Une enveloppe fermée, posée sur la table bancale du salon, avec le nom de Maxine écrit dessus. Le papier semble avoir été raturé et froissé à plusieurs reprises.


Olympia, le 14 octobre.

Je sais, c’est totalement stupide de laisser ce message et je ne sais même pas pourquoi je fais ça. Du masochisme ? Peut-être. Une envie d'écrire ce qui est resté coincé l'autre jour ? Surement. Enfin, vu qu’il est peu probable que tu le lises, je serais le seul à savoir à quel point je peux être pathétique. Ce qui n’est pas une mauvaise chose au fond.

Et pourtant, il y a cette part de moi, totalement naïve, qui a envie de croire que tu viendras. Et que je n’ai pas rêvé tout ce qu’on a pu se dire avant cette dernière discussion. Que même si tu ne partages pas vraiment mes sentiments, tu as senti aussi qu’il y avait quelque chose de fort entre nous. Mais qu’il y autre chose que je n’ai pas compris et qui a provoqué cette réaction qui me dépasse toujours autant.

Que tout ça, ce n’était pas juste de la théorie. Que c’était bien réel.

Rien que de voir tout ça couché sur le papier me parait encore plus idiot. Peu importe.

Je repasserais demain et avant de partir. Probablement le mois prochain aussi. Mais promis, je ne chercherais pas à m’imposer ou à venir à Junktown. Je me débrouillerais pour voir Sasha à Olympia.

Surtout, prend soin de toi Maxine. Tu mérites de faire de belles rencontres.

Y.

L'enveloppe est défaite, ouverte, la lettre sortie. Lu et relu, froissée par le passage de ses doigts. Une autre feuille abimée par l'humidité, un stylo qui n'a pas fait son office. Des traces de ratures, et un message.

Je suis désolée

Le papier est déchiré pour ne laisser apparaitre que ce mot, le reste balancé, Dieu sait où. Pourtant, le tas de feuilles usées par le temps, jauni par la poussière, n'a pas livré tout ce qu'il sait. La mine trop appuyée a marqué le support dessous, sans qu'elle ne s'en rende compte. L'écriture est incertaine, tantôt trop vive, tantôt à peine lisible.

Non, ce n'est pas stupide de laisser ce message. J'aimerais pouvoir t'expliquer pourquoi, et comprendre par moi-même ce qui me pousse à te fuir mais j'en suis incapable. C'est pour ça que tu ne dois pas- Tu perds ton temps avec moi et mes conneries Je ne veux pas créer d'espoirs idiots parce qu'il y a une part de moi, trop lâche pour accepter ce qui est. A partir du moment où c'est devenu plus que réel, pour toi et moi.

Les lignes éparpillées ont du mal à se reconstituer. Le message avec, comme un puzzle, doit trouver un sens difficile à cerner. Mais le propos est comme sa pensée : disloqué.

Mais je ne sais pas faire, je ne saurais jamais, c'est pour ça que tu dois trouver mieux, cent fois mieux. Rien de difficile en réalité, si on est un peu honnêtes tous les deux. Ce que je ressens ne peut pas entrer en considération, je dois arrêter d'être égoïste et penser justement à toi. Je t'ai retiré déjà suffisamment de temps avec ta fille, pour... Rien d'autres que moi. Et chaque seconde que tu passeras avec Sasha en vaudra cent avec moi. Tu as de la chance, mais elle en a aussi.

Les ratures semblent être passés à travers la feuille.

Ce que je t'ai dit, ça n'était pas des mensonges. Ce n'était pas que ça. Tu me manques et je cro-.

Il n'y a plus rien.

Le message raturé a disparu. Soigneusement plié et caché dans la poche intérieure de la veste de Yuan, comme si ça permettait de le mettre en sécurité. Et une autre enveloppe, toujours avec la même écriture soignée, presque millimétrée.

Olympia, le 15 octobre.

Je me rends compte que j’ai dû te rater d’un cheveu. Et ça me rend dingue. J’ai lu et relu ton message. J’aimerais tellement que tu puisses m’expliquer Maxine.

Je crois que c’est encore à moi de savoir si je perds ou pas mon temps avec toi. Et clairement, ce n’est pas le cas. Tu ne réalises même pas à quel point ta simple présence me permet de voir la vie autrement. Et juste… de la vivre. Pas d’être un simple spectateur comme j’ai pu le faire ces dernières années.

Je ne veux pas trouver quelqu’un de mieux ou de différent. Ce que je veux, c’est cette réalité entre nous deux. Je n’ai même pas pu te remercier d’avoir veillé sur Sasha. Et de m’avoir permis de la rencontrer. Je sais que chaque minute passée avec elle sera précieuse. Mais pour autant, je veux continuer d’en passer avec toi.

