Valentine pouvait le dire sans grande difficulté, elle ne comprenait pas ce qu’étais venu faire Zelda sur son territoire. Vrai, elle était allée chercher des explications, ou simplement un mode d’emploi sur la marche à suivre pour se débarrasser de l’adolescente qui parasitait son existence. La française devait tout de même avoué que ces derniers jours, elle était bien trop occupée à remettre les ruches en état de fonctionnement optimum et l’organisation des nouvelles rotations de la main d’oeuvre des plantations et des cultures qu’elle n’avait pas pensé une seconde à l’adolescence. Le travail c’est la santé, comme dirait l’autre et après, tout peut-être qu’elle avait cristallisé beaucoup de choses autour de la jeune fille suite aux évènements de la cave. L’horticultrice se sentait bien plus stable quand elle n’avait pas la tête de Zelda dans l’esprit. Mais il semblait que son répit de l’esprit arrivait à sa fin. Valentine pensait honnêtement que l’adolescente n’apparaissait que si l’on disait son prénom trois fois devant un miroir. Mais elle était bien là, devant elle à attendre.. à attendre quoi d’ailleurs ? Une affectation ?

Valentine demeurait silencieuse, elle refusait tout simplement de donner à Zelda des tâches appréciées par ses volontaires qui étaient tout au long de l’année. Les cueillettes et la mise ne panier faisaient partie de celles-ci. La française regardait Zelda un long moment. Sérieusement, ne pouvait-elle pas continuer à pourrir la vie de Yuan, il semblait plus que volontaire pour se laisser gangréner par cette peste.

Il n’y a plus de places disponibles aux plantations, ou aux cultures, fit-elle, en faisant semblant de regarder son planning. Elle se fichait bien de savoir si Zelda était d’accord ou non. Et dans le cas de la négative, elle pouvait toujours aller se plaindre au bureau des médiateurs. Ça fera une belle jambe à Valentine. Les rotations ont été faîtes, je ne changerai pas le planning des volontaires, parce que tu t’es découvert … une passion pour la verdure, et encore.. j’en doute.

Elle lui fit signe de la suivre. Zelda serait affectée à la zone d’élevage. Il était tout simplement hors de questions qu’elle fut près des cultures, des plantations, de la flore et de sa faune, elle était foutu capable de faire faner tout sur son passage, sans oublier que Valentine ne lui faisait absolument pas confiance. Valentine profiterait de sa ronde auprès de la zone d’élevage pour déposer Zelda à l’endroit où elle irait se salir les mains et par la même occasion lui foutre la paix.. Des questions ?

♪ They're gonna clean up your looks with all the lies in the books, to make a citizen out of you ♫

Zelda s'avance vers les plantations avec l'enthousiasme d'une condamnée à mort. Elle sait déjà qu'elle va avoir droit à la plus merdique des corvées dans un champ boueux ou gelé. Avec au milieu du paysage, en train de l'observe, la sale gueule d'une Valentine qui savourera forcément la situation. ♪ Because they sleep with a gun and keep an eye on you, son. So they can watch all the things you dooo ♫ Sa frustration, l'australienne, elle l'évacue en chantant. Elle dodeline un peu pour se réchauffer puis tabasse une batterie imaginaire en rythme. Et la voici qui arrive au refrain après avoir fredonné encore un peu : ♪ They said, "All teenagers scare the livin' shit out of me". They could care less as long as someooone'll bleed ♫  C'est tellement ça, putain !

C'est à ce moment que l'adolescente se rend en tout cas compte qu'elle est arrivée à destination et que la sorcière l'attend. Zelda observe les environs puis soupire et s'avance d'un pas redevenu traînant vers la française. Pas de salutations, un simple regard froids. Elles ont passé le stade des politesses depuis longtemps et l'australienne s'attend surtout à se prendre une remarque déplaisante.

Ce n'est pas vraiment le cas...

Elle écarquille les yeux de surprise en apprenant qu'il n'y a pas de place pour elle aux plantations ou aux cultures. Il y a une différence entre les deux ? Zelda se pose brièvement la question avant de se recentrer sur l'essentiel : l'équipe est complète ! Ah merde, non, c'est trop con ! On ne le dirait peut-être pas mais elle essaie de paraître sincèrement attristée par cette bonne nouvelle. Surtout que - même si t'as pas l'air d'y croire - j'ai vraiment une passion pour la verdure ! J'la fume !  Elle se fend d'un petit sourire satisfait avant de se forcer à adopter un air plus contrit. Enfin bref, si t'as pas besoin de moi... Zelda se prépare déjà à tourner les talons pour se trouver un petit coin tranquille, où terminer sa nuit avant de rentrer comme si de rien n'était à la maison.

