- Hey, salut Frank !

La salutation est franche, quoique un peu timide. Comme ce geste de la main étonnement mal assuré ou ce sourire qu'elle décoche au militaire. La réponse est beaucoup plus sobre, elle. Un vague mouvement de la tête pour lui retourner son salut et l'homme continue sa route vers les autres. Ceux qui s'entraînent ce matin.

Sans elle...

Une forme de détermination remplace peu à peu l'air abattu de l'australienne. Elle tourne les talons, va se réfugier sur le porche d'une maison encore à moitié détruite. L'une des ruines qui coûterait beaucoup trop de temps, d'efforts et de moyens à restaurer. Un héritage de l'assaut de New Eden. Et du temps où elle évoluait aux côtés de Stan' et du reste de ses camarades sans être considérée comme une pestiférée. Qu'est-ce qu'ils doivent penser d'elle ? Qu'est-ce que le général leur a dit, pour peu que certains se soient inquiétés de son absence ? Est-ce qu'elle vaut au moins quelque chose, encore à leurs yeux ?

Et puis lorsqu'elle imagine ses détracteurs se réjouir de sa radiation de l'armée, elle serre le poing encore un peu plus fort. Tandis que de l'autre elle est bien obligée d'accorder à Dyna toute l'attention que le chiot mérite, et qu'elle n'a pas pu lui offrir ces dernières semaines. Maintenant, c'est clair, elle aura du temps à lui accorder... Désolé mon pote, c'est la crise ! Il n'aura pas sa petite douceur du jour, même sa nourriture est rationnée. J'peux pas inventer d'la bouffe... Et c'est fort dommage parce que bon petit hamburger, là, ça passerait franchement pas trop mal !

À défaut, elle s'installe plus confortablement sous le porche pour observer les militaires qui se rassemblent. Elle ne sait pas trop pourquoi elle s'inflige ça, à vrai dire. Ca lui rappelle juste ce qu'elle a perdu. Tant pis. Elle les imitera, mais de loin. Pour garder la forme. Et parce que de toute façon elle n'a pas du tout dans l'idée d'aller travailler aux champs, ce matin. Grève des corvées ! On ne la considère plus apte à défendre le Fort ? Alors elle se déclare incapable de contribuer à son entretien et à toutes ces tâches dégradantes qui reviennent d'ordinaire aux civils !

T'sais quoi, frérot ? Zelda réclame à nouveau l'attention du chien. Si Stan m'veut pas dans son armée, j'crois que j'vais créer la mienne ! Ou plutôt une milice. Un de ces trucs paramilitaires, là ! Peut-être en mobilisant les jeunes ? Ceux qui se font déjà appeler l'Armée de June ? Tu veux être officier ? Après tout ce serait à elle de décider des promotions ! Elle pourrait faire ce qu'elle veut ! Ou presque! Locke ! Eh ! Oui, c'est bien l'écossais qui passe maintenant dans son champ de vision. Sans doute pour rejoindre l'entraînement lui aussi. Ses projets s'envolent et sont aussitôt remplacés par d'autres alors qu'elle fonce vers son camarade, bien décidée à se placer sur sa route si ce dernier ne daigne pas lui accorder quelques secondes.

Lui, il n'a pas le droit de la snober ! Pas après qu'il lui ait sauvé la vie !

Locke ! répète-t-elle en le rejoignant. Salut ! Petit sourire de circonstance parce qu'elle l'aime bien, ce type. C'est cool, il n'y a pas trop besoin de se forcer. Faut qu'tu m'aides... Vraiment ! Pas pour une petite connerie mais parce que son avenir est vraiment en jeu ! T'sais qu'j'ai été virée, hein ? S'il ne le savait pas c'est chose faite ! Pas le temps de niaiser ! Mais toi aussi t'avais été mis d'côté pendant un moment, non ? Et t'as réussi à revenir dans les bonnes grâces de Stan' ! La preuve, c'est qu'il participe à nouveau aux opérations. Et efficacement, en plus. Sans que Stan' soit sans arrêt sur son dos, en prime. Comment t'as fait ? Faut qu'je sache ! S'il existe une seule foutue technique sur cette planète pour faire changer un général d'avis, elle doit la connaître ! Vous avez besoin d'moi ! insiste-t-elle. Comme si l'argument était imparable et qu'il ne peut que le convaincre. Au cas où, bien sûr, Locke avait dans l'idée d'hésiter. Et moi aussi, j'ai besoin d'vous... murmure-t-elle en relevant un regard éteint dans sa direction. En fait, ouais, c'est surzout ça !

