01/08/2022,
dans la matinée

Peu à peu, Emma prenait ses marques et commençait à comprendre qu'elle n'était pas prisonnière. Pas vraiment en tout cas. C'était étrange de partager son espace de vie avec d'autres, et elle se faufilait toujours dans les bois au cours de la journée, et la nuit aussi quand les autres dormaient. Elle préférait dormir dehors, par terre et à la belle étoile comme elle l'avait toujours fait, mais revenait rapidement juste avant l'aube pour que ça ne se sache pas. Elle ne tenait pas à perdre la liberté qu'elle avait, et craignait d'être enfermée si les humains l'apprenaient. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi elle revenait, à vrai dire, et ce constat l'agaçait prodigieusement. A force d'y réfléchir, elle avait fini par se convaincre que c'était pour la nourriture, mais sentait qu'il y avait autre chose. Elle n'arrivait juste pas à l'identifier clairement.
La matinée s'étirait lentement et chacun semblait vaquer à des occupations qui leur étaient propres. La petite oscillait entre curiosité et désintérêt total pour leurs activités, parfois intéressée par ce qu'ils faisaient et cherchant à comprendre pourquoi ils le faisaient, parfois jugeant leurs efforts vains et stupides, sans voir ou comprendre la finalité d'un tel acte. Dans l'ensemble, Emma trouvait qu'ils perdaient beaucoup de temps et d'énergie pour des choses futiles. La seule qui avait vraiment de l'importance était de trouver de quoi manger, mais elle ne les voyait jamais partir à la chasse.

Assise à même le sol dans l'herbe et profitant du soleil qui réchauffait l'atmosphère, la petite était occupée à tailler de fines et solides branches en pointe, pour se refaire un stock de flèches. Elle avait prévu de se récréer un arc aussi, le sien s'étant retrouvé cassé lors de sa chute, mais doutait qu'on la laisse faire. Elle jetait d'ailleurs des coups d'oeil réguliers autour d'elle, étonnée qu'on la laisse faire. Bon, on ne lui avait pas laissé de couteau et elle devait se débrouiller avec une pierre tranchante, mais ça faisait amplement l'affaire pour ses flèches.
Emma tourna la tête en entendant un bruit ténu et figea son geste, un peu surprise de voir un animal à quelques mètres d'elle seulement. Il lui fallut plusieurs minutes pour reconnaître un chien et la sauvageonne abandonna son travail en un instant. Elle pensait que tous les animaux domestiques avaient disparu à cause de l'épidémie, et en voir un, vivant et d'aussi près, avait quelque chose d'incroyable. La petite était partagée entre l'admiration pour l'animal d'avoir survécu et le réflexe conditionné de se dire qu'avec un animal de cette taille, elle aurait assez de nourriture pour quelques mois. Elle se releva lentement et s'approcha à pas lents, sans quitter le chien des yeux et qui l'observait en retour.
Arrivée à quelques pas, l'animal se mit à gronder doucement et Emma s'arrêta pour le contempler. La tête penchée sur le côté et les yeux légèrement plissés, la petite s'accroupit doucement et grogna à son tour, amusée à l'idée de pouvoir communiquer ainsi.