Le procès battait son plein et de ce que je savais, l'accusation terminait son réquisitoire aujourd'hui. J'étais partagée quand à la tenue d'un procès. Cela me paraissait tellement... hors du temps. Voilà pratiquement 7 ans que la crise avait débuté jusqu'à nous consumer, anéantissant une civilisation que l'on avait peiné à bâtir, bouleversant profondément nos vies si on survivait et nous détrônant du titre d'espèce dominante de la planète pour le céder aux goules pendant un temps avant que la nature ne reprenne ses droits. Mon esprit avait tellement été conditionné à devoir survivre et à garder un niveau d'alerte plus élevé qu'avant même en intégrant Haven que je me sentais... déphasée quant à l'idée d'un procès et pourtant, plus jeune, pendant mes études et mes années de juriste puis ensuite en tant qu'agente fédérale, j'en ai bouffé du procès, du rapport du greffier ou des décisions judiciaires. Néanmoins, l'État n'était pas revenu, les États-Unis ne furent pas renés de leur cendres, le juge n'était pas fédéral et aucune force de police digne de ce nom n'était là. Et pour ce que je savais de l'accusée inconnue, je faisais partie de la délégation de Haven mais je me demandais quand même ce que je faisais là.

En plein milieu du dispositif de New Eden, au lieu de ne rien faire, je ne faisais qu'observer. Interdiction de porter des armes ou même d'avoir un crayon et un bloc-notes hormis dans l'enceinte de la salle d'audience, ancienne école. J'étais sortie prendre l'air en partant de la salle d'audience. J'assistai à ce qui se passait mais je refusai de prendre part au procès. Peut-être étais-je trop butée sur le protocole mais les choses étaient, même si l'évènement avait les atours de ce qui s'était passé 7 ans en arrière. J'étais auprès des véhicules qui nous avaient amenés et je ne faisais que regarder les gardes de dehors. Depuis l'escarmouche avec les nouveaux Scarecrows, j'imaginai bien que les gus voulaient que tout se passe bien. Armés jusqu'aux dents, en tenue et patrouillant le long du périmètre... Tiens celui là là bas, son gilet était un peu trop grand pour lui, on aurait presque dit un scaphandre. J'étais adossée contre le mur du bâtiment, les bras croisés sous ma poitrine, en train d'observer. Hm... C'est vrai que pour prendre l'endroit d'assaut, à moins de disposer d'une armée ou d'une horde... Je repensai aux enfoirés qui nous avaient pris en otage à Portland et je les imaginai débouler ici. Un affrontement dont je me serai bien passé... mais une part de moi voulait les affronter et leur faire payer de m'avoir volé une partie de ma vie.

Je tournai la tête pour voir un homme également sortir du bâtiment. Visiblement je n'étais pas la seule à vouloir sortir de l'impression d'étouffement dans cette salle d'audience... Je regardai à nouveau devant moi en posant un pied contre le mur au niveau de ma cuisse faisant légèrement froisser le tissu de mon pantalon noir de tailleur, les bras toujours croisés sur mon chemisier blanc. Gardant le silence mon regard dévia légèrement vers ma gauche... pour réaliser que l'homme que j'avais vu sortir me regardait. Mais qu'est ce qu'il voulait lui ? Il n'était pas de chez nous donc forcément de New Eden. Va voir ailleurs si j'y suis... Il avait des yeux vairons ? L'un était noisette et l'autre plus clair... Avec une cicatrice en prime. Il ne détourna pas le regard... Je le fixai en retour, prête à décocher une mise en garde s'il était insistant mais en le jaugeant du regard, il m'avait l'air familier... Je n'avais pas déjà vu cet homme quelque part ? Je plissai légèrement les yeux pendant un instant. Le moment était étrange, on ne se parlait pas mais on se fixait l'un l'autre, mon cœur fit une légère cabriole car l'homme n'était pas désagréable à regarder. Ces yeux, ces petites rides aux coins des yeux, ces pommettes... Je voulus mettre un nom sur ce visage mais je ne le reconnus toujours pas. Je tentai une approche, voyant que l'homme avait fait un pas vers moi. Je ne bougeai toujours pas.

Cet homme le connaissait ? Mais comment... Je ne fis aucune réponse quand ce dernier répliqua à ma question car oui, il ne se contenta pas seulement de répondre mais il répliquait. Son nom sortit de ses lèvres également et les sourcils froncés, je le fixai sans rien dire pendant que ma mémoire fouilla dans ses archives. Hawksley... Hawksley... Ce fut la cicatrice sur sa paupière qui me fit un déclic. Mes traits se détendirent légèrement et je restai calée contre le mur. Je n'étais pas ici devant un parfait inconnu.


Les mots étaient sortis tout seuls en le regardant alors que mon esprit essayait d'effacer plusieurs années de fatigue, de passage du temps sur ce visage autrefois familier. J'avais un peu connu l'homme mais nous n'étions de toute façon pas assez proches pour nous connaître davantage même en dehors du boulot. Hawksley faisait partie de ses nombreuses relations que j'avais liées au travail et seulement au travail. Lorsque le chef présidait une réunion des différents chefs de bureau, il était là et il m'était déjà arrivé de discuter avec lui. Sans doute avons nous travaillé ensemble sur quelques affaires mais sans plus. Je ne me faisais pas beaucoup d'amis et l'homme n'en faisait pas vraiment partie.


Sous-entendant, lui où était-il passé ? Je me rappelai que le chef avait dispatché toutes les équipes disponibles pour aider l'armée contre les goules quand la situation devenait incontrôlable et qu'on se fichait éperdument d'où provenait ce virus et qui en était à l'origine, où ne cherchait plus qu'à préserver ce qui restait de société mais je ne savais pas où il avait envoyé Hawksley et ses agents. Mon cœur se serra en regardant à nouveau son visage. Ça me le faisait toujours quand je voyais quelqu'un... d'avant, du passé. Stroud ou Fischer m'avaient fait cet effet quand je les avais revus. Ma main serra le bracelet où je portais l'alliance de Mary.