- T'es sûr que ça te dérange pas, hein ? Du plus profond de son âme, elle espère surtout l'entendre dire "non" ! Bridget le lui re-demande surtout par respect, par envie de ne pas passer pour une garce... Et il y a peu de chances qu'il revienne sur sa décision, pas vrai ? Tu verras qu'une fois que ce sera fini : ça aura de la gueule ! s'en vante-t-elle d'avance, alors qu'elle n'a rien d'une décoratrice d'intérieur ni d'une designeuse. Elle n'y connait rien, mais dans sa tête : ça claque. Et sa petite bande de joyeux lurons ne lui a pas dit que ça craignait, donc ça doit être bon signe. De toute façon... c'est beaucoup trop tard pour revenir en arrière. Le bazar a été débarrassé, les coups de balai ont été donnés, des meubles ont déjà été placés. Reste plus que l'agencement, et c'est bien pour ça et pas pour autre chose qu'elle a convié Jesse dans leur future repère secret bien avant son inauguration.

Est-ce que c'était son premier choix ? Bah... Elle a pensé aux adultes, elle en a approché plusieurs mais s'est vue rembarrer. Parait qu'ils ont plus important à faire en cette période, même ceux qui lui ont toujours paru sympa aux premiers abords. Elle a même proposé un peu d'alcool en sous-marin, mais faut croire qu'elle ne connait que trop peu d'alcooliques pour que ça marche. Pour que l'afro-américain marche, il aura fallu qu'elle lui tire un peu la main. C'est vrai qu'il n'est pas des plus sociables, mais il a tout ce qu'il lui faut : des gros muscles, une belle gueule... et il raconte pas trop de conneries, ce qui veut dire qu'il ne risque pas de flinguer son après-midi !

Déjà deux heures qu'ils sont là. Que Jesse fait la grosse partie du boulot pendant que Bridget l'encourage autant que possible à défaut d'être d'une grande aide. Faudrait pas qu'elle salisse son haut. Ce coin-là : c'est fait... ! Une autre ligne à rayer de sa liste de choses à faire. Ils ont installé la vieille télé vintage avec les p'tits oreillers sur le tapis de l'autre côté de la pièce, manque plus qu'à bien caler le canapé, la petite armoire contre le mur... Ah, faut aussi vérifier le système électrique. T'as pas de connaissances en terme d'électricité, dis ? Parce que y a des prises qui marchent plus, genre celle-là ! Elle blablate, elle s'arrête pas, s'approche de cette lampe qu'ils ont posé sur une commode dans un coin de la pièce et qui ne s'allume pas au branchement. Bizarre. C'était à prévoir. C'est pas pour rien que personne a arrêté leur déménagement au sein d'une baraque délabrée en plein Fort Ward. Elle a subi un séisme, des catastrophes naturelles. Y a un petit trou dans l'un des murs qu'ils ont couvert d'une planche de bois. Le toit risque de s'écrouler sur leur tête à tout moment... mais c'est chez eux !

Tu veux faire une pause ? T'es tout dégoulinant d'sueur ! Et il schlingue un peu, s'il lui faut être honnête. Mais la sueur fait partie de ces odeurs auxquelles elle a su s'habituer bien assez tôt... Le déodorant n'existe plus, seul remède actuel : une bonne douche. J'savais que t'aurais peut-être besoin de boire aussi, pour reprendre des forces. Donc j'ai ramené ça ! Un pichet transparent posé sur la table basse, dans lequel des vagues colorées se démêlent, coordonnées aux mouvements presque tremblants de la môme pour qui un pichet plein reste quand même un poids. Qu'est-ce ? De la liqueur de fruits subtilisée au Summer's. Elle est généreuse, Bridget. Et après l'effort : le réconfort.

@Jesse Hamilton

Un cul-sec. Jesse n'a même pas daigné renifler ou s'interroger sur la boisson que la môme a décidé de lui offrir. Et si elle était un agent sous couverture, une traitresse... ou qu'une inconnue de The Haven avait glissé quelque chose dans le pichet sans qu'il s'en aperçoive ? Bridget, on lui apprend presque tous les jours à faire attention à tout et à n'importe quoi. Misère de misère ! S'il lui fait confiance, c'est bien par naïveté... ou parce qu'il l'aime bien ? Ça doit être la seconde, à coup sûr. Ils sont voués à devenir de grands amis, et Jesse l'aidera sur tout un tas de déménagements !

