Dean "Echo" Harris
Dim 26 Mar 2023 - 13:16
Patient Bienveillant Protecteur Drôle Résilient Impertinent Vindicatif Susceptible Borné Bavard | J’ai récupéré un flingue après mon arrivée chez les Exilés. Rien de bien transcendant, je serais même pas capable de dire quel type d’arme c’est. Tant que ça fonctionne et que ça fait des jolis trous dans la tête des gens, ça me va. J’ai aussi un couteau, un spécial pour les filets de pêche mais qui s’avère bien pratique. Pas encombrant et facile à manier. Faut dire que j’ai l’habitude depuis le temps. Je vous passe l’attirail des couteaux pour la découpe du poisson, j’essaie de nouveau de me faire un stock. Je me traine aussi un sac à dos avec quelques conneries à l’intérieur. Rien de bien transcendant évidemment. De quoi manger, une gourde, un bouquin que j’ai jamais lu. Sinon, j’aimerais bien dire que j’ai réussi à garder des souvenirs de ma vie d’avant. Des photos, des lettres, n’importe quoi. Mais c’est pas le cas. Ces connards ont réussi à tout me prendre, ça y compris. Les seuls souvenirs qui me restent sont dans ma tête. Et j’espère que je finirais pas partout oublier. A part ça, dans les sujets qui fâchent, on peut aborder mon chalutier. Le Revenge. C’est. Mon. Putain. De. Bateau. Et je vous garantis que je vais le récupérer. 1m75 pour euh… franchement, vous vous êtes pesés quand vous, pour la dernière fois ? A vue de nez, je dirais dans les 70 kilos. J’ai jamais été bien épais de toute façon, mais tout en muscles. Fallait bien ça pour survivre aux virées pêche avec le paternel. Je suis pas sûr d’avoir grand-chose de notable. A part des cheveux qui font leur vie et partent en cacahuète dès que je les laisse un peu pousser. Une barbe que j’entretiens vaguement quand l’envie m’en prend, histoire de pas avoir totalement l’air d’un sauvage quoi. Sinon, comme tout le monde ou presque, j’ai pas mal de cicatrices, traces laissées par le temps, par sept années de survie. Des coups, des blessures qui montrent que j’ai survécu. Et cette trace plus marquée sur mon épaule souvenir d’un coup de couteau planté là par Jack, pour me clouer au mur et m’empêcher de bouger quand j’essayais de défendre les miens. Aleesha disait que j’avais des beaux yeux qui pétillent. Et un sourire contagieux. Je pense qu’elle était pas super objective, mais j’aime bien me dire qu’elle avait raison. |
Pourtant, y a des trucs qui changent pas. J’ai toujours utilisé l’impertinence et l’humour comme bouclier, d’aussi loin que je me souvienne. Même quand, au fond, j’ai pas la moindre envie de me marrer, ça m’aide à garder un semblant de contenance. Et ça pourrait presque donner l’impression que je gère la situation. Si c’était utile quand j’étais mioche, autant dire que là, je m’y raccroche comme un con la plupart du temps. Bon, ça a aussi ses mauvais côtés hein. Et je joue parfois – souvent – avec les limites. Comme j’arrive aussi à bien paume mon interlocuteur sous un flot de paroles. Ca faisait ses preuves avant tout ça, c’est toujours le cas maintenant. Et je trouve ça plutôt marrant.
Je me suis par contre découvert une capacité à haïr les gens que je soupçonnais même pas. Probablement parce que, jusqu’à ce que les morts décident de se relever, mon plus gros problème c’était cette tête de con raciste de Richie dont les deux neurones s’entrechoquaient dès qu’il tentait d’aligner plus de deux phrases pour m’insulter. Alors ouais, si je m’étais battu quelques fois, si j’avais même fini enfermé dans une poubelle, j’étais pas du genre rancunier. Ou à chercher à me venger.