Comme chaque matin, je me rendais sur le terrain d’entraînement pour garder la forme quand je n’étais pas déployé sur le terrain. Parfois, Jill ou Sun m’accompagnaient. Mais aujourd’hui, j’étais seul. L’ancienne professeure de kendo était partie la veille à Agate et Jill s’était occupée de la surveillance toute la nuit pour ne rentrer qu’au petit matin. Ca m’allait bien, parce que ça promettait un bon entraînement juste entre couilles au final.

Enfin… c’était sans compter sur Zelda qui se plaça sur ma route. Ca faisait un moment que je ne l’avais pas vu se pointer ici. A la réflexion, c’était certainement depuis sa mise à pied. « Salut, Zed. T’as décidé de revenir t’entraîner ? » Je lui offris un sourire amusé. « Et d’arrêter de fuir tes responsabilités ou… ? » Ca m’étonnerait. J’haussai un sourcil dubitatif à son appel à l’aide. Dans quoi elle comptait encore m’embarquer, sérieusement ? « Tout le monde sait que tu as été virée, Zelda… où tu veux en venir ? » J’aurais dû m’en douter. Elle voulait parler de ma propre mise à pied, quelques mois plus tôt. Je poussai un grognement peu ravi pour seule réponse, tentant rapidement de la contourner… mais elle était définitivement sur mes talons. Je m’arrêtai net à peine quelques mètres plus loin pour me retourner vers elle. « Comment j’ai fait pour revenir dans ses bonnes grâces, c’est ça que tu veux savoir ? » Je soufflai un bref rire. « Tu devrais tenter la lèche avec lui, il adore qu’on le brosse dans le sens du poil. Mais essaie d’être plus subtile que t’as l’habitude de l’être en temps normal, d’accord ? » Mon conseil n’était qu’à moitié sérieux. J’allais pourtant la laisser là-dessus quand elle s’écria que nous avions besoin d’elle, et surtout, qu’elle avait besoin de nous. Ma mâchoire se crispa dans une grimace contrite. Je ne pouvais pas vraiment l’ignorer alors qu’elle se retrouvait dans la même situation que moi plus tôt, désespérée d’être mise de côté parce qu’elle n’avait pas su se montrer à la hauteur de leurs attentes. Zelda était comme moi. Ce n’était pas une militaire de formation, alors elle avait dû redoubler d’efforts pour s’imposer dans cet univers. C’était encore pire pour elle qui n’avait ni ma carrure, ni la trentaine passée. A son âge, on manquait toujours de recul, et personne ne nous prenait au sérieux. « Tu sais quoi ? Prends des couteaux et on sort. On se rejoint devant les portes dans une demi-heure. »

~~~

« Au fait, t’as le droit de sortir de chez papa et maman à plus de quelques kilomètres ? » Lui lâchai-je sans emphase, alors qu’on gravissait un petit monticule nous séparant de la plage. « Ah, les voilà. » En ce moment, les rôdeurs n’arrêtaient pas d’être charriés par la mer comme s’ils s’étaient adaptés aux environnements marins. S’ils étaient aussi mous et décharnés que ceux que nous avions l’habitude de croiser quotidiennement, avec une odeur de poisson pourri en prime, mais ils restaient une véritable plaie.

Je soupesai le couteau de lancée dans ma main. « On les laisse approcher à une distance suffisante. » Lui signalai-je, sans me formaliser d’en voir trois se tourner vers nous au son de ma voix. « Je voulais m’entraîner avec ces armes-là à distance, mais c’est toujours mieux en conditions réelles, pas vrai ? » Et puis, ça lui changerait les idées. La gamine était en manque d’action, alors elle avait besoin de sortir s’aérer un peu l’esprit. Les cibles en bois ne représentaient plus le plus petit intérêt pour elle comme pour moi à la longue.

Le premier rôdeur à portée, je pris position avec mon couteau calé entre deux doigts. Le premier tir jaillit avec précision, s’enfonçant dans son œil pour atteindre son cerveau mou sans difficultés. « Yeah ! Et un de moins. Putain c'est efficace ces trucs. » J’en attrapai rapidement un autre, lui désignant avec celui qui arrivait sur sa droite. « Vas-y, essaie. » Et pendant que je l’observai faire du coin de l’œil, je reculai un peu pour ne pas céder aux avances du troisième. Loin de m’en formaliser, je repris la discussion comme si de rien n’était : « Donc pour te répondre… il y a pas de miracle, Zelda. J’ai passé des mois à juste faire profil bas et tenter de prouver ce que je valais sur des missions de récupération à Kitsap. Je ne pouvais pas aller plus loin que les avant-postes de toute façon, et il avait fallu que je négocie pour ça. » Je grimaçai un peu. « Là où t’as été très conne, c’est que tu t’es enfuie dès que tu as pu en espérant passer l’incident sous le tapis. » Je ne mâchai pas mes mots avec elle, mais ce n’était pas non plus ce qu’elle attendait de moi.

Spoiler:

- Tu veux bien m'épargner ces conneries, s'te-plaît ?

Celles sur la responsabilité. Et plus généralement tout ce qui a un rapport avec cette saloperie de morale à laquelle trop de gens s'accrochent encore. L'australienne a besoin de l'aide d'un ami, pas de le désapprobation d'un adulte. En fait elle ne s'attendait pas vraiment à ce qu'il lui balance un truc du style et la voici d'abord surprise, puis soulagée lorsqu'il évoque son renvoi de l'armée. Virée, j'suis pas sûre qu'ce soit l'terme l'plus adapté... grogne-t-elle par principe, glissant les mains dans ses poches tout en se renfrognant. Avant de finalement hausser les épaules lorsque la désagréable évidence la rattrape : Ouais quoique... Si en fait, c'est l'bon mot ! Et c'est même poli, encore. Parce qu'elle a d'autres synonymes bien moins charmants qui lui viennent en tête lorsqu'elle pense à la façon dont Stan' la dégagée.

Dans tous les cas Locke accepte de lui confier le secret de sa technique pour revenir dans les bonnes grâces du général. Elle hoche la tête pour lui confirmer que oui, c'est bien ce qu'elle attend de lui. Avant de froncer les sourcils en écoutant ses conseils. L'sucer ? C'est ça, ton conseil ?! Elle y avait pensé toute seule. Et elle voit franchement mal comment elle pourrait brosser Stan' dans le sens du poil sans qu'il s'en rende compte. La subtilité, clairement, c'est pas son truc. Putain, j'suis condamnée ! Dans le fond, le plus simple, ce ne serait pas de se rendre simplement à l'évidence ?

Il ne faut guère longtemps avant que l'australienne se perde dans ses pensées. Avec le désir de se laisser glisser dans les bras de la déprime. Si bien que la proposition de Locke sonne presque comme un echo. Ce n'est que lorsque le sens de ses paroles parviennent finalement à sa conscience qu'elle relève un regard interloqué dans sa direction. Sortir ? Elle a bien entendu ? On dirait que oui... Oh bordel ! Ouais ! Elle a besoin de quitter ce foutu camp et de croiser la route de quelques menaces. Dans trente minutes, devant les portes ! C'est noté ! L'australienne le pointe du doigt alors qu'elle recule déjà pour aller se préparer. C'est le genre d'offre qu'il ne faut pas lui faire deux fois, ça !

