La journée tirait enfin sur sa fin et Sierra reposa la fourche en s'accordant un soupir, avant de poser les mains sur le bas de son dos pour s'étirer. Sortie le matin même de l'infirmerie, le travail ne manquait pas pour remettre en état tout ce qui avait été détruit ou abîmé par la tempête, et les chevaux demandaient une attention particulière. Du point de la jeune femme en tout cas, et c'était pour elle la logique même. S'ils avaient tous été éprouvés par l'orage, il en était forcément de même pour les chevaux, et l'agitation qui régnait dans le campement les rendaient nerveux.
Satisfaite de son travail, les chevaux nourris et pansés et l'écurie propre, Sierra quitta le bâtiment et s'arrêta un instant, le temps que ses yeux s'habituent au changement de luminosité, avant de se remettre en route. Tout en marchant, Sissi vérifia qu'elle avait bien son couteau sur elle, par réflexe. Savoir que des Remnants traînaient dans le coin avait le don de la crisper, c'était plus fort qu'elle. La canadienne connaissait parfaitement la politique de son groupe, aider ceux qui en avaient besoin, et n'avait rien contre cela, sur le papier. Mais voir de nouveaux venus débarquer au campement faisait qu'elle était instinctivement sur ses gardes, c'était devenu viscéral. Elle se sentait méfiante pendant un moment, avant de se détendre et de passer à autre chose. Mais que des membres issus des Remnants puissent se promener tranquillement parmi eux empêchaient la jeune femme de se sentir sereine.

Plongée dans ses pensées, Sierra déambulait sans vraiment faire attention où elle allait, laissant ses pas la mener. Elle prêtait attention à chaque silhouette croisée mais était trop loin de la plupart pour être capable de les identifier ou les reconnaître. Chaque personne aperçue en tout cas, semblait affairée à réparer et réhabiliter les habitations ou bâtiments détruits. Ce qu'elle avait elle-même fait presque toute la journée. Elle devenait d'ailleurs de plus en plus douée en bricolage, en tout cas dans les menus travaux.
Passant rapidement par les cuisines, Sierra prit quelques minutes pour grignoter un morceau, consciente que travailler l'estomac vide était le meilleur moyen de retourner dans un des lits de l'infirmerie, qu'elle quittait à peine. La jeune femme poursuivit son tour du campement, jaugeant de l'ampleur des dégâts. Les travaux de réparations étaient loin d'être terminés et les semaines à venir seraient des plus chargées, d'après ce qu'elle constatait et les températures des derniers jours n'aidaient pas vraiment. Passant devant la salle du conseil, Sierra ralentit d'instinct, hésitante. Il était évident que les membres du conseil avaient beaucoup à gérer en ce moment, ne serait-ce que dans l'organisation de la reconstruction du campement, et elle savait qu'elle n'avait pas vraiment voix au chapitre. Elle avait fait en sorte de toujours rester dans l'ombre, et venir se plaindre aujourd'hui ne lui semblait pas justifié. Secouant la tête en soupirant, Sissi s'apprêtait à reprendre son chemin lorsque la porte s'ouvrit, laissant sortir une femme. Malgré l'éloignement qui l'empêchait de distinguer clairement ses traits, sa silhouette fut reconnaissable aussitôt, et Sierra esquissa un sourire légèrement crispé, comme prise en faute. Avait-il suffi qu'elle pense à se plaindre pour qu'Andrea apparaisse ? Ca lui rappelait la directrice de son ancienne école, qui arrivait toujours à détecter quand l'un de ses élèves préparait un mauvais coup, et surgissait au détour du couloir.
C'était ridicule, Sissi n'était plus une gamine et elle ne s'apprêtait pas à faire une farce à son professeur.

S'avançant pour combler l'écart qui les séparait, Sierra tenta de prendre la température, pour savoir si elle était encline à la discussion ou pressée et attendue ailleurs.
Salut Andrea, comment tu te sens ?
Coulant un regard évident vers son ventre rebondi, la canadienne se demanda si la future mère ne ferait pas mieux de se reposer. C'était sûrement risqué de faire des tâches physiques dans son état. Soudain consciente qu'elle avait toujours la main sur le couteau porté à sa ceinture, Sierra relâcha son bras dans un geste qu'elle espérait détendu. Sans pouvoir s'empêcher de jeter un oeil à la ronde pour vérifier qu'aucune autre silhouette n'était assez proche d'elles pour évoquer une possible menace.