Et même au tout début de ce merdier, j’ai fait avec. A essayer de trouver le côté positif, à chercher comment on pourrait s’en sortir et à veiller sur les miens. Mais ça, c’était avant que ces fils de pute de pirates croisent notre route et décident de détruire tout ce qui était important pour moi. Alors ouais, des morts revenus à la vie, c’était compliqué à gérer, mais c’était faisable, j’ai même étonné de voir que j’arrivais à les affronter sans avoir envie de gerber toutes les deux minutes. Je vous assure, c’est pas si facile que ça en vrai. Sauf que c’était sans compter sur les humains quoi.
Mais je suis toujours debout. Et j’arrive encore à voir le côté positif des choses. Parce que j’ai réussi à trouver une nouvelle famille que je peux protéger, avec qui je peux construire quelque chose. Parce que j’ai réussi à me persuader qu’un jour, je serais vengé. Demain, dans un an, dans dix ans. Peu importe. Ca viendra.
• Steilacoom – printemps 1997.
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Parce que ouais, j’ai bien pigé depuis le début que ma famille et moi, on était un peu différents des autres. Avec nos fringues de l’armée du salut jamais vraiment à notre taille et notre peau un peu trop foncée. Mes deux petites sœurs et moi, on se fait souvent emmerder à l’école, mais on en parle pas à papa et maman. Parce qu’ils ont déjà assez de problèmes comme ça. Alors on se serre les coudes, tous les trois. Et quand on nous cherche des poux, on trouve toujours un moyen de répliquer sans que ça nous retombe dessus.
Mais là, du haut de mes huit ans, il se passe un truc différent. Parce qu’Aleesha est pas comme les autres non plus. Bon, elle essaie de me prendre la main, mais faudrait voir à pas déconner quand même. Manquerait plus qu’elle me demande de lui faire un bisou. Enfin, c’est rigolo de voir à quel point sa main toute blanche contraste sur la mienne. Je trouve ça joli. Surtout toutes les tâches de rousseur. «
Et je l’entraine avec moi sur la plage. On va même jusqu’au port et je lui montre le bateau de pêche de papa. Il est en train de réparer ses filets et nous montre même comment faire. Et j’aime bien. Etre sur le bateau, voir l’horizon juste sous notre nez. Sentir cette odeur qui me quittera vraiment jamais. C’est un truc de famille a dit papa, même si je suis pas sûr de bien piger de quoi il parle. Ptet parce que son père et son papi avant lui faisaient déjà la même chose. Et qu’il attend aussi que je devienne pêcheur. Il a dit quoi déjà ? Ah ouais, que j’ai ça dans le sang. Ouais, moi aussi je trouve ça bizarre comme expression. Et maman de son côté montre aux filles comment s’occuper de la petite boutique, juste en-dessous de l’appartement.
• Steilacoom – Automne 2003.
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Je fronce les sourcils alors que j’entends les rires des autres gamins du collège. En temps normal, j’aurais déjà trouvé une répartie cinglante qui les aurait laissés probablement bouche bée – sans exagération aucune – mais là, je suis pas trop d’humeur. Aleesha m’a annoncé, quelques jours avant la rentrée, que ses parents déménageaient. Un commerce de plus qui a fermé dans notre petite ville, faute de fric. Et sa mère a trouvé du boulot comme femme de ménage à Seattle. Pas question de faire les allers-retours tous les jours, alors elles vont toutes les deux vivre chez sa tante.
Elle est partie et merde, ça fait un vide. Je pensais pas à ce point-là en vrai. Mais je dois ranger tout ça dans un coin de ma tête, parce que clairement, j’ai d’autres priorités. Aller en cours, essayer de suivre tant bien que mal. Rentrer. Aider papa avec sa pêche du jour. Tenir le magasin pour aider maman. Réparer les filets. Aider à retaper le bateau.
J’ai pas une minute à moi. Genre jamais quoi.
Du coup, j’ai pas masse de potes. En vrai, ça me dérange pas tant que ça. Probablement parce que j’ai pas le temps de m’en soucier. On traine toujours à trois ou quatre en cours, à la cafét et quand on fait du sport. Mais c’est plus pour se serrer les coudes contre des petites brutes du genre de Richie que parce qu’on est vraiment amis quoi. Enfin, ça crée des liens de finir dans une benne à ordures, je dis pas et j’aime passer du temps avec eux. Juste que ouais, c’est pas comme avec Aleesha.
