20/02/1997

Maman est jolie. Papa est fort. Je suis content.

06/05/2005

Cher Journal,

Qui offre un carnet à un enfant de 5 ans ? Ta première page est gâchée. J'ai longuement hésité à te remplacer par un nouveau et puis j'ai réalisé que, comme pour un tas d'autres choses, je n'ai pas le choix que d'accepter mon héritage. Cependant, repartons sur de bonnes bases, nous ne nous connaissons pas encore vraiment et avant de te souiller j'aurais au moins pu prendre la peine de me présenter. Si tu veux bien, j'aimerais corriger mes erreurs.

Je m'appelle Orpheus Adam Hilton, j'ai 13 ans et je suis l'héritier d'un empire. Je n'ai pas d'amis et je n'ai jamais eu la chance de croiser une personne de mon âge. Les seules personnes que je vois sont : mon tuteur Monsieur Pofti et ma gouvernante Madame Salomon. Ils sont gentils, pas parce qu'ils m'apprécient, mais parce qu'ils n'ont pas d'autres choix. C'est tout simplement leur travail. Mes parents, quant à eux, sont des gens méprisables, faux et dépourvus de toute humanité. Mon père est le Président Directeur Général d'un magazine de sport, vendu à plusieurs milliards d'exemplaires à travers toute l'Amérique. Ma mère est une ancienne enfant star, toujours parfaite, toujours souriante et polie. Elle dirige son propre talk-show « Hilton's Secret », une émission agaçante dans laquelle elle accueille des célébrités pour discuter de leur secret de beauté. Pendant très longtemps j'ai cru qu'elle était un robot, je n'ai jamais vu une autre émotion sur son visage que la joie, mais ce soir je l'ai entendu hurler derrière la porte de sa chambre et mon père est sorti la tête couverte de sang. J'ai couru dans ma chambre aussi vite que j'ai pu et je t'ai cherché pour te raconter ce que je viens de voir. Je n'ai personne à qui parler et j'ai peur d'oublier. Je ne sais pas si Père va bien...en réalité je m'en fiche.

01/01/2008

Je viens de relire ce que je t'ai confié il y a 3 ans et ça m'a glacé le sang. De nombreuses images me reviennent et bizarrement j'arrive enfin à comprendre comment j'ai fait pour en arriver là. En cet instant précis nous sommes tous les deux dans un avion pour New-York. Une nouvelle vie nous attend là-bas, loin des parents et loin des malheurs. J'ai emmené une petite valise dans laquelle j'ai glissé ma machine à coudre, je me dis qu'avec un peu de chance je pourrais gagner un peu d'argent en réparant des vêtements pour les gens. Je ne sais pas où je vais dormir, je ne sais pas ce que je vais manger, mais je n'ai pas peur. J'ai réussi à voler plusieurs milliers de dollars dans le coffre de Père. J'espère qu'ils ne me chercheront pas. Une chose est sûre je ne retournerai pas là-bas... JAMAIS !
 
05/01/2008

J'ai rencontré une fille qui s'appelle Pearl. Elle a 24 ans et elle a son propre appartement. Elle a accepté de m'héberger le temps que je trouve du travail. Je lui ai dit que j'avais 18 ans et que mes parents étaient morts dans un accident de voiture. Je pense qu'elle se doute que je mens, pourtant elle a quand même accepté de m'aider, elle est tellement gentille.

08/01/2008

Pearl m'a aidé à trouver un job de retoucheur dans la blanchisserie au coin de la rue. La gérante, Madame Pims était un peu méfiante au début. Mais je pense qu'elle a été véritablement impressionnée par mes connaissances en couture. Elle m'a dit qu'elle n'avait jamais vu quelqu'un faire un ourlet aussi propre en si peu de temps. Je commence demain, je suis impatient.

