises suffisamment rares pour un peu trop attirer l’attention au No Man’s Land. Mais j’ai pas confiance.
Manny les sent pas. C’est jamais bon quand il sent pas quelqu’un.
On a leurs habitudes journalières, le nombre de combattants et une évaluation approximative de leurs moyens. S’il doit se passer quelque chose, on sera prêts.
23 Janvier 2018
C’était prévisible. Qu’ils refusent de nous retrouver au No Man’s Land, comme on le faisait d’habitude, ça puait déjà. Les intuitions de Manny sont rarement trompeuses.
Tacoma, c’est une ville qu’on connaissait assez bien après tout. Puis ils s’étaient montrés réglos jusqu’ici, même si ça plaisait au chauve de montrer les muscles et de mal parler. On pouvait passer au dessus de ça, tant qu’ils respectaient leur part du marché. C’était pas grand chose à demander.
On les a trouvés devant l’ancien Centre Médical Saint Joseph, du côté de la 19ème Rue. Ils avaient planté leur campement dans le parc du Centre. On était là un peu en avance, c’était ça le problème. Ils nous avaient donné rendez-vous pour la tombée de la nuit. Histoire de partager un repas, un peu de gnole et une couchette. Conneries.
En arrivant sur la 19ème, Manny et moi on les a vus poster un tireur dans un des bâtiments. Alors c’était bien normal de nous en occuper. Il était là pour nous après tout.
On a contourné le parc pour atteindre le poste où était positionné notre ange de la mort. Il a rien vu venir. Pendant que Manny le tenait et l’empêchait de hurler, je devais juste le poignarder. Juste ça.
J’ai bien fait mon travail. Du thorax au bas ventre en tirant un grand coup vers le bas. L’homme ne m’avait jamais semblé aussi proche du porc. Mais l’odeur était bien pire que celle qu’on connaissait en dépeçant un cochon. Il s’est pissé pissé dessus avant que j’aie pu finir. Tous ces films et tous ces bouquins sur l’honneur et la bravoure au combat pour finir par comprendre que personne ne meurt vraiment dans la dignité. J’ai cru voir la vie quitter ses yeux. Je les vois encore quand je me couche.
Manny est resté à côté du mort, après qu’on se soit assuré qu’il se relèverait pas. On avait notre plan bien ficelé. Il lui a foutu un noeud coulant au cou, et je suis descendu rejoindre nos hôtes comme c’était prévu.
Je leur ai expliqué que Manny était malade, qu’il pouvait pas bouger et restait à notre camp. Ils étaient trois. Ils m’ont cru.
Quand ils m’ont dit que leur tireur m’avait en joue et que j’allais gentiment leur filer tout ce que j’avais apporté pour le troc, c’est là que Manny a fait feu. En se retournant, ils pouvaient voir leur pote qui pendait à la fenêtre au bout de sa corde.
J’ai profité de la surprise pour tirer sur le deuxième. Il a bondit sur cinq mètres à cause du pouvoir d’arrêt du fusil.
Le dernier a voulu me sauter dessus et m’a fait une belle balafre au torse. Si ces chiens avaient pas eu cette bouteille de whisky dans leurs affaires, je crois que je serais mort d’une infection ou de mélancolie. Il m’a foutu au sol mais Manny a eu le réflexe de tirer. Il est mort dans mes bras, son sang sur mes fringues.
C’était nous ou eux. Oui, ils l’ont cherché. Je regrette pas. Ils m’auraient pris mon frère sans hésiter une seule seconde. Mais chaque fois que je passe une porte j’ai l’impression de traîner une troupe de fantômes avec moi maintenant.
Faut que j’arrête d’écrire un moment.
8 Mai 2018
Ouais c’est moi à nouveau.
J’avais oublié à quel point écrire ici pouvait être bizarre.
Bizarrement, Manny avait l’air content que je recommence. Il dit « Je préfère que t’écrives plutôt que tu rumines tout »
J’ai sauté le pas. C’était pas la première fois qu’on allait à la Cage pour boire ou parier sur les combats, juste pour regarder parfois. Mais jamais, jamais ça m’avait paru intelligent de participer activement. Je suppose que c’est juste mon état d’esprit du moment qui m’a fait y aller.
Ça m’a fait du bien, je crois. Le type en face était une armoire. Un vrai colosse. Je pouvais savoir que Manny tirait la gueule sans même avoir à le regarder. « Et si t’es blessé ? » « Et si tu gagnes et que le type veut se venger ? » J’avais décidé de pas l’écouter.
Ça s’est pas si mal passé. Mes côtes et ma mâchoire vont s’en souvenir longtemps mais ça me rappelle au moins que tous les combats ne sont pas une question de survie. On est peut-être encore un peu humains, finalement.