Je tourne la rue pour aller en direction du port pour m’arrêter quand je vois cette tête de con accompagnée de ses deux sbires. «
Forcément, mon père m’engueule parce que je suis à la bourre. Avant de grimacer quand il voit les traces de coups. Pas besoin de faire de commentaires. C’est pas comme s’il pouvait réellement faire quelque chose. Alors, à défaut de pouvoir m’aider pour ça, il m’apprend ce qu’il sait.
Tiens bon la barre Dean ! Ou un truc du genre.
• Steilacoom – Eté 2007.
Franchement, j’y croyais pas. Et j’avoue que j’étais pas peu fier quand j’ai monté l’estrade sous les applaudissements de mes parents pour aller récupérer mon diplôme. Le premier de la famille parait-il. Mes grands-parents sont tellement heureux de voir ça et blabla… Voyez le genre quoi. Petite fiesta entre copains après la remise de diplômes, parce qu’avec le temps, j’avais réussi à me faire ma place sans avoir à subir constamment la connerie des autres. Par ma bonne humeur, mon sourire et probablement aussi parce que j’avais pris 20 cm, que j’étais capable de soulever des caisses de poissons sans sourciller et que je pouvais mettre des bonnes mandales si on me prenait trop la tête.
Alors ouais, j’étais pas le mec le plus populaire du bahut, je laisse toujours ça à Richie tête de con, mais avec mon groupe de cassos, on avait tenu bon. Et on s’en est bien sortis je trouve. J’ai même eu droit à ma petite copine au lycée, avec toutes les premières fois qui vont avec. C’était plutôt cool. Même si je sais qu’elle partira à l’université sans même un regard derrière elle. Et à sa place, je ferais pareil.
Parce qu’on y est. Les potes qui partent. Qui ont eu une bourse parce qu’ils ont été meilleurs que moi, plus assidus, ou qui ont tout simplement les moyens. Et ceux qui restent sur le bas-côté. Parce qu’il y a un commerce familial à faire tourner. Ma vie doit se tourner vers la pêche. Sauf qu’avec les années, j’ai fini par piger que, si j’aimais ça, j’avais envie… d’autre chose. Sans forcément arriver à mettre le doigt dessus. Oh, je fais le boulot hein. Je le fais même plutôt bien. Et j’essaie de pas trop me formaliser de la pression que le paternel met sur mes épaules à dire que je dois faire mieux que lui ou que son père. Qu’il attend beaucoup de moi. Je peux pas dire non plus que je suis malheureux, loin de là. Juste que ouais, ptet qu’ailleurs, ça pourrait être sympa aussi.
• Seattle – automne 2013.
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Je fronce les sourcils quand je vois une main constellée de tâches de rousseurs se poser sur la mienne pour m’aider à ramasser mes livres. Et je relève la tête brusquement, mon cœur ayant un raté quand je la reconnais. «
• Seattle – printemps 2014.
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Sa mère, qui affirme qu’elle est pas raciste parce qu’elle s’entend très bien avec ses collègues mexicaines, espère toujours vaguement que je suis juste une passade. Mes parents ont peur du moment où Aleesha sera plus importante que l’entreprise familiale. Sauf que c’est déjà le cas. «
• Steilacoom – octobre 2015.
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Je sais que ça va poser souci. Parce qu’avec la mort de mon grand-père l’année dernière, papa s’attendait déjà à ce que j’abandonne ma lubie de vouloir étudier pour revenir à la maison. Il a caché sa déception, mais je le connais assez pour savoir ce qu’il avait dans la tête.
Fait chier.
Un soupir, alors que je vais trouver un peu de courage en prenant Aleesha dans mes bras. J’ai peur qu’ils disent qu’elle m’a retourné la tête. C’est ptet pas entièrement faux. C’est elle qui a réussi à me convaincre que j’étais capable de faire plus. Si j’en avais envie. C’est elle qui m’a dit qu’elle était prête à revenir vivre ici aussi si c’était ce que je voulais faire. Et là, je sais que c’est à moi de décider. De choisir quel chemin je vais suivre.