~~~~~~

- Papa est mort et maman donne plus d'nouvelles ! Ca répond à ta question ?

Ca faisait un petit moment qu'elle n'avait pas vu son ami, Zelda. Vraiment vu. Elle avait presque oublié que son humour était aussi à chier que le sien, tiens ! Mais si tu parles de Yu', j'lui ai pas dit ! J'crois pas qu'il considère qu'ce soit une corvée d'balancer des couteaux sur des cadavres. Du coup, bon... C'qu'il n'sait pas n'peut pas m'causer d'tort, pas vrai ? De toute façon elle se souciera des éventuelles conséquences plus tard. Là, elle compte surtout profiter de l'instant présent. Putain, ils m'avaient manqués ! Ces morts vers lesquels ils se dirigent maintenant. Ca fait des cibles intéressantes, ouais, Locke a raison.

Et c'est quoi, exactement, une distance suffisante ? L'australienne veut bien appliquer les conseils de son camarade. Après tout elle a déjà lancé des couteaux mais pour s'amuser. Contre un tronc. Pas pour tuer. C'est nouveau tout ça pour elle. Ludique, mais nouveau. T'inquiètes, ton idée est géniale ! affirme-t-elle ensuite lorsqu'il vante les mérites de son idée. Ouais, c'est sûrement pas le plus con des écossais...

Et elle, pas la plus précise des australiennes puisque sa lame virevolte près d'un mort. En fait c'est carrément pire puisqu'elle l'évite et va simplement se figer sur le sable. Voilà pourquoi un flingue, c'est mieux ! ne peut-elle s'empêcher de ronchonner avant de tirer une seconde lame. Et d'être distraite par un Locke qui daigne enfin répondre sérieusement à la question qu'elle lui a posée près d'une heure plus tôt. En gros... Faut juste être patiente et volontaire, c'est ça ? résume-t-elle ironiquement. Elle suppose que c'est la meilleure chose à faire, oui. Mais bordel, qu'est-ce que cette perspective l'agace... J'ai pas fuit, Locke ! J'suis partie accomplir une mission très importante que June m'a confiée ! À moi, directement ! Forcément, ego oblige, elle se sent aussi obligée d'insister là-dessus. Mais non, elle n'ira pas jusqu'à prétendre que ça ne l'arrangeait pas de quitter Fort Ward et Stan' quelques temps.