05/03/2008

La fille de Madame Pims est partie vivre au Texas avec son petit ami. Elle m'a proposé de louer sa chambre, et même si ça ne m'emballe pas plus que ça, je ne peux pas continuer à profiter de la gentillesse de Pearl comme ça. J'ai donc décidé d'accepter. Je déménage demain, pour fêter ça Pearl a commandé des pizzas. Je suis un peu triste, même si je sais que c'est la bonne décision. Parfois je me demande si Père et Mère me cherchent. Peut être qu'ils ont envoyé des supers espions pour me retrouver, ou alors peut-être qu'ils s'en fichent ? J'imagine que Mère doit penser que je finirais par revenir, peut être que son imbécile de psy aura réussi à la convaincre que ce n'est pas de sa faute et qu'il s'agit juste d'une phase et que j'ai besoin d'avoir mon propre espace.

15/05/2010

J'avais presque oublié ton existence mon très cher journal. Tellement de choses se sont passées depuis la dernière fois que je me suis confié à toi. J'ai enfin trouvé mon propre appartement et j'ai réussi à obtenir un job de couturier dans une vraie maison de mode. Ce matin, j'ai eu la peur de ma vie. En sortant du café où je prends mon petit déjeuner tous les matins, j'ai croisé Père. Heureusement, il ne m'a pas vu. Rien que d'y repenser j'en ai encore les genoux qui tremblent. Je me demande ce qu'il se passera s'ils finissent par me retrouver. M'obligeront-ils à retourner vivre avec eux ?


20/02/2013

Joyeux Anniversaire à moi ! Ça y est j'ai enfin 21 ans ! Vive la majorité. Une partie de moi est assez surpris que malgré toutes les choses qui se sont passées ces 5 dernières années, j'ai réussi à te garder près de moi. Ce qui m'a poussé à t'écrire aujourd'hui, c'est le besoin de faire un bilan. Je pense que le moment est venu de t'ouvrir mon cœur et de te raconter toutes ces choses que je garde en moi depuis si longtemps.

J'ai lu dans la presse que Mère et Père ont fini par divorcer. Une partie de moi est content pour eux. J'ose imaginer qu'ils seront plus heureux comme ça. Bien entendu, Mère a réussi à conserver la plus grande part de la fortune familiale. Il semblerait que Père l'ait trompé à de multiples reprises. Je ne suis pas surpris. Ils étaient doués pour faire croire au reste du monde à leur bonheur, mais je n'ai jamais été dupe. Je sais que cela peut sembler étrange, mais je ne les ai jamais aimé. J'éprouve un attachement pour eux, une certaine forme d'affection. Pendant très longtemps j'ai cru que c'était ça l'amour, mais j'ai fini par comprendre que je me trompais. Le mois dernier j'ai rencontré Tony et pour la première fois de ma vie, j'ai été bouleversé. J'ai ressenti des choses que j'ignorais possibles. J'ai l'impression que jusqu'à présent mon cœur était endormi et que maintenant il s'éveille enfin. Je me sens plus fort, j'ai la sensation de pouvoir déplacer des montagnes. J'ai cherché si longtemps à fuir ma propre vie sans vraiment comprendre où était la sortie de secours. Je suis tellement heureux de l'avoir enfin trouvée.

This is the beginning of the rest of my life !

14/10/2015

Ceci est censé être le plus beau jour de ma vie et pourtant j'ai peur. Je t'écris de l'avion qui m'emmène à San Francisco pour mon tout premier défilé à la Fashion Week ! J'ai travaillé tellement dur sur cette collection et j'ai toujours du mal à croire que j'ai réussi à obtenir une telle opportunité. J'aurais aimé que Tony puisse m'accompagner mais il a un tournage très important ce week-end. Je suis fier de lui et je sais qu'il est fier de moi, et on aura un tas de choses à se raconter à mon retour.

