Eva-Louisa Brody
Dim 8 Jan 2023 - 16:14
Brillante Observatrice Sociable Persévérante Courageuse Obstinée Manipulatrice Rancunière Susceptible Impulsive | Exit les parures de luxe, le maquillage hors de prix, les escarpins aux talons interminables et les ongles manucurés. Place au strict minimum, au plus confortable, léger et pratique. Dans ce nouveau monde, Eva ne peut plus assouvir sa frénésie matérialiste d’antan. Posséder et afficher toujours plus pour être heureux ou en tout cas pour s'en persuader. Il est loin le temps où elle pouvait se perdre dans son dressing qui n'avait rien à envier à un studio deux pièces. Aujourd'hui, Eva voyage léger et ne s'encombre plus de choses inutiles. À part le strict nécessaire, elle ne garde plus rien. Vivre au jour le jour, telle est sa nouvelle devise. Quelques vêtements de rechange, une trousse de premiers secours, un nécessaire de toilette, un réchaud, un sac à dos, une gourde, une boussole, un couteau suisse et une lampe torche, elle n’a besoin de rien d'autre. Pour le reste elle se sert là où elle passe. Côté armement, avant elle dégainait cartes de crédit et liasses de billets, aujourd'hui elle dégaine couteaux de chasse et Beretta 92. Quant à son nouveau style vestimentaire, plus simple et sauvage, bien loin des robes de grands couturiers et des tailleurs chics BCBG, il est agrémenté d'un holster de cuisse ainsi que d'un étui à couteau constamment attaché à sa ceinture. Parce que dans ce nouveau monde, rapidité et discrétion sont les clés indispensables à la survie. Et pour finir, quand elle ne peut pas se déplacer à pied, Eva chevauche sa moto qu'elle a appris à conduire grâce à Jack lors de son périple post-apocalyptique. Eva a toujours considéré son corps comme un véritable temple qu'elle vénérait et honorait chaque jour. Hors de question donc de l'abîmer ou de l'altérer de quelques manières que ce soit. Pas de tatouage, pas de piercing, un minimum de rides, on peut tout combattre sauf le temps, et une silhouette de rêve. Aujourd'hui, et ce malgré les affres de la survie, le temple est loin d'être en ruines. Certes il a été esquinté et amoché à de nombreuses reprises mais il est toujours là et en un seul morceau. Seules marques vraiment visibles, une cicatrice sur l'épaule gauche et une autre sur la cuisse droite. 54 kg pour 1m68, Eva est sans conteste restée une très belle femme, un atout qu'elle n'hésite pas à exploiter quand cela est nécessaire. |
Eva, née Eva-Louisa Fisher, est venue au monde le 18 Septembre 1982 dans une clinique huppée de Portland, Oregon. Il était précisément 19h32. Sa mère, Gemma Fisher, était la femme la plus heureuse au monde. Elle avait toujours rêvé d'avoir une fille, c'était l’objectif de toute une vie qui se réalisait ce jour là. Son père, Georges Fisher, était lui aussi heureux mais dans une bien moindre mesure. Il ne s'était même pas déplacé jusqu'à la clinique pour accueillir Eva, préférant rester au bar avec ses amis pour fumer un bon vieux cigare. Il en sera de même jusqu'à sa mort, sa fille passera éternellement au second plan.
Durant son enfance, Eva ne souffrit pas réellement de ce manque d'intérêt. Sa mère était omniprésente, elle avait tous les jouets et toutes les robes dont elle rêvait, elle avait toujours le plus gros gâteau et la plus grosse montagne de cadeaux à son anniversaire, elle ne manquait de rien, tous ses caprices étaient réalisés... de quoi pouvait-elle se plaindre? De ne voir son père que deux fois par semaine? De se rendre compte qu'il ratait systématiquement chaque spectacle d’école, chaque représentation de danse classique, chaque fête de famille, chaque rentrée des classes? Comprendre que le travail de son père comptait plus qu'elle? Ne jamais l'entendre dire qu'il l'aimait ou qu'il était fier d'elle? Non, bien sûr que non. Elle avait tout ce qu'elle voulait, elle ne devait pas se plaindre. Et puis, comme lui répétait toujours sa mère, pleurer lui déformait le visage et la rendait incroyablement laide. Pleurer était pour les faibles, pas pour Eva-Louisa Fisher.
Arrivée au lycée avec un dossier scolaire exemplaire et des notes plus qu’honorables, Eva se fit rapidement une place parmi les plus populaires. Belle, intelligente, riche et drôle, elle était une figure incontournable de sa promotion. Respectée de tous, crainte par la plus tard, c'était une vraie garce doublée d'une peste, on pouvait dire qu’Eva faisait la pluie et le beau temps au bahut. Elle déchaînait même les passions puisque deux des meilleurs futurs partis de Portland en pinçaient pour elle. Sebastian et Roman Brody. C'était le temps des premiers flirts et Eva ne s'était pas gênée pour jouer sur les deux tableaux. Elle trouvait cela terriblement amusant de voir les deux frères se battre pour elle. En réalité, cela lui permettait surtout d'oublier l’insignifiance de sa propre vie qui ne se résumait qu'à être la pompom girl la plus populaire du lycée et rien d'autre.
Les garçons ne s'intéressaient à elle que pour son physique et les filles ne voulaient être son amie que pour être vue avec la reine du lycée et éviter ainsi de subir ses moqueries. Car oui, Eva était ce genre d’adolescente. Une vraie garce qui se moquait des plus faibles et les humiliait dès qu'elle en avait l'occasion. Encore une fois pour masquer le vide vertigineux qui emplissait sa vie. Être une peste lui donnait le sentiment d’exister et d'être ce que ses parents attendaient qu'elle soit. Entourée de sa cour, elle parcourait fièrement les couloirs du lycée comme si elle était invulnérable, comme si rien ne pouvait l'atteindre, se persuadant alors qu'elle devrait faire cela toute sa vie pour survivre et se faire une place parmi les meilleurs.
Mais alors qu'elle n'avait que 16 ans, son monde entier s’écroula. Son père avait investi dans les mauvais projets, misé sur les mauvais chevaux et la famille Fisher était ruinée. Le pire cauchemar d’Eva se réalisait. Si elle perdait son train de vie et son statut, alors il ne lui resterait plus rien. Ses parents firent alors tout leur possible pour garder le change et faire en sorte qu’Eva puisse continuer d’aller au plus prestigieux et coûteux lycée de Portland. Il fallut faire d'énormes sacrifices mais ils y arrivèrent. Devenue une comédienne hors paire, la reine des apparences, Eva réussit de son côté à berner tous ses "amis". Personne ne sut jamais rien de la ruine de sa famille et surtout pas les frères Brody entre qui elle dût faire un choix. Terriblement amoureuse de Roman, Eva souhaitait lui offrir son cœur mais son père en décida autrement. Il voulait que sa fille assure son avenir, pas qu'elle suive son cœur. Sebastian était le choix de la raison. Brillant et respectable, il était celui que George Fisher voulait voir épouser sa fille et il fit en sorte que cette dernière ne le déçoive pas. Poussée par son père et son ambition dévorante, Eva choisit donc, à contre cœur, Sebastian. Elle avait bien quelques sentiments pour lui mais rien comparé à l'amour sincère qu'elle ressentait pour Roman. Encore une fois, les apparences l'avaient emporté. Entre le frère promis à un bel avenir et l’éternel second, Monsieur Fisher avait tranché. Sa fille, ou plutôt lui, méritait le meilleur. Ce fut donc le cœur brisé qu’Eva se résignait à renoncer à son grand amour.