C’est comme ça qu’on se retrouve tous ensemble dimanche midi, autour du repas familial. Et que, avant même que j’ai le temps de trouver mes mots, on entend des coups de sifflet à l’extérieur.
Visiblement, le destin a décidé à ma place du chemin à suivre.
• Steilacoom – octobre 2015.
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Il nous a fallu quelques heures à peine avant de comprendre ce qui se passait. Je me souviens encore avoir assisté à une… attaque. Dans la rue. Certains ont murmuré qu’ils avaient la rage. D’autres une maladie inconnue. Je saurais pas dire ce que c’était et, au fond, c’est pas comme si c’était vraiment important. On a surtout vu une gamine de 15 ans à peine se faire sauter dessus et hurler alors qu’un type commençait à la bouffer. Les flics ont tiré, le mec est tombé qu’au moment où il a pris une balle dans la tête. Et, après quelques minutes, la gamine s’est relevée à son tour, sautant sur un des flics.
Et tout ça, on l’a vu derrière la fenêtre de l’Eglise, bien planqués. Je suis pas du genre lâche mais là, j’étais trop sur le cul pour arriver à faire quoi que ce soit. Un vrai cauchemar, sauf que c’était bien réel.
Les jours se sont enchainés, alors qu’on s’organisait avec les flics. Enfin, façon de parler. On faisait ce qu’ils nous disaient, en évitant bien de sortir quand c’était pas nécessaire. Les cris dehors ont fini par s’arrêter. Tout comme les infos à la télé ou à la radio. C’est comme si on était coupés du monde. Enfin, avec le recul, c’est surtout qu’il y avait ptet plus de monde auquel se raccrocher.
«
Après une semaine sans la moindre nouvelle de leur part, on a compris ce qui clochait.
Les flics sont jamais revenus.
• Steilacoom – Eté 2016.
Au final, on a jamais vraiment su pourquoi. Avec le recul, peut-être qu’ils ont fui, qu’ils se sont fait bouffer. Dans tous les cas, difficile de leur en tenir rancune. Et on avait surtout autre chose à foutre, avec toutes ces bouches à nourrir. Heureusement, le père Jeshoa a pris le relai. J’avoue, je suis pas particulièrement croyant et avec ce qui s’est passé, j’ai encore plus de mal à croire qu’il peut y avoir un Dieu au-dessus de notre tête. Enfin, passons. Peut-être qu’un jour, j’aurais la révélation, allez savoir.
Je crois surtout en moi. En mes capacités. En celles des autres.
Et autant dire que ça a été un vrai acte de Foi durant les mois qui ont suivi. On a dû apprendre à survivre, ensemble. Puiser dans des ressources qu’on imaginait même pas avoir. Apprendre à gérer les pourris au quotidien, passer outre le dégoût de devoir tuer des anciens voisins, se dire que c’était pour qu’ils reposent en paix.
Très vite, on a été utiles avec papa. Avec le chalutier, on est repartis en mer dès qu’on a réussi à sécuriser un quartier. Le poisson et les autres ressources ramenées nous ont évité de crever de faim et, petit à petit, on a fini par sortir la tête de l’eau. Je me souviens quand même des premières sorties en mer. Des pourris qu’on charriait avec le poisson. De la bouffe qu’on a dû jeter parce qu’elle était contaminée. De Jordan, qui a été mordu en ouvrant un filet.
Ce qui était cauchemardesque au début a fini par devenir… habituel. Et la vie est devenue plus douce. C’était même pas si mal au final. Vraiment pas si mal. Aleesha est tombée enceinte en début d’année 2017 et j’avoue que ouais, j’étais plus que content à l’idée d’être papa, même dans ce monde de merde. Sauf qu’elle a perdu le bébé après quelques semaines. Mais ça m’a conforté dans l’idée que la vie continuait. Et qu’on pourrait construire quelque chose.
• Steilacoom – Eté 2018.
