S'il y a bien une chose que nous enseigne l'armée, c'est que peu importe le niveau que l'on peut avoir dans un domaine, il est essentiel de s'entraîner. Quelle hypocrite serais-je, en tant qu'ancienne formatrice de l'US Army, si je ne suivais pas moi-même ce précepte ? Ayant perdu l'usage de l'un de mes yeux, il me faut faire preuve de davantage d'implication afin de ne pas voir mes capacités s'en trouver amenuisées.

Telle est la raison m'ayant poussée à me rendre une nouvelle fois au stand de tir aujourd'hui. Il me faut constamment progresser dans mon appréhension de l'angle mort qui se trouve à présent dans mon champ de vision. Ou plutôt, la réduction de ce dernier. Anticiper les mouvements de l'ennemi, me repérer aux bruits qu'il peut faire, ce genre de choses. Bien évidemment, cela n'a rien de simple lorsque l'on vise des cibles plutôt que de réelles personnes, mais je ne peux me permettre de demander à des habitants de Fort Ward de me servir de cibles humaines. Nul doute que Maeve me tuerait certainement pour la surcharge de travail que cela représenterait pour le dispensaire.

Dès lors que ma session d'entraînement touche à sa fin, je prends le temps de ranger mes affaires et de remettre mon Desert Eagle à ma ceinture avant de quitter le pas de tir. C'est alors que j'entends des pas venir dans ma direction. Instinctivement, je tourne la tête vers l'origine de ce bruit pour découvrir la silhouette d'une femme qu'il ne me semble pas avoir déjà eu l'occasion d'aborder personnellement. Je l'ai déjà croisée au sein du camp, mais nous n'avons jamais pris la peine d'échanger le moindre mot.

Est-ce que je peux t'aider ? Voilà bien l'un des plus gros problèmes de mon poste de responsable : presque tout le monde sait qui je suis alors que la réciproque est très loin d'être exacte. Je prends cependant le temps de m'arrêter et de questionner la femme qui me fait face afin d'en savoir plus sur ses intention. Bien qu'il soit rare que l'on m'aborde pour simplement se confier sur un souci personnel, on ne sait jamais ce à quoi il faut s'attendre.

Généralement, je ne suis que très peu abordée par ceux qui n'ont pas l'habitude d'être directement en relation avec moi. Telle est la raison pour laquelle je suis si surprise de voir cette silhouette s'approcher de moi. Je ne reconnais pas la jeune femme qui prend la parole après que je l'aie interrogée. Je tiens à obtenir des réponses concrètes. Y a-t-il un problème quelconque au sein de la sécurité qui me concernerait ? A-t-elle rencontré des difficultés par rapport à un garde ? Serait-elle une volontaire pour participer aux différentes rondes organisées pour la sécurité du camp ? Je l'ignore. Nul doute que la réponse saura se faire entendre sous peu. Du moins, je l'espère.

Je reste alors droite, le regard fixé dans celui de mon interlocutrice lorsqu'elle prend une nouvelle fois la parole. Contrairement à ce que j'osais espérer, ses mots n'éclairent en rien les premiers qu'elle avait prononcé quelques instants auparavant. Il me faudra certainement plus de détails afin de savoir si je suis en mesure d'accéder à cette requête ou non. Voilà que le sujet de sa venue se précise enfin. La jeune femme dont j'ignore encore le prénom m'annonce s'entraîner au tir depuis quelques temps et rencontrer des difficultés.

Bien entendu, mon rôle ne réside pas en la formation des recrues. J'ai bien trop de travail pour me consacrer à cela. Pourtant, mon passé d'instructrice de l'US Army me rattrape chaque fois que l'on vient me voir pour un problème de cet ordre et je suis bien incapable de me résoudre à refuser quelques conseils à la personne qui est venue pour cela.

Encore une fois, il va falloir te montrer plus précise quant aux conseils dont tu aurais besoin. Qu'est-ce qui te pose problème ? Les armes de poing ? Les fusils ? Et à quel niveau? Maîtriser une arme à feu demande beaucoup d'entraînement, cela va de soi. Cependant, lorsque l'on ne parvient pas à identifier ses lacunes, il est impossible de progresser de manière significative. C'est alors que l'on stagne dans la médiocrité sans pouvoir s'en sortir.

Déposant le sac de matériel que je tenais jusqu'alors en main au sol, je croise les bras sur ma poitrine tout en attendant la réponse de la brune. Généralement, je ne prends plus la casquette d'instructrice. Ou du moins, pas de manière quotidienne. Mais j'ai quelques minutes devant moi, alors je t'écoute. Au fait, quel est ton nom ? Elle connaît le mien, à n'en pas douter. Sinon, elle ne serait pas venue me voir comme elle l'a fait.

Bien que mon poste m'incombe de nombreuses responsabilités et que je ne dispose que de très peu de temps libre, je suis bien incapable de me montrer insensible à la demande qui m'est faite en cet instant. Je constate sans mal que mon interlocutrice recherche réellement de l'aide et ne semble pas en trouver là où certains devraient être là pour la lui fournir. Je ne doute pas que les différents entraîneurs et formateurs puissent être déjà occupés ailleurs. Telle est la raison pour laquelle je décide de remettre à plus tard les différents travaux qu'il me reste encore à réaliser aujourd'hui. Tant pis pour mon sommeil ou mon repos, Zack comprendra certainement.

J'écoute donc d'une oreille attentive les détails que me livre alors Alyona. Ou plutôt Aly comme elle m'a elle-même confié être appelée. Je me dois d'avouer que cela sera bien plus simple pour la prononciation, car j'aurais peur d'écorcher son prénom chaque fois qu'il me serait donné de devoir l'appeler.

Lentement, je hoche la tête afin de lui indiquer que je n'ai pas décroché de son récit. Le maniement des fusils est généralement plus complexe de par leur poids et la manière dont il faut gérer leur recul. La précision ne peut être bonne si l'on ne parvient pas à bien se positionner au préalable. Comme je le dis toujours, il faut d'abord maîtriser le tir en position statique avant de pouvoir prétendre le faire en étant en mouvement. Tel a été l'enseignement que j'ai dispensé pendant de longues années au sein de l'US Army.

En un sens, je le suis. Bien entendu, mon travail réside principalement dans la sécurité du camp et des habitants de Fort Ward. Cependant, ayant été Colonel de l'US Army, je fais bien évidemment partie des forces armées de notre groupe. Cela va de soi. Jamais je ne pourrais rester derrière un bureau ou derrière les défenses du camp lorsque d'autres sont sur le champ de bataille. Cela serait contraire à tous mes principes ainsi qu'à ma personnalité.

Venant saisir l'élastique présent autour de mon poignet, je m'attache rapidement les cheveux en une queue de cheval visant à ne pas me déranger. Si aucun instructeur n'est disponible, je peux prendre un peu de temps pour voir de quoi tu es capable et te conseiller, si telle est ta demande. Qu'elle en profite, je ne peux pas toujours me permettre de telles entorses à mon programme journalier.