21/10/2015

Que se passe-t-il ? Les gens semblent avoir perdu la raison. Mon vol de demain vient d'être annulé et le gouvernement a suspendu tout le trafic aérien jusqu'à nouvel ordre. Certaines personnes parlent d'épidémie. Je n'ai pas de nouvelle de Tony depuis 2 jours et je suis très inquiet. Une émeute s'est produite lors du défilé de Nelcha hier soir. Heureusement, j'avais décidé de ne pas m'y rendre. Plusieurs personnes sont mortes ! J'ai tellement peur.

22/10/2015

Je suis terrorisé. Je viens de recevoir un coup de téléphone de Père. Il m'a dit qu'il savait où je me trouvais et qu'il allait immédiatement envoyer un jet privé pour venir me récupérer. Depuis tout ce temps mes parents ont suivi ma trace ? Pourquoi ne m'ont-ils jamais contacté ? Pourquoi ont-ils décidé de me laisser vivre ma vie et surtout pourquoi ont-ils décidé de reprendre contact avec moi maintenant ? J'imagine que la situation doit véritablement être grave. J'ai essayé d'appeler Tony au moins une centaine de fois et je n'ai toujours aucune réponse de sa part. J'espère qu'il va bien.

23/10/2015

Je suis de retour au manoir Hilton. Je ne sais plus quoi penser. Revenir dans cette maison provoque en moi plusieurs sentiments étranges. Mère m'a prise dans ses bras dès qu'elle m'a vu et pour la première fois de ma vie j'ai cru voir de la peur sur son visage. Père est là lui aussi, malgré le divorce, et son visage semble plus dur que jamais. Il y a des gardes postés à chacune des entrées de la maison. Que se passe-t-il ? Je sais que Père est au courant de plus qu'il ne veut bien le laisser croire et pourtant il ne m'a toujours rien dit. J'ai parlé de Tony et j'ai demandé si quelqu'un pouvait lui aussi aller le récupérer. Père m'a dit qu'il allait faire tout son possible pour retrouver sa trace.

02/11/2015

Cela fait plus d'une semaine que je suis revenu au manoir et les choses ne semblent pas s'être améliorée. La nuit dernière j'ai entendu des coups de feu dans le jardin. Nous n'avons plus le droit de sortir de la maison. Je n'ai toujours aucune nouvelle de Tony.

25/12/2015

Joyeux Noël Post-Apo'. La situation ne s'est pas améliorée et je commence vraiment à croire qu'on ne retrouvera plus jamais notre vie d'avant. Les téléphones ne fonctionnent plus, nous commençons à être à court de vivre et de munitions. Je sens que quelque chose se prépare, Père m'a confié qu'il fallait que je me tienne prêt à partir à tout moment. J'ai bouclé une petite valise avec mes vêtements préférés et je vis la plupart de mes journées à moitié nu enroulé sous la couette. Je dors beaucoup, cela me permet de revivre les moments heureux du passé, mais aussi de pouvoir combattre le sentiment de faim qui se fait de plus en plus pressant. Désormais nous ne faisons plus qu'un seul repas par jour. J'ai l'impression que Mère flétrit à vue d’œil.

02/01/2016

Ce matin nous avons quitté le manoir. Pour la première fois de ma vie j'ai vu Mère pleurer, ça m'a brisé le cœur. Je regrette presque l'époque où elle avait la force de faire comme si tout était toujours rose. Père semblait plus déterminé que jamais, il n'avait pas changé d'attitude depuis l'épidémie, notre survie était devenu son nouveau travail à plein temps et parfois j'avais même la sensation que d'une certaine manière il y trouvait du plaisir. Plusieurs personnes avaient rejoins notre groupe, principalement les femmes et les enfants des gardes de mon Père.

Nous formons un petit groupe d'une dizaine de voitures, nous avons prit la route vers le Nord du pays. Père est resté très vague sur notre destination, je l'ai entendu mentionner Seattle et un regroupement de survivants, mais il n'a pas jugé nécessaire de me donner plus d'informations. J'ai vraiment l'impression qu'il me considère toujours comme un enfant, peut être parce que la dernière fois que nous nous sommes vu avant l'Apo' j'en étais encore un.