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Mais j’avoue que j’ai envie, besoin plutôt même, de savoir comment ça se passe ailleurs. Ptet pour me rassurer, pour savoir aussi comment les autres communautés fonctionnent. Oh, on se démerde plutôt bien hein. Probablement parce qu’on a toujours été doués pour la débrouille. L’avantage d’avoir du mal à arrondir les fins de mois depuis genre… toujours. Et puis, on a un vivier de bouffe inépuisable avec la pêche, même si ça implique parfois de passer de longues journées en mer sans pouvoir revenir tant que les cales sont pas pleines.
J’ai un soupir, me frottant le visage à deux mains. «
• Steilacoom – Hiver 2019.
J’ai un rire alors que le verre d’Axelle claque sur la table en même temps que le mien. Aleesha lève les yeux au ciel avant de déclarer forfait et d’aller se coucher, alors qu’on continue de parler avec le maitre-chien. Elle m’a raconté la vie à Seattle et, au final, je me dis qu’on est quand même super bien lotis ici. Et, à force de papoter avec la brune, même si elle reste que quelques semaines, même si les autres membres du groupe ont du mal à accueillir une nouvelle tête, je me dis que les coups de foudre, ça existe aussi en amitié. Alors ouais, j’avoue regretter son départ, même si je dois probablement être le seul. Enfin avec Jeshoa quoi.
Sauf qu’on a pas trop le temps de s’appesantir sur le sujet. Ou de se prendre la tête sur le fait d’accepter ou non des étrangers au sein de notre groupe. Je vous laisse deviner dans quel camp j’étais hein. Mais, alors qu’on s’enfonce dans l’hiver, on a un groupe d’émissaires qui débarquent. Dans le genre propres sur eux, le sourire colgate et j’en passe. Les mecs ils nous ont vendu leur came comme des sacrés marchands de tapis. Franchement, c’était impressionnant, y a pas à dire. Presque autant que les types tirant la gueule et armés jusqu’au cou qui se tenaient derrière eux pendant qu’ils jouaient au marchand de tapis.
Et c’est comme ça que je me retrouve à regarder les photos étalées sur la table qu’ils nous ont laissées en nous précisant revenir dans quelques jours pour avoir notre réponse. On est une petite dizaine dans la pièce. Certains diraient qu’on est genre les piliers de la communauté. C’est ptet le cas, je sais pas trop. Disons que mon père et moi on ramène plus que notre part de bouffe alors ouais, ça fait de nous des gens influents. Un truc du genre. «
Le silence s’est fait à sa remarque. Et j’ai une longue inspiration. «
• Clallam Bay – Printemps 2020.
Depuis combien de temps je fixe le vide ? Difficile à dire. On m’a dit qu’avec le temps, ça finirait par passer, par être moins douloureux. Mais c’est des conneries tout ça. Y a un truc marrant par contre. Des fois, je me réveille et j’ai … oublié. Ca dure que quelques secondes en fait. Juste le temps de me tourner pour la chercher dans le lit. Et pour y trouver que le vide.
Je soupire, me frottant l’épaule alors que la douleur continue de pulser de temps à autre. Les secondes, les minutes s’égrènent, alors que je ferme les yeux et que j’inspire longuement, regardant la brume qui commence à tomber autour de moi.
Quand est-ce que c’est arrivé déjà ? Y a un mois ? Deux ? Une éternité ? Franchement, j’en ai pas la moindre idée. Je me souviens du navire qui nous a abordés, alors qu’on arrivait en vue de Clallam Bay, notre destination.
Je me souviens de l’abordage, par les pirates. Ca a été un de ces moments, où le temps est comme suspendu. Où chaque seconde semble durer une éternité. Ils ont voulu faire un exemple. Un putain d’exemple. Et, avant que je pige ce qui se passait, mes parents étaient par terre, une balle dans la tête chacun.
Rapide. Violent.
Un cauchemar.
J’ai même pas réussi à hurler. Je suis resté comme figé. Et peut-être que, si j’avais dit ou fait quelque chose, tout le reste aurait été différent. Pas forcément pire ou meilleur. Juste différent. Parce que c’est Aleesha qui a hurlé à ma place, qui s’est retrouvée à genoux devant eux en suppliant un Dieu qui clairement n’en a absolument rien à foutre de nos gueule, de faire quelque chose.
Et c’est là que Jack a parlé.
