Je relève le nez de mon bouquin alors que je vois l’heure. Et je lève un sourcil, non sans un bref soupir. Comme je l’avais imaginé, Mina est encore en retard. Reste à voir si elle sera juste à la bourre ou si elle va tenter d’esquiver la visite médicale. J’peux comprendre que ça lui plaise pas, mais j’espère qu’avec le temps, elle s’habituera à tout ça. Et qu’elle comprendra que c’est pour son bien.

Mais pour la peine, je me relève et je vais trier le matos utilisé dans la matinée pour tenir à jour le stock. Avant que Lisandro ne me fasse les gros yeux quoi. J’attrape Alpha qui est en train de jouer avec une bande qu’il a déroulée. « On se calme dis donc. » Un miaulement de protestation alors qu’il tente de choper de nouveau la bande de tissu. Sauf qu’il s’arrête directement, les oreilles s’agitant en direction de la porte, ses griffes toujours plantées dans la bande. « Oh, salut Mina. » Soufflé d’un ton joyeux, comme si de rien était, alors que je réprime mon sourire en voyant le bâton autour duquel elle a noué un mouchoir blanc. Visiblement en signe de reddition à voir ses épaules voûtées et sa tête basse.

Forcément, j’suis un peu attendri et Alpha en profite pour faire dérouler la bande jusqu’au sol pour se précipiter dessus. Avant même que j’ai le temps de dire quoi que ce soit, la demoiselle va s’assoir sur la table d’examen. Et j’ai un bref soupir avant de reposer les médicaments que j’avais en main pour me rapprocher d’elle. « J’ai cru que t’allais pas venir. » Soufflé d’une voix douce, alors que mon regard accroche le sien. Et je reprends, toujours sur le même ton. « Je sais que t’as pas envie d’être là. Et ça tiendrait qu’à moi, je te laisserais tranquille tu sais. » Tout en parlant, je récupère de quoi faire l’examen. « Tu sais ce que c’est un paradoxe ? » J’attends de voir si elle hoche la tête ou pas. « Parce que tu vois, on est en plein dedans là. Moins tu vas vouloir venir, plus tu seras obligée de le faire parce que tes blessures vont pas bien se cicatriser. Tu vois ce que je veux dire ? » Je lui laisse quelques secondes, me demandant si Nihima a commencé à lui donner ses cours de langue des signes ou pas. De mon côté, je commence à apprendre quelques bases histoire de pouvoir la comprendre quand elle voudra communiquer. Autant le faire le plus tôt possible non ?

J’arrive même pas à imaginer à quel point ça doit être la galère pour cette pauvre gosse. Déjà, se retrouver toute seule, c’est pas simple, mais en plus, elle s’est retrouvée privée de tout moyen de communication. Et je parle même pas du traumatisme lié à ce qu’on lui a fait. Au moins, elle accepte le contact et on a pas à la sédater pour les soins à lui donner. Ce qui est déjà énorme. Alors, j’essaie de pas trop la brusquer.

Comme d’hab, la présence d’Alpha aide à détendre un peu l’atmosphère, même s’il se laisse pas attraper aussi facilement. J’en profite pour essayer de lui expliquer un peu les choses mais, visiblement, je m’y prends pas très bien. La voilà qui fait quelques signes et je hoche la tête. « Ouais, je vois. Tu pensais que t’aurais juste à manger et à te reposer, c’est ça ? » J’ai un bref soupir. Je sais, ce sont les principales consignes que j’ai données. Et je vois bien à sa mine boudeuse qu’elle se sent arnaquée. « Effectivement, il faut que tu fasses ça pour aller mieux. Mais tu as été gravement blessée Mina. Et on doit s’assurer que tu guéris bien. Sauf que, si tu veux pas que je regarde, ça pourrait s’aggraver. Et on devra recommencer du début. » Peut-être que là, elle comprendra un peu mieux où je veux en venir. « Mon boulot à moi, c’est de vérifier que tu vas de mieux en mieux. Et un jour, tu seras plus obligée de venir me voir aussi souvent. Ca voudra dire que tout roule pour toi. » C’est pas demain la veille malheureusement, mais on tient le bon bout, c’est déjà ça.

Heureusement, le chat se joint à nous de nouveau et arrive à capter son attention. Alors, clairement, j’en profite pour examiner le plus compliqué. Comme à chaque fois, ça me serre le cœur et ça me fout en colère de voir de quoi les gens peuvent être capables, encore plus avec une gamine de cet âge. Mais je garde le sourire, pour pas lui faire peur. « Bon, ça cicatrise bien. Continue de faire comme je t’ai dit quand tu manges et après et ça ira. » Alpha se frotte à elle en ronronnant, réclamant des caresses, avant qu’elle se mette à mimer de nouveau quelques mots. Et j’ai du mal à réprimer un sourire amusé. « Tu ne veux pas de piqûres c’est bien ça ? » Je fais mine de me tapoter le menton, faussement pensif. « Va falloir que je réfléchisse. Qu’est-ce que tu me donnes en contrepartie ? Si je te demande un service à la place, tu le ferais ? » En réalité, aujourd’hui, elle n’a pas besoin d’injection. Mais autant en profiter pour lui faire faire autre chose non ?