- C’est ici. Que je souffle à Friedrich, alors que nous nous trouvons devant une maison inhabitée. Ce n’est pas en bon état, mais suffisamment pour le petit projet.

Petit projet que je n’ai pas encore totalement expliqué à mon supérieur en fait, mais qui je suis certaine lui plaira. Ou du moins, il verra tout comme moi l’utilité.

- J’ai fait déposer quelques-uns des matériaux dont nous aurons besoin, mais c’est encore un secret pour tout le monde. Nous pourrons choisir à qui le dévoiler ou non.

Déjà, je me dirige vers le porche de cette maison en déverrouille la clef que Maddison m’a remise. J’entre et invite Friedrich à me suivre. À l’intérieur, ce n’est pas une vieille odeur poussiéreuse qui nous accueille, non, j’ai passé les derniers jours à tout nettoyer de fond en comble après le travail. Ça sent le propre autrement dit.

Je le guide jusqu’à un grand espace ouvert qui devait sans doute être à l’époque le salon et la salle à manger. Quelques fenêtres ont déjà été condamnées à ma demande, en fait tout le mur qui nous fait face n’a maintenant plus aucune ouverture. Au sol, il y a une grande bâche sous laquelle se cache ma petite surprise.

Il faut bien l’avouer, la maison devant laquelle ils se tiennent ne paye pas vraiment de mine et il se demande très sérieusement ce qui motive son amie et collègue à le traîner jusqu’ici. Elle lui avait demandé sa confiance, avant de suffisamment titiller sa curiosité maladive pour qu’il ne laisse tomber ses recherches le temps d’une après-midi.

C’est ici. C’est ici, quoi ? Cette réponse il y pense fort mais devant l’excitation de la brune, le généticien beaucoup trop sérieux à cette heure, se retient. Elle finit par lui exposer son projet en quelques lignes, tout en restant mystérieuse au possible. Suffisamment pour attiser sa curiosité - encore. Commence-t-elle à le connaître à ce point ? C’est bien possible. Pauvre de lui.

« Bonnie… » Commence-t-il, alors qu’il observe les lieux plongés dans le noir. Une pièce à vivre complètement dégagée, les fenêtres barricadées, elle était venue tout ranger, tout nettoyer pour cette venue, c’était certain. S’il a l’air un peu froid d’apparence, certains signes ne trompent pas ; son regard posé sur cette objet bâché, l’analyse rapide qu’il avait fait de l’endroit. Il pourrait lui demander l’intérêt de tout ceci. Pour quelqu’un qui ne le connaîtrait pas, il a l’air d’avoir envie de gronder et de rentrer chez lui. Au lieu de ça, il demande : « ... Mais qu’est-ce que tu caches là-dessous ? » Évidemment qu’il a besoin de savoir. Quelques signes l'interpellent, mais il lui laisse soin d’éclaircir ce mystère.

Je tire doucement sur la bâche cachant ma petite surprise, parce que je crains néanmoins qu’un mince film de poussière ne s’élève dans l’air. Voici qui découvre le projecteur sur lequel j’ai pu mettre la main, ainsi que le lecteur DVD auquel il est branché.

- Tada ! Je suis réellement ravie de ma petite surprise. Je devance d’ailleurs mon supérieur, sachant pertinemment qu’il n’y verra que l’aspect frivole au premier abord. Nous avons besoin de prendre soin de notre esprit et n’étant qu’humain, cela passe par le divertissement. Pas débilitant pour autant ! Non quand même. J’ai pu mettre la main sur certains documentaires à la bibliothèque. Je me suis dit que pour le personnel scientifique intéressé, cela nous permettrait de souffler un petit peu pour revenir en force au laboratoire. Nous devrons marcher pour venir ici, donc nous prendrons aussi soin de notre santé physique.

Pour moi, c’est une réussite sur toute la ligne. Distraction mentale, éducation, exercice physique. Il n’y a pas plus performant.

Quand elle découvre le projecteur, le généticien bug - littéralement. Ce n’est pas qu’il est déçu ou qu’il n’apprécie pas. C’est plutôt que les rouages de son cerveau se trouvent à des kilomètres d’une quelconque source de détente alors son premier réflexe est de se demander : pour quoi faire ? Mais il préfère se taire devant l’enthousiasme de Bonnie.

Elle devine cependant, le devance avec quelques explications supplémentaires. Quand elle termine, le silence tombe quelques secondes, puis il s’avance pour tourner autour du projecteur avec curiosité, il est vrai. « Je ne m’attendais pas vraiment à ça quand tu m’as dit que tu avais besoin de moi sur un projet. » Confie-t-il, avec honnêteté en posant une main légère sur la machine. « C’est… Une idée. » Cela ne sonnait pas aussi mauvais que ça en avait l’air, quand on connaît Friedrich. « Peut-être que ma réaction première est sans doute la preuve qu’on en a besoin. » Ajoute-t-il, pensif.

« Des documentaires, tu dis… Tu l’as déjà testé ? » Demande-t-il alors, en relevant la tête vers elle puis guetter sa réponse, un léger sourire au bord des lèvres.

- Le projet est de m’assurer que mon supérieur soit dans une forme optimale. Que je plaisante à moitié. S’il y a bien quelqu’un qui ne prend pas le temps de donner une pause à son esprit, c’est bien vous Docteur Eden. Toujours avec ce petit sourire malicieux.

Je suis bien consciente que j’en aurai tout autant besoin, mais ce n’est pas totalement un geste désintéressé. J’apprécie Friedrich bien entendu, mais j’apprécie qu’il soit le responsable du laboratoire également. Si je peux m’assurer de la pérennité de ce rôle…

- N’est-ce pas ? J’en rirais presque, alors qu’il mentionne sa réaction initiale. À mes yeux, cela confirme effectivement la légitimité de mon petit projet ludique. Pas encore, je sais que le projecteur fonctionne, cependant je n’ai pas eu le plaisir de lancer l’un des documentaires que j’ai trouvé à la bibliothèque.

« Bonnie… Pourquoi tu ne me tutoies toujours pas ? » Demande-t-il soudain, attendri en réalité par cette attention nouvelle. « Et c’est faux, je dors cinq à six heures par nuit maintenant, je sais faire des pauses. » À d'autres. Bonnie n’est pas dupe, personne ne l’est.

Il continue d’observer et de tourner autour du projecteur avec curiosité. « On devrait peut-être l’essayer… On peut ? » Est-ce que c’est vraiment lui le quarantenaire dans cette pièce ? Parce que cette idée l’intrigue beaucoup. « Je ne sais pas combien de personne nous attirerons avec des documentaires, mais je sais que certains ne seront pas difficiles à motiver pour trouver… D’autres types de projections. » Hasarde-t-il. Friedrich avait été cinéphile dans son adolescence, mais cela remonte à loin maintenant. Il n’avait guère de temps pour autre chose que des films dits “bruit de fond” quand le silence de son appartement d’avant lui semblait trop pesant.

« Montre-moi ta trouvaille. » L’invite-t-il, avec beaucoup moins de réticence qu’au début.