Ils nous laisseraient en vie, contre des … contributions. Nos ressources. Absolument tout ce qu’on avait. Y compris la jolie petite rouquine.
La suite, c’est Jeshoa qui me l’a racontée. Parce que c’est comme si mon cerveau avait décidé de se faire la malle. Il m’a dit que je me suis précipité sur lui au moment où il posait l’épaule sur ma femme, que je me suis fait éclater au sol par deux types sans pouvoir faire quoi que ce soit et que Jack lui-même m’a planté contre le mur, enfonçant une lame dans mon épaule pour m’épingler.
J’ai retrouvé mes esprits quelques heures plus tard, quand tout s’était calmé. Et il m’a fallu du temps avant de comprendre que j’avais tout perdu. Absolument tout.
Mes parents. Mon autre sœur, Tiana, qu’ils avaient aussi embarquée.
Et Aleesha.
Ma mâchoire se contracte et je ferme les yeux quelques secondes pour éviter de me mettre à pleurer. En vrai, je suis même pas sûr que je sois encore vraiment capable. Quand je relève la tête, c’est pour voir le putain de bateau de Jack se rapprocher de nos côtes. Evidemment, mon regard se fige sur la proue. Et je replie mes genoux contre moi alors que j’arrive plus à respirer, que j’ai de nouveau l’impression que mon cerveau va se faire la malle. C’est la main de Jeshoa sur mon épaule qui me ramène – un peu – sur terre. «
Le corps de la seule femme que j’ai aimée qui sert de déco à la proue de ce putain de navire. J’ai pas arrêté de me demander comment elle avait fini par en arriver là et franchement, aucune des réponses était supportable.
Finalement, je sens des larmes rouler sur mes joues. Et je les essuie du revers de la main. «
• Clallam Bay – Eté 2021.
J’ai un froncement de sourcils alors que je repose le filet de pêche que je viens de finir de rapiécer. Jeshoa vient de m’annoncer qu’ils sont en train de débarquer. «
J’imagine qu’il essaie de dire ça pour calmer le jeu, pour me rassurer ou je sais pas quoi du même genre. Sauf que ça a l’effet inverse. Je me relève d’un bon, balançant le filet au sol d’un geste rageur. «
En temps normal, j’arrive à garder la face. A faire comme si tout allait bien. Je motive les gens de mon groupe et, si un type qui a tout perdu comme moi continue, ça incite les autres à le faire. La plupart de mes sourires sont pas factices, parce que j’aime cette communauté. Après tout, c’est la mienne depuis toujours ou presque. Sauf que le manque est toujours là. Que rien n’y fait. Et qu’à chaque fois que ces fils de pute sont sur le retour, j’ai comme une bouffée d’angoisse qui m’envahit.
Et ça manque pas. Jeshoa essaie de me raisonner, avant de faire la connerie habituelle de rappeler ce qu’on a déjà perdu. Comme si ça résonnait pas en boucle dans mon esprit. Finalement, je me casse en tempêtant, avant de revenir pour filer un coup de main. Parce que Jack tient à ce que je sois présent. A chaque fois. Même si on l’a pas revu. C’est son second qui m’a raconté ça.
Quelle merde.
• Crescent Bay – Eté 2022.
«
Ma main se pose un instant sur le bastingage et j’ai un soupir silencieux, alors que ces derniers mois semblent comme me revenir en pleine gueule, d’un coup. La situation s’est faite de plus en plus tendue avec mon groupe. J’arrivais toujours pas à oublier, à tourner la page comme ils disaient si bien. A croire que je mets trop de temps à faire mon deuil. Les gens sensibles, quelle plaie je vous jure.
Alors, quand ma route a recroisé celle de Lex, c’est comme si les pièces du puzzle s’étaient emboitées d’un seul coup. Il m’a pas fallu longtemps pour avoir envie de rejoindre son groupe et j’ai mis en avant mes talents de pêcheur pour montrer que je serais utile. Il m’a fallu encore moins de temps pour commencer à me sentir très vite … bien. A ma place. Chez moi d’une certaine façon. Autant dire que c’était bizarre comme sentiment. Et que je me suis potentiellement senti un peu coupable d’avoir besoin de quitter tout ce qui me rappelait Aleesha pour arriver à sortir la tête de l’eau. Sauf que ça a plutôt bien marché. Surtout avec ce lien d’amitié quasi fraternel que je me suis découvert avec Yulia et Lex. Un truc évident, simple, loin de tout ce qui me pourrissait le crâne depuis des années.