Je repasserais demain. Et le jour de mon départ.

Et je reviendrais ici le mois prochain. Probablement le 5, si tout va bien.

J’ai vu que tu n’avais plus de feu. Garde ce briquet en attendant.

Y.

Elle n'est que de passage. Acte manqué, tout comme sa présence. Un soupir lui échappe, alors qu'elle pince les lèvres. L'appréhension de le voir et en même temps la frustration de le manquer. Elle ne reste qu'une heure sur place, le temps d'écrire un autre mot, qu'il aura, avant ce qu'elle suppose être son départ. Son retour n'aura lieu que dans un bon mois, un peu moins. Et elle n'est pas sûre de le voir à ce moment-là.

C'est mieux de ne pas se voir.

Je n'écris pas ça parce que je n'en ai pas envie. Mais parce que je crois qu'il est mieux de se sevrer. On en a discuté tous les deux. Et je sais que ta présence est- Tu es comme une drogue pour moi. Quand on en a, on en veut encore plus. Et quand il n'y en a plus, il ne reste plus rien, rien du tout.

C'est pour ça que je parle de sevrage. De ce que ça doit être. Je dois retrouver l'état dans lequel j'étais lorsque tu n'existais pas dans ma vie, et tu devrais en faire autant. J'aimerais retrouver celle que j'étais sans la passion étouffante que tu m'as fait ressentir, et te sortir de ma tête.

Tu crois que c'est possible ?

Que les choses deviennent... Ordinaires. Qu'elles n'agitent plus mon crâne et mon cœur ?

Un autre mot figure à côté, de travers sur la feuille. Comme écrit à la va-vite.

Je te manquerais encore cette fois. On verra à ton retour si tu as envie de me revoir.

Le briquet est fourré dans le fond de sa poche.

Un froncement de sourcils alors que, à la place de sa propre lettre, il y a de nouveau les mots griffonnés de Maxine. Il a encore dû la rater de peu. Ou alors, elle s’est arrangée pour être sûre de ne pas le voir. Difficile de savoir ce qui est le pire. Un soupir, alors qu’il s’installe et sort un stylo, laissant filer quelques mots sur le papier sans prendre vraiment le temps d’y réfléchir.

Olympia, 16 octobre.

Je ne suis pas sûr que ce soit mieux de ne pas se voir. De rester sur ce sentiment de passer à côté de quelque chose d’important. De vital même.

Peut-être que tu es comme une drogue pour moi. Je n’ai pas vraiment réfléchi à ça. Probablement parce que moi, je n’ai pas envie de te sortir de ma tête et que je ne vois pas ce que je ressens pour toi comme un fardeau ou quelque chose d’insupportable. Je ne pensais que c’était aussi compliqué de devoir composer avec moi. J’en suis navré.

Je ne sais pas vraiment ce qu’il est possible de faire pour toi ou pas. Mais je suppose que si tu en as vraiment envie, tu peux tout à fait te passer de moi oui. Moi ce n’est pas ce que je veux. Je n’ai pas envie de retrouver cette vie ordinaire sans ce moment où mon cœur s’emballe quand je sais qu’on va se retrouver. Sans pouvoir croiser ton regard et avoir l’impression d’être enfin au bon endroit.

Je serais là en novembre.

J’espère que toi aussi.

Le mot a été griffonné à la va-vite. Difficile de ne pas voir que son auteur était pressé par le temps.

Olympia, le 15 novembre,

Maxine,

Je dois rentrer plus tôt que prévu. Il se passe des choses graves et tous les membres de mon groupe sont appelés à revenir au QG. J’aurais aimé passer plus de temps avec toi. Et j’espère que j’en aurais de nouveau l’occasion.

Je ferais tout ce que je peux pour venir vous voir à Junktown en décembre. En attendant, j’ai pu échanger avec certains des membres de mon équipe. Il y a plusieurs médecins que tu pourrais essayer de voir si tu décides de mettre fin à cette grossesse. J’ai aussi récupéré des médicaments et des munitions, tu auras largement de quoi payer.

Je sais que le choix final t’appartient et je n’ai pas la prétention de savoir de quoi demain sera fait, encore moins aujourd’hui qu’avant. Mais je pensais tout ce que je t'ai dit. Et quelle que soit ta décision, je serais là.

Je t’aime.

Y.

PS : si tu peux donner le carnet et la petite note à Sasha, je t’en remercie.

Sous la lettre, plusieurs boites de médicaments, des chargeurs pleins et les coordonnées de Kaycee Barnett avec le moyen de la contacter. Ainsi qu’un cahier rempli de l’écriture de Yuan. Si Max les feuillette un peu, elle pourra y lire des anecdotes sur la vie de l’asiatique.