Oui, Zelda en est déjà à imaginer le reste de sa journée. Et presque à ignorer ce petit geste de la main que Valentine lui adresse pour lui faire signe de la suivre. Ouais, j'me disais bien qu'c'était un peu trop beau... soupire-t-elle avant d'hésiter, puis de suivre malgré tout la française vers ce qui ressemble à la zone d'élevage. L'odeur lui fait plisser le nez et pousser une autre grimace. Largement plus sincère, celle-là. Et quelques instants plus tard, lorsque la fermière s'arrête comme pour lui indiquer qu'elles sont arrivées à destination avant de lui demander si elle a des questions, l'adolescente grogne de surprise : T'es sérieuses, là ?! Bien sûr que j'ai des questions ! Les bestioles ne sont pas du tout son domaine. Elle ne sait même pas comment s'en occuper. Son truc à elle, c'est de les bouffer !

Pourtant elle n'est pas stupide, l'australienne. Elle s'imagine bien que c'est un boulot ingrat qui l'attend. Ramasser de la merde ? Nettoyer les animaux ? C'est une idée qui ne lui plaît pas. Pas du tout. Alors elle va essayer d'esquiver, hein. Normal. Déjà, comment j'dois les buter ? Ce serait quand même un peu gore, non ? Et puis où ? Dans un endroit un peu discret ou carrément ici, au milieu des enclos ? J'pourrai garder un p'tit bout de steak pour moi, quand même, à la fin d'la journée ? Après tout il doit forcément y avoir des arrangements entre petites mains, non ? La pègre civile est un monde nouveau pour l'adolescente, elle découvre. Sinon j'sais pas si on t'a dit mais j'ai des douleurs à l'épaule à cause du froid et d'la balle que j'ai reçue. Du coup, bon... J'peux pas faire du boulot trop physique non plus, tu vois ? Tu parles ! C'est juste qu'elle ne veut pas.

Quoi qu'il en soit ce flot de paroles ne sert qu'un seul et unique intérêt : saouler Valentine ! Jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'elle ferait mieux de la renvoyer à la maison plutôt que de la garder à ses côtés. C'est une putain de stratégie de ouf, ça, non ?

Valentine ne s’estimait pas comme particulièrement mature dans ces circonstances. Elle avait désormais passé la trentaine devrait faire preuve d’un peu plus de magnanimité, faire preuve d’un peu de bienveillance en vers les faibles… d’esprit. Mais Zelda, elle avait la tête à claque d’une adolescence qui aurait été fière d’avoir des mauvaises notes à l’école.Si Zelda pensait que Valentine était heureuse de la mettre dans les étables, elle se trompe. Elle préférait autant que Zelda se tienne éloignée de tout porte avec un semblant de responsabilités concernant leur agriculture. Il suffisait de la mauvaise volonté d’une gamine pour que le château de cartes s’effondre. Pour autant, l’horticultrice n’avait pas l’intention de laisser Zelda n’en faire qu’à sa tête et d’ailleurs, déjà commençait le moulin à paroles. Zelda faisait des phrases, s’exprimait et c’était déjà trop.

Valentine s’installe dans la voiture, se disant que cela risquait d’être le trajet le plus long de son existence, malgré le fait que celui-ci ne durait que quelques minutes. À la première question de Zelda, Valentine ne put s’empêcher d’avoir un rictus en coin. Croyait-elle vraiment qu’elle l’envoyait égorger des vaches dans un abattoir ? A l’heure des restrictions, il était tout simplement hors de questions de tuer des bêtes.

Tuer ? fit-elle, en démarrant la voiture, Tu ne vas pas jouer les apprentis égorgeurs, Zelda, en tant de restrictions, nous gardons les bêtes en vie.

Sa camionnette est chargée et toutes les deux commencent ce long périple de quelques minutes. Zelda finirait à la même place que les épouses : à nettoyer les enclos et prendre soin des animaux. Personne ne s’était porté volontaire pour laisser sa place à Zelda. La cueillette ou le fumier, le choix avait été très rapidement fait. Valentine ne pouvait dire qu’elle n’en avait pas été satisfaite. Tu t’occuperas des enclos et des animaux.. t’occuper d’animaux te fera peut-être découvrir l’empathie. Même si ce serait surestimer tes capacités à évoluer, fit-elle, avant de se mettre à rire. Je me fous de tes douleurs, Zelda. lui fait-elle fermement. Valentine n’irait pas pleurer l’adolescente si celle-ci venait rouvrir ses blessures et mourir d’une septicémie entre une bouse de vache et la propriétaire de la dite bouse. C’était réellement, et de très loin, surestimer la capacité d’empathie de Valentine pour Zelda et de manière générale.

