Les livres que lui avaient offerts Harper avaient fini par être une réelle compagnie, réconfortante et qui lui permettait de passer le temps sans qu’elle n’ait l’impression de ne rien faire. Dans le salon, en tailleur sur l’un de ses canapés, la grecque avait finit par quitter l’isolement de son van pour se tenter une socialisation passive et silencieuse, où elle n’avait pas à se soucier de parler, mais habituait le reste du groupe à sa présence, au moins jusqu’à la fin de l’hiver. Pour l’heure, elle n’avait pas de projets pour lorsque la bise s’en ira, mais tant qu’elle était installée, Athénaïs n’avait pas la moindre envie de déménager. Ses tâches de la matinée terminée, elle finissait son repas en lisant son livre, alternant entre gorgée de soupes et lecture assidue. Bien entendu, elle ne demandait rien à personne, et tentait de se rendre aussi utile que possible et ne cherchait pas à faire plus de vague que les ressacs apaisants des vagues sur un remblais rocheux au repos.

Même si le groupe qu’elle avait rejoint était un peu plus anguleux aux angles, la jeune femme pouvait voir certaines personnalités plus marquées que d’autres : bienveillant mais rigide, maternelle et protectrice mais pour d’autres bien plus sauvage ou tout simplement pas habituée à la présence humaine fémnine. Les yeux clairs d’Athénaïs se posaient sur les mots, elle soupirait parfois, souriait doucement, quand elle lisait son livre, assise, presque recroquevillée sur elle-même, gardant ses pieds au chaud sous une lourde couverture en crochet qui lui servait autant de plaid que de châle.

Quand l’un des membre du groupe passe dans le salon, il la dévisage, et ce n’était pas la première fois. Si elle avait toujours estimé qu’il était préférable de ne pas confronter immédiatement, elle trouvait que la réaction du jeune homme était tout simplement disproportionné. Athénaïs s’empêche de corner la page de son livre dans sa précipitation et prend tout de même le soin de caler le billet de 10 dollars qui lui servait de marque page. Elle se lève, rapidement, entre son pull trop grand, qu’elle rentrait dans un jean taille haute, trop Gand lui aussi, serré à la va-vite par une large ceinture en cuir, elle dut ajuster sa tenue pour arriver sans encombre à la hauteur de Millow, le jeune homme qui n’en finissait jamais de la regarder du coin de l’oeil comme un parasite.

Est ce qu’il y a un problème ?

Athénaïs n’avait jamais côtoyé d’adolescents élevés au sein de l’Apocalypse. Elle n’avait pu que les imaginer, loin d’une adolescence normale, loin de l’oisiveté qui allait avec cette période. Et ce dont ils avaient été privés, ils ne pouvaient pas réellement blâmer qui que ce soit. Tout le monde avait fini par faire les frais de l’arrivée des infectés, de près, de loin, mais surtout de très près. Son livre sous le bras, elle n'était approchée, il était tout simplement impossible pour la grecque de continuer ce petit manège, où Millow jouait les adolescents émo dans son coin. Si la jeune femme n'avait jamais été contre les clichés, celui-ci lui semblait tout bonnement gênant.

Athénaïs n’avait jamais été du genre à la confrontation frontale. D’une nature plutôt calme, elle n’avait pas cherché à se faire remarquer. Elle passait simplement ses journées à travailler pour voir des petits pousses vertes fluos, sortir de la terre et ainsi prouver qu’elle n’était pas qu’une bouche en plus à nourrir. La jeune femme n’avait d’ailleurs pas investi de chambres, préférant le confort de son van. Ce cocon qu’elle avait construit, améliorer au fur et à mesure, le quitter pour un lit froid, et une chambre qu’elle ne connaissait pas, ne lui semblait pas être promesse de nuits paisibles.

Elle fut sortie de ses pensées par l’insolence de la jeune vingtaine, même s’il n’avait pas tant de différences d’âge, selon les échos qui lui était parvenu aux oreilles, il ne semblait pas enclin à la coopération. Athénaïs pouvait comprendre qu’elle n’avait peut-être pas choisi des mots empreints de diplomatie et de douceur, mais elle avait finit par atteindre le bout de sa capacité à la patience.

Ses yeux clairs se posent sur le jeune homme, Tu es celui qui me regardes comme un parasite, autant assumer, tu ne crois pas ? fit-elle, sans détour. Athénaïs n’avait pas besoin de cela. L’existence était déjà bien assez pénible pour supporter ses regards en biais et cette fuite. Autant qu’il s’exprime et elle ne doutait pas une seconde qu’il était capable d’avoir beaucoup de choses à dire.

Si tu as quelque chose à dire, autant t’exprimer, nous sommes encore dans un pays … à peu près libre.

Faisait-elle réellement des histoires pour rien ? Un regard, vraiment, elle en avait vu d’autres. Mais elle était fatiguée de devoir justifier son existence à chaque heure de la journée et de la nuit. Athénaïs n’avait de répit que lorsque les étoiles étaient hautes, très hautes de le ciel et que la nuit faisait crépiter les feuilles dans les bois. Le reste, ce n’était qu’un enchaînement de justifications. Justifier de manger, justifier de boire, justifier de se reposer, justifier, justifier toujours. Elle n’avait pas fait médecine, elle n’avait pas fait menuisier, ni rien d’utile à la société actuelle. Si on pouvait encore appelé ça une société.

Non,fit-elle, non, il ne pouvait pas l’observer, ni la surveiller. Connor, Alex et d’autres avaient estimés qu’elle pouvait rester, aider et mériter son dû, ce n’était pas pour être scrutée par une adolescent en manque de sensations fortes ou qui justifiait son regard méprisant par de la méfiance. Athénaïs ne connaissait que trop bien les regard de mépris, quand elle avait faim, surtout. Ils sont humiliants, elle ne voulait pas qu’on la regarde comme ça, elle ne voulait plus. Croyait-il vraiment qu’elle ne vivait pas ça à chaque fois qu’elle venait pour proposer ses services pour subvenir à des besoins basiques et primaires ? Chacun ses traumatismes, certes, mais elle n’avait jamais chercher à se venger des siens sur qui que ce soit. Elle refusait désormais d’être le bouc émissaire d’un groupe sous prétexte qu’elle était nomade et regarde les paysages défilés à travers la fenêtre de son van. Son choix, elle ne le regrettait pas.

Il y a une différence entre méfiance et mépris, reprend t-elle, alors. Elle savait parfaitement qu’elle ne faisait pas partie de leur groupe. La chose avait toujours été très claire dans la tête de la grecque. Elle ne souhaitait pas en faire partie, elle passait l’hiver, aider à lancer ce qui l’aiderait certainement à se nourrir pour plus tard. Elle n’avait pas de leçons de confiance à recevoir du jeune homme.

Tu fais confiance ou non à qui tu veux. En attendant, ce n’est pas une justification suffisante pour ta surveillance déplacée. Les clichés d’adolescents en crise n’ont pas plus leur place en 2015 ?