Olivia était bien souvent souriante et pétillante comme elle l'était ce jour là, et ce malgré sa blessure, malgré le contexte qui avait forcé l’humanité à revenir aux temps primitifs, aux heures sombres. Liv était tellement en contraste avec ce qu’Eva avait l’habitude de côtoyer là dehors et cette dernière devait l’avouer, elle appréciait cela. Oui, elle appréciait particulièrement la compagnie d’Olivia. Mais voilà, son code d'honneur l’empêchait de tisser plus de liens que ça alors elle restait en surface, elle ne cherchait pas plus loin. Quelques bonnes blagues par-ci, quelques coups de main par là, et ça en restait là. Malgré tout, après toutes ces semaines passées à l’extérieur, Eva était sincèrement ravie de voir qu’Olivia était toujours là. Combien de fois était-elle revenue dans l'un de ses "pied-à-terres" pour découvrir qu’untel ou untel avait disparu, avait été lâchement assassiné, massacré, mordu ou dévoré. Ce n'était jamais une partie de plaisir d’apprendre ce genre de nouvelles mais sans attachement, c'était carrément plus facile à encaisser. Eva ne changerait pas son mode de fonctionnement pour rien au monde. Ça fait trop mal de perdre quelqu'un qu'on aime. Contrairement à beaucoup, sa devise était "vivre seule, mourir seule". Ainsi, elle s’épargnait la souffrance de perdre un être cher et épargnait aux autres la souffrance de la perdre elle. Sans compter qu'elle les protégeait aussi du danger en gardant ses distances car Eva avait vraiment le don de se mettre dans le pétrin. Vivre dangereusement était ce qui lui permettait de se sentir en vie, de se donner chaque matin la force de se lever. Rien de tel que d’affronter les morts pour se sentir vivante. Eva aimait le danger, elle le cherchait. Elle n'avait pas peur de mourir et c'est en cela qu'elle était un véritable danger pour quiconque s’attacherait à elle. De même, si elle devait un jour s'attacher à qui que ce soit, cela ferait tout basculer. L’équilibre qu'elle avait tant pris soin d’instaurer serait entièrement bouleversé et elle ne serait probablement pas aussi efficace sur le terrain. Bref... vous l'aurez compris, il n'y avait aucun intérêt pour personne à ce qu’Eva se pose quelque part pour s'intégrer à une communauté. Ni pour elle, ni pour les autres.

La petite pointe d'humour de Liv l'a fit néanmoins sourire. Elle savait que la jeune femme était sincère et qu'elle s'inquiétait réellement pour elle quand elle tardait à revenir à la prison. C'était d'ailleurs peut être pour cela qu'il existait tout de même une complicité particulière entre les deux femmes. Même si Eva gardait ses distances, il y avait un petit truc en plus avec Liv qu'elle n'avait pas avec les autres. Elle devait l'avouer, à contre cœur bien sûr, mais si d’aventure Olivia était amenée à disparaître, Eva en serait affectée. Cette dernière lui confiait alors regretter de ne plus pouvoir accompagner les autres à l’extérieur à cause de sa blessure. Eva comprenait tout à fait sa déception et sa frustration. À sa place,  constamment enfermée ici, elle deviendrait complètement folle. Elle ne se sentait bien que là dehors même si un abri au chaud à l’approche de l’hiver n'était bien sûr pas de refus. « Je te comprends, je deviendrai complètement folle toujours enfermée ici. Courage, ça va bien finir par guérir. » Olivia lui demandait alors si elle n’envisageait toujours pas de les rejoindre officiellement. Eva esquissait un large sourire, ce n'était pas la première fois qu'on lui posait cette question au sein d'une communauté  et la réponse était toujours la même. « Non merci m’dame. J’ai déjà été mariée une fois et ça m’a suffit. »  Sous-entendant par là que rejoindre un groupe s’assimilerait à une sorte de mariage, de contrat, pour elle. « On ne me passera plus jamais la bague au doigt, je veux rester libre... même si je vous aime bien quand même. » Eva lançait un sourire franc et bienveillant à Olivia. Ce n'était pas parce qu'elle refusait de s’attacher qu'elle ne pouvait pas pour autant apprécier un minimum les groupes auxquels elle s’associait.

Après les sourires et les échanges agréables, la conversation devenait un peu plus sérieuse lorsque Liv évoquait les difficultés et les appréhensions face à l’arrivée de l’hiver. Bordel ce que le froid pouvait faire des ravages. Il était craint de tous ou presque, et ce à juste titre. Les éléments se déchaînaient particulièrement en cette saison et la survie n’en était que plus difficile. D’ailleurs, Olivia proposait de se réfugier à l'intérieur après cette petite promenade. Ce n'était pas de refus. Eva était absolument partante pour poursuivre cette discussion au chaud avec un bon jus de chaussette, comme disait Liv. « En voilà une idée qu'elle est bonne, je te suis petit oiseau. Et fais moi la version longue, ça fait longtemps que j'ai pas vu un bon film. » Une fois à l'intérieur, Eva se dirigea immédiatement vers le poêle à bois, il s'agissait là d'un luxe sur lequel elle ne crachait pas. C'était tellement agréable cette vague de chaleur incessante. Elle poussait un soupir de délectation. « Tu sais que tu m’as manqué toi. » Disait-elle en s’adressant au poêle comme au meilleur des amants. « C’est une excellente question ça. Ça fait bien longtemps que j'ai perdu le fil. » Eva avait une autre règle à laquelle elle ne dérogeait pas, du moins pour l’instant. Elle ne se mêlait pas des affaires des autres et encore moins des conflits entre communautés. Elle bossait pour les plus offrants, à condition qu’ils aient un minimum d'honneur, elle ne bossait jamais pour des connards finis, et c'était tout. Le reste, c’était pas ses oignons. La bataille de Tahlequah ça ne lui parlait pas mais elle en prenait note. Elle devait un minimum se tenir informée tout de même. New Eden chassé de Seattle, ça c'était une sacrée foutue bonne nouvelle. « Ah ça c'est du happy end comme je les aime. J'ai jamais pu les blairer ces tarés. Dis-moi en plus. » Eva faisait alors mine de chercher quelque chose autour d'elle. « T'avais pas parlé d'un jus de chaussette? Parce que ça aussi ça m'intéresse. » Avait-elle dit sur le ton de l'humour avec un sourire en coin.