Tu fais le travail que l’on te demande, diligemment, et sans ouvrir cette poubelle que tu sembles prendre pour une bouche.   reprend la française sans quitter les yeux de la route. D’autres questions idiotes ?

- J'ai rien contre les bêtes mais c'est surtout nous qui devrions rester en vie, si tu veux mon avis !

Les privations commencent à sérieusement peser sur l'estomac de l'australienne. Et elle ne peut pas prétendre que la simple idée d'un bon gros steak ne la fait pas saliver. Foutue pénurie... Ah non, c'est vrai, tu l'veux pas ! Qu'importe, elle vient quand même de le lui donner. Pour ce qu'elle en sait la liberté d'expression est encore plus ou moins assurée dans les parages. Et puis si en prime ça peut emmerder son interlocutrice, hein, pourquoi se priver ?

Dans tous les cas elle ne va pas se plaindre de ne pas avoir à égorger des animaux, Zelda. Elle ne manque pas d'empathie contrairement à ce que Val' s'acharne à croire. C'est juste qu'elle choisit soigneusement à qui en témoigner, c'est tout. Tu m'prends vraiment pour une psychopathe toi... grogne l'adolescente, forcément un peu vexée. Et si un putain d'Magicarpe est capable d'évoluer, meuf, j'te jure que j'peux aussi ! Même s'il est vrai que si qui croient en elle semblent de plus en plus rare.

Ah ouais ? Alors comme ça cette fermière s'en fout de ses douleurs imaginaires, hein ? Ben p't-être que j'devrais t'loger une balle dans l'épaule ? T'en dis quoi ? Ca t'aiderait à compatir, tu penses ? s'emporte-t-elle. Pour le coup elle a bien envie de la familiariser avec la souffrance. Puis elle se rappelle sa longue discussion constructive avec Yu'. Ou encore sa bonne résolution de l'année. C'est... pas vraiment ça que j'voulais dire, en fait ! Voilà qui devrait calmer le jeu, et l'empêcher de hurler au scandale.

Maintenant, des questions, Zelda en a encore. Parce que maintenant qu'elles se retrouvent devant les enclos et ce désastre agricole dont Val' semble si fière, elle ne sait toujours pas quoi faire. T'es consciente qu'tu m'as toujours pas dit c'que j'devais faire ? Ca veut dire quoi, s'occuper des enclos et des animaux ? s'impatiente donc l'adolescente. Ce qui semble évident pour la concubine de June ne l'est pas du tout pour elle. Et pour cause... J'viens du Queensland, eh ! J'ai pas été élevée dans une ferme ! En fait elle ne sait carrément jamais occupée de bestiaux. À part au zoo. Mais ça se limitait à lancer de la bouffe par dessus des clôtures donc bon. Va falloir m'faire une démo, là ! Et puis elle apprendra en observant. Même que Val' fera une partie de son boulot en prime. Si c'est pas du génie, ça...

Valentine regarde Zelda. Avait-elle un Q.I à deux chiffres ? Plus proche du cinquante que du cent, pour tenir ce genre d’analyse ? Elle devait tout même savoir que la production animale était forcément plus intéressante au long terme que son envie primaire de steak. Croyait-elle qu’elle était la seule à avoir envie d’un steak ? Une vache ne nourrirait pas une communauté comme la leur. Et une fois qu’ils se seraient tous repus de d’une belle côte. Il n’y aurait plus de lait, plus de fromage, plus de beurre, plus de crème. Valentine la regarde un moment, profondément interloquée par sa bêtise. Zelda avait au moins le chic de la surprendre à chaque phrase. Le fait qu’elle fut encore en vie demeurait un réel mystère pour la française.

Je ne crois que ce je voix, fit-elle en regardant Zelda, Et pour l’instant… je ne vois pas grand chose.

Elle se disait capable d’évoluer. Passerait-elle de cliché de l’enfant à problème à adulte forgé de responsabilités ? Valentine accepterait d’être surprise, mais elle n’avait pas beaucoup d’espoir. Elle hausse les épaules. En réalité, Zelda était loin d’être un problème qui empêchait Valentine de dormir. Il n’empêche qu’elle animait chez l’horticultrice une animosité qui lui était réellement inédite.

