La matinée avait été assez éprouvante. Allïa s'était aventurée dans les alentours de Crescent Bay pour chasser. Après deux longues heures de traque, elle avait réussi à tuer une magnifique dinde de 7 ou 8 kilos. Lorsqu'elle rentre à la maison, elle laisse la volaille sur le petit banc, se promettant de s'en occuper un peu plus tard. Son attention est attirée par des petits rires provenant du salon. Elle trouve Maes occupé avec Maya et Logan. Pendant l'absence d'Emilie et celle d'Isha forcément, le jeune couple s'occupe du petit garçon. Ils ont ramené toutes ses affaires dans leur petite maison et la cohabitation se passe bien. Les deux bébés s'entendent à merveille et se montrent aussi malicieux l'un que l'autre.

Un seul détail vient assombrir ce petit tableau : Les nuits sont assez chaotiques. Entre Maya qui sort des dents et Logan qui est un peu perturbé par l'absence de sa mère, Maes et Allïa passent de sacrés moments nocturnes à bercer l'un ou l'autre bébé, voir parfois, les deux en même temps. A dire vrai, c'est clairement l'enfer, de quoi couper toute envie définitive d’agrandir la famille Tremblay. Oh, l'archère a dû le répéter 4500 fois ces derniers jours : Maya n'aura jamais de petit frère ou de petite sœur ! Franchement, tuer du New Eden ? Easy ! Chasser du gibier ? Les doigts dans le nez ! Affronter une tempête ? Pff, trop simple ! Mais les nuits ! Mon dieu, les nuits ! Être réveillés toutes les 20 minutes par des pleurs ou des rires quand les enfants ont décidé que la nuit était finie à 2 ou 3h du matin, quel enfer ! Elle n'a jamais été aussi fatiguée !

Au vu des cernes sous les yeux de son époux, Allïa lui propose après un baiser sur le front : « Vas te reposer, je prends le relais » Elle est encore en forme, toujours sous l'adrénaline de cette sortie de chasse. Elle s'assoit sur le tapis face aux deux enfants et commence à empiler quelques cubes les uns sur les autres. Dès qu'ils tombent, les deux bébés éclatent de rire et tapent dans leurs mains. Si au début, elle trouve ça absolument craquant, ça devient vite une activité ennuyante à mourir.

Elle baille, s'étire et finit par poser sa tête contre le canapé et par fermer les yeux. Elle les réouvre brusquement et sursaute quand les deux enfants ne sont plus sous ses yeux. Où sont-ils ? Elle fouille rapidement le salon sans les trouver. « Merde, merde, merde » souffle-t-elle en les retrouvant tous les deux dans la cuisine, fortement occupés à arracher consciencieusement les plumes de la dinde qu'elle a chassé. C'est un massacre. Il y a des plumes partout et elles se sont mêlées au sang du pauvre volatile. Un champ de bataille. « Mais c'est pas possible, j'ai fermé les yeux deux minutes ! » Ou plus ? Le soleil n'est pas plus haut dans le ciel ? Le pire ? Maya a réussi à enlever le tissu qui lui sert de couche et se promène les fesses à l'air dans la petite cuisine. Il semblerait même qu'elle ait déposée un petit cadeau sur une des chaussures d'Anton : un joli caca surmonté de quelques plumes de dinde : c'est magnifique. Allïa, mère du siècle, vraiment.

Allïa est désespérée et lorsque Maes pointe le bout de son nez, elle sent un vague sentiment de honte la submerger. Il semblerait qu'elle soit incapable de gérer deux enfants en bas âge. Et en même temps, c'est tellement loin de ses habitudes ! Elle chasse, tire à l'arc, suit des traces, survit en forêt comme si c'était sa maison, mais s'occuper de deux bambins... Beaucoup plus compliqué ! Son époux vient poser son front sur le sien et elle ferme les yeux avant d'esquisser un petit sourire. « Les rendre au SAV ? Je crois que le médecin qui m'a accouché souhaite tout, sauf me revoir dans le coin » Elle préfère en plaisanter, mais son accouchement a été loin d'être de tout repos. Elle a dû laisser de sacrés souvenirs au docteur de New Eden. « Quant à Logan... » Elle hausse les épaules, impossible aussi de le renvoyer au SAV justement, il faut qu'Emilie règle ses affaires déjà.

« Un parc ? Oh, ce serait génial ! » Voilà l'idée du siècle ! « Un parc suffisamment grand pour qu'ils puissent jouer et où on peut les mettre en sécurité quand on est occupé... » Elle est prête à se mettre immédiatement à l’œuvre, à prendre sa petite hache et à aller couper un arbre. Elle montre un peu trop d'enthousiasme à l'idée de pouvoir enfermer les enfants entre des barreaux en bois, mais aux grands maux les grands moyens, non ? Et puis, c'est pour leur propre sécurité après tout et pour pouvoir soulager un peu les parents. Elle se sent pâlir légèrement aux paroles de son époux « Rassure-moi, ils ne sauront pas courir avant leurs 4 ou 5 ans, c'est bien ça ? » Oui, parce que bon, Allïa a déjà du mal avec des enfants crapahutant à 4 pattes, alors qu'est-ce que ça va être quand ils vont pouvoir s'échapper en courant sur leurs deux petites jambes ? Mais elle doit avoir quelques années pour se préparer à ça évidemment ?

Lorsque Maes lui conseille d'aller se repose pendant qu'il s'occupe de tout, un bref instant, elle hésite. « T'es sûre ? » Elle affiche une mine déconfite, partagée entre la culpabilité de laisser son époux tout gérer tout seul et le soulagement de pouvoir aller se reposer quelques heures. « Je vais au moins t'aider à tout ranger et à leur donner un bon bain. » Et après, elle ira profiter d'un peu de sommeil bien mérité. Allïa attrape une grande casserole qu'elle remplit d'eau et qu'elle met à chauffer sur le bois qu'ils ont installé. Elle sort une grande bassine qu'elle pose à proximité du feu. Tout est très rudimentaire, mais ils font comme ils le peuvent. En voyant la baignoire improvisée, les deux enfants laissent déjà échapper de petits cris de joie. Eux ne se préoccupent pas de savoir s'ils manquent de confort ou de sécurité, ils vivent au jour le jour et profitent de chaque instant pour aller de découvertes en découvertes, pour grandir et s'épanouir et elle doit avouer que cela fait quand même chaud au cœur de les voir comme ça...  « Allez, au bain ! » lance-t-elle en venant rattraper Maya, qui tente de faire un plongé directement dans la grande baignoire.