Si Derek a fait des progrès coté rangement, je ne peux pas en dire autant de certains des mercenaires présents. Je pense que les autres expendables ne se rendent pas compte de mon emploi du temps sinon, peut-être qu’ils feraient, au moins, l’effort de me sortir leurs linges sales pour le mettre dans une zone accessible plutôt que m’obliger a aller le chercher sous leur lit ou dans leur placard. J’ai bien essayé d’instaurer un bac a linges sales commun, mais je pense que tenter de vider la mer avec un sceau percé aurait été plus efficace.

Resignée, et ce d’autant plus que Daemon a repris le gros des chantiers le temps que je me remette de mon accouchement, j’en profite pour faire les petits coins plus a fond qu’a l’accoutumé.  Le grand ménage de fin d’été en somme, un énorme moyen de tromper mon anxiété en m’occupant avec cette maniaquerie qui est la mienne.

L’inactivité était la porte ouverte a trop de pensées négatives, plus que jamais, il me fallait des occupations. La liste de ce qui n’allait pas me semble tellement insurmontable et plus pesante sans que j’arrive a comprendre que le retour de couche en plus de la fatigue jouent un rôle considérable dans cette état dépressif qui me mine. Sur le papier, je n’ai aucune raison d’être triste : des enfants en bonne santé, un mari aimant et pressent, une famille, car c’est comme ca que je vois les Expendables, comme je n’aurais jamais osé en rêver… mais c’est plus fort que moi. Je ne cesse de m’arrêter sur les petits détails négatifs, me persuadant que c’est moi la clé de tous les problèmes.

J’ai passé une bonne partie de ma journée entre le récurage, le rangement des caravanes, la lessives, la cuisine, les tétées et les enfants… je m’accorde avec bonheur une petite pause sur une table de camping installé devant ma caravane, à bricoler à l’ombre, un petit objet récupéré chez Leo. David, qui n’a que quelques semaines, roupille dans son landau alors qu’Ana et Elliot grognent d’être dehors mais dans un parc.

En attendant je prends du plaisir a réparer le ventilateur que j’ai déniché dans le chaos de chez Leo. Je suis fière de mon ingéniosité pour remettre d’aplomb ce que j’ai pris pour un outils fraicheur pour humain et non une pièce d’ordinateur que je saccage. Je ne sais pas comment notre Jesus arrive a accumuler autant de bazar et encore trouver son lit tellement sa caravane est encombrée. Heureusement que je suis passée faire un brin de ménage, pour ne pas dire une touffe. Dans tous les cas, j’espère qu’il sera content de mes réparations. Je redresse l’oreille quand, justement, j’entends notre doyen arrivé en vociférant. Avec douceur je le reprends :

« Leo ! Il y a un bébé qui dort… moins fort s’il te plait. »

Je reste la regarder en essayant de comprendre la raison de sa état. Le plus innocemment du monde je lui demande :

« Quand tu parles de bordel… tu veux dire qu’il y a encore du rangement a faire ? Si tu veux j’ai presque fini de réparer ton ventilateur, tu me montres après ou il y a du fouillis, je vais m’en occuper.»

Je ne me rends absolument pas compte que je suis en train de monter comme un ventilateur pour humain, ayant bricoler des pièces dessus pour lui faire plaisir, est en fait une pièce d’ordinateur que je viens surement de massacrer sans le vouloir.

« En attendant j’ai fait une tarte aux prunes. Tu en veux une part ? »

Je pense que note Leo couve quelque chose et ca m’inquiète. Il est tellement rouge avec les yeux qui doivent lui sortir de la tête que je crains une mauvaise fièvre, voir pire. Je vais lui demander comment il se sent quand il me coupe. Je fronce les sourcils quand il m’annonce que je fais n’importe quoi. Je ne fais jamais n’importe quoi, c’est presque tatoué sur mon visage, j’en suis certaine. Je suis une bonne bricoleuse et vu comment cette pièce était mal fichue, je ne vois personne d’autre capable de réparer son mini ventilateur :

« Comment ça ? Tu l’aurais voulu avec un pied plus haut ? Je peux encore modifier si tu veux ?»

