J’ai relu plusieurs fois la lettre, les mains tremblantes, incapable de comprendre ce qui été écrit dans un premier temps. Après toutes me demandes et mes recherches, toutes ces semaines passées à la chercher, à m’inquiéter, à ne cesser de me torturer l’esprit, toutes ces nuits d’insomnies, à ressasser mes pensées, et ils… envoient une simple lettre. Pour nous informer qu’elle est guérie. Guérie… Et c’est encore pire en un sens. Quand je vois comment ils ont réussis à… blesser Ray, à le changer, je suis terrifiée de ce qu’ils ont pu lui faire. Mais elle est en vie. Si je refuse de me l’avouer, durant tout ce temps, je ne pouvais m’empêcher de me dire que peut-être… Ils ont l’habitude de faire disparaître les gens qui sont trop problématiques. Et Mei-Lin est la définition même de la contradiction, de l’opposition et de tout ce qu’ils abhorrent. De ce qu’ils craignent. Alors ce n’était pas si insensé de penser qu’elle… n’était plus là. Mais elle est là. En vie. Même si j’ignore encore dans quel état. Pour le moment.

J’aurais dû attendre que Mason rentre à la maison. C’est sans doute ce qui aurait été le mieux, le plus acceptable. J’ai essayé de m’en convaincre et de patienter. J’ai tenu une demi-journée. Au final, j’ai juste demandé à Anjali de ne pas en parler à Mason non plus pour le moment. De toute façon, il rentre bientôt à la maison et pourra tout lire lui-même. Mais il a bien d’autres problèmes à gérer, bien d’autres difficultés à affronter. Et tant que je ne l’aurais pas vu, que je ne saurais pas à quoi m’en tenir, à quoi bon lui rajouter cela ? Je suis là, je peux m’en occuper, comme je le fais depuis le début, et j’aviserai en fonction.

J’ai mis une jolie robe parfaite, qui flotte néanmoins un peu sur moi maintenant, et j’ai fait de même pour la demoiselle qui m’accompagne. Je me suis maquillée, masquant mes joues creusées et mes cernes, je me suis coiffée avec soin, remontant mes cheveux en une queue de cheval haute, j’ai mis un bandeau sur la tête de ma fille. Des gestes habituels, répétitifs, davantage fait pour m’apaiser et m’apporter confiance en moi que pour répondre à leurs attentes au final. Un sac avec quelques affaires et je suis partie avant de me faire dévorer par mes inquiétudes et mes terreurs.

Je parviens à franchir les différents postes de sécurité, contrairement aux fois précédentes, et j'arrive à atteindre la maison du général O’Connell et de ses épouses… La maison de Mei… On me mène jusqu’à un petit salon alors qu’ils vont chercher Mei. Je laisse  la poussette, dans laquelle se trouve Gabrielle qui dort près du canapé, et fait nerveusement le tour de la pièce.