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« Ton entraînement de ce soir, il a été avancé sur l’horaire initial, n’oublie pas. » Lexa rappelait les termes à sa compagne, tout en enfilant une veste sur ses épaules, bientôt forcée de quitter la maison. « Duquel tu me parles au juste ? » « Comment ça du… oh, tais-toi va. » Un éclat de rire alors que la blonde titillait son agent sportif sur leurs activités partagées, très vite interrompue par la sonnette du logement. Levant les yeux au ciel, Riley pestait déjà contre l’inopinée visite, mais Gingrich la rassura en pesant sa main sur son épaule : « Je m’en occupe, je vais devoir y aller, de toute façon. A ce soir. » L’embrassant pour ensuite devoir la quitter tandis que Simmons la saluait à son tour, voilà qu’elle disparaissait pour accueillir la cadette de la famille. Depuis la chambre, Riley pouvait tout entendre, et elle ferma un bref instant les paupières. Voilà maintenant plusieurs jours qu’elle n’avait pas échangé un seul mot avec Reed, et elle n’était pas sûre d’avoir recouvré suffisamment de forces depuis pour la confronter à nouveau. En soupirant, elle priait secrètement pour que sa concubine ait le courage de l’envoyer paître, mais Lexa était fidèle à elle-même : soucieuse et bienveillante, après un léger avertissement à la blonde invitée, elle la laissa s’installer dans le salon tandis qu’elle quittait le logement. Oh fuck, la footballeuse ne pourrait pas se dépatouiller de cette affaire, n’est-ce pas ?

Pour la peine, parce qu’elle était quelque peu rancunière, la demoiselle prenait son temps. A refaire le lit proprement, à ranger ses affaires pourtant laissées par terre depuis des lustres. Jusqu’à daigner pointer le bout de son nez après de longues minutes, bien au fait que sa petite sœur ne fuirait pas aisément, elle qui était venue la chercher aujourd’hui. Sa tronche la trahissait de toute manière, sitôt que la benjamine l’apostrophait et qu’elle soupirait : « Salut Reed, que me vaut le plaisir de ta visite ? Si c’est pour me blâmer pour tous les maux du monde encore une fois, je n’ai pas le temps pour ça. » Bien, ça commençait fort, mais la sportive n’avait pas spécialement envie d’y mettre du sien. Ce n’était pas elle qui cherchait la paix ce matin, elle ne se sentait pas en tort dans toute cette histoire qui concernait sa frangine et sa meilleure amie. Pour ce que ça valait, elle s’était contentée d’échanger aussi des sms froids avec Brook, n’ayant pas envie de se prendre plus le chou avec elle. Alors franchement, elle n’y allait pas de mains mortes, elle préférerait largement se concentrer sur son match du lendemain. C’était plus simple de tout oublier sur le terrain.

Il semblerait toutefois que sa cadette ait décidé de voir les choses autrement, et elle ne se fit pas prier pour prendre la parole, en dépit du ressentiment de son aîné. Riley haussa un sourcil en lui prêtant malgré tout une oreille attentive, croisant les bras alors que sa voisine se confondait en excuses et en explications, lui arrachant un sourire de dépit. « On est deux alors, à la base, je venais juste pour t’embêter et m’assurer que tu avais retrouvé tes plantes en vie. » Ronchonna-t-elle, à la fois dépitée et presque taquine malgré elle. C’était qu’au fond, rester énervée après sa sœur, ça l’embêtait plus que de raison. Il n’empêchait que tout ça, ça lui avait du mal, beaucoup trop à son goût pour qu’elle laisse couler de l’eau aussi facilement sous les ponts. Son regard clair devait être autant expressif que les traits fermés de son visage, alors qu’elle attendait la suite, qui ne tarda pas à être déclarée par la cadette. « D’accord, d’accord, j’entends que tu ne pensais pas que ce serait sérieux au début mais punaise… au bout de quatre mois, je pense qu’on peut dire que les coups d’un soir ont été dépassés depuis longtemps, tu ne crois pas ? Franchement, à chaque fois que j’étais entre vous deux, c’est à peine si vous faisiez genre de vous fréquenter, je n’avais pas signé pour assister une pièce de théâtre malgré moi. » La frangine avait beau continuer et savoir se justifier, c’était difficile pour elle de passer outre. Riley en était encore à ce stade de la stupéfaction, à ce sentiment de se faire poignarder en plein cœur pour se montrer convaincue. La compréhension était là, au fond d’elle, mais la déception, quelque part, prenait encore un peu le dessus. « Et donc, si je ne m’étais pas pointée chez toi, alors que Brook t’attendait presque dans ton lit, tu me l’aurais quand même dit un jour ou l’autre ? Combien de temps cette mascarade aurait duré autrement ? » Elle insistait peut-être un peu trop là-dessus, Simmons, et ça en devenait pesant, mais elle frappait là où ça faisait mal.