Si rien ne s'était passé comme elle l’avait souhaité côté cœur, il en fut de même côté études. Ses notes ayant considérablement chutées suite à toutes ces déconvenues, Eva eu beaucoup de mal à intégrer l’Université de Portland afin d’obtenir son diplôme de médecine. Et ne parlons même pas des frais scolaires qu'elle eut beaucoup de peine à couvrir. Ses parents ayant puisé dans leurs dernières économies pour lui payer le lycée, il ne purent en faire de même pour l’université et Eva dût enchaîner les petits boulots pour s'en sortir. Une époque très difficile qu'elle crut un moment ne jamais pouvoir surmonter. D'autant plus que Sebastian, parti au MIT, se montrait très distant envers elle. Heureusement que sa mère, Madame Brody, était là pour soutenir Eva qui trouva en elle plus qu'une simple belle-mère mais une véritable seconde mère à part entière. C'est d'ailleurs Madame Brody qui aida Eva à se relever face à son échec retentissant en médecine. C'est elle aussi qui lui conseilla de ne pas abandonner et de poursuivre ses études dans une autre filière, la biochimie.
Après toutes ces années de galères, la stratégie des Fisher finit enfin par payer. Même si pour cela il aura malheureusement fallu attendre deux terribles évènements. Les décès successifs du père et de la sœur de Sebastian. Ce dernier rentra aussitôt à Portland où, même si les retrouvailles entre lui et Eva furent loin d'être chaleureuses, il la demanda en mariage. Elle avait 22 ans. Sans le montrer à Sebastian, Eva avait hésité a dire oui puis elle avait pensé à ses parents, à tous les sacrifices qu'ils avaient faits pour elle, et elle avait finalement accepté de l'épouser. Un an plus tard ils se disaient oui en grande pompe, la famille Fisher pouvait enfin souffler mais c'était le début de la descente aux Enfers, pour Eva.
Quelques mois après leur noces, Sebastian et Eva eurent la mauvaise surprise de voir Roman débarquer chez eux pour provoquer Sebastian et récupérer Eva. Heureuse au plus profond de son cœur de voir que Roman avait toujours des sentiments pour elle, Eva dût une nouvelle fois étouffer ses émotions et ne montra rien aux deux frères de son désir plus qu’ardent de suivre Roman loin de tout ce merdier. Elle était toujours amoureuse de lui et elle le savait, cette nuit là, c'était sa dernière occasion de prendre la fuite avec lui pour être enfin heureuse et pouvoit l'aimer au grand jour. Mais il était trop tard, elle avait épousé Sebastian et si elle voulait préserver son avenir, c'était à lui qu'elle devait désormais loyauté et fidélité. La raison l'emportait une nouvelle fois. Sebastian finissait à l’hôpital, Roman en prison et Eva seule, terriblement seule. Elle n'aura plus jamais de nouvelles de Roman après cela et c'était sans doute tant mieux car elle put enfin l'oublier. Mais ce ne fut pas pour autant que les choses s'améliorèrent avec Sebastian...
Plus distant que jamais, Sebastian n'était jamais là. Eva vivait concrètement plus avec sa belle-mère qu'avec son époux, ce qui n'était pas pour lui déplaire honnêtement. Elle avait en effet beaucoup plus d'affection pour sa belle-mère que pour son mari. Étrange... Pas tant que ça lorsque l'on connait le passif douloureux des deux femmes qui ont su trouver l'une en l'autre ce qui leur faisait défaut. Elles se sentaient toutes les deux seules et abandonnées. Eva considerait sa belle-mère comme une véritable seconde mère. Une mère sur qui elle pouvait compter, à qui elle pouvait se confier, pas comme avec la sienne qui avait finalement baissé les bras pour se rallier au chef de la famille Fisher. Quant à la mère de Sebastian, depuis la mort d’Ana, elle se montrait de plus en plus protectrice et attentionnée envers Eva, comme si cette dernière avait remplacé la fille qu'elle avait malheureusement perdu. Alors oui le mariage d’Eva était complètement raté, mais à défaut d'avoir trouvé un bon mari, elle avait trouvé une excellente mère. Elle savait d'ailleurs très bien qu'elle passerait toujours après sa belle-mère dans le cœur de Sebastian, en émettant l’hypothèse qu'elle y ait eu un jour sa place, et elle avait fini par l’accepter. Mais ce quelle avait du mal à comprendre, c'était pourquoi Sebastian avait tant tenu à l'épouser. Clairement il ne l'aimait pas, alors pourquoi? Elle, elle savait pourquoi elle avait accepté sa demande. Mais lui, pourquoi l'avait-il faite? Un mystère qu'elle ne percerait probablement jamais.
Mais une chose était sûre, Sebastian n'en avait que faire d'elle. Constamment absent, il se donnait corps et âme à son travail mais aussi à une ribambelle d'autres femmes avec qui il trompait allègrement Eva. Elle le savait pertinemment mais cela ne lui faisait rien, elle n'avait plus aucun sentiment pour Sebastian qu'elle méprisait plus qu'autre chose. Elle se consacrait alors elle aussi à son travail et devint une brillante biochimiste au CDC de Portland. Sebastian fit prospérer l’entreprise de la famille Brody et Eva obtint enfin tout ce pourquoi elle s'était sacrifiée, une vie de luxe. Elle ne manquait absolument de rien, elle avait les plus beaux bijoux, les plus belles robes, les plus beaux escarpins, elle dînait dans les plus grands restaurants. Elle avait tout ce dont elle avait toujours rêvé, ou plutôt, tout ce que son père avait toujours rêvé pour elle. Au fil des années, il avait réussi à la persuader que seuls l'argent, le luxe, la richesse et la réussite sociale pouvaient la rendre heureuse. Il l'avait persuadé que le confort matériel était tout ce dont elle avait besoin. Mais force était de constater qu'il lui avait menti, qu'il l’avait manipulé pour assurer son avenir à lui. Et elle, elle n'y avait vu que du feu. Bien trop heureuse de voir que, pour une fois, son père lui portait un peu d'intérêt. Qu'est-ce qu'elle pouvait sans vouloir d'avoir été aussi sotte, aussi naïve. Finalement elle méritait peut-être son sort. Riche mais profondément seule et triste. Son père l’avait poussé à devenir une femme superficielle, capricieuse, matérialiste et détestable.
