Toujours pas de nouvelles de son retour ? Elle est ailleurs, ressassant la lettre qu'elle a lu le matin même avant de partir. Le passage par chez elle lui a demandé un peu de temps, le courier l'attendait peut-être depuis plusieurs jours, elle n'arrive pas vraiment à le déterminer. Quoi qu'il en soit, l'indienne est un peu confuse encore, et peine à ne pas s'inquiéter de ce qu'elle a lu. Neela, vous êtes dans la lune, souffle la nonne à côté en venant poser une main tendre sur son bras. Elle a presque un sursaut. Presque. Ses yeux tournent vers la vieille dame et elle lui offre un sourire désolé.

J'ai reçu une lettre explicative. Il y a eu des problèmes, il a été blessé, son rapatriement prend plus de temps que prévu, raconte-t-elle à Mary qui fronce les sourcils. Elle n'a pour l'instant pas de risette rassurée, les nouvelles lancées dans le journal à propos de ce qu'il se passe à Seattle n'ont vraiment rien d'engageant. Mais il va rentrer, c'est l'essentiel, fait-elle en détournant les yeux simplement, essayant de ne pas y penser. Oui, certes, soupire Mary à côté d'elle en haussant les épaules. Vous prendrez grand soin de lui quand il sera de retour, ajoute-t-elle.

Elle hoche vivement la tête, il ne faut pas s'en formaliser. Mary est encore dans une vision très maternante de la femme, et à son grand âge, ça ne changera pas. Neela n'est plus à essayer de faire de l'éducation avec cette femme, qu'elle sait être une alliée pourtant de choix. Vous devriez aller voir cette jeune fille là-bas, elle vient d'arriver de ce que j'en sais, l'indienne relève les yeux finalement et voit passer une silhouette menue transportant des objets dans ses bras. J'y vais, annonce-t-elle en abandonnant tout ce qu'elle fait.

Un sourire plus tard, la voilà qui s'écarte finalement et avale la distance jusqu'à la petite brune. Elle doit avoir dix ans de moins qu'elle, semble encore bien maigre. Depuis combien de temps est-elle à New Eden ? Eh, tu vas te faire mal ! entame-t-elle avec enthousiasme avant d'esquisser un sourire : Fais voir, j'en prends une partie, propose-t-elle un peu fermement, pour qu'on ne se soustrait pas à sa "proposition". Neela n'est pas vraiment du genre à négocier. Tu sais, le but ici n'est pas de se rendre trop vite à l'hopital avec une bonne raison ?

Pourtant tu es ici depuis plusieurs semaines ? C'est en tout cas ce que Neela a cru comprendre de la conversation avec Soeur Mary. S'est-elle trompée quelque part ? A-t-elle mal saisi ce qu'elle a voulu lui dire ? Non, probablement pas. Elle pince les lèvres et, la caisse dans les bras, le poids ne lui semble pas si difficile à transporter heureusement. L'indienne esquisse un sourire cependant : Ta convalescence a mis si longtemps ? S'inquiète-t-elle pour sa voisine, soucieuse de son bien être. Et encore plus, de ne pas la solliciter de trop si ça ne va pas pleinement. Tu peux me tutoyer, tu sais, je ne suis pas si vieille !

Elles se retrouvent en cuisine, un endroit que Neela connait plutôt bien et qui lui amène une certaine forme de tranquillité. Couteau en main, elle coupe les légumes de Molly épluche et lui tend ensuite, en essayant de se concentrer. Evidemment, sa tête ne peut s'empêcher de bifurquer vers la teneur de cette lettre reçue, et de la repasser en boucle. Elle regrette d'avoir une bonne mémoire dans ce genre de moments, car évidemment, les mots l'obsèdent. Elle essaie encore de découvrir des vérités à travers les phrases, les tournures, les termes. Mais rien ne filtre, et c'est frustrant.

Hm ? Elle relève le nez vers sa voisine, suspendant son geste un instant. Elle n'est pas sûre de comprendre, avant de capter que son inquiétude doit se lire sur son visage. Mince, elle se laisse dépasser par ses émotions ! Neela se reprend en esquissant un sourire désolé : Oh, excuse-moi... lui souffle-t-elle avec une petite moue de circonstances. Je suis juste... J'ai la tête ailleurs, admet-elle. Rien ne sert de mentir, surtout qu'elle n'a pas à avoir honte de ressentir ce qu'elle ressent, n'est-ce pas ? C'est juste... humain.

J'ai reçu une lettre, mon mari est actuellement à Seattle et apparemment, tout ne s'est pas passé comme prévu là-bas, explique-t-elle à Molly poliment. Il va bien, enfin... Il est vivant de ce que j'en sais, précise-t-elle. Mais c'est... elle cherche ses mots, hésite sur ce qu'elle peut vraiment dire. Enfin, j'imagine que c'est normal de craindre un peu pour l'autre quand on n'en sait pas plus, ajoute-t-elle en haussant les épaules. Je me fais sans doute des films parce que je suis inquiète, et rien d'autres. Comment tu te sens ici, alors ?