Sauf qu'elle a été bien conne de croire que les choses se tasseraient, effectivement. Zelda recule de quelques pas lorsque le cadavre qu'elle n'a pas réussi à abattre se rapproche trop puis tourne le regard vers son camarade: Et donc à ton avis c'est c'que j'dois faire ? Sucer, brosser dans le sens du poil, troquer sa franchise contre de la délicatesse... Parce que tu vois, j'me dis que j'peux aussi attendre qu'New Eden éclaircisse un peu les rangs d'l'armée ! Jusqu'à c'que Stan' me supplie d'revenir pour compenser un peu les pertes, quoi. Franchement ? Il suffirait d'un bon gros coup dur pour que le général envisage au moins l'idée de la reprendre, non ? Honnêtement j'ai meilleur temps d'miser sur New Eden qu'sur mon... Elle ne sait même pas comment dire ça ! Mon talent naturel pour éveiller la compassion des autres ?] L'adolescente esquisse une petite moue dubitative. Personne parierait là-dessus, si ? Ou alors... L'plus simple ce serait qu'tu interviennes directement auprès de Stan' pour lui demander d'me réintégrer ? Parce qu'après tout, eh, j'suis la mascotte de l'équipe ? Cette fois c'est un grand sourire qui vient conclure sa phrase. Accompagné de ce qui doit ressembler à un regard enjôleur.

Bon, trêve de bavardage ! L'australienne soupèse le couteau qu'elle a en main. C'est au tour de Locke mais quand elle devra lancer sa lame, cette fois, elle compte bien ne pas - trop - se foirer !

Spoiler:

Elle me demandait de l’aide pour une bonne raison, non ? Alors elle risquait d’en manger encore pas mal de mes conneries. Je ne savais toujours pas quoi penser de Zelda après ce qu’il s’était passé lors de l’attaque du convoi. « Je devrais peut-être songer à te remercier, Stanley a complètement oublié mon retard qui a manqué de faire capoter la mission grâce à toi. » Un ricanement m’échappa, la poussant hors de la trajectoire du rôdeur le plus proche. Je l’achevai d’un coup de couteau ajusté au travers de l’oreille, avant d’envoyer la lame filer aussitôt en direction de la tête d’un autre rôdeur. Le mouvement aurait pu être classe, si elle n’avait pas ricoché contre son crâne putride pour retomber mollement au sol. « Putain, raté. » En même temps, nous étions là pour nous entraîner tous les deux. Une fois que j’aurais maîtrisé ce mouvement stylé, ce n’était pas devant Zelda que je risquais de craner avec ensuite.

J’attrapai une nouvelle lame, désignant le rôdeur qui s’approchait du bout de celle-ci. « Il est à toi. » Je me reculai un peu pour la laisser œuvrer, reprenant notre discussion comme si de rien était. « C’est qui, Yu’ ? » Depuis quand exactement avais-je arrêté de suivre ce qu’il se passait dans la vie de Zelda ? Très certainement depuis ma propre mise à pied, à l’évidence… Contrairement à elle, j’avais eu tout sauf envie de discuter à ce moment-là. « Ton tuteur, c’est plus Clayton ? Celui avec qui tu t’amuses à violenter Bonnie sur ton temps libre pour voler Zi là. » Il n’y avait pas que les rôdeurs que je ne ratais pas aujourd’hui. « T’étais pas déjà sous surveillance au moment de participer à cette mission à cause de ça ? » J’étais quasiment sûr que si. « Et si t’arrêtais un peu les conneries pour voir ? Tu pourrais te trouver un passe-temps utile. Je sais pas moi… » Je finis mine de réfléchir, un sourire en coin me venant assez vite. « De la couture ? » Ça l’intéressait plus de savoir comment dégommer du rôdeur avec ces lames, bien entendu. « Je serais infoutu de les viser correctement à plus de vingt mètres, mais tu peux essayer… J’expérimente là. » Si elle n’avait pas encore compris, je ne m’entraînais pas depuis tout petit au lancé de couteaux.

Je soufflai ce qui s’apparentait à un rire à l’entendre râler, même si elle mettait de l’entrain dans cet entraînement qui sortait un peu de l’ordinaire. « Un flingue attire tous les rôdeurs du coin et consomme des munitions. On est en rationnement, apprends plutôt à te servir de ces couteaux si tu commences à manquer en mission… » Enfin, à condition que Zelda puisse un jour repartir en mission, bien sûr.