Je reste a le regarder sans comprendre immédiatement ce qu’il me dit avant de mieux observer le ventilateur qui serait pour un ordinateur. Je suis une bonne assistante de magicien, une excellente électricienne, je commence a bien me débrouillé dans plein de domaine électronique, mais coté informatique… ce n’était déjà pas glorieux avant la fin du monde, autant dire qu’avec la quasi-certitude que je ne pourrais plus avoir accès a internet, je ne me suis jamais penché sur les intérieurs de PC. Je sens que j’ai peut-être fait une bêtise alors je tente, avec la plus grande innocence du monde :

« Tu es sûr de toi ? En même temps casera toujours plus utile pour te rafraichir toi non ? »

En fait j’ai du mal a comprendre pourquoi il se met en colère pour si peu. Quand il m’accuse de vol je prends un air de vierge indignée parce que, a défaut d’être vierge, je suis réellement indignée.

« Je n’ai rien volé du tout ! Tu sortirais ton linge sale et tu ferais ton ménage tout seul je n’aurais pas a venir chez toi pour m’assurer que tu puisses trouver ton lit et que tu aies des sous-vêtements propres à te mettre. »

En fait j’ai l’impression que tout le monde s’en fiche que je ne dorme pas et m’épuise pour qu’ils aient un semblant de confort et puissent se concentrer sur leurs tâches quotidiennes.

« Et de quel foutoir tu parles ? De celui que j’ai rangé ? »

Je me sens tellement outrée d’être accusée de vol et surtout de mettre du bazar. Si ma voix reste douce, mon visage trahis bien l’émotion qui est la mienne d’entendre une telle bêtise. Je soupire, me lève et vais chercher la tarte dont je coupe une part généreuse avant de lui mettre, d'autorité, une assiette et des couverts dans les mains avec un regard de maman un peu fatigué des caprices de ces enfants. Leo a beau être notre senior et m’avoir sauvé la vie, ca reste un expendables, donc un grand gamin a mes yeux. Ma voix est calme alors que j’essaye de trancher le souci :

« C’est tout ? Bon, je vais revoir mon système de rangement en mettant des étiquettes et si tu veux on fait ca ensemble pour que tu m’expliques comment je suis censée repartir tes affaires quand elles trainent. Quant a ton ventilateur, je vais le démonter et le problème sera clos. Ca te parait équitable ? Je te fais un thé avec ta part de tarte ou tu préfères que je te presse des fruits frais ? »

Oui, on peut discuter de choses peu agréables et manger en même temps, mon coté maman italienne. On ne fait rien sans s’assurer que le ventre est plein.

Avec un grand sourire maternel je le sers quand il demande du jus de fruits. L’hiver ne tardera pas et nous privera de tous ces petits plaisirs de l’été, alors, autant en profiter.

« Régale toi ! J’en fais d’autre si tu veux. »

Je le sens emballé par mon système d’étiquette et trépigne presque de lui présenter, via mon Paper board, les idées de réorganisation de son espace que j’ai eu. Je sens que ca va lui plaire. Je ne me départi qu’un peu de cette joyeuse humeur quand il m’accuse d’avoir cassé son ventilateur.

« Mais non ! Ne sois pas si dramaturge ! je vais te le réparer… et des aimant ca se remagnétise. On va forcement trouver une solution a nous deux. »

Je préfère voir ca comme un challenge plutôt que de me resigner. Sans compter que je ne comprends toujours pas son envie d’avoir un ordinateur fonctionnel… sans internet, ca reste juste une grosse machine a écrire, et encore, je ne suis même pas sur sans les logiciels. Je le regarde avec un air un peu outré :

« Comme ca brutale ? On voit juste a plus grande échelle que vous, c’est tout. »

L’éternel débat de deux métiers au nom proches mais aux domaines de compétence bien distinct. Même si je ne juge pas son métier, consciente de son importance, j’ai quand même le ressenti que la survie implique plus « du gros œuvre » que de l’électronique. Avec douceur, voir presque innocence, je lui demande :

« Tu voudrais faire quoi avec un PC qui fonctionne ? Je pensais que sans réseaux ca ne servait pas a grand-chose ? »

Si c’est jouer aux démineurs qui lui manque, Ava pourrait lui prêter sa console au moins un peu. Au moins, il a de l’appétit et je ne résiste pas a lui tendre une serviette. Je fronce les sourcils, intriguée, ne sachant pas trop quoi comprendre, tout en m’amusant de sa motivation et prête a me laisser conduire a ce qu’il veut me montrer, quitte a laisser le ventilateur a réparer là en attendant.

« Me montrer quoi ? »