Depuis son arrivée, ou plus précisément depuis sa sortie de l'hôpital, Molly devait ingérer une masse d'informations conséquentes. Pour s'intégrer à cette société, on attendait d'elle qu'elle sache cuisiner et coudre, qu'elle retienne les règles qui avaient cours en ville, qu'elle trouve un emploi et qu'elle se montre pieuse. La jeune femme faisait tous les efforts possibles pour faire ce qu'on attendait d'elle, parce que c'est ce qu'elle avait toujours fait. Mo avait toujours obéi à ses parents autrefois, et aux adultes qu'elle croisait en général à l'école, elle avait obéi à son grand-père ensuite, puis à David. Elle avait toujours fait ce qu'on lui demandait sans broncher parce que ça avait un côté rassurant, et puis maintenant qu'elle était à l'abri à Walla Walla, elle n'avait pas envie de le quitter. Affronter l'extérieur en étant seule était bien trop terrifiant, ça l'avait déjà été avec son grand-père et son frère. Molly avait appris assez récemment qu'elle allait devoir se marier, et des questions plus pointues avaient révélé son ignorance quant à la religion. Il était impensable qu'elle se marie sans être baptisée, alors des cours de catéchisme s'étaient ajoutés à la liste déjà longue des choses à savoir urgemment dans sa nouvelle vie.

Mo était donc invitée à se rendre à l'église aussi souvent qu'elle le pouvait, et la brunette avait bien compris le caractère impérieux et obligatoire sous couvert de proposition, en plus du fait qu'on l'avait gentiment guidée vers du bénévolat au couvent, activité qui lui serait on ne peut plus bénéfique lui avait-on assuré. Elle n'y voyait rien à redire dans les faits, et Molly faisait son maximum pour gagner en assurance. Mais après ces dernières années passées à se cacher des autres, vivre en plein jour en étant à ce point entourée restait difficile et perturbant pour la timide qu'elle était. Elle qui avait toujours eu du mal à entretenir une conversation avec plus d'une personne autrefois devait maintenant s'adapter à une ville entière et ce, sans le soutien de ses proches. Elle n'osait pourtant pas se plaindre, craignant qu'on lui reproche son ingratitude et qu'on l'a renvoie dehors, s'efforçant de faire bonne figure et de donner le change.
Si la jeune femme s'autorisa un léger soupir en entrant dans l'église déjà bondée, elle se glissa au dernier rang et se fit aussi discrète que possible. Bible en main, elle jetait de fréquents coups d'œil autour d'elle, essayant de capter son comportement sur celui des autres, mais se levant et s'asseyant avec un léger temps de retard. Molly écoutait avec une grande attention la messe qui se déroule en se référant à l'ouvrage religieux qu'on lui avait donné. Dès la fin de l'office religieux, Mo gagna la sortie sans parler ni regarder personne, prenant une grande inspiration lorsqu'elle se retrouva dehors. Pourtant, les gens ne rentraient pas immédiatement chez eux, se saluant et se regroupant en plusieurs petits groupes pour discuter. Bien qu'à l'écart, Molly n'osait pas quitter les lieux ainsi et observa les divers rassemblements de population, cherchant à trouver le courage de rejoindre quelques personnes pour se joindre à la discussion. C'était ce qu'on attendait d'elle et Mo avait conscience de devoir faire des efforts à ce sujet. Un homme l'interpella gentiment, ôtant à Mo le besoin de se forcer à faire le premier pas et elle lui adressa un sourire de reconnaissance en suivant son geste du regard lorsqu'il désigna sa femme et son enfant.
Bonjour, je m'appelle Molly. Je..suis déjà venue une fois ou deux oui, je...je suis arrivée il y a peu de temps.
La jeune femme tritura sa bible en cherchant comment relancer la conversation, mal à l'aise malgré elle. Je dois me faire baptiser...bientôt.
On ne lui avait pas encore donné de date mais Molly était certaine que ça viendrait très vite. Elle doutait cependant de l'intérêt de son propos pour son interlocuteur et chercha autre chose Vous êtes arrivés depuis longtemps, ici ?
Mo espérait ne pas se montrer trop curieuse, mais n'osait imaginer la vie à l'extérieur avec un enfant si jeune et ne put s'empêcher de frissonner à cette idée.