- Bah ouais... Tu croyais que c'était quoi ? La gosse le regarde, possédé par une quinte de doux comme un chat sauvage qui bouffait ses propres poils. Le jus de fruits, c'est pas le plus simple à trouver... en ce moment. Et comme au Summer's, on a pas mal de stock... se défend-elle, suivi d'un haussement d'épaules et d'un air presque innocent. Il a vraiment cru qu'elle allait lui amener du jus de fruits ? Elle aurait bien aimé, mais... elle préfère garder ce qu'elle a à la maison pour elle. Déjà qu'Ivy et sa gamine boivent absolument tout ce qu'elle a dans le frigo.

- T'as pas peur d'arrêter ton cœur en faisant ça ? J'suis presque sûre d'avoir déjà vu ça dans un film, pour relancer celui d'un mec qu'avait fait un arrêt cardiaque. Il tape du poing sur son torse... Et la petite curieuse qu'elle est n'en manque pas une seule seconde, l'observant avec de grands yeux et des airs de tortue un peu bigleuse. Mais si elle commençait à trouver Jesse vachement charmant... Ce n'est plus trop le cas lorsqu'il se permet de remettre en doute ses décisions. C'est d'la liqueur, donc pas vraiment d'l'alcool... Et c'n'est qu'un emprunt. J'suis serveuse au Summer's, c'est pas comme si j'm'étais discrètement glissée dans l'arrière-boutique pour en voler ! J'ai fait ça dans les règles... Elles étaient en train de fermer boutique avec Zelda. Bridget a caché la bouteille en verre sous son gilet, mais c'était pour pas qu'la bouteille finisse complètement gelée. Et aussi pour pas qu'on la qualifie d'alcoolique. Et t'es un vrai mâle toi, nan ? J'veux dire... T'es pas comme les alcoolos qui fréquentent le bar. Tu sais te gérer, tu prends le temps d'apprécier pleinement ton verre avant d'en reprendre un autre ! Donc pas de risque de se balader bourré... Du moins, c'est ce qu'elle ose imaginer ! Jesse n'a aucun lien de ressemblance avec tous les poivrots qui passent leur temps sur les banquettes du Summer's. Au contraire, il est loin d'être répugnant, vieux, grisonnant... Il est beau, Jesse.

- J't'en ressers un ? Elle se veut généreuse et vachement avenante. Il n'a même pas le temps de lui répondre qu'elle porte déjà le pichet de ses deux mains pour commencer à remplir à nouveau son verre déjà vide. Celui-ci, tu l'bois un peu moins vite. Si t'as pas l'habitude, ça a un goût vachement dégueulasse mais ça devient bon... à force ! Elle sait de quoi elle parle. Elle a goûté sa première liqueur grâce à sa co-serveuse il y a quelques jours de cela. Elle continue d'expérimenter, de goûter un peu au lieu de s'hydrater à l'eau. Et si c'était vachement mauvais au début, c'est un peu comme les vieux le disent du vin : c'est encore meilleur avec le temps !

À son tour, elle pose son cul sur le canap'. Elle se sert un verre ridicule comparé au sien. Tu sais qu't'es dur à attraper ? Parce que... on t'voit rarement. Une fois t'es aux entrainements, une fois t'y es pas, et... Elle a galéré à mettre la main dessus, lui qui figurait pourtant parmi les seuls qu'elle imaginait capables de l'aider avec ces foutus meubles. T'as la maladie de la timidité ? Genre, ça t'donne des boutons quand tu t'approches trop des gens ? C'est un vrai truc, elle a connue une fille comme ça... dans le monde d'avant. J'suis pas médecin, enfin... j'suis en stage Elle se justifie avant de reprendre, mais sache que lutter contre la timidité en restant seul dans son coin, c'est contre-productif.

Mais bon, il doit déjà bien le savoir. Tu dois t'emmerder en plus, nan ? À rester chez toi... Sauf s'il a une vieille console toujours en état de marche ? Ça pourrait l'intéresser, ça.