Son discours me laissa dubitatif. « June te confierait personnellement une mission ? Après ce qui s’est passé là-bas ? J’y crois pas une seule seconde, arrête un peu la mauvaise foi. » Mais, contrairement à d’autres qui étaient persuadés qu’elle avait scellé le sort de Caleb, j’avais plus de mal à l’imaginer agir de la sorte. Ça faisait de longs mois que Zelda et moi n’étions pas partis en mission, mais elle ne pouvait pas avoir à ce point changée si ? « Qu’est-ce qui s’est vraiment passé là-bas, Zelda ? T’as déconné, clairement, ça s’entendait dans ta voix. Mais laisser mourir Caleb sans rien faire ? J’ai du mal à le croire. »

Mais on y venait. Zelda attendait avant tout de cette discussion que j’intercède en sa faveur auprès de Stanley. Je poussai un soupir équivoque, avant de faire tournoyer ma lame en direction du crâne putride le plus proche. Le rôdeur se renversa en arrière quand elle le transperça. « Et un de plus ! Franchement Zelda ? J’ai déjà eu du mal à le convaincre de me reprendre. Mais oui, je le dois avant tout aux plusieurs expéditions qui ont mal tourné les mois passés. Les rangs de l’armée se sont dégrossis… sauf qu’il a quand même fallu que j’arrête de boire. Et toi ? Tu nous en inventes une nouvelle tous les trois mois, ‘faut pas t’étonner que la confiance ne règne plus. » Parfois je me demandais ce qu’elle avait dans la tête, avant de me rappeler que ce n’était qu’une gosse paumée qui avait simplement grandi dans ce monde de fous. C’était à croire que personne n’avait pris le temps de lui enseigner les codes ou qu’elle en avait déjà trop vu pour son âge pour ne pas vriller complètement.

Spoiler:

- Bah maintenant qu'tu l'dis...

C'est vrai qu'il lui en doit une, Locke ! En plus c'est lui qui le dit, pas elle. Alors forcément, Zelda, elle ne tarde pas à approuver vigoureusement du chef. On est amis donc t'en fais pas, va. J'ai pas besoin d'tes remerciements, ça m'a fait plaisir ! Même si concrètement elle n'a pas fait exprès de le couvrir et de faire une plus grosse connerie que lui. Mais c'est un petit détail de rien du tout, ça, non ? Par contre si t'éprouves un jour l'irrépressible envie d'aller voir Stan' pour lui dire qu'vous avez besoin de moi, j'dis pas non... On ne sait jamais. S'il veut vraiment lui exprimer sa reconnaissance, en tout cas, il a maintenant une piste à explorer.

Dans tous les cas elle vise à nouveau son cadavre d'entraînement puis râle lorsque la lame frôle à nouveau son crâne. Enfin c'est même plus frôler la tête, là. C'est s'acharner à l'éviter. Fuck ! grogne-t-elle en faisant un détour pour récupérer la lame, le rôdeur toujours docile sur ses talons. Chien-chien cannibale de merde ! Qui gigote, en plus ! Mon tuteur ! Yuan Shèng ! L'ex de Zi ! Elle voit mal comment le décrire mieux que ça. L'chinois bien sur lui ? Il doit bien voir de qui elle parle, là, non ? Bordel, on s'est pas vus pendant combien d'temps ? Ca doit faire plus d'une année que Clay' m'a foutue à la porte, et que j'me retrouve entre les griffes de l'Étalon de Shanghai ! Bon, elle exagère. Elle le dira pas qu'elle l'aime beaucoup son tuteur, Zelda. Mais c'est bien le cas malheureusement...

T'as entendu c't'histoire ? Avec Bonnie. Bon, clairement, faut croire que oui. On l'a pas violentée ! Pas assez, en tout cas ! Puisqu'elle est tout de même allée se plaindre à Zi et que les conséquences ont suivies. Oh allez, Locke... T'es jamais entré par effraction chez quelqu'un ? Il ne va pas lui jeter la première pierre, si ? Quant à ce passe-temps stupide qu'il lui propose pour tromper l'ennui... D'la couture ? Vraiment ?! grogne-t-elle en lui décochant un regard vexé. Va bien t'faire foutre ! Tu parles d'un passe-temps avilissant...

Clairement, tenter de planter de l'acier dans le crâne des rôdeurs, c'est plus marrant. Une véritable école de vie. Un brin compliquée, cependant. Et il n'existe pas de recette miracle pour viser juste en prime. Locke est, tout comme elle, en train d'expérimenter. On dirait deux gogoles... note l'australienne, amusée. Avant de se lancer un débat sur les armes à feu et les couteaux. Okay, ces derniers sont plus silencieux. Mais qu'est-ce que c'est leeent. Mais l'flingue, t'es pas obligé d'aller l'récupérer dans l'corps d'un rôdeur ensuite... Et puis d'accord, c'est la pénurie mais... Et si les gens visaient mieux, on serait pas dans la merde non plus ! Oui, le manque de munitions, c'est la faute des autres. Comme d'hab !

