Elle tint fermement Annabella contre elle, qui avait grandement envie de partir à l'aventure encore. Soo rentra de sa journée d'école, pour lui raconter tout ça, mais Andrea ne put vraiment la suivre dans l'idée. Pour ne pas l'inquiéter, elle lui souffla simplement qu'elle était fatiguée et qu'elle ne pouvait pas trop bouger, lui demanda aussi de s'occuper de sa petite sœur parce qu'elle ne pouvait pas vraiment le faire toute seule. Comme à son habitude, l'adolescente se montra serviable avec elle, prête à l'aider évidemment.

Il n'en était jamais autrement de toute façon entre elles, alors qu'elle embarqua Annabella dans le jardin pour aller refaire le monde en sa compagnie. Voilà qui l'arrangeait. Pile au bon moment où une autre contraction la prit et lui coupa le souffle soudainement, Andrea se raidit en sentant la douleur prendre jusque dans son dos et descendre dans ses jambes. C'était le jour, elle le sentait. Evidemment. La porte s'ouvrit à nouveau, sur son amant cette fois à qui elle offrit un sourire.

Corray, le salua-t-elle. Ils n'avaient pas eu le temps de se voir le matin même, Andrea dormait comme une masse quand l'homme était parti s'occuper de son côté, les journées bien remplies encore malgré l'arrivée du bébé. Elle tendit la main vers lui pour qu'il vienne la saisir, et qu'elle puisse s'appuyer sur lui pour se relever : Je vais avoir besoin de ton aide pour rejoindre l'infirmerie, souffla-t-elle à l'égard de l'homme pour que celui-ci comprenne bien le message. Le travail a commencé et...

Et les contractions n'étaient pas encore suffisamment rapprochées pour être intenable, en revanche suffisamment intenses pour qu'elle ne veuille pas être seule sur la route si l'une d'elle la prenait soudainement. Je n'ai pas encore perdu les eaux, mais d'ici quelques heures, ça devrait être le cas, expliqua-t-elle. Il était au point sur la suite logique des choses. Donc sur le fait que ça serait pour ce soir, ou dans la nuit, probablement. Ce que ça voulait dire surtout pour eux. Lisandro les attendait pour la suite du programme.

Tu peux... Tu peux dire à Soo d'amener Annabella à Ruben, il va s'en occuper, suggéra-t-elle en scrutant un temps Corray, comme à la recherche de son approbation. C'était le plus sûr désormais, ou alors il pourrait faire l'allé-retour pour s'organiser. A priori, son enfant ne naitrait pas dans l'heure, si l'accouchement d'Annabella avait été plutôt simple en définitive et avec le recul, toutes les grossesses étaient différentes et elle n'avait aucune idée de comment ça allait se dérouler présentement.

Elle eut un sourire pour lui : Il faudra faire prévenir les autres que je ne serais pas disponible pour... Deux trois jours, à peu près, expliqua-t-elle. Et encore, deux ou trois jours, ça risquait de faire beaucoup. Elle savait que Corray ne permettrait pas qu'elle se remette au travail trop rapidement, elle devait récupérer des forces et également prendre du temps pour son enfant. A cette heure, c'est Lisandro qui devrait être disponible, assuma-t-elle soudainement en sortant de chez elle, s'aidant de Corray pour avancer.

Ces quelques pas lui demandèrent par ailleurs des efforts. Le souffle déjà court, elle avait l'impression de courir un marathon avec un poids énorme sur le ventre. Et les contractions étaient vraiment douloureuses. Ce n'était qu'une question de minutes avant la rupture de la poche des eaux. Et toi, tu es prêt ? Demanda-t-elle en jetant un coup d'oeil à son compagnon, sourire en coin, l'air de lui dire qu'elle l'était probablement un peu plus que lui actuellement.

Dire qu'un an en arrière, ils n'imaginaient pas du tout en être là tous les deux. Mais c'était comme ça désormais et Andrea n'avait pas envie d'imaginer sa vie sans Corray. Ils gagnèrent l'infirmerie, trouvant en effet le chilien : Lisandro, eh, le salua-t-elle avec un sourire, avant de souffler longuement quand une autre douleur lui cerna le ventre violemment. Le travail a commencé, annonça-t-elle à son ami, pour tendre le bras vers lui et exiger encore un peu d'aide.

