C'est sûr que c'est bien de m'occuper de ma mère, enfin au sens moral, mais Zi a raison. Faut aussi que j'apprenne à vivre pour moi. A découvrir qui je suis, sans me référer tout le temps à mes frangins. Et pour ça, j'imagine que je n'ai pas d'autre solution que de m'aventurer dans le campement tout seul. Pour voir ce que je suis capable de faire.

Le truc c'est qu'en ne parlant pas à beaucoup de monde, c'est pas facile de savoir où est-ce que je pourrais bien pouvoir filer un coup de main. Du coup je me retrouve un peu comme un con, debout là au milieu de rien du tout à essayer de savoir où est-ce que je pourrais aller. Perdu dans mes pensées, sur le coup, je ne me rends même pas compte que quelqu'un arrive dans ma direction.

Résultat : quand l'homme prend la parole je fais un bond sur place et manque de faire une crise cardiaque. J'ai même failli l'attaquer, par réflexe. Posant une main sur mon cœur, je me penche légèrement en avant pour reprendre mon souffle qui s'est subitement fait très court. On a pas idée de faire peur aux gens comme ça... Je parle plus pour moi-même qu'autre chose là, mais bon.

Je finis malgré tout par relever le regard vers le blond qui vient d'arriver et l'écoute se présenter. Par politesse, je lui tends la main pour le saluer et décide de lui dévoiler mon identité également pour qu'on soit sur un pied d'égalité. Moi c'est Jesse, j'ai rien fait de particulier. A part laver tous les jours la personne qui m'a mis au monde parce qu'elle est plus capable de le faire toute seule, mais clairement ça a aucun intérêt pour le camp ça.

Haussant un sourcil, je suis assez surpris par la façon qu'a l'homme de sauter du coq à l'âne et j'ai un peu de mal à suivre le chemin de pensée qu'il emprunte. Mais chacun son truc. Et bizarrement, j'ai l'impression d'être face à un homme aussi peu doué que moi pour les conversations. Ça risque d'être marrant ça. Ou pas. On s'adapte, ça fait bizarre d'être dans un endroit pareil après avoir été dehors si longtemps, mais je vais pas me plaindre. Ma mère est en sécurité, c'est tout ce qui compte.

Hacker ? Genre comme dans les films, le type derrière son écran à taper comme un malade sur le clavier pour pirater des super systèmes de sécurité hyper développés pour voler des trucs ? Je juge pas, je demande juste.

Je vais pas mentir, j'étais pas du tout dans un mood correspondant à l'arrivée d'un inconnu qui vient me parler. Surtout qu'en plus quand je fais l'effort de lui répondre et de me montrer un tant soit peu ouvert, lui a l'air subitement d'avoir un balais qui lui a poussé dans le fondement. C'est à se demander s'il m'a pas confondu avec quelqu'un d'autre et que du coup il cherche pas un moyen de se tirer de là fissa. Enfin, si c'était le cas il se serait pas présenté aussi rapidement. Je sais pas, il est un peu bizarre. Mais je le suis aussi, d'un côté, alors pourquoi pas voir vers où ira cette conversation.

Ah ouais ? Cool. Pourquoi pas. Je lui dis ça plus pour être poli qu'autre chose. Alors ouais, ça m'intéresse en soit d'apprendre des trucs mais... Je préférerais faire ça à partir d'un bouquin et en faisant mes propres essais de mon côté. Tout seul. Et quand il me propose de venir vers lui si j'ai besoin de quelque chose je me contente de le remercier d'un signe de tête. Il est... vraiment particulier. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure qu'il est mal à l'aise dans cette situation dans laquelle il est là tout de suite, et pourtant il fait l'effort de me proposer son aide. Soit il est maso, soit il est juste trop gentil pour son propre bien. Dans un cas comme dans l'autre, je sais pas trop sur quel pied danser face à lui.