Ca t'étonne tant que ça ? soupire-t-elle quand son camarade semble ensuite étonné que June puisse lui confier une mission. En fait elle m'la confiée avant qu'on parte en mission mais comme j'étais engagée sur l'opération baaah... J'ai attendu notre retour avant de repartir, c'est tout ! Elle ne ment pas, il peut se renseigner s'il le désire. Y'en a au moins une dans c'camp qui a remarqué que j'étais plus la prépubère de service... Et elle ne sera de toute façon jamais reconnaissante envers la rouquine pour ça. Et au sujet de ce qu'il s'est vraiment passé avec Caleb... C'est vraiment important ? tente-t-elle d'élude.

Et ça tombe bien, parce que c'est à ce moment-là que son couteau parvient enfin à s'enfoncer - après un vol plané acceptable - dans l'épaule d'un mort. Pas profondément. Mais ça tient ! T'as vu ? Locke ! T'as vu ?! Elle sautille, pointe son exploit du doigt. Puis s'avance pour récupérer son bien et... se faire mordre ?! C'est la surprise qui prime d'abord. Et puis la douleur qu'elle exprime dans un cri parfaitement approprié. Et enfant, sa colère lorsque elle récupère le couteau dans la chair de l'indélicat pour le lui enfoncer droit dans l'orbite ! Il tombe, et elle suit le mouvement pour lui décocher une avalanche de coups de poings désordonnés. Elle se relève lorsqu'elle semble calmée puis écrase encore quelques fois son pied dans la bouillie. Enfoiré d'merde ! gueule-t-elle avant de considérer le filet de sang qui coule sur son avant-bras. En grimaçant. Bon, elle est vaccinée. Mais ça fait chier, quoi !

Un regard d'avertissement à Locke plus tard - pas besoin de parler de ce truc hyper gênant ! - elle renoue avec la conversation que les circonstances l'ont obligée à abandonner : Donc, heu... C'que tu m'dis, c'est que j'dois pas trop compter sur la sélection naturelle pour retrouver ma place, c'est ça ? Elle a beau tenter de l'ignorer, son regard se pose régulièrement sur cette blessure qui lui envoie de régulières lancées dans le corps. Et que comme j'peux pas arrêter d'boire, moi, va seulement falloir que j'arrête d'être moi-même ? Elle a tout bon ? Non, d'accord, ce n'est pas exactement ce qu'il a dit. Mais c'est sa manière à elle de l'interpréter.

Spoiler:

J’éclatai d’un rire amusé à sa répartie. « Tu perds jamais le Nord, hein ? » Qu’on me rappelle bien de ne jamais adresser un jour des remerciements à Zelda : elle sautait directement sur l’occasion pour vous demander quelque chose en retour ! « Je sais pas ce qui te fait croire que Stanley prêtera une oreille attentive à ce que je pourrais lui dire… je suis en rémission, je te signale. » En bref, le chef de l’armée m’avait toujours dans le collimateur… juste un peu moins qu’elle actuellement.

Quand Zelda me confia que son tuteur n’était nul autre que le mari de Zi, je marquai un temps d’arrêt qui faillit me mettre en sale posture avec un des rôdeurs. Je m’esquivai au dernier moment, loin de ses bras décharnés, lui faisant un croche-pied pour m’en débarrasser rapidement. « Putain de merde ! Ton tuteur est ce pauvre con ?! » J’ouvris les mains en signe de reddition quand elle s’étonna que je ne le sache pas déjà. « J’ai rien suivi à la vie de mes potes pendant ma mise à pied. J’étais trop occupé à décuver sur le bar de Casey pour ça… je savais même pas que Zack se tapait ma nouvelle boss ! »

Par contre, j’étais bien au fait de ses dernières conneries en date. A défaut d’écouter ce que mes amis pouvaient me raconter sur leur vie, j’avais été très attentif au discours de Zi. Il fallait dire qu’on faisait à peu près que ça, de parler. « Putain, Zelda ! » Elle estimait ne pas avoir assez violenté Bonnie ? « Je te signale que je travaille à la sécurité maintenant. Et tes conneries me rajoutent juste des patrouilles en plus à programmer à l’intérieur du camp… » En bref, elle me faisait bien chier avec ses passe-temps nocturnes. Je lui proposais d’autres activités plus féminines pour se changer les idées, en ricanant à la voir s’offusquer autant. « Quoi ? Tu préfères la cuisine ? Ou, attends… un club de lecture ! Putain, je suis sûr qu’ils ont tous ces conneries à New Eden. »