Et j’ai presque cru que j’en aurais fini avec ces putains de pirates. Jusqu’à ce que je vois le bateau qu’ils nous ont ramené. Que je vois l’état des filles. Alors j’ai pigé. Que je pourrais jamais vraiment leur échapper et que le seul moyen d’y arriver, ce serait la mort. La leur. Ou la mienne. Dans un cas comme dans l’autre, au moins, ce sera une affaire réglée. Même si ouais, j’aimerais autant que ce soit pas la seconde option.
• Crescent Bay – Hiver 2023.
Putain, si on me l’avait raconté, je crois que je l’aurais jamais cru. Que ce soit ce mariage totalement improbable célébré sur le pont du navire, ce moment totalement hors du temps et le regard brillant de Lex. Bon en vrai, ça j’aurais pu le croire. Et si on s’était limités à cette histoire, ça aurait même été carrément cool. Si on oublie les petits détails techniques, du genre les faux mouvements, les gens à la flotte. Ouais bon, passons.
Parce qu’il y a eu le reste.
Je les ai vus, à l’aube. J’ai tout de suite compris ce qui se passait. Malheureusement.
Parait que la vie n’est qu’un éternel recommencement. Ou une merde du genre. Bah franchement, je m’en serais bien passé. J’ai pas vraiment eu tous les détails de ce qui s’est passé sur la péniche. Faut dire que l’histoire, je la connaissais déjà, dans les grandes lignes en tout cas. Pas comme si ces connards étaient particulièrement imaginatifs.
Et tout a basculé. Une fois de plus.
Pour un peu, j’aurais presque pu croire que tout allait recommencer, exactement de la même façon. Surtout avec Yulia et Lex parties je sais pas où depuis des mois. Surtout avec le regard de Valerian, brisé par les évènements. Je me suis dit que Jack et sa foutue bande avaient encore réussi leur coup. En plus, je suis sûr que ce fils de pute a été ravi de me piquer mon bateau. Ah ouais, pardon, de le réquisitionner. Qu’il aille bien se faire foutre.
Quand je pensais que ça pourrait pas être pire, que ce serait comme avec mon ancien groupe, genre une espèce de statut quo bâtard qui nous permettrait de survivre, bah je me suis rendu compte que je me fourrais le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Au moins.
Parce qu’ils ont débarqué en pleine nuit, pour nous faire attaquer… des alliés. Alors perso, je les connaissais pas plus que ça, mais faut pas être un génie pour voir à quel point Jack a bien réussi son coup, même si au final, les Fuckers ont réussi à déjouer l’attaque. Faire s’entredéchirer des alliés, éviter qu’ils soient trop forts en oeuvrant de concert. Ca, il sait bien faire.
Et autant être honnête, pendant une seconde, je me suis demandé si ça valait la peine de continuer. Si c’est pour que tout recommence encore et encore, franchement, à quoi bon ?
Mais ça, c’était parce que je savais pas encore sur qui j’étais vraiment tombé.
Et peut-être que cette fois, c’est la bonne.
Si votre personnage est
Quoi ? Je vais pas dire non à un RP mjité ! |
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Re: Dean "Echo" Harris
Dim 26 Mar 2023 - 13:16
Reuh Bienvenue par iciiiiiii
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- Axelle M. Parker
- Modératrice | Corbeau énervé
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Re: Dean "Echo" Harris
Dim 26 Mar 2023 - 14:20
Re-bienvenue chez toi, bon jeu avec ta nouvelle bouille
- Riley Tejera
The Rogues | Leader
Modératrice | Riri La Furie
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Re: Dean "Echo" Harris
Dim 26 Mar 2023 - 14:27
Re bienvenue !!!!!
- Otis A. Copeland
Expendables
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Re: Dean "Echo" Harris
Dim 26 Mar 2023 - 14:33
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