L’infirmerie était prête, le chilien sans doute un peu moins. Le suivi des grossesses leur permettait de toujours être prêt pour l’arrivée d’un nouveau-né et ils pouvaient se targuer de voir que leurs accouchements étaient - la plupart du temps - moins compliqués à gérer depuis qu’ils étaient équipés en conséquence. Le chilien était en train de faire l’inventaire - comme toujours quand il n’y avait aucun patient à gérer - quand la porte de l’infirmerie s’ouvre à la volée. Lisandro, eh. L’homme émerge en reconnaissant la voix d’Andrea et apparaît à l’entrée. « Holà… Oh là » Se corrige-t-il rapidement en la voyant grimacer devant ce qui semblait être une violente contraction. C’est là qu’il aperçoit Corray, fébrile juste à son côté.

Aussitôt, il prend ses airs rassurants qu’on lui connaît si bien - et qui peuvent être agaçants en pareille circonstance, mais si ça peut détourner l’attention du patient sur son propre mal, alors soit ! « Alors, il semblerait que ce soit le grand jour ! » Lance-t-il, de bonne humeur en venant rapidement rejoindre le couple pour soutenir Andrea. « On va s’installer un peu plus loin, tout le matériel est prêt près de ce lit-là. » Dit-il, en indiquant du menton le lit-dit à Corray pour lui donner un objectif, quelque chose à faire, le futur père semblait un peu perdu - comment cette situation ne le ramènerait pas près de trois en arrière, hein ?

Ensemble, ils installèrent Andrea le plus confortablement possible. « Tu m’autorises à pratiquer les premiers examens pour voir comment ça se présente ? » Qu’il demande, par habitude. Après son consentement, il explique à voix haute les examens qu’il s’apprête à faire autant pour la préparer elle que Corray, et s’applique. « Bien, la poche des eaux est bien rompue et ton col est presqu’assez dilaté. On a encore un peu de temps devant nous… Corray » Appelle-t-il, soudain. « Assieds-toi, je n’ai personne pour te rattraper si tu t’écroules maintenant » Dit-il, avec un sourire taquin. « Je vais chercher le nécessaire. » Souffle-t-il, avant de s’éclipser quelques instants pour ramener matériels, bassines, couvertures et cette petite couveuse sur roulette qu’ils sont parvenus à récupérer. Il prit également le temps de faire appeler Valeria pour venir lui donner un coup de main, une fois l’enfant né pour le nettoyer et le préparer, avant de revenir au couple installé.

« Je ne sais plus, vous aviez voulu connaitre le sexe du bébé avant ? » Il n’avait pas fait tous les suivis - étant donné son absence l’hiver dernier. Mais puisque Nolan avait été absent ces derniers temps avec le procès d’Harper, il avait pris le relais. En réalité, il savait ce qu’il en était ; il cherchait juste à les faire parler pour les détendre un peu alors qu’il s’installait à son tour.

Oh, prendre une pause ? L'espace d'une longue seconde, l'idée de Corray lui parait complètement folle. Et puis après un temps de réflexion, elle réalise qu'elle ne peut pas se permettre de revenir à l'assaut du monde aussi rapidement. N'a-t-elle pas envie de s'arrêter également ? N'a-t-elle pas à cœur de pouvoir respirer un instant et peut-être d'aller de l'avant ? Elle n'a pris le temps de rien dernièrement. Pas même de faire le deuil d'une amitié de longue date pourtant. Pourquoi ne pourrait-elle pas accorder ses journées à son enfant, sans culpabiliser d'en avoir envie ? Oui alors peut-être... Deux semaines ? Suggère-t-elle avant d'avoir un sourire amusé.

Elle a un peu honte de ne pas pouvoir faire mieux, mais elle se promet intimement de faire en fonction de ce dont elle a envie à l'instant T. Ce n'est pas le mieux mais ça sera, à défaut de pouvoir se livrer à tout son égoïsme. Dans l'infirmerie, la donne est néanmoins différente et Andrea, malgré la douleur, ne peut s'empêcher d'avoir un sourire amusé : Tu ferais bien de le surveiller, il va te retourner l'infirmerie sur un malentendu, suggère-t-elle à Lisandro, alors qu'elle entend déjà Corray se cogner. A la maison quand il angoisse, il se cogne partout, il y a parfois où je me demande comment c'est humainement possible, ajoute-t-elle avec un air complice.