L'envie de mettre fin à ses jours avait alors traversé l'esprit d’Eva face à tout ce gâchis qu’elle avait fait de sa vie. Son existence n’avait aucun sens dans cette prison dorée qu'elle s'était façonnée elle-même. Même son travail ne suffisait plus à lui donner la force de se lever tous les matins. En pleine dépression, elle demandait alors à Sebastian de lui faire un enfant mais celui-ci lui riait au nez comme seule et unique réponse. L’humiliation de trop. Eva était anéantie mais surtout très en colère contre son mari. Deux choix s’offraient alors à elle, s'ouvrir les veines ou faire payer à Sebastian cette vie de tourments. Elle choisit finalement la deuxième option. Tout en préparant discrètement sa demande de divorce, bien décidée à plumer Sebastian, elle prit un malin plaisir à farfouiller dans les affaires de son mari découvrant avec délectation qu'il avait bien des choses à se reprocher. Il allait regretter de ne pas l'avoir respecté. Eva se sentait forte, elle se sentait revivre. Ce fut d'ailleurs le sourire aux lèvres qu'elle balança tout au fisc des activités frauduleuses de son époux, qu'elle avait minutieusement au préalable aggravées. Puis vint le coup de grâce, la libération tant attendue, la demande de divorce. Eva s'était rétablie, elle était prête à devenir une nouvelle femme, celle qu'elle avait toujours voulu être, celle qu'elle aurait toujours dû être. Mais encore une fois, le destin allait en décider autrement et lui mettre des bâtons dans les roues, ou au contraire lui donner une seconde chance...
Biochimiste au sein du CDC de Portland, Eva était aux premières loges lorsque tout a commencé. En effet, les effectifs de tout le pays avaient rapidement été réquisitionnés en secret pour travailler sur ce nouveau virus très inquiétant. Le grand public devait rester à l'écart en attendant que la lumière soit faite sur ces terribles événements alors encore isolés. À l'époque, l'espoir d'étouffer l'affaire et d'empêcher la propagation de ce virus était encore présent. Ayant pour interdiction de divulguer la moindre information, Eva garda à contre coeur le secret mais très vite elle prit conscience de l’ampleur du phénomène. Elle comprit que les choses étaient vraiment très graves et que plus rien ne serait jamais pareil. Bien évidemment elle ne pouvait pas anticiper ni même imaginer l’horreur de ce qui allait se passer, mais elle avait tout de même compris que l'humanité toute entière aurait du mal à s'en relever et elle ne s'y était pas trompée. Plus les jours passaient, plus les informations affluaient et plus il était difficile pour elle de garder le secret. Le dilemme était terrible. Encore une fois elle devait choisir entre le cœur et la raison. Si elle avait compris, dans les premiers temps, le choix du silence afin d'éviter tout vent de panique, elle ne comprenait pas que l’on persiste à cacher la vérité alors que les choses devenaient de plus en plus précises et dangereuses. Les gens avaient le droit de savoir. Pourquoi certains pourraient se préparer à l’Apocalypse et pas d'autres? C'en était trop pour elle. L’injustice et les enjeux étaient trop grands. Alors elle avait fait ce qu'elle avait pourtant juré de ne pas faire, noir sur blanc, elle informa les médias afin qu'ils préparent le monde à ce qui l'attendait.
Eva n'était qu'une source parmi tant d'autres mais le CDC n'en avait eu que faire. Sa trahison découverte, elle fut renvoyée sur le champ et écartée de toutes recherches, de toutes informations. Elle était devenue persona non grata en plus d'être accablée de poursuites judiciaires totalement absurdes. Le monde était entrain de s'effondrer, elle n'en avait strictement rien à foutre de ces poursuites sans queue ni tête. Grand bien leur fasse de la faire tomber, de la ruiner, de faire en sorte qu'elle ne puisse jamais se relever. Elle n'était plus la femme que son père avait façonné. Elle ne suivrait plus jamais la raison. Elle n’avait fait que dire la vérité et elle continuerait, qu’ils le veuillent ou non. Mais ce combat devint rapidement totalement désuet lorsque les choses se corsèrent sérieusement, lorsque le temps des hypothèses et des éprouvettes fut révolu pour laisser place aux morts dans nos rues. Comme beaucoup, Eva avait suivi cela de loin, espérant que ce cauchemar serait de courte durée. Mais elle savait au plus profond d'elle même que ce n'était que le commencement. Totalement isolée suite à sa demande de divorce, Eva ne savait pas vers qui se tourner. Elle savait que très vite elle serait confrontée aux horreurs qu'elle avait vu sur internet et à la télé. Elle était terrifiée. Elle fit alors ce qui lui sembla le plus prudent, rejoindre un camp de réfugiés pour profiter de la protection des militaires. Parquée avec les autres, Eva n'avait pas un seul visage amical vers lequel se tourner. L’échec de son mariage et sa dépression l’avaient rendu très solitaire et, en ces temps sombres, elle avait douloureusement pris conscience du fait qu'elle ne tenait plus à personne, tout comme plus personne ne tenait à elle. Misérable constat que celui là mais ce n'était ni le lieu ni le moment pour se lamenter. Au contraire, Eva se retroussa les manches et s’investit activement dans la vie du camp.
L’hiver avait été rude et les rôdeurs de plus en plus nombreux. Il était désormais certain que le monde ne reviendrait pas à la normal, du moins pas avant longtemps. Si certains espéraient encore que la force l'emporterait, que les vivants parviendraient à reprendre le dessus, Eva, comme tant d'autres, avait bien compris que ça ne serait pas le cas. Pour elle, la panique avait laissé place à la résignation. Mais attention, ne vous méprenez pas sur ce terme lourd de sens. Eva avait bel et bien abandonné l'idée de sauver le passé mais certainement pas l’avenir. Elle qui pourtant avait failli mettre fin à ses jours quelques mois plus tôt, voilà qu'elle était plus déterminée que jamais à se battre pour survivre. Mais pourquoi? Tout simplement parce que sa vision du monde et de la vie avait drastiquement changé. À cause de l'apparition des rôdeurs bien sûr mais pas que. Pour la première fois de sa vie, Eva avait dû, avait pu, prendre seule ses décisions. Certes elle ne se débrouillait pas encore complètement seule puisqu'elle devait sa survie au camp où elle avait trouvé refuge, mais c'était tout de même le début de l'indépendance pour elle et elle adorait ça. Elle se sentait enfin vivante. Elle se sentait enfin légitime d’exister. Non seulement elle servait à quelque chose mais en plus, elle n’avait plus de compte à rendre à personne, plus de pression sociale, plus d’obligations, plus d’apparences à sauver... Pour la première fois de sa vie, elle se sentait libre, ou presque, car il fallait tout de même veiller à suivre les règles du camp, l'un des derniers encore debout dans le secteur d'ailleurs. Ce qui inquiétait particulièrement Eva car le nombre de survivants souhaitant y trouver refuge allait vite devenir ingérable. Et on le sait par expérience, l’Histoire nous l’a montré et démontré, ce n'est malheureusement pas en temps de crise que l’être humain se montre le plus solidaire et raisonnable. Elle en était certaine, ce n'était plus qu'une question de semaines au mieux, de jours au pire, avant que ce camp ne tombe lui aussi à son tour. Alors elle avait pris ses précautions. Depuis déjà plusieurs semaines elle se préparait à affronter l'autre côté. Consciente qu'elle ne ferait pas de vieux os bien longtemps seule face aux rôdeurs là dehors, elle avait sympathisé avec quelques survivants qu'elle jugeait utiles pour elle à l’extérieur. Qu'ils s’apprécient ou non n'avait pas la moindre importance. Ils devaient avant tout se servir les uns aux autres dans leur survie. Ils devaient allier leurs savoirs et compétences respectives pour être plus forts, ensemble.