28/08/2016

Cela fait plusieurs mois que nous avons rejoins un petit groupe de survivant à Sacramento. Nous logeons à la Jelly Belly Factory, une usine qui a été transformée en camp de survivants. Nous n'avons pas le droit de sortir, les gardes de mon Père ainsi que quelques civils montent la garde à tour de rôle devant toutes les entrées.

Je suis devenu ami avec Paolo, un jeune mexicain qui est ici avec toute sa famille, sa grand-mère, ses parents et ses 3 petites sœurs. Il m'a fait découvrir les joies de la Marijuana et j'avoue que j'en avais véritablement besoin. Pour la première fois depuis plusieurs mois j'ai enfin retrouvé le sourire.

Pour sortir fumer il faut ruser. Heureusement pour moi je m'entends très bien avec deux des gardes de mon Père. Nous avons sympathisé durant les mois passés enfermés au manoir. Ils acceptent de nous laisser passer de temps en temps, mais nous n'avons pas le droit de nous éloigner de plus de quelques mètres de l'entrepôt.

02/09/2016

Je pense que je ne serais plus jamais le même. Pour la première fois je viens de tomber nez-à-nez avec un rôdeur. Cela s'est passé il y a deux heures et je n'ai pas encore cesser de trembler. Nous étions dehors avec Paolo et il a surgit de nul part...Je me suis enfuis, j'ai paniqué. J'aurais dû aider mon ami, mais je n'ai pas pu. J'ai vu le rôdeur arracher la chair de son cou avec ses dents. J'ai vu la terreur dans son regard, j'entends encore son hurlement qui me supplie de faire quelque chose. Mais il est trop tard. Jusqu'à présent j'avais la sensation d'être en sécurité, maintenant je sais que je ne le serais jamais vraiment.

04/09/2016

Des tensions se sont formées au sein de notre groupe depuis la mort de Paolo. Je sais que sa famille me tient pour responsable et Père n'apprécie pas du tout que l'on m'accuse de meurtre. Pour la première fois de ma vie j'ai la sensation d'être ma Mère, tout ne monde ne parle que de moi et je dois faire en sorte de me comporter comme si tout allait bien.

06/09/2016

Une violente bagarre a éclaté hier soir. Il n'y a que quelques blessés. Père a décidé que nous allions partir, avec tous les gardes qui accepteraient de nous suivre...c'est à dire tous. Je suis assez impressionné par la loyauté que ces hommes ont pour mon Père. Il faut dire qu'il leur a permis de survivre jusqu'à présent et d'emmener leur famille avec eux, j'imagine qu'ils se sentent redevables.
Pour honorer la mémoire de Paolo j'ai décidé d'emmener avec moi toutes ses réserves de Marijuana. C'est à dire un sac à dos presque entier.

10/09/2016

Après plusieurs jours de marche nous sommes enfin arrivé à San Francisco. Père a pour projet de récupérer notre yacht familial dans le port. Lorsque j'étais plus jeune nous venions souvent passer le week-end en mer le long de la côte Californienne. Il semblait confiant qu'en s'éloignant de la terre ferme nous aurions moins de problèmes avec les rôdeurs et nous pourrions nous nourrir en pratiquant la pêche.