Quand Cole prend place face à moi, je fais pareil et croise les bras en l'observant pendant qu'il me raconte à quoi consistait son boulot. Ouais, bon, ça fait moins rêver que dans les films du coup. Et quand je l'entends me parler de ce qu'il faisait par rapport au gouvernement, je comprends rapidement. J'ai droit à un conspirationniste en face de moi. Super ça. Je sais pas si je suis curieux d'entendre ses théories fumeuses ou si j'en suis blasé d'avance. Sûrement un savant mélange des deux j'imagine.

Je hoche la tête quand il me parle de son « vrai » métier, comprenant qu'il s'agissait surtout d'un truc alimentaire parce qu'il avait pas le choix, avant de regarder autour de nous comme pour essayer de trouver une solution pour me tirer de là. Il a l'air sympa le blond, mais je sais pas du tout quoi lui raconter. Sauf que je sais qu'il faut que je fasse aussi des efforts pour m'ouvrir aux autres. Ne serait-ce qu'un peu. Faire comme Zi m'a dit, essayer de découvrir qui je suis vraiment. Arrêter de vivre dans l'ombre de grands frères qui sont même plus de ce monde.

Et hm... T'es là depuis longtemps toi ? C'est comment ici ? Genre... je sais pas, les gens sont sympa ? Y'a des trucs qu'on est obligés de faire pour pas passer pour un ingrat ou une feignasse ? Je sais que c'est des trucs qu'on m'a déjà expliqué, mais au moins ça fait la conversation.

C'est vraiment bizarre comme situation parce que je sens très bien que l'homme en face de moi est aussi peu ravi que moi qu'on se retrouve à parler ensemble. Alors pourquoi est-ce qu'on continue de le faire au lieu de simplement tracer notre route chacun de notre côté pour ne pas avoir besoin de se forcer encore pendant longtemps ? Et pourtant, alors que j'imagine que ce serait la meilleure solution pour nous deux, je reste là debout à le regarder sans rien faire.

En même temps, je suis dans une position délicate. D'un côté j'ai envie de m'en aller parce que ça nous ferait du bien à tous les deux de ne pas avoir besoin de sociabiliser outre mesure alors qu'on en a pas envie. Et d'un autre côté, l'éducation reçue de mes parents et le respect qu'il m'ont inculqué m'empêchent de tourner les talons en plein milieu d'une conversation. Même si clairement Cole n'a pas l'air plus à l'aise que moi.

Je glisse mes mains dans mes poches, hochant lentement la tête pendant qu'il parle pour lui montrer que je suis attentif bien que mon regard balaye les environs comme pour essayer de chercher une quelconque raison de prendre la tangente. Je me balance sur mes pieds, passant de la pointe de ceux-ci au talon, alors que je prends une grande inspiration. Au moins il répond à ma question et la moindre des choses est de reporter mon attention sur lui quand il finit de parler.

Mes talents ? Sacrée question. Je sais pas, je dirais... Survivre ? Faut dire que j'ai pas mal fait que ça ces derniers temps, alors bon. Je sais me servir d'un fusil, mais de là à dire que c'est un talent je suis pas sûr. Avant j'aimais bien tout ce qui était science et tout ça. Mais bon, pas sûr que ce soit encore vraiment un truc où on peut s'épanouir maintenant... Faut dire que je suis loin d'imaginer ce qu'il se passe dans le complexe scientifique du camp. Et que je finirai même par y mettre les pieds à de nombreuses reprises plus tard.

Tu sais, je vois bien que t'es pas à l'aise pour discuter... T'es pas obligé hein, c'est cool d'être venu vers moi de base mais tu l'as dit toi même t'es pas super doué dans le social, et moi non plus. Donc... si tu veux qu'on en reste là, on peut hein. Je le prendrai pas mal. Et si un jour t'as besoin d'un coup de main pour la radio, je pourrai toujours te filer un coup de main si tu veux.