Esperanza gigote. Minuscule entre ses bras, Jacob a un instant de flottement. Il ne sait pas s'il s'est attaché à cette enfant, il sait cependant qu'il ne peut pas la garder. Parce que sa situation est encore trop instable, que sans Elliot, il ne pourrait pas conserver la garde des jumeaux déjà. Que New Eden ne l'estime pas capable de grand chose ici. A part être bon pour se battre dans des guerres interminables. Alors, il se remet en marche, direction la maison des Wentworth.

Il semble presque maladroit avec elle contre lui. Lorsqu'il frappe à la porte, c'est avec l'impatience qu'on lui ouvre. C'est chose faite lorsqu'il voit la silhouette du policier : Mason, excuse-moi de te déranger, souffle-t-il. Dans son dos, très rapidement, sa femme apparait. Le ventre bien arrondi par une grossesse en cours. Il a un sourire gêné : De vous déranger, ajoute-t-il simplement. Et... Comment dire les choses ? Tasya aimerait que vous vous occupiez d'elle, souffle-t-il soudainement en désignant la petite de la tête.

Jacob ?

Elle ne peut s'empêcher de froncer les sourcils de surprise en apparaissant à son tour sur le pas de la porte, main posée contre son ventre désormais bien rond que plus rien ne cache. Echangeant un regard avec Mason alors que l'aîné des Ross s'excuse du dérangement, et qu'elle ne s'efface pour l'inviter à rentrer rapidement, pas spécialement envieuse de savoir si on peut les écouter ou non. Refermant la porte dans le dos des deux hommes en venant croiser les pans de sa veste contre son ventre, relevant la tête alors que Jacob évoque de le prénom de Tasya, lui serrant le coeur, avant de voir la petite tête d'un bébé.

Mais que ... Dans ses bras, elle semblait si petite. Un nouveau né, assurément. Avisant le bébé avec de grands yeux, venant effleurer la joue de la petite du bout du doigt, avant de relever le regard vers Jacob, pinçant les lèvres.

Comment ça, Tasya veut qu'on s'en occupe ? Est -ce qu'elle va bien ? Du moins, au mieux possible, depuis sa disgrâce. Et surtout, à qui appartenait ce bébé bon sang ? Je peux ? demande t-elle néanmoins à Jacob, venant réceptionner le nouveau né dans ses bras avec une infinie douceur.

J’arque un sourcil alors que j’ouvre la porte sur la silhouette de Jacob. J’ai un temps d’arrêt, sans trop savoir quoi lui répondre, alors que les secondes semblent comme s’égrainer. Heureusement, Anjali est là pour éviter un silence trop gênant, alors que j’invite l’homme à rentrer d’un geste de la main, fixant le bébé – le nouveau-né même – qu’il a entre les mains. « Tu ne nous déranges pas voyons. »

Soufflé d’un ton presque absent, alors que j’essaie de comprendre le lien entre Tasya et cette petite chose rendue encore plus minuscule entre les bras de géant de Jacob. Si j’ai un sourire en voyant la façon dont ma femme récupère la petite, mon attention se reporte vite sur Jacob, que je fixe, toujours aussi perplexe. Je n’ai pas le temps d’en dire plus qu’une petite horde d’enfants se précipite dans les escaliers et que la tête brune de Keneka se fixe sur le bébé dans les bras d’Anjali. Puis son ventre. Puis de nouveau le bébé. « Mais pourquoi vous avez commandé un autre bébé ? Et pis, ze croyais qu’il fallait aller à l’hôpital pour ça ! » Elle bat des cils, alors que les jumeaux se sont arrêtés au milieu des escaliers. « Remontez dans vos chambres. Allez, ouste. » J’agite les mains alors qu’ils mettent quelques secondes avant de s’exécuter et j’entraine Jacob en direction de la cuisine où nous devrions être relativement tranquilles. « Explique-nous. » Tout en parlant, j’ai posé une main sur l’épaule du brun. Inutile de faire ou de dire quoi que ce soit de plus par rapport à Tasya. Je n’ai pas envie de le presser sur le sujet.