20/09/2016

Ce soir nous passons notre première nuit sur le yacht familial. J'ai très envie d'oublier ce qu'il vient de se produire ces derniers jours, mais je pense qu'il est de mon devoir de le partager avec toi cher journal. Père a perdu tout ce qui lui restait d'humanité, j'en suis maintenant convaincu. Nous avons rejoins un petit groupe de gens qui se cachaient dans l'un des hangars du port. Ils nous ont accueilli à bras ouverts et une fois la nuit tombée, Père a ordonné aux gardes de les abattre tous. Nous avons récupéré toutes leurs armes, leurs cannes à pêches, leur essence et leurs vivres. Mère m'a suggéré avec le plus grand des calmes de récupérer leurs vêtements. Cela me permettrait sûrement de m'occuper une fois sur le yacht : « tu aimes toujours la couture, hein chéri ? » m'a-t-elle dit. Est-ce que j'aime toujours la couture ? Depuis quand sommes nous devenus des meurtriers ? En y réfléchissant, je me suis dit que les vêtements étaient peut être le dernier héritage qu'il restait de ses pauvres miséreux. J'ai pris la décision de leur en dépouiller pour essayer de leur rendre hommage à ma manière. Les deux énormes sacs que j'ai ramené sur le navire sont aussi lourds que leur mort sur ma conscience. Il ne me reste plus qu'à essayer de créer quelque chose de beau et poétique de l'horreur dont je viens d'être témoin.

20/02/2017

Cela fait plusieurs mois que nous vivons à bord du yacht et la vie est redevenue presque paisible. Nous avons rencontré quelques problèmes durant le mois de décembre à cause des intempéries, mais dans l'ensemble nous suivons une routine assez bien orchestrée. Finalement tous les vêtements que nous avons récupérer se sont avérés très utiles pour combattre le froid de l'hiver. Nous jetons l'encre non loin de la côte pour la nuit et en journée nous retournons au port, les gardes partent à la recherche de vivre et d'autres choses utiles à notre survie, pendant que les autres s’attellent à la pêche.

Aujourd'hui c'est mon anniversaire et pour l'occasion Père a réussi à trouver une vieille machine à coudre qui fonctionne sans électricité. J'avoue que je suis vraiment impatient de l'essayer. J'ai la sensation de revivre, bizarrement j'ai presque l'impression de retrouver une vie normale. Nathan, l'un des gardes de mon père avec qui je me suis lié d'amitié, m'a lui aussi fait un petit cadeau. Il a réussi à trouver deux petites plantes de cannabis. J'étais tellement content que je lui ai sauté au cou et je l'ai embrassé. La dernière personne que j'ai embrassé, c'était Tony. Ça m'a fait bizarre, mais lorsqu'il m'a serré dans ses bras, pour la première fois depuis l'attaque du rôdeur à Sacramento je me suis à nouveau senti en sécurité.

20/09/2017

Aujourd'hui cela fait un an jour pour jour que nous vivons sur le yacht. La vie semble presque normale, nous avons commencé à cultiver quelques légumes non loin du port. Père et ses hommes ont commencé à explorer la région et il a pour ambition d'arriver à barricader le port pour que nous puissions petit à petit revenir vivre sur terre. J'ai la sensation que Mère n'approuve pas vraiment ma relation avec Nathan et elle a tendance à lui mener la vie dure, mais Père semble beaucoup l'apprécier.

15/03/2018

Un groupe d'étrangers est arrivé au port et Père s'est montré très clément. Je pense qu'il a conscience que pour bâtir l'empire dont il rêve il aura besoin de plus de bras et j'ai la sensation que sa décision est plutôt d'ordre stratégique. Nathan a découvert une petite maison non loin du port et il m'a dit qu'il aimerait qu'un jour nous puissions y emménager. Il partage les idéaux de Père et il pense qu'un jour nous arriverons à reconstruire un endroit où nous serons en sécurité et où la vie pourra reprendre son cours.

30/08/2018

Nous sommes trop nombreux pour vivre sur le yacht et Père a commencé à réorganiser la vie de notre petite communauté. Les gardes se regroupent en milice autour du port et monte la garde constamment pour repousser les rôdeurs. Je sens que les choses changent autour de nous et je ne suis pas rassuré. Parfois le mieux est l'ennemi du bien.

