fin août.

Elle se trouvait là depuis déjà une semaine, peut-être même deux. Médicalement parlant, la fausse couche s'est déroulée comme il fallait, elle n'avait pas perdue énormément de sang, et cette dernière a été complète. Pas besoin d'une intervention chirurgicale, ni même d'un traitement médicamenteux trop lourd. En deux jours maximum la trentenaire pouvait récupérer ses affaires et retourner se lover dans les draps doux de sa chambre. Elle s'est laissée manipuler comme un pantin, à coup d'auscultations à répétitions, d'échographies, et tout le bordel. Moralement évidement, c'était autre chose.

Lily a passée de nombreux jours dans le lit de l'infirmerie sans bouger, allongée sur le côté à fixer un point invisible sur le mur en face. En état de choc, elle ne parvenait pas à lâcher le moindre mot. Les draps se levaient et de baissaient, signe qu'elle était au moins encore en vie pour rassurer les médecins, et qu'il lui arrivait de s'endormir sous l'épuisement. Des phases de sommeil qui ne duraient pas longtemps mais suffisant longs pour laisser le temps à son corps de récupérer. La fermière n'a même pas le souvenir d'avoir croisée quelqu'un, ni Ruben, ni personne. Pas même Caleb qui pourtant s'est démené plusieurs jours à la faire parler, ou même à s'occuper de son bien être.

Et aujourd'hui elle a enfin regardée autre chose que le mur blanc, et a soufflée quelques mots au médecin présent. Impossible de se souvenir de qui, en revanche. Je vais t'aider. Tu veux passer les prochains jours au loft ? La blonde sursaute presque lorsque la voix du bûcheron sonne à ses oreilles, et elle ne parvient pas à le regarder dans les yeux, tiraillée par la honte. Pour seule réponse, elle secoue négativement la tête, s'enferme dans ses bras, et prend la route de sa caravane. Il n'a pas cherché plus loin.

Après avoir passée l'après midi sur son canapé, la fermière s'est décidé à rejoindre sa chambre ; où elle retrouve de nombreuses tâches de sang. Une main sur sa bouche, la blonde tente de retenir une avalanche de larmes ainsi qu'une violente nausée. Hors de question de rester ici. Sans un regard derrière elle, la fermière quitte sa caravane pour rejoindre la forêt environnante. Prendre l'air. Peut-être vomir sa détresse.

Lily inspire une profonde bouffée d'air frais ; ce n'était pas vraiment difficile, la température avait bien chutée ces derniers jours, et pour l'instant elle avait réussi à échapper à la crève d'automne. Pourtant, son geste n'a aucun effet sur son corps, si bien qu'elle finit par perdre pied et se retenir douloureusement au tronc d'un arbre, contre lequel elle déverse son pauvre dîner. Enfin, pour le peu qu'elle a englouti, ça ne dure par bien longtemps, mais assez pour lui irriter la gorge et l'estomac. Son visage rougit, elle est envahi par les sueurs ; une bien triste soirée, encore.

Fébrile, elle s'essuie vulgairement avec le revers de sa main avant de s'essuyer sur son pull, de toute façon déjà sale puisqu'elle le portait depuis deux jours. C'était un fait, elle n'avait plus envie de rien, et se demandait même pourquoi elle continuait à lutter contre les évènements de la vie qui s'acharnaient sur son sort. Ironique. A croire qu'il faut souffrir dans la vie, mais éviter d'en rajouter une couche pour ne pas se prendre encore plus de la merde sur le dos.

Appuyant son front contre sa main posée sur l'arbre, elle en vient même à avoir un rire sombre animer son corps. Elle n'avait plus Caleb. A tout foirée avec Ruben. Peut-être qu'au final, toute cette histoire avec le bûcheron, c'était de sa faute ? Comme avec son ancien ami ? Qu-quoi ?! On la coupe dans sa rêverie, se retrouve brusquement et tombe presque à la renverse tellement elle est surprise. Devant elle Malik, qu'elle a déjà vue traîné avec Ruben. Je.. quoi ? Il voulait quoi, l'adolescent ? Elle plisse des yeux sans rien comprendre.

Elle n'a même pas le temps d'en placer une, que le voilà qui se lance dans une tirade aussi longue que le monde, et elle hésite même à partir ; il semble tellement à fond dans son monologue qu'il serait capable de pas la voir disparaître. La fermière se met même à prier Caleb d'arriver à sa rescousse. Att-attends, parles plus doucement Malik. Pourquoi ça lui tombait dessus ? J'ai rien, j'suis juste un peu malade c'tout. Il n'avait pas besoin de savoir les détails du pourquoi et du comment, surtout à son âge.

Elle a un long soupire épuisé, essuie à nouveau son visage avec l'aide de sa manche. Hurricane va bien, il est dans son box. Pourquoi t'irais pas le voir ? Propose la blonde, l'air innocente, un sourire forcé. A son âge, ils aiment bien les animaux non ? Avec un peu de chance, peut-être qu'il dira oui et la laissera tranquille. Attends, et toi, il est où ton père ? Pas très envie que si il lui arrive quelque chose, que ça lui retombe sur la gueule.