Les convaincre de la suivre ne fut pas une mince affaire. Pourquoi la suivre elle et pas un autre? Pourquoi ne pas rester sous la protection des militaires en attendant que les choses s’arrangent? Oui, cela n’avait pas été facile de tous les convaincre. Il y eut d'abord Rachel et Jarod, respectivement 30 et 42 ans. Avec eux, pas de grandes complications, ils s’appréciaient sincerement avec Eva et se faisaient déjà confiance bien avant qu'elle ne leur parle de son plan. Il y eut ensuite le lieutenant Jon Cooper, 39 ans, qui se laissa principalement convaincre parce qu'il ne supportait plus les missions qu'on lui assignait à l’extérieur au détriment des civils, mais aussi parce qu'il avait le béguin pour Eva. Ce fut bien plus compliqué pour Chris et Dominic, deux frères de 35 et 28 ans, qui ne voulaient en aucun cas être séparés et qui n'étaient pas d'accord sur le fait de suivre ou non ce groupe de fortune. Très macho, Chris voulait être le maître à bord et il avait la désagréable impression d'être a la botte d’Eva en acceptant de suivre son plan. Ce fut finalement Dominic qui parvint à le convaincre. Il était alors encore difficile de se faire pleinement confiance mais la chute du camp accéléra malheureusement les choses. Comme Eva l’avait prévu, ce dernier ne tint pas bien plus longtemps et ce bien à cause des vivants. Égoïstes et prêts à tout pour survivre, ils avaient permis, par leur sottise et leur obstination, l’infiltration des rôdeurs dans le camp. Ce fut le début de la fin. Préparés, Eva et son petit groupe de survivants prirent la fuite avant d'essuyer les pots cassés. Ensemble, ils avaient amassé en douce quelques armes, munitions et provisions qui leur permirent de se frayer un chemin dans les ténèbres du nouveau monde, de planques en planques. Mais livrés à eux même, la survie fut des plus difficiles. Ils se donnaient des conseils, partageaient leurs expériences, s’entrainaient ensemble et s’entraidaient sur le terrain mais tout cela était très difficile. En dehors de Jon, aucun d’entre eux n’était ni entraîné ni préparé à ce genre de situation. Et puis là, dehors, entraîné ou pas, plus personne n'était à l'abri nul part. Un sentiment d'insécurité permanent très pesant mais aussi très excitant pour Eva qui se surprit à apprécier ce nouveau mode de vie. Le sentiment de mériter le peu que l'on possèdait, ce sentiment de ne plus devoir obéir à rien si ce n'était la loi du plus fort. Ce sentiment de ne rien devoir à personne à l’exception de soi-même. Oui, elle aimait ça. Une nouvelle femme pour un nouveau monde. Eva s’adaptait étonnamment fort bien à sa nouvelle condition. Intelligente et rusée, elle devint rapidement la tête pensante du groupe. Elle ne se salissait pas les mains, n’affrontant jamais elle même les rôdeurs. Mais cela ne pouvait durer qu'un temps, elle le savait. Tôt ou tard, elle allait devoir apprendre, tôt ou tard elle allait devoir se confronter aux revenants et cela la terrifiait.
On n’oublie jamais sa première fois n'est-ce pas ? C'est encore plus vrai lorsqu'il s'agit de dégommer votre premier rôdeur. Eva n’oubliera en effet jamais cette belle journée ensoleillée d’Août 2016 où elle a tué pour la première fois. Si tant est que l'on puisse réellement appeller cela tuer. Cest vrai ça, quel verbe employer face à un mort-vivant? Bref, elle et son groupe venaient d’arriver à Vancouver quand ça s'est passé. Ils avaient en tête de remonter jusqu'à la Base navale de Kitsap sous l’impulsion de Jon qui était persuadé d'y trouver de nombreuses ressources et un abri flottant. Pourquoi pas après tout? Ils n'avaient rien à perdre à essayer. Les petites planques par-ci par-là, c'était bon pour un temps mais ça ne serait vite plus suffisant. Il fallait quelque chose de plus sûr et solide. C'est en s'arrêtant en chemin pour fouiller une station service et une pharmacie qu’Eva eut à éliminer son premier rôdeur. Ne sachant pas encore maîtriser une arme à feu et surtout ne voulant pas ameuter une horde, elle n’était munie que d'un couteau de chasse. Elle savait qu'il fallait détruire le cerveau mais entre savoir et savoir-faire, il y avait tout un monde. Jon avait essayé de les préparer au mieux mais ça ne se passe jamais de la même manière en théorie et en pratique.
Eva n'en menait pas large, c'était la première fois qu'elle les suivait sur le terrain. En binôme avec Jarod, elle se sentait un peu rassurée et puis il la faisait rire pour la détendre. Ce qui marchait effectivement bien puisqu'ils étaient un peu trop détendus pour remarquer le rôdeur qui rampait sous une épave de voiture. Ce dernier s'était emparé de la cheville de Jarod, le faisant trébucher en arrière et perdre son arme. Son cri avait alerté les autres de la bande mais si Eva attendait, c'était la cheville de Jarod qui y passerait et il deviendrait l'un des leurs. Il en était hors de question. Eva avait toujours imaginé, depuis que le monde avait découvert avec horreur l'existence des marcheurs, qu'elle serait pétrifiée face à l'un d’entre eux mais il en fut tout autrement. Montée d’adrénaline, héroïsme, folie ou coup de chance, appelez ça comme vous voudrez, mais Eva avait réagit avec une vitesse déconcertante. Certes elle avait loupé le premier coup en plantant sa lame dans l’épaule du rôdeur mais elle ne s’était pas décontenancée seule seconde. Poussant elle aussi un cri de rage, comme pour se donner puissance et courage, elle avait extirpé le couteau de la chair en putréfaction, écrasé la main du rôdeur avec son pied pour l'empêcher d'avoir prise sur elle ou Jarod puis elle lui avait planté le couteau au beau milieu du crâne. Jamais elle n’oublierait ni le bruit, ni la sensation. Elle n'avait jamais connu ça mais elle avait déjà hâte de recommencer. Quel soulagement d'avoir le contrôle, de ne plus avoir peur, de n’être plus la proie mais le chasseur. Elle ne voulait plus jamais que ce sentiment de puissance ne la quitte. Et tandis qu'elle aidait Jarod à se relever, les autres arrivaient en renfort. Trop tard. Ils étaient soulagés de voir que leurs amis n’avaient rien mais Jon avait vu cette lueur dans le regard d’Eva, une lueur qu'il ne connaissait que trop bien. Et à partir de ce moment là, il ne cessa plus de s'inquiéter pour elle. Pour eux.