25/04/2019

La nuit dernière nous avons été attaqué. Mais cette fois pas par des rôdeurs. J'ai entendu plusieurs explosions et nous n'avons plus de nouvelles de certains de nos gardes. Père semble vraiment sur les nerfs. Nathan m'a dit qu'il allait partir avec plusieurs hommes sur les lieux de l'explosion pour voir s'il y avait des blessés. J'ai essayé de le retenir mais il n'a pas voulu m'écouter.

30/04/2019

Nous avons été pris d’assaut par un groupe de femmes armées jusqu'aux dents. Elles ont capturés Père et les gardes, dont Nathan. Je ne sais pas ce qu'elles attendent de nous. J'ai peur.

07/05/2019

Cher journal, ce que je m'apprête à écrire est certainement la chose la plus horrible qui me soit arrivée jusqu'à présent. Je ne sais pas pourquoi j'ai réussi à survire à de telles atrocités alors que tant de gens sont morts...

Nous avons tous été rassemblés devant le yacht. La cheffe des envahisseurs s'est adressé à nous. Elle nous a expliqué que désormais c'était elle qui donnerait les ordres. Les hommes et les femmes ont été séparés en petit groupe. J'ai été enfermé dans l'un des hangars avec les autres hommes. J'ai retrouvé Père et Nathan. Quelques instants plus tard, une autre femme est entrée. Elle nous a ordonné de nous déshabiller et ils nous ont privés de tous nos vêtements.

Père s'est approché de moi et il m'a murmuré qu'il avait réussi à trouver un moyen de me faire échapper. Je lui ai dit que je refusais de partir sans lui et Nathan. Pour la première fois de ma vie, il m'a giflé violemment. Il m'a regardé droit dans les yeux et il m'a dit qu'il m'aimait. Il m'a dit que j'avais réussi à survivre seul pendant toutes ses années lorsque je m'étais enfuis à l'âge de 16 ans et que cette fois ce serait la même chose. J'ai regardé Nathan à l'autre bout de la pièce et Père m'a dit que je n'avais pas le droit de sacrifier l'avenir de notre famille tout entière pour un garçon. Il a posé ses lèvres sur mon front et j'ai compris que je n'avais pas le choix.

Au milieu de la nuit, une femme s'est approchée de moi et elle m'a agrippé par les cheveux pour me traîner jusqu'à la porte arrière du hangar. Une fois dehors, elle m'a tendu des vêtements, un sac à dos avec quelques effets personnels dont toi mon cher journal et elle ma dit de fuir par la petite colline qui longeait le port. Elle m'a tendu un pied de biche et elle m'a souhaité bonne chance.

J'ai couru le plus vite et le plus loin que j'ai pu.

10/05/2019

Je viens d'arriver à Santa Rossa. J'ai réussi à éviter les rôdeurs et je suis assez surpris d'être encore en vie. J'ai trouvé un groupe de gens à qui j'ai raconté mon histoire. Ils m'ont expliqué qu'ils avaient entendu parler d'un groupe de femmes surnommés les Divas qui avait pour habitude de capturer les hommes pour les revendre comme esclaves. Peut être s'agissait-il d'elles, ou peut être pas...Est-ce que je reverrai Nathan un jour ? Que vont-ils lui faire ? Père, Mère...je suis désolé.

02/10/2019

Cela fait 5 mois que je vis avec le groupe de Santa Rossa mais je n'arrête pas de penser à Nathan et à mes parents. Peut être que je devrais retourner là-bas pour les aider ? Sont-ils encore vivants ? Une chose est sûre je ne peux pas rester ici.

08/10/2019

J'y suis retourné. J'ai trouvé une petite maison en haut de la colline depuis laquelle j'arrive à observer le port. Cela fait deux jours que je guette le moindre mouvement. On dirait qu'il n'y a plus personnes dans les environs. Peut être que les femmes les ont emmenés avec elles loin de San Francisco. C'est décidé ce soir je retourne sur le yacht !