Une nouvelle contraction, plutôt longue, l'annonce de Lisandro lui donne l'impression d'être terriblement impatiente que ça se termine. Et en même temps, n'est-ce pas normal ? Cette rencontre avec son enfant est inédite, n'est-ce pas ? J'ai connu pire, souffle-t-elle en réponse à Corray avec un sourire posé pour l'instant. Mais je ne te cache pas que j'ai aussi connu mieux, il y a forcément des moments plus agréables qu'un accouchement, pour tout dire. Et à peine dit-elle ça qu'une vague la saisit brutalement. Ouh... Celle-ci était plus douloureuse que les autres... souffle-t-elle, la respiration coupée. J'en ai encore pour quelques heures je pense, tu n'es pas obligé de rester à côté si tu as besoin de bouger, ajoute-t-elle pour Corray. Je suis sûre que vous auriez le temps de commencer et finir un monopoly, s'amuse-t-elle.

C’était bien une situation dans laquelle il ne s’était pas imaginé il y a un an de cela. Pourtant, aujourd’hui il était tout sourire et confiant alors que Corray et Andrea poussaient la porte de son infirmerie pour accueillir le nouveau membre très attendu de cette drôle de famille qu’ils formaient. Il faut dire qu’il y a des histoires qui marquent, mais certaines cicatrisent pour offrir un mieux. Tout n’était pas que d'amertume et de rancœur. Et puis le monde dans lequel ils vivaient aujourd’hui, ne leur offrait pas vraiment le luxe de se déchirer inutilement.

La remarque d’Andrea lui arrache un petit rire alors qu’il voit effectivement Corray se cogner sur un coin de meuble. « Je vois ça… » D’autant que le jeune homme semblait tellement concentré qu’il en perdait son humour. Finalement, s'asseoir était un excellent conseil vu la nervosité qui l’habitait. Il était encore en train de régler les machines et de s’assurer de la présence de tout son matériel alors qu’une contraction prit de court son ex-compagne. Il surveillait du coin de l'œil, mais comme il l'avait dit, ils en avaient encore pour un moment. Ca ne l’empêchait pas de compter mentalement les secondes espaçant les contractions. « Bien, alors si on ne veut pas se gâcher la surprise… » Lisandro tourna l’écran de l’échographe de façon à ce que les deux futurs parents ne puissent rien essayer de voir.

« Je vais vérifier que le bébé est dans la bonne position, d’accord ? » Ce qu’il fit alors qu’Andrea s’amusait d’une partie de monopoly à leurs dépends. Soulagement pour lui, l’enfant à naître semblait être positionné parfaitement. « Je serais obligé de le laisser gagner pour ne pas le stresser davantage, ce ne serait pas très drôle » Argue-t-il, avec prétention et un amusement non feint. Puis si les contractions continuaient à se rapprocher, ils devraient probablement s’arrêter en milieu de partie. Ce qui serait bien dommage - ou une délivrance, quand on sait à quel point un monopoly peut être interminable.

« De toute façon, j’ai des choses à expliquer à Corray… Je n’aurais pas de trop d’une main en plus… » Souffle-t-il, à l’intéressé, très fier de sa blague un peu nulle. « Il faudra que tu m’aides à prendre le bébé une fois que ce sera fini. » En réalité, il avait appris à le faire malgré son handicap, mais c’était aussi une façon de connecter le père à l’enfant, et il suffisait de voir les étoiles dans leurs yeux pour savoir que cette aide qu’il demandait était toujours une bonne idée. Mais encore fallait-il que Corray ne tourne pas de l'œil avant la fin, n’est-ce pas ? « Tu t’en sens capable ? » Demande-t-il, tout en observant toujours Andrea du coin de l’oeil alors que celle-ci luttait contre une autre contraction.

« Et toi, si tu sens que c’est le moment de pousser, ne te retiens pas… C’est ta deuxième grossesse, souvent cela se déclenche beaucoup plus vite la deuxième fois. » Lui dit-il, d’une voix posée et douce. La naissance d’Annabella avait été longue et si stressante - pour lui. Mais un merveilleux souvenir gravé à jamais dans son esprit. Les choses étaient différentes cette fois-ci. Mais ça n’en resterait pas moins inoubliable pour les deux futurs parents.