Thaïs s'occupe au maximum l'esprit. Les aveux d'Ulrich lui restent encore en tête. Ce que ce monstre a fait à Sam est atroce et il lui a fallu faire preuve d'un grand sang froid pour ne pas lui trancher la gorge à son tour. Entre les otages, les morts de Lee et d'Aamir, les blessés, les Gentle Bastards ont soufferts de la main de leurs ennemis. Elle qui tenait plus que tout à protéger son groupe, a failli en beauté. Là, elle s'occupe des derniers rôdeurs errant encore dans la forêt. Trépaner de la chaire morte lui apporte un maigre réconfort, elle s'imagine que c'est son ennemi en face. Elle s'efforce juste d'ignorer la blessure à l'épaule qui lui fait un mal de chien. Impossible de s'arrêter pourtant.

Du bruit se fait entendre et elle se retourne pour apercevoir Richard qu'elle salue d'un signe de tête. « Richard... » Sa lame vient rencontrer le crâne d'une nouvelle charogne qui s'écroule au sol. Après, il va falloir les tirer jusqu'au bucher pour les brûler. Elle en a pour quelques heures de boulot encore et c'est très bien ainsi. Elle ne s'arrêtera que lorsqu'elle sera épuisée et sûre de s'effondrer pour dormir d'un sommeil de plomb jusqu'au lendemain. Sinon, les songes seront trop tumultueux et les visages de ses amis viendront la hanter, c'est certain.

« Contente aussi. Tu n'as pas été blessé ? » demande-t-elle en l'observant brièvement. Richard a l'air d'aller pas trop mal.

En entendant que Richard va bien, Thaïs hoche la tête en silence, soulagée. Les blessés sont déjà trop nombreux ces temps-ci. Lorsqu'il lui présente ses condoléances pour Aamir et pour Lee, elle détourne brièvement le regard et vient récupérer son arme plantée dans le crâne d'un des rôdeurs. « Je suppose que je dois te dire merci ? » souffle-t-elle. La militaire a déjà connu un peu trop de morts mais n'est toujours pas habituée des formules de politesse à dire dans ces moments-là. « C'est... douloureux » articule-t-elle. Et ce n'est pas une douleur physique. Là au moins, elle pourrait l'apaiser par des médicaments, des produits naturels, quel remède peut guérir les plaies de l'âme ?

« Merci » répète-t-elle, touchée par son témoignage d'amitié. « C'est... réconfortant » Comme à son habitude, la brune n'est pas la plus démonstrative mais son corps parle pour elle. Thaïs ne se tient pas droite et fière comme à son habitude mais les épaules rentrées, la silhouette plus recroquevillée sur elle-même. La perte de deux des siens, d'un ami plus particulièrement est vraiment un coup dur. « ça me donne envie d'abandonner » murmure-t-elle. Quel intérêt à continuer si c'est pour tous les perdre les uns après les autres ?