09/10/2019

Il ne reste plus rien. La moindre richesse que nous avions pu accumuler au fil des mois, tout a disparu. Le yacht est encore en parfait état, par miracle il reste même du carburant et ma fidèle machine à coudre est intacte ! Je vais prendre la mer dès demain et longer la côte jusque Seattle. Père avait parlé de groupe de survivants qui vivaient là-bas. Peut être qu'ils ont tous été capturés et emmenés dans l'une de ces colonies. J'imagine que je le découvrirai bien assez vite.

15/10/2019

Après plusieurs jours en mer, je suis arrivé à Shi Shi Beach ce matin et j'y ai rencontré un groupe de pêcheurs. Ils n'ont pas semblé méfiants et ils m'ont rapidement proposé de rejoindre leur petit groupe pour la nuit. Ils ne sont qu'une dizaine à vivre ici. Je leur ai proposé de mettre à disposition le yacht pour le confort de tout le monde s'ils acceptaient que je reste vivre avec eux quelque temps. Ils ont tout de suite accepté.

30/05/2020

Cela fait plus de 7 mois que je vis en compagnie des survivants de Shi Shi Beach et je dois avouer que je commence à m'y sentir chez moi. Les gens semblent m'apprécier et c'est assez réciproque. J'ai pris la peine de raccommoder plusieurs de leurs vêtements abîmés et en contre-partie je ne suis pas obligé d'aller pêcher. Cela tombe très bien car je dois avouer que je n'aime pas trop ça. Parfois je me demande si le reste de mon existence se résumera à ça. Quand je repense à la vie que je menais avant l'Apo' j'ai presque la sensation que c'était une vie antérieure. J'essaie de dessiner le visage de Tony dans ma tête et je me rends compte que j'ai du mal à me souvenir de ses traits avec précision. Si seulement j'avais pu garder une photo de lui. Souvent je repense à Nathan et je me demande s'il va bien. Je n'ai pas perdu espoir de le retrouver un jour, mais je sais que si je voyage seul je ne survivrai pas très longtemps. Quant à mes parents, je suis convaincu qu'ils ont réussi à s'en sortir. Ils ont plus d'un tour dans leur sac et je suis certain qu'un jour nos chemins finiront par se recroiser.

16/03/2021

Mon très Cher Journal,

La vie est paisible à Shi Shi Beach et je n'ai malheureusement pas grand chose à te raconter. Je viens de relire l'entièreté des récits que j'ai écrit durant ces 24 dernières années et j'ai beaucoup pleuré. Ça m'a fait du bien. Depuis mon arrivée ici, j'ai pris la décision d'essayer de voir les choses du bon côté. Manny, l'un des pêcheurs du groupe, m'a enseigné qu'il fallait chercher la joie dans chacune des choses qui nous entourent, ce n'est que comme ça qu'on finit par la trouver. Je pense qu'il a raison et je me sens vraiment bien dans notre groupe. On est tous solidaire et on se sert les coudes. Lisa, la fille de Manny devrait d'ailleurs accoucher la semaine prochaine. Je suis impatient de rencontrer le nouveau membre de notre petite tribu. J'ignore quand sera la prochaine fois que je t'écrirai mon cher journal, mais en attendant j'aimerais que tu continues à veiller sur mes souvenirs comme tu sais si bien le faire.

20/04/2022

Bonjour,

Je m'appelle Lisa. Nous avons été attaqué par des pirates et Orpheus a été fait prisonnier. Il m'a toujours dit qu'en cas de danger je devais fouiller sous sa vieille machine à coudre. J'y trouverai quelque chose qui compte énormément à ses yeux et que ma mission serait de faire en sorte de lui rendre. C'est là que je t'ai trouvé. Je fais la promesse que je trouverai le moyen de te ramener auprès de ton propriétaire.