Un an après l'échec de leur expédition à la Base navale de Kitsap, nous retrouvons le petit groupe de Portland à Warden, Washington. Au fil de leurs péripéties et de leurs rencontres, Eva et ses amis avaient en effet eu vent d'une petite communauté bien protégée et barricadée là bas. Une communauté qui accueillait volontiers de nouveaux membres pour optimiser sa survie. Simple rumeur, rêve, traquenard ou réalité? Ils avaient tenté le coup et n'avaient pas regretté. Cette communauté existait bel et bien. Ce n'était ni un piège ni un mirage dans le désert. Affaiblis et amochés par leur périple, nos survivants n’étaient plus qu'au nombre de trois. Seuls Jon, Chris et Eva avaient survécu jusqu'ici. Des pertes lourdes et douloureuses qui ne les avaient pas laissé indemnes. Hantés et tourmentés par les morts tragiques et cauchemardesques de leurs amis, leur moral n'était pas au beau fixe. Néanmoins, ils avaient plus que jamais la rage de vivre mais aussi et surtout l’expérience d'une année à se battre pour survivre à l’exterieur. Un dernier point non négligeable qui pesa lourdement dans la balance lorsqu'il fallut décider de leur possible intégration à Warden. À l’époque, rejoindre une communauté était bien plus simple qu'aujourd'hui et Eva avait su facilement trouver les mots pour les convaincre de leur utilité. Et c'est ainsi que Jon, Chris et Eva trouvèrent enfin un port d’attache, un endroit sûr où se poser et reprendre des forces.
Trois mois plus tard, ils étaient déjà bien intégrés à la communauté. Ils avaient su gagner le respect et l’appréciation de tous grâce à leurs multiples talents et à leurs nombreuses contributions. Seul Chris posait parfois problème mais Eva était toujours là pour rectifier le tir et calmer les esprits. Elle avait le sentiment de lui être redevable depuis la mort de son frère. Elle n'y était pour rien mais elle ne pouvait s'empêcher de culpabiliser tout de même. Après tout, si elle ne l’avait pas convaincu de la suivre à Portland, peut-être qu'il serait toujours en vie. Chris n’en parlait jamais mais Eva sentait bien qu'il pensait la même chose. Il lui en voulait et elle comprenait. Voilà certainement pourquoi elle s’évertuait sans cesse à le tirer des mauvais pas où il se fourrait. C'était un peu sa manière à elle de se faire pardonner. Quant à Jon... lui et Eva s'étaient nettement rapprochés. En couple depuis déjà plusieurs mois, leur installation à Warden n'avait fait que confirmer leurs sentiments et leur désir de poursuivre ensemble, main dans la main. Tout se passait si bien que parfois Eva se demandait si elle n'était pas en plein rêve, redoutant chaque jour le dur réveil qui l'attendait. Car même s'ils avaient su s'en sortir jusque là, nos survivants n’étaient pas dupes. Rien ne durait dans ce nouveau monde, encore moins le bonheur, vulgaire illusion éphémère. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'une nouvelle merde ne vienne enrayer ces beaux rouages. Telle était la dure réalité. L’optimisme n'avait plus sa place, et ce fut d'ailleurs à cette époque qu’Eva l’apprit à ses dépends. Pourtant, elle n’en était plus à son coup d'essai. Elle avait éliminé pas mal de rôdeurs et s'était considérablement endurcie. Elle avait gagné en assurance et en expérience. Plus vivante et épanouie qu'elle ne l’avait jamais été avant l’épidémie, elle avait su gagner sa place au sein de la communauté et était d'ailleurs très appréciée. Souriante, serviable, sociable et protectrice, elle était rapidement devenue un élément moteur, tant sur le campement que sur le terrain.
Mais nous le savons, vous comme moi, ça ne sent jamais bon quand la vie devient un long fleuve tranquille jonché d’entrailles et de cadavres ambulants. Ça ne pouvait pas continuer ainsi, l’heure du réveil avait sonné. La couleur avait tout de suite été annoncée ce jour là. Chris faisait encore des siennes. Il s'était pris la cuite du siècle pour oublier que cela faisait un an jour pour jour que son frère était mort. Entre colère dévastatrice et profonde tristesse, il avait bouleversé toute la communauté, en commençant par Eva qui s'en voulait énormément. Désinhibé par l’alcool, Chris ne s'était d'ailleurs pas gêné pour lui dire que lui aussi lui en voulait. Enfin, il avait osé le dire, il considérait Eva comme responsable de la mort de Dominic. Des mots durs à entendre mais il fallait que Chris les prononce, il fallait qu'il libère sa rage pour espérer repartir un jour sur de bonnes bases. Jon avait tenté de défendre Eva, mais celle-ci lui avait dit que ce n'était pas la peine, qu'elle méritait la colère et la rancœur de Chris, qu'il fallait le laisser déballer tout ce qu'il avait sur le cœur. Mais un mot plus haut que l'autre et les deux hommes en vinrent aux mains. Il fallut s'y mettre à plusieurs pour les séparer et une fois la tension retombée, Chris préféra sortir du camp pour s’aérer l’esprit et se calmer. Il voulait être seul, qu’on lui foute la paix. Le voir quitter les lieux ainsi, saoul, furieux et désemparé, avait énormément inquiété Eva. Même s'il avait été infecte avec elle, elle ne pouvait pas lui en vouloir. Immédiatement, elle avait voulu lui emboiter le pas pour l’empêcher de faire une connerie ou de se faire attraper par les rôdeurs. Mais Jon l’en avait empêché. Pour lui, le mieux à faire était de laisser Chris décuver un peu. Comme à son habitude, il ferait un tour loin de Hillrose et il reviendrait tête baissée pour s’excuser. Et puis s'ils le suivaient maintenant, c'était là que ca risquait de mal finir. Eva s'était finalement rangée à l’avis général. Chris voulait être seul, il en avait peut être réellement besoin, il fallait respecter sa volonté.
