Mes pas résonnent dans ce dédale de galeries nauséabondes et humides. Marchant d’un pas assuré, je ralentis finalement l’allure alors que j’arrive près de l’alcôve grossièrement aménagée en cellule. Sans vraiment annoncer ma venue, j’entre. La pièce est sombre, petite. Mis à part une bouteille d’œil, il n’y a rien. Là, j’aperçois une silhouette sur le sol, adossée contre le mur. J’approche avant de venir donner un léger coup de pied contre la jambe de l’homme, sans pour autant faire preuve de douceur. « Debout ! » Je ne lui laisse pas vraiment le choix, j’agrippe son bras pour le tirer vers le haut. Je ne dis rien de plus, lui passant un sac opaque sur le visage pour perturber encore un peu plus ses repères.

« Avance ! » Encore une fois, ma voix est sèche, autoritaire. Je ne lui laisse pas le choix. Mais l’homme n’a pas l’air de vouloir résister. Nous progression quelques minutes dans les galeries souterraines avant de rejoindre une autre petite pièce un peu plus confortable et éclairée. A travers mon masque, mon regard se pose sur Amalia qui est installée sur un vieux lit de campement. Je reste silencieuse, pour l’instant. J’avance de quelques pas encore, toujours agrippée au bras du médecin. Là, je retire brusquement le sac. Face à la lumière, il lui faudra certainement quelques secondes pour s’y habituer. Qu’importe, je ne lui en laisse pas vraiment le temps. « Sa jambe. » Pas franchement bavarde, je lui désigne la blessure. Malgré les soins qu’il a déjà pratiqués, cela n’a pas l’air de s’arranger aussi bien qu’on le voudrait. Encore une fois, il n’a pas le choix.

Gardant un œil sur lui, je lui fais signe de s’installer près de la blonde avant de faire le tour du lit et de m’asseoir à mon tour, face à lui. A côté, une table avec une bonne partie du matériel médical que nous avons pu récupérer. Le laissant se préparer, je l’observe avec attention, prête à scruter le moindre de ses gestes. Puis, lorsqu’il semble prêt, je me redresse avant de lui souffler. « On va en profiter pour discuter un peu. » Est-ce qu’il a son mot à dire ? Non, bien évidemment.

La consigne est claire. Amalia lui fait comprendre que je ne suis pas d’humeur et qu’il a intérêt de se montrer coopératif. Mais le doc’ ne bronche pas, il s’exécute sans dire un mot. C’est presque décevant, je dois l’avouer, mais l’état de la blonde me préoccupe et finalement je suis plutôt soulagée qu’il accepte de la soigner. Je le regarde sortir son matériel, surveillant le moindre de ses gestes. Quand il semble prêt, il nous explique qu’il va retirer les éponges. « Tu fais ce que tu as à faire. » Je n’y connais rien et ça ne m’intéresse pas vraiment à vrai dire. Tant qu’il ne nous prend pas pour des connes et qu’il fait correctement ce qu’on lui demande, j’ai pas besoin qu’il nous fasse un cours de médecine.

Les rivés sur ses mains, je l’observe commencer les soins. Je relève les yeux vers Amalia, j’espère que ça va aller. Je la connais suffisamment, maintenant, pour savoir que c’est une coriace ; même si forcément, ça me rend folle de la voir dans cet état. Il va falloir que je prenne sur moi durant l’interrogatoire, que je me concentre sur ce que cet homme va bien vouloir nous dire. S’il est réellement médecin et en capacité de soigner la blessure de la bûcheronne, je ne peux pas me permettre de trop m’emporter. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai tenu à me charger de son cas, j’ignore dans quel état je l’aurais retrouvé si je l’avais laissé aux autres…

Alors je me focalise surtout sur le médecin. Je lui ai dit qu’on allait profiter de ce moment pour discuter et je lance d’ailleurs les hostilités « Première question. » Ma voix est froide, autoritaire mais en aucun cas agressive. « C’est quoi ton nom ? Tu étais médecin avant ? » Je n’ai pas trop de doute là-dessus, c’est surtout pour vérifier que les informations données par les autres prisonniers concordent. « Et tes amis ? Comment s’appellent-ils ? Leurs professions ? » Je l’observe alors qu’il s’affaire, concentré sur la blessure. Il a l’air de savoir ce qu’il fait… Mais je ne peux pas m’empêcher d’en douter, et si c’était simplement une foutue stratégie de sa part pour éviter les ennuis ? Quoi qu’il en soit, il vaut mieux pour lui que ma petite-amie s’en sorte…