Encore une journée et encore une barre de plus dessinée à la craie sur le métal de ma couchette. Cela fait maintenant 10 mois jour pour jour que je suis enchaîné à cette fichue plate-forme pétrolière. Il faut admettre que ma condition s'est nettement améliorée au fil des mois. Lorsque ces idiots de pirates ont fini par comprendre que j'avais de l'or dans les mains, ils se sont bien vite empressés de me sortir de ma cellule pour raccommoder tous leurs vieux vêtements troués.

Comme tous les matins, je rejoins l'équipage pour le petit déjeuner : un vieux morceau de pain sec et un verre d'eau. Nous sommes tous tenus d'être debout à l'aurore. Au delà de leurs humeurs matinales, leur compagnie n'est pas des plus agréables, mais j'ai fini par m'y faire. Jack, Ulrich et leurs hommes savent même parfois se montrer aimables malgré leurs sarcasmes incessants. A mon arrivée sur le navire je devais faire face à de nombreuses moqueries, mais avec le temps, ils ont fini par rire avec moi au lieu de rire de moi.

Une fois l'estomac sustenté, je me dirige vers la cale dans laquelle se trouve mon nécessaire de couture et tous mes outils. Je commence alors par nettoyer les vêtements et recoudre les éventuels trous. Ensuite je m’attelle à la fabrication de petites pièces d'armure en cuir et en métal. Je transforme des vieilles cannettes, des conserves et tout autres vieilleries en cottes de maille légères, en poignets de force ou même en genouillères.

A midi, certains membres de l'équipage commencent à boire dès le réveil et c'est bien souvent à ce moment précis qu'il faut être suffisamment alerte pour éviter les ennuis. Je les connais tous et j'ai fini par découvrir ceux qu'il vaut mieux éviter. La piraterie a deux effets : le premier la misogynie pure et dure, et le deuxième l'homophobie qui a résulté en remarques à mon égard, même si aucun d'entre eux n'a jamais eu la preuve que je puisse vraiment être gay. Le sort réservé aux personnes comme moi est la mort, avec tortures en prime.

Pour ma propre survie j'ai dû faire en sorte de mettre en scène mon hétérosexualité. Je suis devenu ami avec l'une des esclaves en charge de la cuisine et du nettoyage, prénommée Nina. Nous avons d'un commun accord décidé de feindre une romance, cela lui permet de ne plus être victime des assauts des autres pirates et moi je suis en mesure de faire taire les rumeurs. Notre jeu d'acteur est assez bien orchestré. Tous les jours je viens la voir lorsqu'elle sert les repas et nous nous embrassons langoureusement. Elle finit toujours par m'interrompre parce qu'elle doit servir la nourriture et je retourne à mes occupations.

Une fois le repas terminé, l'atmosphère s'adoucit. Certains font la sieste, d'autres jouent aux cartes, et moi je m’enferme dans ma chambre. Je profite d'avoir un peu de temps libre pour dessiner des tenues que j'aimerais un jour avoir la chance de réaliser. Je rêve à la liberté, même si je sais qu'elle ne viendra probablement jamais. En général, Nina me rejoint vers 16h. Nous enlevons tous nos vêtements et nous nous glissons sous la couette, juste au cas où quelqu'un déciderait d'entrer, ce qui s'est déjà produit à de nombreuses reprises. Ensuite nous discutons de tout et de rien, de nos possibles plans d'évasion, de la manière dont nous aimerions arracher les yeux de certains membres de l'équipage. Nina me donne aussi des nouvelles des autres prisonniers et esclaves, quant à moi j'essaie de lui communiquer les éventuelles informations que j'aurais pu entendre auprès des pirates.

Un peu avant l'heure du dîner, Nina repart en cuisine et je reste dans ma chambre, je préfère ne pas manger. Se mêler à l'équipage en fin de journée est une tâche bien trop périlleuse même pour quelqu'un de parfaitement averti. Je vais me coucher de bonne heure pour être en pleine forme le lendemain matin et vivre une nouvelle journée identique en tous points.