Capable d’évoluer hein.. fit-elle en levant les yeux au ciel, alors que la gamine venait carrément de la menacer d’une balle dans l’épaule.

Elles finissent par arriver. L’odeur des enclos n’étaient pas des plus râgoutantes. Après tout, la campagne avait ses odeurs, bien souvent liées aux bon vouloir de nos amis les bêtes. Il fallait s’en occuper et c’était certainement l’une des tâches les plus ingrates qui était donnée à Fort Ward. Valentine ne s’en cachait pas d’ailleurs, elle y avait passé assez de temps pour comprendre que ce n’était pas la partie la plus .. romantique de son travail.

Nettoyer les enclos, les étables, nourrir les animaux.. Valentine énumère en ouvrant la marche. Si tu as besoin de matériel, surtout de vêtements ou de bottes tu pourras te fournir directement à l’intendance, reprit la française.

Une démo ? De ? Elle regarde Zelda. Tu observes les gens autour de toi Zelda, tu imites. J’ai autre chose à faire que de jouer les instructives pour adolescentes à problèmes.

- Ben alors va faire un tour chez l'opticien, grognasse !

En général, lorsque Zelda se pense enfin immunisée contre les remarques désagréables, il ne faut pas bien longtemps avant qu'un crétin la ramène sur terre. C'est débile parce qu'elle sait bien qu'elle ne devrait pas accorder de l'importance à l'avis des autres. Surtout lorsque, comme Val, ils sont émis par des personnes qu'elle n'apprécie pas. Mais bon... Comme ça t'y verras p't-être plus clair ! Le mieux serait encore qu'elle se fie à l'avis de June, sa partenaire, et qu'elle accepte l'idée qu'elle soit bien plus qu'une simple emmerdeuse.

En tout cas, tout ça, ça contribue aussi sûrement un peu à pousser l'adolescente à menacer la paysanne d'une balle dans l'épaule. Ce qui lui vaut une autre remarque désagréable sur sa capacité à évoluer. Elle marque un point, ouais. Tant pis. Tu cherches la merde, aussi ! grogne l'australienne en retour. D'ailleurs peut-être que c'est ce qu'elle recherche ? La faire sortir de son gond pour ne plus avoir à la supporter dans la foulée. Et en espérant peut-être que June ne tolérera pas ce faux pas envers elle ? C'est malin. Vicieux, mais malin !

Et puis ça l'oblige surtout à faire preuve de retenue. Surtout si sa vie peut se retrouver dans la balance. Alors Zelda se modère un peu et écoute même les instructions débiles de sa geôlière. Sa retenue ne la dispense pas pour autant de demander à Val' de lui montrer par l'exemple ce qu'elle attend d'elle. Grosso modo, ça se résume à prendre soin des animaux. Et à observer les autres, aussi, puisque Val' ne semble pas décidée à lui faire cette fameuse démonstration.

Quelle casse-couilles !

Okay et si j'donne l'mauvais truc à bouffer aux bestioles ? Non parce que ça risque d'arriver s'il y a différents aliments pour les animaux d'élevage. Ou que j'me fais attaquer ? Le contact avec les chiens passe plutôt bien. Avec les chats aussi, en fait. Mais elle n'a pas trop l'habitude de traîner avec les créatures d'élevage. Y'a une technique de défense ? Ou elle est sensée se démerder ? Ca lui convient mais la fermière n'a pas intérêt à venir se plaindre si elle se retrouve avec de la viande hachée ! Et Zelda aimerait autant éviter d'ajouter bovicide à son dossier, hein, tant qu'à faire...

Ce dernier débat n'est qu'une autre preuve que la discussion est impossible entre les deux filles. Trop laborieuse, pas assez rentable. T'es consciente que j'suis pas plus ravie que toi d'être ici, hein ? finit par préciser l'adolescente. Histoire de lui prouver que oui, elle est malgré tout capable d'évoluer. Alors on peut continuer à s'tirer dans les pattes jusqu'à c'que j'l'emporte, ouais. Ou alors... ajoute-t-elle après un petit instant, avant de marquer une pause. Pour le dramatisme de l'instant. Ou alors tu m'expliques les choses comme il faut et comme ça on gagne toutes les deux du temps et j'ai pas besoin de te courir après toutes les deux minutes pour te demander comment faire ton boulot ? Autant qu'elles y mettent du sienne, non ? Le travail devra de toute façon être fait en plus.