S’autorisant quelques secondes de répit alors que la conversation s’enlisait dans les argumentations, la footballeuse alla se servir un café : « T’en veux un ? » Parce qu’elle allait en avoir besoin pour aller au bout de tout ça de son côté, c’était certain. Revenant vers elle, tasses en main, la blonde s’assit lourdement sur le canapé en emmagasinant les dernières sentences de la plus jeune. « Ce n’est plus idiot, c’est complètement con à ce stade. » Mais l’ombre d’un sourire se dessinait alors qu’elle n’en pensait pas un moment. « Ecoute Reed, qu’est-ce que tu crois au juste ? Que je vais faire éclater votre bulle, que je vais vous voir différemment l’une ou l’autre ? » Elle secoua sa tête en se passant une main nerveuse dans ses cheveux. « Ce n’est pas en m’informant de votre relation que ça va changer la nature de celle-ci, que votre réalité sera différente pour autant tu sais. Je ne compte pas m’immiscer dans votre intimité exprès. » Mais Reed n’attendait pas des leçons de philosophie de la part de l’aînée, et la sportive se força à se mordiller la lèvre. Ce n’était pas ça qu’elle devait dire, elle s’en rendait bien compte, alors elle souffla, tâcha de trouver de meilleurs mots. Mais en réalité, elle ne savait pas trop quoi dire, Riley, la plaie était encore ouverte. « Je ne sais pas, sis’, je ne suis pas sûre que ça apaise les choses, même si je vois ce que tu veux dire. C’est juste que… je ne pensais pas que je serais tenue loin de vous deux, que vous préféreriez le savourer dans mon dos. » Mais au fond, sa sœur ne lui devait rien, pas plus que sa meilleure amie. Aucune des deux n’avait à lui confier quoi que ce soit.

Et puis, n’avait-elle pas provoqué ces secrets à son tour ? « Mais je ne suis peut-être pas digne de confiance, vu ce que je garde pour moi aussi… pour rien, puisque vous le savez toutes, à priori. » Serrant ses mains autour de sa tasse, l’attaquante sonda sa benjamine, se perdant dans ses yeux aussi azurés que les siens, un bref instant. Avant de reconnaître ses torts, quoi qu’elle aurait probablement espéré que cela se déroule différemment. « J’ai entendu ce que vous me reprochiez. L’hôpital qui se fout de la charité hein ? T’y es allée fort. » Une hésitation, peinée, presque. « Je ne sais pas comment tu l’as deviné mais… je n’ai pas caché qui je suis par manque de confiance en toi, Reed. Je ne savais juste pas… je ne savais pas comment faire. Quand tu l’as assumé, ça paraissait simple de ton côté mais moi, je n’ai pas ton aisance sur ce sujet. Reconnaître devant toi et papa que j’aime les femmes, c’était au-delà de mes forces. » Parce que ça ruinerait tout. Parce qu’elle ne tiendrait pas le rôle modèle comme il se devrait. Mais elle n’avait pas opté pour la bonne solution. « C’est ridicule, je sais. En fait, on est deux idiotes. » Clama-t-elle dans un rire amer. « Mais voilà, tu le sais officiellement, maintenant. Lexa et moi, c’est du sérieux aussi, puisqu’on en est là. » Un rictus creusa ses joues, quoi qu’elle ne pût malgré tout admettre : « N’empêche que j’en veux un petit peu à Brook quand même pour tout ça. Elle sait vachement jouer la comédie elle aussi. » Qu’importe qu’elle ait cédé au caprice de Reed. « J’en discuterai avec elle, elle sait comment je suis. Mais ce que tu m’as dit, dans tous les cas, mon coming out et ton histoire avec Brook, ça n’avait rien à voir. Je n’étais pas prête, Reed. » Et qu’est-ce qui avait changé ? Face aux propos prononcés par sa cadette lors de leur dispute, ce n’était plus comme si elle avait besoin de planifier une annonce, maintenant. « Il n’existe aucun moment parfait pour annoncer ce genre de choses, en fait. Je m’en rends compte. » Les deux avaient merdé un peu, pas vrai ?

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