Le pire, c'est qu'il ne sait pas vraiment quoi leur dire à tous vis à vis de tout ça. Le couple en face de lui a forcément des questions auxquelles il n'a rien à dire. Et l'arrivée des enfants n'est pas pour le mettre plus à l'aise. Si ces derniers sont rapidement congédiés, il se trouve lui même muet aux interrogations du chef de famille. Oui, elle va... bien disons, répond Jacob, plus pour dire qu'elle n'a pas accouché de cette enfant.

C'est le bébé d'une disgraciée, elle a accouché II y a quelques jours mais un nouveau né n'a pas sa place la bas, assume l'homme fermement. Elle m'a demandé de la confier à des personnes qui pourraient s'en occuper, et m'a suggéré votre famille... Il l'aurait bien gardé mais... impossible dans sa situation. J'espère que ca ne vous dérange pas. Elle s'appelle Esperanza...

Keneka... le prénom est prononcé avec un air averti, alors que Mason incite les enfants à rejoindre leur chambre, réceptionnant le bébé dans ses bras. Elle était si petite, bien plus encore qu'elle ne le visualisait dans les bras de Jacob, la bordant avec douceur avant de venir l'emmaillotter dans le plaid qui traîne sur le canapé du salon pour la protéger de la fraîcheur, avant de rejoindre les deux hommes dans la cuisine et prendre place aux côtés de son mari.

Tasya allait bien, donc. Mieux que possible, visiblement. Hochant la tête, alors que Jacob évoque la naissance de ce bébé, et le fait que la mexicaine ait pensé immédiatement à eux, alors qu'elle vient poser le regard sur le nouveau né. Esperanza. Le prénom chargé d'espoir lui arrache un sourire un peu triste, laissant le bébé venir se saisir de son index en découvrant son nouvel environnement, avant de relever les yeux vers Mason. On ne peut pas laisser ce bébé aux mains d'inconnus, n'est-ce pas ?

Et puis, ce n'était pas comme si elle avait l'habitude de gérer des nourissons. Dimitri était littéralement né en extérieur, et elle avait appris à s'occuper de lui comme une mère, sitôt que la sienne avait rendu l'âme.

J’ai un temps d’arrêt, esquissant un sourire en voyant Anjali qui emmaillotte la petite avec douceur. Dire qu’elle est entre de bonnes mains dans l’immédiat est un euphémisme. Et, quand Jacob commence à raconter son histoire, j’ai un temps d’arrêt, non sans laisser filer un soupir. « Personne n’a sa place là-bas. » Soufflé dans un murmure pensif, alors que je fixe le bébé un instant.

Et, quand Jacob nous annonce que Tasya lui a suggéré notre famille pour gérer le nouveau-né, j’ai un battement de cils, un brin interloqué. C’est le regard d’Anjali et les propos qu’elle souffle qui me font relever la tête vers ma femme. « Non, bien sûr que non. » La question ne se pose pas vraiment. « Elle sera entre de bonnes mains ici. »

Mais j’ai quand même un froncement de sourcils. « Tu sais si c’est juste… temporaire ? » Sous-entendu jusqu’à ce que nous fassions tomber cet endroit. Est-ce que cette petite a toujours des parents ? « Il va aussi falloir trouver comment expliquer ça aux autorités. » Pas dit qu’ils apprécient de nous voir rafler un bébé sans prendre la peine de justifier quoi que ce soit. Même si j’ai du mal à trouver comment. « Vous avez une idée ? »

Il ne sait plus quoi dire et je ne sens pas spécialement à sa place ici. Tout lui parait étrange depuis qu'il a quitté Tasya et le bidonville. Le coeur lourd, il observe le couple, sait par avance que la petite sera entre de bonnes mains. Pour autant, le rancher ne peut s'empêcher de penser à sa propre situation et à ses enfants, séparés de leur mère pour... Pour quoi ? La situation d'Esperanza fait étrangement écho à la sienne.

Il a un soupir en venant regarder le duo devant lui : Elle a toujours une mère, annonce-t-il à Mason simplement. Il ne peut rien dire d'autre que ça. Si sa mère survit, alors... Un jour, elles pourront se retrouver. Du moins, il l'imagine : Je ne vais pas m'attarder, poursuit-il simplement, prêt à repartir. Si vous avez besoin de quoi que ce soit... Ils connaissaient son adresse.