Un rire nerveux s'échappe de la bouche de la trentenaire, fébrile, qui passe une main sur son front perlé de sueur. Ouais, clairement, elle aurait préféré être malade à cause d'un poisson pas frais qui passe mal. Malheureusement la vie en a décidé autrement, comme si elle n'avait pas assez fait de bonnes actions dans sa vie pour mériter un peu de bonheur. Mmh. Elle n'a pas le temps de lui répondre que Malik se répond seul. Non, c'est plus.. personnel. Lâche-t-elle finalement pour éviter de tourner pendant des heures autour du pot.

Elle a un faible soupire. Oui, pourquoi pas. Après tout, ça ne lui fera pas de mal à elle aussi de voir son fidèle cheval. Hurricane est une présence parfaite lorsque son moral était au plus bas. Et puis ça ne lui fera pas de mal à Malik aussi de traîner plus souvent avec les chevaux, surtout à The Haven où c'est le moyen de locomotion numéro un. Ah ouais. Elle a un court rire, fixant le jeune droit dans les yeux en sentant le mensonge à trois kilomètres. Sachant qu'elle n'a jamais traîné avec son père, ça serait étrange qu'il envoi son fils pour voir comment elle se porte.

Mais elle ne creuse pas le sujet plus loin, pour ne pas le mettre mal à l'aise. Elle allait enchaîner sur autre chose pour définitivement clore la discussion et rentrer chez elle, lorsque Malik souffle quelques mots qui suffisent à l'immobiliser. Son coeur manque de se briser, elle devient encore plus blanche qu'elle ne l'était, et se tourne lentement vers le jeune. Quoi ? Sa voix n'augure rien de bon, et elle se rapproche de Malik d'un pas décidée. D'où tu connais Rick ? C'est quoi cette histoire ? Elle n'en avait parlé à personne. Pas même Ruben, qui n'avait pas pris la peine de connaître toute l'histoire.

Seul Caleb était au courant. Le seul encore sur qui elle pouvait entièrement compter, malgré leur passé commun. Ecoute, je sais pas où tu as entendu cette histoire, d'où tu connais Rick, mais tu vas me faire plaisir d'en parler à personne. Si Lily pouvait être une personne adorable et douce, certains sujets étaient assez fragiles.

Sur le moment, Lily ne se rend pas compte à quel point elle pouvait faire peur à Malik avec son regard noir. Elle qui n'a jamais fait peur à personne avec son visage de poupée, malgré les cicatrices, ça lui semblait irréel que le petit face à elle prenne peur à ce point. Elle ne s'inquiète réellement que lorsque ce dernier tombe à la renverse lorsqu'il se prend une racine, sûrement, en reculant un peu trop brusquement. Mais la fermière n'a pas le temps d'exprimer son inquiétude que Malik se défend comme il peut.

Sans parler qu'il se met d'un coup à pleurer, vraiment. Lily reste bouche bée sans savoir quoi dire ni quoi faire, et ne peut pas vraiment lui en vouloir d'avoir voulu être trop curieux. C'est normal à son âge, non ? Ecoute, Malik.. Mais là encore, elle n'a pas le temps de reprendre une discussion posé avec lui que le pré adolescent se relève brusquement, sur de lui, comme prêt à lui faire face, à se comporter en adulte. Et la suite, et bien.. ça lui scie les jambes.

Une méchante. C'est simple, c'est juste le résultat d'une défense, mais c'est suffisant pour toucher la trentenaire qui repense alors à Ruben. Peut-être que c'est vrai, au final. Un long soupire passe la barrière de ses lèvres alors que la jeune femme se pince l'arête du nez. Malik, déjà, tu vas changer de ton. Parce qu'elle veut bien être calme, mais il y a quand même des limites. Elle repose ensuite son regard sur son cadet. J'allais pas t'engueuler, mais si tu continue dans cette voie là, ça risque d'être le cas dans pas longtemps. Et si elle ne risquait pas de lui donner de gifle, le traîner jusqu'à son père pour tout déballer sera suffisant.

La fermière vient alors s'asseoir sur le tronc d'un arbre qui jonchait le sol, tapotant sa main à côté pour inviter Malik à faire de même. C'est des problème d'adulte, pour faire simple. Et.. ce que j'ai eu, à l'infirmerie, le pourquoi, je l'ai dis qu'à Caleb parce que je lui fais confiance et que je ne veux pas que ça s'ébruite. C'était déjà assez dur à vivre. Alors on peut faire un marché. Si tu gardes le secret, je n'irais pas voir ton père. Elle lui tend son petit doigt, pour le lié au sien, geste qu'elle avait l'habitude de faire avec Ruben pour se faire une promesse. Je suis désolé de t'avoir fait peur, mais c'est.. c'est une histoire compliqué pour moi.