L’écouter râler après l’exercice auquel on s’adonnait – alors qu’elle adorait éclater du pourri – me faisait bien marrer. « Arrête de chercher la facilité, Zelda. » Je fichai une nouvelle lame dans un corps décomposé, tout en voyant celui-ci continuer d’avancer résolument devant moi. « ‘Chier ! » Je m’assurai de lui régler définitivement son compte une fois que le mort fut à mon contact, d’un coup de lame bien placé sous la mâchoire. Je récupérai rapidement mon second couteau sur son cadavre, jouant à le faire tourner dans ma main.

« Arrête déjà de te chercher des excuses, Zelda. Ça doit vraiment agacer Stanley, ça. » Elle éludait aussitôt ce qui s’était passé avec Caleb et me fit croire que sa mission confiée par June n’était pas une simple fuite en avant. Je perdis mon sourire quand un des rôdeurs s’en prit physiquement à elle avant que je ne puisse intervenir. « Putain de merde ! Zelda ! » Je me précipitai aussitôt vers elle, mais le mal était déjà fait. Si elle avait pu neutraliser sans problèmes le rôdeur, du sang s’écoulait de son bras.

Je l’entraînai aussitôt plus loin, à l’abri des rôdeurs, pour vérifier l’état de sa blessure. « Fais-moi voir ça… » Il n’y avait quasiment rien en soi, mais ça ne faisait aucun doute : cette saloperie l’avait mordue. « Merde, putain ! » Zelda tenta de faire comme si de rien, reprenant notre discussion où nous nous étions arrêtés. Elle s’imaginait sans doute que ce n’était rien de grave parce qu’elle était vaccinée, mais elle prenait ce type de blessures avec bien trop de détachement. « On rentre. On arrête là. Si tu fais que tomber malade sans contracter une infection ou je sais quoi, on pourra s’estimer heureux. Putain, Zelda ! » Je continuais de jurer encore sur le trajet de retour. J’avais tellement la flemme de devoir me justifier sur cet entraînement improvisé qui avait mal tourné, alors qu’elle aurait dû être cantonné à l’enceinte. Mais pire encore, j’étais inquiet. Ce n’était pas comme si elle était simplement coupée avec l’un de ses couteaux.

Je restais silencieux tout le long du trajet, réfléchissant également à ce qu’elle venait de me dire. « Zelda, t’es un bon élément de l’armée. Suis juste les ordres et tout ira bien, comme tu fais avec June… ok ? Maintenant on va surtout voir comment désinfecter ça. Tu vas pas aimer les prochaines semaines, crois-moi. » Et on s’en serait bien passé.

Spoiler:

- Invite-le à boire une limonade, fais comme si son couple t'intéressait... J'sais pas, moi !

Mais Zelda reste malgré tout certaine que Locke trouvera bien une solution pour entrer à nouveau dans les petits papiers de Stan'. Et puis surtout, lui toucher un mot favorable à son sujet. C'est quand même ça le but et non, elle ne perd pas souvent le nord. Et puis tout l'monde sait que Stan' a la bromance facile... Son camarade est un mec, ça tombe bien. Et il est plutôt malin aussi, quand il s'y met. Probablement encore plus maintenant qu'il a arrêté de boire. Il trouvera !

Heu... Ouais ? répond-t-elle prudemment, ensuite, lorsqu'il lui demande si ce gros con est bien son tuteur. Elle ignorait que lui et Yu' avaient des contacts compliqués. Par contre ce serait cool d'y aller mollo sur les insultes ! J'l'aime bien, moi, ce gros con ! Assez pour prononcer ce dernier mot de manière affectueuse sans vraiment s'en rendre compte, même. N'empêche que forcément, maintenant, sa curiosité s'est éveillée... Et donc ? Il a fait quoi ? Toute information est bonne à prendre. Et peut même servir à soutenir un plan pour obtenir la clef de sa chambre, pour peu qu'elle soit compromettante.

Et puisque c'est le quart d'heure des surprises... Zack se tape Ari ? Zelda a une rapide impression de déjà-vu. Elle le savait déjà, ça ? Elle a un doute maintenant. Les médocs ravagent sa mémoire. Dégueu... Elle pourrait être sa mère. Peut-être même sa grand-mère. Mais il l'aime ou c'est juste pour avoir de l'avancement ou j'sais pas trop quoi ? Une relation intéressée n'est jamais à exclure. C'est un des trucs qui doit être pénible quand on est cheffe. Et toi tu le laisses faire ?! lui reproche-t-elle dans la foulée. Tu parles d'un pote...

