Matias, sa main se pose sur l'épaule de son compagnon. Sur le lit à côté d'elle, Matias dort d'un sommeil encore lourd. Elle en est incapable, ses phases d'éveil sont entrecoupées mais toujours très intenses alors que la douleur des contractions la prend au niveau du ventre, puis du dos. Elle souffle longuement pour encaisser le choc. Il émerge, elle rallume une lampe pour planter son regard sur lui. Mais son expression trahit le fait que le travail a commencé.

Déjà la veille, elle a eu droit à quelques contractions, à un rythme régulier mais éloigné. Rien de transcendant, elle ne s'en est pas inquiétée. Mais depuis le coucher, ce n'est plus vraiment une nouveauté pour elle. Pas besoin d'aller chercher Eden encore, mais c'est pour cette nuit, indique-t-elle à l'homme fermement en portant une main sur son ventre trop rond. Elle se redresse, dégage doucement ses jambes de ses draps : J'aimerais prendre un bain, pour atténuer la douleur, la demande est implicite, mais elle va avoir besoin de lui pour remplir la baignoire et pour aller jusqu'à elle.

Depuis quelques jours, Matias avance comme un robot. D’après des calculs maintes et maintes fois répétés, la date de l’accouchement approche à grands pas, à mesure que ses insomnies s’intensifient. Plus que jamais, son inquiétude du futur le tient éveillé, jusqu’au moment où, épuisé, il finit par s’endormir comme une masse, incapable de tenir plus longtemps. Même ainsi, son sommeil est agité par des cauchemars, réminiscences inconscientes des questions qui occupent son quotidien.

C’est dans cet état qu’Ana le réveille, et s’il voit d’abord flou, il sent soudain une sueur froide couler le long de son dos lorsqu’il comprend la signification du regard de sa compagne. Tu… D’accord, d’accord, souffle-t-il, se redressant et inspirant profondément pour se calmer. Tous ses instincts lui hurlent de se ruer hors du lit et d’aller chercher toute l’aide possible – Eden, mais aussi Allegra et Hazel. Néanmoins, il se contient et obéit à la jeune femme.

Puis elle réclame un bain et il hoche la tête, rejetant la couverture et sortant du lit, non sans lui avoir donné un baiser passionné. Je t’aime, dit-il en pressant son front contre le sien. Puis il se rend à la salle de bain, et entreprend de remplir la baignoire d’eau chaude. Après un moment, le cubain retourne dans leur chambre, et s’assoit sur le lit, une main sur le bras d’Ana. Comment tu te sens ? Ça va ?

Oui, ça va, assure-t-elle à Matias avec un sourire rassurant. Elle n'a pas de mauvaise intuition à propos de tout ça de toute façon, les choses se déroulent pour le moins naturellement à son sens. Les contractions sont proches mais... c'est supportable, promet-elle à son compagnon en lui demandant de l'aide pour marcher un petit peu maintenant qu'elle a l'autorisation de se glisser dans une eau chaude.

Ce n'est pas déplaisant, c'est même un soulagement pour atténuer un petit peu la douleur. Son corps fait tout le travail pour elle, et elle n'a qu'à le suivre, avec une simplicité qui lui parait déconcertante. C'est dans sa baignoire qu'elle se délasse comme elle le peut, inspirant longuement à chaque vague qui revient, avant de souffler. Au bout d'un long moment, les choses semblent s'accélérer. C'est sans l'aide de son compagnon qu'elle se redresse et sort de la baignoire en s'entourant d'une serviette.

Elle remet un t-shirt trop large pour elle, en s'installant sur le bord. Matias ? Appelle-t-elle doucement. Sans crainte dans la voix, elle lève le regard vers son compagnon qui revient, encore nerveux. Mais elle n'est pas étonnée de cet état de fait, elle l'entend ruminer depuis un moment : Les choses vont un peu plus vite que prévu, peux-tu aller chercher Eden ? Lui demande-t-elle avec un sourire. Vu la configuration, Ana espère presque que leur médecin aura le temps d'arriver avant qu'elle n'accouche vraiment.