On a gagné du tabac, de l’essence et quelques rations. Mais c’est pas le plus important. Au milieu de la foule de voyageurs, solitaires le plus souvent, on pouvait sentir que le spectacle qu’on leur offrait la faisait battre d’un seul cœur. C’est beau quelque part. Très primitif, mais très beau.
Le No Man’s Land me plaît. Je crois qu’on commence à approcher de la meilleure forme d’organisation possible. C’est comme si nous étions tous de simples forains qui venaient échanger sur un grand marché collectif. Y’a toujours du travail, de nouvelles têtes à rencontrer ou de la marchandise à échanger.
J’ai essayé de continuer le spectacle qu’on voulait mettre en place avec Michael. Je pense que ça lui aurait plu. D’ici quelques semaines je pourrai essayer de jouer les sorciers manouches. Je pense que même dans une période aussi sombre, surtout dans une période aussi sombre, les gens ont besoin de croire en certaines choses. Si on peut gagner quelques cigarettes ou de quoi bouffer contre un petit peu de magie, pourquoi pas après tout. On verra bien.
Tout n’est pas si mal. Les choses viendront comme elles viendront, et je crois encore que certains des nôtres sont en vie. Mais j’essaie de ne plus y penser.
13 Novembre 2021
Sacrée perte le No Man’s Land.
On a dû changer de plan puisque les autres Travelers comme nous peuvent plus venir commercer au No Man’s Land. Notre dernier vaisseau de liberté. Faut croire qu’à chaque fois que quelqu’un essaie de créer quelque chose de bien, quelqu’un d’autre vient la détruire pour satisfaire ses ambitions ou sa perversité.
Manny a entendu parler d’une communauté, « The Haven ». D’après lui on pourrait bosser pour eux, ça paie bien et ils ont l’air réglo.
Je le travaille encore au corps rapport à l’idée de Cirque de La Fin du Monde. Les gens recommencent à vivre en groupe. J’suis sûr que ça ferait un malheur.
Nos affaires ont pris la flotte et la photo du gamin de Manny a été détruite. Il a été mal toute la soirée.
Note à moi-même : me faut de nouveaux stylos.
3 Décembre 2021
J’ai encore rêvé d’elle.
C’était clair et les rêves sont de plus en plus rapprochés. J’ose pas en parler à Manny parce qu’il dirait que je déraille. Puis, on évite de parler des morts.
Maman aurait dit que c’était un signe. C’est sûr que c’en est un.
Les affaires marchent bien avec The Haven. On bosse aux champs ou on fait les escortes selon les besoins. Vu qu’on connaît bien les routes, c’est facile. Et on y bouffe pas trop mal. Mais on peut pas s’installer maintenant. Pas encore.
Y’a peut-être une chance qu’on les retrouve finalement. Et si on s’arrête, on meurt. Ça a toujours été comme ça pour nous. Rien ne change finalement.
C’est bientôt Noël mais ça me fait plus rien. Je me suis habitué faut croire. So o Del dela, oda ela.
Routine quotidienne
Note à moi-même : Je pensais qu’avoir une routine ne m’aurait pas convenu quand le monde tournait encore rond. Mais le contexte m’oblige à trahir ce principe. Histoire d’ordonner un peu le chaos.
Vérifier les pièges autour du campement
Faire l’inventaire
Rempaqueter
Lever le camp
Reprendre la route
Ça va finir par me rendre dingue. Et vas-y qu’on fouille encore les ruines, comme si on pouvait trouver quoi que ce soit. Et vas-y qu’on chasse, et vas-y qu’on trouve un abri, qu’on fait un feu, qu’on bouffe (SI il y a à bouffer) qu’on fait de la musique et vas-y qu’on griffonne encore dans le carnet. Si seulement Manny se réveillait au moins un peu plus souvent quand c’est son tour de garde.
Qu’est-ce que ça vaut finalement tout ça ? Même avec la fin de la civilisation on peut continuer de se faire chier. Ou alors c’est le vide. Le silence. La solitude. Sûrement un peu des trois.
J’en ai marre d’être seul.
Note numéro 2 : Réécrire la routine journalière au propre.
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Re: Tommy Schibetta
Mar 19 Avr 2022 - 10:24
Te voilà fraîchement inscrit(e) sur The Walking Dead RPG ! Après avoir lu consciencieusement le règlement du forum, voilà quelques petites choses à retenir pour tes débuts parmi nous :
Bonne rédaction !
N'hésite pas si tu as des questions
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Re: Tommy Schibetta
Mar 19 Avr 2022 - 10:40
Bon courage pour ta fiche !
ANAPHORE
- Neela J. Yeo-Jeong
- Administratrice
She-Hulk | Neenja
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Re: Tommy Schibetta
Mar 19 Avr 2022 - 12:21
Bon courage pour ton histoire !
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