Tu devrais m'remercier, au moins tu risques pas d't'ennuyer comme ça ! claque-t-elle ensuite lorsqu'il est question du boulot qu'elle lui rajoute avec ses conneries nocturnes. Et j'l'ai fait qu'une seule fois en plus ! C'est pas non plus comme si les effractions étaient sa marque de fabrique. Et puis qui ne s'est jamais retrouvé en pleine nuit là où il n'a rien à faire, hein ? Dans tous les cas, pour peu que ça emmerde vraiment son camarade, ce dernier n'est pas en reste non plus pour lui pourrir la vie. Surtout lorsqu'il commence à parler couture. La réaction est à la hauteur de l'affront : agacée ! Non mais c'est ça, ouais, vas-y ! grogne-t-elle alors qu'il est en train d'enchaîner avec un club de cuisine imaginaire. On verra si tu rigoles encore avec un couteau dans l'oeil ! Elle sait bien qu'elle plaisante mais bordel, non, c'est pas marrant. Elle est une guerrière, pas une ménagère ! Merde, quoi !

Heureusement les rôdeurs sont là pour l'entraînement. Ou même simplement pour se passer les nerfs. Et forcément, entraînée par sa réflexion sur la meilleure façon de les buter, l'australienne se retrouve bien vite à comparer les couteaux aux petits bijoux que sont les armes à feu. J'cherche pas la facilité ! se défend-t-elle lorsque Locke l'accuse d'opter pour la simplicité. J'suis juste une femme d'mon siècle, quoi... Indépendante et amoureuse des gros canons chromés. La base ! T'as jamais entendu parler des milléniales ? Ou peut-être qu'on doit dire milléniaux ? Ca s'accorde ?

J'ai bien l'droit de m'trouver des excuses, tu permets ? Stan' a abusé d'son autorité en m'renvoyant sans preuves alors... Merde, j'ai l'droit ! s'agace-t-elle. Brièvement parce que c'est bien vite la douleur qui s'accapare le trône de sa conscience lorsque les dents du rôdeur se referment sur son avant-bras et y laissent des plaies régulières. La suppression du coupable ne chasse pas la souffrance qu'il a causée. Mais Zelda sert les dents et se raccroche simplement à l'idée qu'elle est vaccinée. C'est bon, panique pas ! souffle-t-elle à Locke lorsqu'il semble presque plus agité qu'elle. Il s'inquiète ? Elle lui tend son bras, comme il le lui demande. Il faut dire qu'elle n'a pas non plus trop le choix et puis ça lui permet aussi d'observer plus attentivement le désastre à elle aussi. Ca accentue aussi les lancées, comme si le simple fait de voir l'origine du mal le rendait plus présent. Tu veux bien arrêter de dire putain et merde comme si j'venais d'me faire flinguer, s'te-plaît ? s'agace-t-elle un peu malgré elle. C'est bon, elle va survivre.

Pas vrai ?

Parce que ouais, maintenant elle commence un peu à douter. Et le fait que son ami veuille abandonner l'entraînement pour rentrer au plus vite à Fort Ward ne la rassure pas davantage. Sans parle de cette histoire d'infection ou d'être contente si elle se contente de tomber malade. Mais... j'suis vaccinée ?! Elle n'est pas sensée être protégée ? Et si... Si tu sais un truc à propos du vaccin, Locke, c'est le bordel de putain d'moment de m'le dire, là ! Il est foireux ? Que de la foutue poudre aux yeux ? Il fonctionne, hein ? Oh putain y'a intérêt. Sinon c'est Fried qu'elle va aller voir avant de devenir une putain de rôdeuse. Elle le butera de son vivant, et le bouffera ensuite ! Double peine de mort dans sa gueule !

Et j'imagine que... bon... t'as pas d'alcool sur toi ? C'est sûr que c'est pas la question la plus chouette à poser à un ancien alcoolique, ça. Mais c'est lui qui parle de désinfecter la plaie après tout. Et y'a aucune chance que j'te laisse me pisser dessus, donc... Ouais, fait chier mais autant rentrer le plus vite possible. Et expliquer ça à Ivy ou à la doc présente dans la foulée, aussi. Tu crois qu'on va avoir des emmerdes ? Parce que sinon on peut aussi aller chez moi et demander à une infirmière d'nous rejoindre en cachette ! Ils pourraient la payer en herbe, elle en a un peu. Ou à un vétérinaire ? Ils font ça dans les films et puis surtout, elle veut éviter des emmerdes à son camarade. C'est le seul qui lui a proposé une sortie depuis des mois, après tout.

Et ça, ça compte !