J’passe une main sur mes côtes, essaie d’encaisser la douleur sans me recroqueviller comme un connard. J’ai mal au crâne aussi. Cette nana m’a vraiment pas raté. Kira, donc.

On a cédé notre place à un autre combat, l’effervescence continue de grimper autour de la cage. Moi, j’ai filé sans la regarder, j’admets avoir eu l’espoir qu’elle oublie ce qu'elle me doit ou m’perde dans la foule. La table des paris est libre maintenant. Il n’y a plus que le matos de tatouage que j’ai utilisé tout à l’heure, et que je compte bien remballer…

Mais quand j’m’asseois sur l’une des chaises, j’relève instinctivement les yeux. C’est elle qui approche. Elle lâche pas l’affaire et j’dois bien avouer que c’est particulièrement insupportable de m’y résigner par-dessus l’humiliation du combat perdu.

“T’as pas intérêt à me faire de la merde.” Fais-je d’un air clairement menaçant à la fille qui approche des aiguilles et de l'encre. J’l’empêche pas de fouiller, d’se servir, mais j’serre les dents de frustration - et un peu d’inquiétude. “Si t’abuses, tu repars d’ici avec du plomb dans le cul. T’es prévenue.” Visage fermé, je scrute chacun de ses gestes. “T’as déjà fait ça au moins ?”

“J’serais resté pro. J’veux pas de mauvaise pub.” Bah, c’est un peu mon taf maintenant, nan ? Vu le succès que ça a eu ce soir, j’suis pratiquement sûr de recommencer. ‘puis j’dis pas ça juste pour essayer de sauver ma peau hein…

Je la suis du regard qui s’approche et touche à mes affaires. Au moins, avec le handpoke et sans machine électrique, elle se contentera sûrement d’une pièce plus petite. “J’peux t’le mettre moi-même.” Le plomb dans le cul. Bon, reste qu’on m’en voudrait de blesser une cliente. Je me détends un tout petit peu quand elle affirme savoir dessiner. C’est déjà mieux que rien, j’suppose… Mais j’fronce le regard pour la suite. “La nuque c’est mort. C’est trop visible.” que je tranche sèchement. J’pourrai pas l’retoucher si elle me fait une merde - même si j’soupçonne que ce soit volontaire. Alors certes, j’suis p’têtre pas censé avoir le choix dans notre pari de merde, mais j’compte pas non plus me laisser faire. “Fais le moi sur l’bras. Ou l’épaule, le dos, comme tu préfères.” Même si ça m’enthousiasme pas non plus de ouf, ce sera toujours moins pire.

J’retiens un soupir et étire le bras pour attraper l’un des carnets et un crayon qui traînent sur la table, et l’invite d’un signe de tête à s’poser sur la chaise à côté de moi, là où était Billie tout à l’heure. “Tu sais c’que tu veux me faire ?” En ouvrant le carnet à une page vierge. Au moins j’peux superviser le dessin…