Si William écoutait Cole, il restait dubitatif quant à ses propos. Tout le monde mentait ou était susceptible de le faire à n’importe quelle personne de son entourage. Pour peu que la cause le justifie. Enfin, tout cela dépendait de ce que l’on qualifiait de mensonge, aussi. S’il s’agissait d’une omission, qu’elle soit qualifiée ou non de mensonge dépendait de la personne qui en était la cible, la plupart du temps. Mais cela ne le regardait pas, pas plus que les relations entre cette Eve et son interlocuteur du moment. « J’espère ne pas avoir à être mordu, si je suis vacciné un jour, pour en prouver l’efficacité, pour être tout à fait honnête. » Déjà qu’il n’était pas convaincu par l’idée de se faire vacciner, il n’allait pas inconsciemment se jeter aux devants du danger et laisser l’opportunité à un mort-vivant de le mordre, juste pour voir si c’était vraiment efficace. « On a de la chance, en fin de compte, que Clayton soit l’un des nôtres. » Will arqua tout de même un sourcil dubitatif à la mention qu’il aurait pu croire que Clayton n’existait pas. Une légende pareille, même si l’on ne pouvait pas connaître la population entière de l’île, aurait été plutôt difficile à inventer. Surtout sachant que nombre de gens, lui inclus, avaient vu Clayton se faire mordre et ne pas y succomber.

Plus Cole parlait, malgré tout, plus William était circonspect. Il était certain qu’ils ne communiqueraient jamais sur ce qui composait le vaccin, et la plupart des habitants de l’île n’en aurait par ailleurs strictement rien à faire. « Je ne suis même pas certain d’avoir envie de savoir de quoi il est composé. » Pour un peu, il se demanderait s’il n’y avait pas du sang de rôdeur. Est-ce que ça expliquerait cette subite envie de viande, quitte à tenter de dévorer un autre humain ? Peut-être même était-ce de la chair humaine qu’il désirait, et non pas de la viande. L’idée arracha un haut-le-cœur à Will, qu’il retint très difficilement, masquant absolument pas son dégoût. Si Cole le questionnait, il dirait que c’est l’idée d’attaquer un autre humain à cause de ça qui le rendait quelque peu malade.

« Probablement trop loin de vous. » Il en avait, évidemment, entendu parler, mais ce n’était que des échos, déformés par le bouche-à-oreille, par le goût gens pour le sensationnel, par les on-dit, aussi, pas forcément réalistes. « June est implacable, mais elle a la poigne qu’il faut pour diriger Brainbridge. Pour régenter le camp. » Même si elle était incroyablement ambitieuse et agissait dans son intérêt avant tout, Will en était convaincu.

S’il avait vu la carrure de Clayton ? Oui, et la fierté qu’il tirait d’être naturellement immunisé. C’était compréhensible mais William aurait fait preuve d’un peu plus de… subtilité, pour s’en vanter, très probablement. Bien que le manège de l’immunisé l’amuse et que, au fond, il soit plutôt reconnaissant de son existence, qui devrait leur permettre de survivre plus longtemps – c’était tout le fond de cette discussion, au final. Il ne pouvait pas nier la survie de Clayton, l’ayant vue de ses propres yeux.

Mais l’efficacité du vaccin ? Ça restait un pari, et qui lui disait qu’il ne développerait pas un troisième bras, une cécité partielle ou totale, un handicap quelconque, dans les années à venir ? Si tant est qu’il survivait jusque-là, du moins, mais Brainbridge Island était leur meilleur – leur seul – espoir pour ça. Donc peut-être qu’il pourrait se cantonner à l’intérieur, refuser de sortir à nouveau, et il n’aurait ainsi pas besoin de se faire vacciner. Parce qu’il n’était, au final, pas du tout convaincu.

« Ouais, c’est à se demander s’il n’a pas simplement évité la contamination parce que la morsure n’a touché que de la peau. » Une simple boutade, totalement infondée : aussi grand et musclé soit-il, il n’avait pas une couche de cent centimètres de peau qui protégeait de l’infection par morsure. « Je ne sais pas… D’un côté, ça confère une certaine liberté, si on sait que la morsure ne peut pas nous tuer. Peut-être que certains voudraient s’en assurer. » Mais ce serait une folie. Une pure folie.

Enfin bref, c’était peu pour lui. Il était réfléchi et pas du tout téméraire. « Peur ? Je conçois qu’elle soit impressionnante, mais elle n’est pas si effrayante que ça. Disons qu’elle sait ce qu’elle veut et qu’elle n’a pas froid aux yeux, mais c’est grâce à elle que l’on survit. » Parce que si elle se battait aussi ardemment pour eux qu’il ne l’avait vue se battre pour quitter l’île et continuer à travailler aux prémices de l’épidémie de morts-vivants… Oui, elle était leur seule chance. Baissant la tête, il regarda la montre à son poignet. « Je dois aller au dispensaire, malheureusement. Je leur poserai peut-être des questions sur le vaccin… » Même s’il devait aller voir Maeve pour le suivi de la blessure de son dos. Prenant le chemin vers la sortie, il se retourna et adressa quelques remerciements à Cole pour ses réponses avant de définitivement s’éloigner.