Mais quand il était toujours aux abonnés absents quelques heures plus tard, l'inquiétude d’Eva reprit le dessus et elle décida de partir à sa recherche. Quelques volontaires souhaitaient l’accompagner mais elle déclina leur offre. Elle ne voulait pas risquer plus de vies qu'il ne le fallait. Jon ne lui laissa cependant pas le choix, il l’accompagnait et ce n'était pas négociable. Eva ne l'avoua qu'à demi-mots mais elle avait été soulagée de savoir qu'il serait à ses côtés. Équipés et bien déterminés à ramener Chris au campement, Jon et Eva étaient donc partis ensemble. Le temps leur était compté, il valait mieux rentrer avant la nuit. Au volant de l'un des rares véhicules de la communauté, ils firent le tour de la ville et de ses alentours, ils n'avaient absolument aucune idée de là où Chris avait bien pu aller. Peut être ne reviendrait-il jamais. Peut-être était-il déjà loin de Warden. Est-ce que cela serait vraiment un mal? S’était surprise à penser Eva. Chris ne parvenait pas réellement à s’intégrer à la communauté. Il disparaissait pendant des heures sans rien dire à personne, ni où il allait, ni ce qu'il faisait. C'était d'ailleurs devenu de plus en plus dur pour Eva de défendre sa cause. Certains parlaient déjà de voter pour son bannissement de Warden. Il devait très certainement l'avoir compris et cela avait dû contribué à son pétage de plomb. Lui qui était déjà très instable depuis la mort de son frère. Il ne lui en fallait pas beaucoup plus pour vriller totalement. D’où l’inquiétude d’Eva pour lui mais aussi pour les autres survivants. Alors, oui... elle y avait pensé. Elle avait finalement pensé que le départ définitif et volontaire de Chris ne serait peut-être pas si mal. La culpabilité s’emparait à nouveau d’elle, alors, et ce malgré la nuit qui commençait à tomber, elle avait insisté auprès de Jon pour poursuivre encore un peu les recherches. Ça n’avait rien donné et ils s'étaient résignés à rentrer. Et ce fut justement sur le chemin du retour que l’attention d’Eva fut attirée. Une étrange et mince lueur dans la nuit l’interpella. Immédiatement, elle demanda à Jon de se rendre là bas. Ils s’arrêtèrent quelques mètres avant, tous feux éteints, histoire de surprendre celui ou ceux qui étaient à l’origine de cette curieuse lumière aux abords de la ville.
En s’approchant, ils reconnurent la silhouette de Chris qui se dessinait derrière un feu de camp. Était-ce là qu'il venait quand il disparaissait pendant des heures? Probablement. Eva était soulagée de voir qu'il allait bien mais en même temps, elle ne pouvait s’empêcher de penser à tous les problèmes qui les attendaient quand ils rentreraient avec lui au camp. Elle était tellement loin de la vérité. Elle le comprit en s’approchant davantage. Devant Chris, un trou béant de vingt mètres de large environ, vestige d'un chantier de construction pré-apocalypse qui n'aura jamais pu être terminé. À l’intérieur de ce trou, pas loin d'une centaine de rôdeurs parqués comme du bétail sous les yeux presque admiratifs de celui qui visiblement les avait amené jusqu'ici. Encore primitifs à cette époque là, les marcheurs n'avaient pas la jugeotte d’emprunter l’échelle pour remonter à la surface. Ils étaient là à tourner en rond comme des lions en cage. Eva était horrifiée. Mais pourquoi, pourquoi Chris avait fait cela? Voilà donc ce qu'il faisait durant ses longues périodes d’absence. Elle qui pensait naïvement qu'il avait juste besoin de souffler, de sortir se défouler loin du regard et du jugement des autres. Elle s'était lourdement trompée. Pointant leurs armes vers Chris, Jon et Eva lui avaient demandé des explications. Chris était comme dans un état second. Comme si les derniers événements avaient eu raison du peu de lucidité qui lui restait. C'était encore plus terrifiant que les râles des rôdeurs excités par tant de chair fraîche. Chris leur expliquait alors qu'il avait capturé tous ces rôdeurs pour la communauté, pour créer une armée qui pourrait les protéger. Il était devenu complètement fou. À force de vouloir le défendre et lui trouver des excuses, Eva était passée à côté de cela. Elle était bouleversée. Elle ne savait plus quoi faire. Par où commencer? Elle était partie le retrouver pour le ramener et tenter une dernière fois de le garder à Warden, maintenant elle se retrouvait là avec toute cette merde et la certitude que Chris ne pourrait plus jamais revenir. Mais que faire? Le chasser avec le risque qu'il revienne tout détruire? Le tuer pour s’assurer qu'il ne soit plus jamais une menace? Le dilemme était terrible. Et pourtant, il fallait faire un choix.
Eva lança un regard à Jon. Lui semblait beaucoup moins perdu qu'elle. Son regard en disait long, il était déterminé à éliminer la menace. Lentement, elle baissa son arme et posa sa main sur celle de Jon afin qu'il en fasse de même. Ils ne pouvaient pas juste exécuter Chris comme ça sous prétexte qu'il avait perdu la boule. Ils ne pouvaient pas le condamner pour un crime qu'il n'avait pas commis. Ce monde était déjà assez moche comme ça. Leur part d'humanité c'était tout ce qu'il leur restait, elle en était convaincue. Elle voulait laisser une dernière chance à Chris, essayer de le faire revenir à la raison. Lui faire comprendre qu'il déraillait et qu'il fallait éliminer tous ces rôdeurs. Elle lui devait bien ça, car même si ça n'avait pas été toujours la grande entente entre eux, il les avait sauvé une paire de fois. Il avait été d’une aide très précieuse avant d’arriver à Warden, là où tout avait commencé à partir en vrille pour lui. Renfermé et solitaire, il avait oscillé entre crises de colère et mystérieuses absences. Comme s'il ne supportait pas la vie en "cage". Comme s’il se sentait plus à sa place parmi les morts que parmi les vivants. Ce qui expliquait sans doute pourquoi il avait échafaudé ce plan incensé. Le ramener serait compliqué mais pas impossible. Eva avait d’ailleurs su, une nouvelle fois, trouver les mots pour calmer Chris. Il s'était effondré. Elle s'était alors approchée de lui pour l’aider à se relever, jetant un regard à tous ces rôdeurs, elle n'en croyait toujours pas ses yeux. Bordel! Comment une telle idée avait pu germer dans son esprit?! On croit connaître les gens et finalement on se rend compte qu'on était complètement à côté de la plaque. C'était exactement ce que ressentait Eva. Elle avait devant elle un homme qu'elle ne connaissait pas, un homme qu'elle ne connaissait plus. Le voyant fondre en larmes, elle l'avait instinctivement pris dans ses bras avant de lui demander pardon. C'était la première fois qu’elle lui demandait pardon, et ce avec la plus grande sincérité du monde. Eva se sentait plus légère, comme si elle s’était enfin délestée d'un fardeau qu'elle portait depuis trop longtemps. Mais désormais, elle avait un autre problème à régler et il était de taille. Il y avait une centaine de rôdeurs là derrière eux et il fallait s’en débarrasser. Hors de question de prendre le risque de les laisser là. Qu'elle se rassure, les laisser là ne faisait pas parti du plan de Chris...
Jon et Eva tentèrent de raisonner Chris en y mettant les formes, sans le brusquer, mais celui-ci avait très mal pris le fait qu'ils ne le soutiennent pas dans son projet, qu'ils le prennent pour un fou. Du désarroi, il était de nouveau passé à la colère. Profitant de la baisse de vigilance d’Eva, il l’avait désarmé avant de la mettre en joug, canon sur la tempe. Il avait alors ordonné à Chris de jeter son flingue. Persuadé que Chris serait capable d’abattre Eva de sang froid, Jon s'était exécuté. Totalement à la merci de celui qui avait si longtemps était leur allié, leur compagnon d’infortune, ils durent se résoudre à lui obéir. Ils se rendirent dans l'un des bungalows du chantier où Eva ligota Jon avant que Chris n'en fasse de même avec elle. Ils ne voulaient pas croire en son projet, il allait leur montrer qu'ils avaient tort. Ils ne les laisseraient pas l’empêcher d'aller jusqu'au bout. Il leur avait alors expliqué son plan en détails pour essayer de les convaincre mais Jon l'avait traité de fou tandis qu’Eva le suppliait de toutes ses forces de ne pas faire ça. Chris avait essayé de la rassurer en lui disant qu'elle devait lui faire confiance. Eva avait beau eu hurler, la détermination de Chris était sans faille. Et tandis qu'elle et Jon tentaient en vain de se libérer de leurs liens, Chris partait mettre son plan à exécution. Il installa d'abord la rampe de chantier afin que les rôdeurs puissent remonter à la surface. Puis, au volant de son véhicule, il les attira jusqu'à Warden, persuadé que ces marcheurs les protégeraient. Lorsque Jon et Eva réussirent enfin à se libérer, il était trop tard. Chris et sa horde n'étaient plus là. Ils s’étaient alors précipités vers leur voiture pour rejoindre Warden le plus vite possible. Mais plus ils se rapprochaient, plus ils comprenaient qu'ils n’arriveraient jamais à temps. Coups de feu, hurlements, brouhaha terrible et assourdissant. C'était l’Enfer qui avait déferlé sur Warden.
Jon appuya sur l’accélérateur, espérant pouvoir aider et sauver les derniers rescapés mais cela se retourna contre lui lorsqu'ils croisèrent sur la route des survivants fuyant la destruction et le chaos. Pour les éviter, il dût faire une embardée et perdit le contrôle du véhicule. Percutant un poteau électrique, le choc avait été violent et brutal. Eva avait perdu connaissance et lorsqu'elle se réveilla, le corps tout endolori et une douleur vive à la tête, elle chercha immédiatement Jon. Il n'était plus à côté d'elle. Le pare-brise brisé ne laissait pas beaucoup de place au doute. Jon ne mettait jamais sa ceinture, il ne le faisait déjà pas avant l’épidémie, il n’en avait jamais eu le réflexe. Eva l'avait déjà repris un bon nombre de fois à ce sujet mais malheureusement pas ce soir. L’urgence de la situation, la précipitation de leur départ... elle avait laissé passer. La vue encore légèrement embuée, elle l’avait cherché du regard et ce fut avec horreur qu'elle le vit quelques mètres plus loin, allongé sur le sol, hurlant de douleur tandis que deux rôdeurs le dévoraient vivant. Eva avait poussé un hurlement de rage et de chagrin. Reprenant ses esprits, elle s’était emparé du flingue de secours dans la boîte à gants et avait surmonté la douleur qui la tiraillait de la tête aux pieds pour réunir ses dernières forces et s’extraire du véhicule. Heureusement pour elle, le plus gros de la horde avait suivi Chris jusqu'à Warden, il ne restait que quelques brebis galeuses à l’arrière du troupeau. Elle s’en débarrassa sans grande difficulté pour atteindre Jon et acheva les deux marcheurs qui en avaient fait leur festin et... et quoi maintenant? Avait-elle pensé. Il n'y avait plus rien à faire. Perdue et bouleversée, elle s'était effondrée en larmes aux côtés de Jon. Péniblement, il avait fébrilement attrapé sa main, celle qui tenait l’arme encore chaude. Eva savait très bien ce qu'il attendait d’elle et ce qu'elle devait faire, mais c'était tellement dur. Un bout de la gorge arrachée et la bouche ensanglantée, il ne pouvait plus parler mais ses râles d’agonie parlaient pour lui. Eva était dévastée, elle avait envie de tout lâcher, de tout abandonner. S'abandonner au chagrin, s’abandonner à la douleur mais ils s'étaient toujours fait une promesse. Le jour où l'un d'entre eux partirait, l'autre devrait continuer à se battre pour survivre. Pour lui, pour l'autre. Eva avait toujours cru que ce serait elle qui partirait en premier, elle n'était pas prête et pourtant, il allait falloir l’être et vite. D'autres rôdeurs, attirés par le bruit et le sang, commençaient à arriver. Eva serra la main de Jon, lui dit un dernier "je t'aime" suivi d'un "pardon" et elle lui tira une balle dans la tête.
Lorsqu'elle atteignit enfin Warden, il ne restait plus que destruction et chaos. L’armée de Chris avait tout ravagé ou presque. Warden n’était plus. Eva trouva Chris en amont, blessé et totalement dévasté par l’échec de son plan. "Ils devaient nous protéger" répétait-il en boucle, "ils devaient nous protéger". Il avait été mordu, ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'il ne meurt et ne se transforme en l'un d’entre eux. Alors, quand il avait supplié Eva de le tuer, elle lui avait simplement craché au visage avant de l’abandonner, sans même se retourner. Elle ne serait plus jamais la même.
Après le désastre de Warden, Eva a mis plusieurs mois à s'en remettre, songeant même plus d'une fois à tout abandonner. Mais à chaque fois qu'elle avait une baisse de régime, elle pensait à Jon, et aussitôt elle repartait, plus déterminée que jamais à se battre pour survivre. Elle qui avait tant souffert de la solitude avant l’épidémie, voilà qu'elle n’aspirait plus qu'à ça désormais. Elle était seule et voulait le rester. Pas d'attache, pas de perte, pas de souffrance superflue. C'était aussi simple que ça. Sans compter sur le fait qu'après la trahison de Chris, Eva ne se voyait plus du tout faire confiance à qui que ce soit. Alors pendant deux ans, elle a évité les autres survivants, préférant largement la compagnie des morts à celle des vivants. Bien sûr elle a croisé quelques personnes sur sa route mais a limité leurs contacts au strict minimum, histoire de ne pas devenir complètement cinglée. Échanges d'informations, trocs, entraides ponctuelles... parfois des rencontres beaucoup moins plaisantes. Mais généralement elle parvenait à se soustraire à ces dernières en étant la plus discrète possible, une ombre dans les ténèbres, ou en ne s’approchant que d'individus isolés. Tout se passait plutôt bien pour elle, étant donné les circonstances, et elle n’avait ainsi pas l'intention de déroger à son mode de vie. Pour vivre heureux, vivre caché et surtout ne pas se mêler des affaires des autres. Mais voilà, encore une fois, ce sont les problèmes qui sont venus à elle. L’hiver était rude, la survie de plus en plus difficile, Eva avait trouvé un petit nid douillet, à l’abri des regards indiscrets, où hiberner le temps que les conditions météorologiques s'améliorent. Avant de repartir en vadrouille sans vraiment savoir où elle allait.
Eva aurait donc pu passer un hiver plutôt tranquille, loin des rôdeurs et des autres menaces. Elle aurait pu... Car lorsqu'elle avait entendu une jeune femme crier à l’aide, non loin de l’immeuble où elle avait, temporairement, élu domicile, elle n’avait pas pu rester les bras croisés à attendre que quelqu'un ou quelque chose la fasse taire. Après avoir pesté un bon nombre de fois, Eva s'était décidée à sortir pour aider la jeune femme. Cette dernière était poursuivie par un groupe d'hommes qui avaient pillé son camp. Eva avait eu beaucoup de mal à calmer la jeune femme mais y était finalement parvenue, la ramenant à l’abri avant que ses agresseurs ne les rattrapent. Les deux femmes avaient dîné ensemble avant d'aller dormir pour reprendre des forces. Elles réfléchiraient à la suite le lendemain, à têtes reposées. Mais elles n’avaient malheureusement pas eu ce luxe. En effet, les hommes en question les avaient retrouvé et, malgré les pièges posés par Eva, étaient parvenus jusqu'à elles. Réveillée avec fracas en pleine nuit, Eva se retrouva à la merci de ces enfoirés et comprit très vite que la jeune femme en détresse n'était qu'un appât pour déloger les planqués trop intègres pour ignorer ses appels à l’aide. Eva s'était bien faite avoir. Furieuse contre eux mais surtout contre elle-même, elle ne se montra absolument pas coopérative lorsqu'ils lui ordonnaient de leur donner tout ce qu'elle possèdait. La nuit avait été longue et pénible mais Eva en avait vu d'autres. Ces enfoirés finiraient par partir une fois qu'ils auraient compris qu'elle était seule et qu'elle n’avait pas grand chose à leur donner.
En effet, Eva les avait plutôt bien cerné. Après s'être pris la tête sur la marche à suivre, le leader de la bande avait finalement tranché. Eva ne représentait pas un danger, il fallait partir et passer à autre chose. Soulagée, Eva avait attendu qu'ils aient quitté l'immeuble, avec le peu de victuailles et de matos qu'elle avait accumulé, pour rassembler le peu d'affaires qui lui restait et prendre la poudre d’escampette. Hors de question pour elle de rester là avec le risque que la bande ne revienne. Malheureusement, elle n’avait pas été assez rapide et l'un d'entre eux était revenu seul pour prendre une dernière ressource qui l'intéressait, Eva. Dépouillée de ses armes et munitions, l’affrontement fut des plus déloyale. L’homme pris rapidement le dessus et entreprit d’abuser d’Eva. Un véritable cauchemar pour elle qui n'avait jamais été confrontée à ce genre de situation. Elle ne s'était pas laissée faire pour autant et s’était débattue comme une lionne. Mais la montagne qui lui était grimpée dessus était trop puissante et elle n'avait rien pu faire. L’homme lui avait alors cogné le crâne contre le sol pour la neutraliser avant de commencer ce pourquoi il était visiblement revenu seul sans prévenir ses potes pour partager. Sonnée, Eva n'avait pas perdu connaissance, elle était consciente de tout mais était bien trop groggy pour faire quoi que ce soit. Cette fois-ci, elle n’échapperait pas au pire, avait-elle pensé tandis que des larmes inondaient ses yeux. Non seulement cet enfoiré allait la violer mais en plus il était certain qu'il la buterait après ça. Elle avait le cœur brisé de finir ainsi.
Eva essayait encore, en vain, de se débattre, quand elle sentit un liquide chaud sur son visage. Elle mit plusieurs secondes avant de comprendre qu'il s'agissait du sang de son agresseur, exécuté d'une balle en pleine tête avant même d'avoir pu commencer quoi que ce soit. Quel soulagement mais aussi quelle incompréhension. Reprenant doucement ses esprits, elle reconnut le leader du groupe, le canon encore fumant. Elle n’y comprenait plus rien. Il lui jetait alors le beretta qu'il lui avait fauché quelques heures plus tôt en lui affirmant qu'il était peut être un salaud mais un salaud avec un code d’honneur, et violer des femmes n'en faisait pas parti. Puis il avait disparu en la laissant là avec le corps de son pote qui l’écrasait sous son poids mort. Eva avait eu une révélation ce jour là. Oui elle ne devait faire confiance à personne, cette salope qui l’avait piégé n’avait fait que la conforter dans cette idée, mais ce n'était pas pour autant qu'elle devait fermer les yeux sur la merde qu'elle pouvait observer autour d’elle. Ce salopard lui avait fait prendre conscience qu'il lui fallait un code d’honneur à elle aussi. Terminé de lambiner le temps que ça se passe en s'occupant que de sa propre survie. En plus des rôdeurs, Eva traquerait aussi désormais les salopards.
Désolée je n'ai plus de place, vous trouverez la suite ici:
https://www.walkingdead-rpg.com/t21895p28-eva-louisa-brody#679799
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Re: Eva-Louisa Brody
Dim 8 Jan 2023 - 16:15
Bon courage pour ta fiche et trop cool de voir ce personnage pris !
ANAPHORE
- Neela J. Yeo-Jeong
- Administratrice
She-Hulk | Neenja
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Re: Eva-Louisa Brody
Dim 8 Jan 2023 - 16:16
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Re: Eva-Louisa Brody
Dim 8 Jan 2023 - 16:24
Bon courage surtout pour venir dans cette famille, je pense que tu n'es pas au bout de tes peines !
On est super contents que ait choisie Eva /o/
Hésite pas à venir nous voir si tu as la moindre questions !
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Re: Eva-Louisa Brody
Dim 8 Jan 2023 - 17:00
J'ai eu un vrai coup de cœur pour ce personnage et j'espère vraiment pouvoir la jouer
Sebastian et Roman... trop hâte de débarquer dans la famille, je sens qu'on va bien s'amuser
- Invité
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Re: Eva-Louisa Brody
Dim 8 Jan 2023 - 17:03
C'est trop cool de voir ce scénario de pris, hâte d'en savoir plus sur l'ex Madame Brody
- Spoiler:
- Nihima Sihasappa
The Hallows | Conseil
Modératrice
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Re: Eva-Louisa Brody
Dim 8 Jan 2023 - 17:14
Bon courage pour ta fiche
Te voilà fraîchement inscrit(e) sur The Walking Dead RPG ! Après avoir lu consciencieusement le règlement du forum, voilà quelques petites choses à retenir pour tes débuts parmi nous :
Bonne rédaction !
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